close
    • chevron_right

      Luc Themelin : « Notre présence internationale fait notre réussite »

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:45 · 5 minutes

    luc themelin

    Par Guillaume Périgois.

    Spécialiste de l’électrique et des matériaux avancés, présent dans 35 pays, Mersen déploie 55 sites industriels et 16 centres de R&D dans ses domaines d’expertise (graphite, carbure de silicium, composants électriques).

    Ayant développé un ensemble de matériaux et de solutions pour faciliter la conduction, le stockage, l’isolation de l’énergie électrique et la protection des équipements dans des environnements hostiles, Mersen fournit les industries de l’énergie renouvelable et conventionnelle, de l’électronique, de la chimie et des transports – de l’automobile au spatial.

    Créée en 1891 à Pagny-sur-Moselle, l’entreprise plus que centenaire a aujourd’hui 6800 collaborateurs et a réalisé 950 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, dont les deux-tiers hors d’Europe.

    Contrepoints : Quel est l’impact de la COVID-19 sur le groupe Mersen ?

    Luc Themelin : Le choc le plus important est derrière nous. Mersen réalise un tiers de son chiffre d’affaires en Asie. Nos activités en Chine et sur le reste du continent ont été touchées en février 2020. Le groupe fonctionne historiquement de manière décentralisée : nous suivions l’évolution de nos activités au quotidien mais les équipes de notre dizaine d’usines locales ont su gérer la pandémie. L’essentiel des perturbations a duré un mois.

    La pandémie a ensuite atteint l’Europe à la mi-mars. Que ce soit en Italie, en Espagne ou en France, avec l’appui du siège pour l’approvisionnement en masques, ce sont à nouveau les équipes locales qui ont géré au mieux la situation en suivant les différentes mesures mises en place par leurs gouvernements respectifs.

    Le résultat est que, du point de vue du groupe, nous avons toujours eu 85 % de nos usines qui tournaient tout au long de la crise. Quand la situation était mauvaise en Europe, elle était meilleure en Asie.

    La demande a bien sûr baissé et notre chiffre d’affaires s’est contracté de 20 % en avril et en mai mais Mersen a su amortir et gérer la pandémie. L’étalement géographique de nos marchés et la décentralisation de notre prise de décision ont été nos meilleurs atouts.

    Malgré la préférence relative des Français pour la baisse des barrières commerciales , le pays est parfois présenté comme rétif à l’ouverture internationale. La dimension globale de Mersen est un atout en temps de pandémie, mais qu’en est-il en temps normal ?

    Luc Themelin : Nous sommes des internationaux convaincus. Historiquement, nous nous sommes implantés en Allemagne et aux États-Unis dès les années 1900. Nous avons dix usines en France dont les exportations couvrent le marché européen.

    Nos usines chinoises n’ont pas été créées en lien avec la fermeture d’une usine française. Il n’y a pas de crainte de délocalisation en interne. Nos usines en Asie desservent leur marché régional. Quand il y a une restructuration, c’est parce que le marché local évolue ou que la demande baisse.

    Les Français ne sont pas contre l’international. Notre marché domestique est relativement restreint : si les entreprises industrielles françaises vivent, c’est grâce à la demande internationale.

    Il faut comprendre que tourner le dos à l’international, c’est rester à la marge des évolutions technologiques. Mersen est bien placé sur les innovations en semi-conducteurs aux États-Unis ; les machines sont exportées en Chine et en Corée, ce qui booste nos ventes.

    Pour une industrie, ne pas être à l’international, c’est perdre ses clients année après année et se condamner à disparaître. Il faut capter l’innovation là où elle est et être implanté où les marchés sont dynamiques.

    Et ce n’est pas seulement bénéfique au niveau régional. Pour prendre l’exemple des nouveaux semi-conducteurs, l’innovation a démarré d’une société américaine et s’accélère grâce à une industrie de véhicules électriques très dynamique aux États-Unis (Tesla).

    Mais le marché mondial étant de plus en plus gros, cette entreprise américaine ne peut répondre seule à la demande. Ces cinq dernières années, deux entreprises – l’une allemande et l’autre franco-italienne – ont démarré la production de ces éléments.

    Étant donné que Mersen travaille avec la société américaine depuis 25 ans, nous sommes prêts avant nos concurrents à livrer aussi ces sociétés européennes. En ayant démarré dans un marché en amont, nos équipes peuvent réagir tout de suite quand il évolue ou quand il se crée ailleurs.

    L’aéronautique est un autre exemple. Mersen collabore depuis longtemps avec le français Safran, l’européen Airbus et l’allemand Liebherr. Cela nous a permis d’être plus performant aux États-Unis. Et peut-être un jour en Asie quand cela arrivera.

    L’environnement règlementaire actuel gêne-t-il le développement international de Mersen ?

    Luc Themelin : Les règles ne sont pas toujours les mêmes partout. Les lois apparaissent d’abord à Bruxelles plutôt qu’à Washington ou Beijing, bien sûr. Et l’Europe est plus stricte en rejetant certaines consolidations d’entreprises européennes entre elles. Les entreprises allemandes paient beaucoup moins de charges que les entreprises françaises, ce qui ne nous aide pas.

    Mais l’important est d’avoir des espaces ouverts avec les mêmes règles, sans aide de l’État, en Asie, en Europe et ailleurs. A partir du moment où les règles du jeu sont établies et respectées, il n’y a pas de soucis dans la compétition à l’international. J’ai suffisamment fait de sport pour ne pas aimer les gens qui ne suivent pas les mêmes règles.

    Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation est publié par Librairal et est gratuitement accessible.

    • chevron_right

      Larry Flynt : l’antidote contre la sexophobie

      Daniel Borrillo · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:40 · 4 minutes

    larry flynt

    Par Daniel Borillo.

    Larry Flynt nous a quittés et avec son départ l’Amérique perd l’un des plus grands défenseurs de la liberté d’expression mais aussi un redoutable homme d’affaires qui a fait fortune grâce à sa capacité de travail, son talent et son sens aigu du commerce.

    Connu surtout comme pornographe , il a combattu l’hypocrisie de la société américaine en engageant une lutte politique pour la liberté de caricaturer. Celle-ci l’a notamment mené en 1988 devant la Cour suprême contre le pasteur ultraconservateur Jerry Falwell pour l’avoir montré comme un ivrogne incestueux ou encore en critiquant fortement les médias américains qui ont refusé de publier les caricatures de Mahomet après les attentats de Paris en 2015.

    En France, le combat contre la liberté d’expression était jusqu’à récemment le monopole des associations religieuses. Il suffit pour ce faire de se souvenir de certaines affaires : la tentative de censure du film Je vous salue Marie de Godard en 1985, de La dernière tentation du Christ de Scorsese en 1988 ; ou les attaques à l’affiche du film Larry Flynt ; ou encore lorsque le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à l’association Croyances et libertés (instrument de l’épiscopat) en ordonnant l’interdiction d’affichage d’une publicité pour une marque de vêtements mettant en scène sensuelle un groupe de femmes représentant La Cène de Léonard de Vinci.

    Une nouvelle forme de conservatisme contre la liberté d’expression

    Aujourd’hui, une nouvelle forme de conservatisme met en danger la liberté d’expression. En effet, depuis la fin des années 1970, le collectif américain Women Against Pornography demande l’interdiction de la pornographie au nom de la dignité et de l’égalité des femmes et quelques années plus tard, les principales figures féministes du collectif n’hésiteront pas à s’associer avec Ronald Reagan dans une croisade contre la pornographie en considérant cette pratique à l’origine des crimes sexuels et des comportements asociaux 1 .

    En France, à l’exception notable du Planning Familial, la majorité des associations féministes s’est mobilisée pour l’ abolition de la prostitution et la pénalisation des clients , cristallisée dans la loi de 2016.

    Les arguments du féminisme anti-libéral arrivent ainsi avec force en France également contre la pornographie. L’entreprise est d’autant plus redoutable que ce féminisme radical a permis de sortir les questions sexuelles du registre de la morale en fournissant des arguments considérés comme plus raisonnables surtout dans un État laïc. On est ainsi passé du harcèlement sexuel au harcèlement à la sexualité.

    C’est justement la sexualité telle qu’elle est et non pas telle elle devrait être qu’a voulu montrer Larry Flynt et, partant, il s’est attaqué au pouvoir au sens foucaldien du terme, c’est-à-dire non comme un instrument ou une propriété détenus par un appareil d’État ou par certains individus mais comme l’ensemble des relations stratégiques dont le but serait les actions sur les autres permettant ainsi de diriger et de modifier leurs conduites, ou encore de structurer leur champ d’actions possibles.

    Le pouvoir qui réprime la sexualité

    Pour cela, le pouvoir politique va s’imbriquer étroitement avec le savoir. Certes, le propre du pouvoir est de réprimer. Dans le domaine de la sexualité, il réprime le plaisir, les énergies inutiles, l’intensité des plaisirs, les conduites irrégulières.

    La pornographie est menacée et avec elle non seulement la liberté d’expression mais aussi le respect de la vie privée. Et cette menace provient non seulement des ennemis traditionnels tel le discours religieux, le conservatisme moral des bonnes mœurs ou l’hygiénisme sexuel (la psychiatrisation du désir pervers) mais aussi et surtout des ennemis émergents tels que la panique morale, le discours psychanalytique et le féminisme radical.

    Contre ces nouvelles formes de puritanisme et de sexophobie, les garants de la liberté sexuelle demeurent à la fois la protection de la privacy et de la liberté d’expression. Rappelons ce que la CEDH affirme dans le célèbre arrêt Handyside c./Royaume-Uni :

    « La liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population ».

    En montrant la sexualité dans sa dimension inquiétante, Larry Flynt a rompu avec le sens univoque que les conservatismes de toute sorte souhaitent donner à la sexualité. Par son combat il a dit haut et fort que l’individu adulte dans ses relations librement consenties demeure le seul juge de sa sexualité et de ses fantasmes érotiques.

    1. Rapport Meese du nom du procureur général des USA sous la présidence Reagan.
    • chevron_right

      Hainan : la première île écolo-nucléaire ?

      Michel Gay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:35 · 3 minutes

    Hainan

    Par Michel Gay.

    L’île de Hainan au sud de la Chine souhaite créer une zone pilote de développement d’énergies propres pour devenir la première île écologique en augmentant la part du nucléaire comme principale source de production d’électricité pour se substituer au pétrole, au charbon, et au gaz.

    Décarboner l’île

    La politique énergétique consistant à se retirer du pétrole, du charbon et à réduire la production onéreuse d’électricité à partir du gaz qui ne correspond pas à l’objectif affiché de neutralité carbone, a fait l’objet d’un consensus sur l’île de Hainan selon les Nouvelles nucléaires de Chine publiées début février 2021 par l’ambassade de France en Chine.

    Mais le développement des filières éoliennes et solaires est soumis à un stockage massif d’électricité encore inexistant. Elles ont aussi leurs propres contraintes (productions fatales variables ou intermittentes) et une faible densité énergétique par unité de surface, ce qui est un problème sur une île de 34 000 km2 densément peuplée où vivent près de 10 millions d’habitants.

    Une étude locale a conclu que le recours accru à ces énergies dépendant du vent et du soleil ne permettrait pas de répondre aux besoins de l’île, provoquerait des conflits liés à l’usage des sols, et compromettait son écosystème et ses paysages naturels. Le parc éolien et solaire restera donc identique dans les années à venir.

    Le nucléaire comme solution

    Selon le souhait des autorités chinoises, le nucléaire représentera donc une part importante de la production d’électricité de Hainan en devenant une zone pilote de développement d’énergies propres comme le nucléaire pour viser une île écologique. Le nucléaire sera alors la principale énergie ajoutée sur l’île pour la période 2026-2035.

    Le Hainan possède déjà deux réacteurs nucléaires de 650 mégawatts (MW) en fonctionnement et accueillera deux autres réacteurs Hualong 1 de 1150 MW chacun sur un des nombreux sites dédiés disponibles sur l’île ce qui portera la puissance nucléaire installée de 1300 MW à 3600 MW.

    Première île écolo-nucléaire au monde

    Il y a bien eu un essai 100 % renouvelables pour la production d’électricité sur l’île d’El Hierro (ouest des Canaries) à partir d’éolien et d’hydraulique, mais ce fut un échec financier et technique.

    Entre 2015 et 2018, la part de consommation du diesel (fioul lourd) a oscillé entre 44 % et 70 %. En 2019, elle était toujours de 46 % ( 54 % pour les renouvelables ).

    La Grande-Bretagne envisage toujours la construction d’ une dizaine de réacteurs nucléaires dans les prochaines années pour diminuer sa consommation de gaz et de charbon.

    Même l’Irlande pourrait se tourner vers le nucléaire selon le site Wnn news du 9 février 2021 .

    En effet, le groupe de professionnels irlandais « 18 for 0 » vise à introduire 18 % de production nucléaire sur l’île pour réduire à 0 % la consommation d’énergie fossile pour sa production d’électricité en 2037.

    Il a écrit fin janvier 2021 au ministre irlandais de l’Environnement, du climat et des communications, Eamon Ryan, « pour l’exhorter à envisager l’énergie nucléaire dans les plans du pays afin de réduire les émissions de carbone et pour s’enquérir des projets du gouvernement de mener une étude sur le potentiel de l’énergie nucléaire. »

    À l’horizon 2035, en ayant réellement réduit sa consommation d’énergies fossiles à presque zéro pour sa production d’électricité, l’île de Hainan pourrait donc bien devenir la première île écolo-nucléaire au monde !

    • chevron_right

      En France, les squatteurs ont plus de droits que les propriétaires

      Armand Paquereau · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:30 · 9 minutes

    droits de propriété

    Par Armand Paquereau.

    La négation de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen

    L’article 17 de la DDHC et les articles 544 & 545 du Code civil sont désormais allègrement ignorés, contournés, bafoués. Les récentes et de plus en plus fréquentes accaparations de logements par des squatteurs, en sont l’illustration la plus spectaculaire.

    Ce phénomène qui n’est pas récent, n’a pas été pris au sérieux par les gouvernements précédents. Malgré une médiatisation importante , l’ aggravation actuelle n’incite pas le gouvernement, pas plus que les élus, à réagir pour régler ce problème grave. Ils se réfugient derrière la notion très magnanime de droit au logement pour trouver prétexte à ne pas expulser des individus qui volent impunément le bien d’autrui.

    Ce bien dont les propriétaires acquittent au trésor public des taxes foncières, des droits de cession ou de mutation permet d’abonder le grand tonneau sans fond permettant de payer des allocations de soutien social aux spoliateurs de logements.

    Ces squatteurs très bien renseignés par le site Internet « Guide juridique de l’occupant sans titre » s’organisent pour profiter gratuitement et pratiquement sans risque d’un logement et de son contenu, (un meublé gratuit !) pour une durée variable.

    En effet, si la loi prévoit un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour occupation illégale du bien d’autrui, cette sanction est très rarement appliquée car les prisons sont encombrées et les allocations perçues par les squatteurs sont insaisissables.

    Et quand la force publique est enfin requise après des mois de procédure, celle-ci est réticente à exécuter l’expulsion qui doit être suivie d’un relogement. Le « bon » squatteur préférera squatter un autre logement plutôt que devoir payer un loyer !

    Vers une « soviétisation » de la propriété ?

    La loi du 3 janvier 1992 déclare que l’eau fait partie du bien commun de la nation. Cependant, l’article 641 du Code civil dispose que tout propriétaire dispose des eaux pluviales qui tombent sur son fonds, ainsi que des eaux de sources qui y sont nées.  Cet article du Code civil, modifié par une ordonnance du 18 septembre 2019 devrait s’imposer comme plus récent que la loi de 1992.

    Il n’empêche qu’un propriétaire qui veut créer une réserve collinaire sur ses terres pour collecter les eaux de ruissellement hivernales, régulant l’excédent qui provoque des crues dévastatrices, ne peut le faire sans « l’agrément » des services administratifs, eux-mêmes soumis à l’agrément des associations environnementalistes.

    Ainsi, l’opinion qui approuve sans réserve la collecte et la mise en réserve de l’eau qui tombe sur les toitures, s’offusque et s’oppose le plus souvent contre le stockage de celle qui tombe sur les champs.

    Ainsi, au prétexte que l’eau appartient à tout le monde, on préfère laisser partir à la mer une eau de pluie si précieuse qui pourrait, par l’irrigation, lutter contre les dégâts des sécheresses estivales, permettant de réguler les récoltes en quantité et en qualité pour le bien commun.
    L’eau, bien commun, ne doit plus être utilisée comme propriété individuelle, même si la finalité est le bénéfice commun !

    Les prospectives des conseils gouvernementaux vont plus loin

    Mais la réflexion pour collectiviser les biens privés n’a pas de limites. Si l’air est depuis longtemps considéré comme un bien commun, les limites de propriété étant difficiles à définir, et étroitement surveillées pour des questions de salubrité publique, il est aussi prétexte à taxation (CO2) et restrictions (vignette Crit’Air) qui sont autant d’atteintes à la libre disposition des biens privés.

    Les besoins budgétaires incitent les têtes pensantes des gouvernements à réfléchir sur de nouvelles mesures pour éponger la dette abyssale de la nation. Ainsi France Stratégie , think tank ayant succédé au commissariat au plan récemment régénéré par la nomination de François Bayrou, proposait en 2017 de :

    Rééquilibrer comptablement le bilan patrimonial de l’État, par la voie d’un transfert d’actifs depuis le bilan des agents économiques privés résidents […] L’État décrète qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels, à hauteur d’une fraction fixée de leur valeur, et que ce nouveau droit de propriété est désormais incessible.

    Non seulement cette proposition envisage de spolier les propriétaires d’une partie du terrain qui supporte leurs constructions, mais elle ne propose aucune indemnité, en infraction totale avec l’article 545 du Code civil. Plus encore, elle envisage l’obligation du paiement d’un loyer annuel sur la partie du sol accaparée par l’État.

    Le propriétaire, qui s’acquitte déjà des taxes et impôts qui normalement donnent obligation à l’État d’apporter ses protection et garantie, devient locataire et les loyers impayés éventuels seront retenus lors de la future cession de l’immeuble.

    À l’issue d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale le 27 novembre 2019 par les députés Dominique Potier, Jean-Michel Clément et Jean-Bernard Sempastous, un appel pour une nouvelle loi foncière a été signé par 17 organisations (collectivités territoriales, syndicats agricoles, ONG…). Parmi les neuf mesures proposées, figure en premier plan :

    Inscrire dans la loi le principe selon lequel le sol , comme les autres ressources naturelles, est un « élément du patrimoine commun de la Nation. »

    Cela aura-t-il comme conséquence la dépossession de leurs terres pour les propriétaires ruraux ? Les bailleurs ruraux seront ils privés de leurs fermages ? Les citadins pourront-ils accéder en tout temps et en tout lieu dans les champs agricoles, comme les seigneurs du Moyen Âge, pour des randonnées de loisirs sans avoir à répondre des dégâts aux récoltes ?

    Une nationalisation masquée ?

    L’État-providence se trouve confronté à une impossibilité mathématique. La production nationale ne suffit plus à équilibrer la masse monétaire qu’il distribue pour soutenir l’économie et aider les plus démunis à survivre. S’il continue à distribuer de l’argent qu’il n’a plus, il risque le défaut de remboursement de ses dettes ; s’il cesse de soutenir l’économie et les citoyens, ce sera le chaos, puis la guerre civile.

    Comme il ne peut pas augmenter les impôts pour alimenter ses dépenses, pour rassurer ses créanciers il rééquilibre son bilan. Il regonfle son actif en s’accaparant les actifs de ses citoyens. Les actifs immobiliers ne pouvant se délocaliser sont les premiers visés. Il réalise ainsi un objectif progressiste d’égalité. Pourquoi des citoyens seraient-ils propriétaires et profiteraient d’une rente de situation ?

    Ce rééquilibrage ne tiendra qu’un temps : quand une société distribue plus qu’elle ne produit, la finalité est inéluctablement dans un premier temps l’appauvrissement, puis la faillite. Ainsi, les solutions envisagées vont dilapider en peu de temps des richesses ayant mis des générations à se construire. Un bien est généralement mieux entretenu par celui qui a peiné pour le construire ou l’acquérir que par celui qui l’utilise.

    Comme les solutions proposées ne règlent pas le problème de la production nationale et le déséquilibre de la balance commerciale, et que ce rééquilibrage de bilan ne sera que d’effet temporaire, quelles seront les prochaines propositions ? Confisquer l’épargne des citoyens-fourmis pour la distribuer aux citoyens-cigales ? Cela est déjà prévu par la loi Sapin 2

    Il est temps de rétablir l’ordre et le respect d’autrui et de son bien

    L’Homme est ainsi fait qu’il préfère la carotte au bâton. Le citoyen qui peine chaque jour à produire de la richesse consent à partager le fruit de son travail par le biais de l’impôt. C’est ainsi que la société a progressé en confort, en justice sociale . Grâce à la démocratie, l’État se doit de garantir l’équité, la sécurité et la pérennité de la paix sociale.

    Mais on ne peut que constater chaque jour un peu plus la dégradation de ces critères. J’avais dénoncé dans un précédent billet la position ambiguë de l’État face aux dégradations et à son laxisme dans le maintien de l’ordre public.

    Comment un citoyen peut-il investir ses économies dans l’immobilier si la loi ne lui permet pas de préserver son bien contre la spoliation, les dégradations et la voyoucratie ?

    Comment un paysan peut-il continuer à produire de la nourriture quand des individus s’attaquent à ses animaux, sabotent ses installations d’irrigation ?

    Comment un commerçant peut-il exister quand à chaque manifestation son magasin est pillé, vandalisé, incendié ?

    Comment le salarié peut-il continuer à se lever chaque matin pour aller travailler et payer par ses impôts les allocations sociales du voyou qui a brûlé sa voiture ?

    La loi a imposé le soutien aux citoyens défavorisés, malchanceux, et c’est heureux. La majorité d’entre eux ont assez de sens civique pour respecter la loi et ses concitoyens. Mais la jurisprudence a supprimé tous les moyens de coercition efficace pour dissuader ceux d’entre eux qui se livrent à des actes inacceptables et destructeurs.

    On ne met plus en prison les délinquants même récidivistes, on laisse en liberté surveillée des individus dangereux qui peuvent égorger malgré le bracelet électronique, on ne peut pas diminuer ou supprimer les allocations ou subsides sociaux aux agresseurs, pilleurs de magasins ou brûleurs de voitures…

    Bref, si on est bénéficiaire de minimas sociaux, si on a peu ou rien, on peut voler, détruire, agresser… la punition est hypothétique ! Si on n’a rien, on a tous les droits !

    Et malheur à celui qui, attaqué, a l’audace de se défendre … S’il prend le dessus, blesse ou tue son agresseur, tout sera fait pour lui retirer le bénéfice de la légitime défense et s’il a du bien, on le fera payer !

    Cet article a été publié une première fois le 30 septembre 2020.

    • chevron_right

      Convention Climat : un poison pour l’État, les écolos et la démocratie

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:25 · 9 minutes

    convention climat

    Par Michel Negynas.

    Le président Macron a fait du « sauvetage » du climat un support pour exister sur le plan international. L’accord référent n’est il pas l’Accord de Paris ?

    L’écologisme macronien

    Mais on sent bien que pour lui les questions environnementales sont des sujets parmi d’autres, avec un fort relent électoral. Il est jeune, mais toutefois pas suffisamment pour avoir connu Science Po telle qu’elle est maintenant : un organe de propagande pour écologistes radicaux post-modernistes.

    À beaucoup de détails, on subodore qu’il ne maîtrise pas tous les tenants et les aboutissants de la question, sur le plan technique, peut-être par manque de conseillers technologiquement compétents, et sur le plan sociétal par manque d’intérêt sans doute. À sa décharge, il n’est pas le seul.

    Dans la droite ligne du Grand débat suscité par la crise des Gilets jaunes , il s’est engagé en 2020 dans une Convention sur le climat sans se rendre compte qu’il était sur un terrain complètement différent.

    Les Gilets jaunes n’étaient pas structurés, leur message était suffisamment flou et incohérent pour qu’on puisse en tirer ce qu’on voulait . Avec le Climat, nous sommes dans un monde écologiste hyper organisé, avec son avant-garde radicale rompue aux mécanismes des débats publics, et déjà largement représentée dans les organes décisionnels, ou au moins consultatifs, de nos institutions.

    Ainsi, le Président n’a pas prêté suffisamment attention à l’organisation de la Convention et aux nominations des principaux leaders . L’un des garants de la bonne tenue des débats et de la représentativité des propositions était un militant notoire , et le Président semble n’avoir réalisé que depuis peu à qui il avait affaire.

    Dans une interview accordée à Brut vendredi 4 décembre, il s’est emporté lorsque les journalistes ont évoqué les critiques des membres de la Convention. Il a ainsi déclaré :

    Je suis vraiment très en colère contre des activistes qui m’ont aidé au début et qui disent maintenant « il faudrait tout prendre »[…] Je n’ai pas de leçons à recevoir ! […] Personne n’en a autant fait, depuis dix ans ! […] On a arrêté des projets que tout le monde laissait traîner, Notre-Dame-des-Landes, la Montagne d’or, EuropaCity […] J’ai 150 citoyens, je les respecte, mais je ne vais pas dire, ce qu’ils proposent, c’est la Bible ou le Coran.

    C’est trop tard ; on ne peut, par nature, pactiser avec les activistes, encore moins les utiliser. Le plus on leur en donnera, le plus ils en demanderont, car leur vision du monde n’est tout simplement pas compatible avec la nôtre.

    La Convention climat

    Nous avons souligné sur Contrepoints les biais inhérents à la constitution de cette convention : pseudo tirage au sort, non neutralité des organisateurs, opacité et orientation du choix des conférenciers

    Le contexte plus général des « objectifs pour le climat », totalement inatteignables et surréalistes, a renforcé sans doute aussi le côté hors-sol des débats et des propositions.

    La Convention climat a donc accouché de 149 propositions , la plupart étant les tartes à la crème habituelles des activistes du climat. En fait, si Cyril Dion avait dès le départ écrit lui-même les propositions, elles ne seraient guère différentes…

    Ce n’est pas étonnant, puisque les citoyens « tirés au sort » ont d’abord été fortement « travaillés » par tout ce que la France compte de climatologues catastrophistes. L’effet de groupe, le sentiment de participer à un évènement historique, le sens des responsabilités chez des gens terrorisés par « l’urgence » ont conduit à la surenchère.

    Le seul problème, c’est qu’aucune des propositions n’a fait l’objet d’étude de faisabilité, tant juridique, que technique, économique et surtout sociétale. Malgré cela, le Président a promis de les reprendre « sans filtre ».

    Ce qu’il a plus ou moins fait, sauf que ses services ont quand même du faire le ménage pour proposer des articles de lois confrontés aux réalités. Cyril Dion a aussitôt lancé une pétition pour protester contre une version édulcorée des propositions : une trahison selon lui.

    L’embarras du gouvernement

    L’étalage de mesures punitives , voire liberticides, le retour  de l’écotaxe, tombent plutôt mal dans la conjoncture actuelle. Le gouvernement marche sur des œufs ; ainsi, la plupart des propositions ont été édulcorées, sans que cela n’enlève complètement leur caractère négatif pour le citoyen moyen.

    Le résultat est un tollé des associations écologiques, qui crient à la trahison, et sera sans doute une attaque en règle par les parlementaires et certains secteurs de la société civile.

    Sur un plan technique, devant les protestations de manque d’ambition, le gouvernement a promis une étude montrant que ces mesures, et d’autres déjà prises, pourront remplir l’objectif de réduction de 50 % des émissions de CO2 entre 1990 et 2030… l’exercice s’annonce extrêmement problématique.

    En outre, la promesse d’un référendum sur une modification de la Constitution, renforçant l’exposition de certains acteurs à des poursuites juridiques est tout de même un pari risqué.

    Le bilan pour l’écologisme

    Il est très mitigé. Ils ont obtenu des avancées juridiques aux portées plutôt symboliques ( délit d’écocide ).

    Mais l’irréalisme des propositions ne peut qu’être mis en évidence de façon criante lors des débats parlementaires, surtout au Sénat. Les élus vont avoir à cœur de montrer qu’ils existent, quelles que soient les conventions citoyennes qu’ont leur met sur leur chemin. Même édulcorées, beaucoup de propositions auront du mal à passer comme on le verra en appendice.

    Et l’organisation éventuelle d’un référendum sur l’environnement est un pari risqué aussi pour les écologistes. On sait que cela se transforme souvent en un vote pour ou contre le pouvoir en place.

    En outre, la focalisation sur la loi met en évidence l’attitude des associations extrémistes et peut générer une prise de conscience de la part du public. Nul doute que c’est déjà le cas chez notre Président.

    Et la démocratie dans tout ça ?

    La « démocratie directe » et le « tirage au sort » viennent souvent d’un contresens sur la démocratie athénienne, amplement démontré par Paul Veyne.

    « Si nous revenions  dans l’Athènes antique, nous y retrouverions non pas le demi idéal démocratique des pays occidentaux, mais le climat mental des partis politiques activistes » – Diogène, décembre 1983

    La notion de citoyen à Athènes était très différente de la nôtre. Qu’une part de nos représentants au Parlement soit tirée au sort, afin d’apporter de la diversité dans le personnel politique, pourquoi pas ?

    Mais la constitution de la Convention n’est pas un vrai tirage au sort : ses membres étaient volontaires (comme d’ailleurs les citoyens athéniens) ce qui en a fait, en définitive, de surcroît par le biais d’un conditionnement psychologique, un parti militant.

    Un bilan finalement catastrophique

    En définitive, il est douteux que l’opération de Convention citoyenne pour le Climat (qui était tout de même, vu du Président, un exercice de communication autant qu’une tentative de faire cautionner des mesures contraignantes par des citoyens) profite à qui que ce soit.

    Le principe de réalité a joué et jouera encore contre la radicalité environnementale et ses militants. Mais les promesses du Président ont suscité une loi qui, ménageant la chèvre et le chou, ne peut que mécontenter tout le monde, voire déclencher des mouvements sociaux incontrôlables. La leçon des Gilets jaunes et de la taxe carbone n’a pas complètement été comprise.

    L’histoire retiendra soit une trahison d’un idéal de démocratie directe, soit  la tentative de contournement d’un régime représentatif. Dans les deux cas, la démocratie n’en sort pas gagnante.

    Appendice : les points principaux des propositions de la Convention climat :

    • Obligation d’affichage d’un « score CO2 » sur les produits. Ceci est tout à fait dans la lignée d’une méthode favorite des radicaux : le name and shame . Que le calcul du  contenu CO2 d’un produit ou d’un service soit un sujet très technique et coûteux, inaccessible aux petits acteurs si on veut le faire correctement ne semble pas être un problème… gageons qu’il donnera lieu à d’intenses débats d’experts qui empoisonnerons pour longtemps les relations entre le gouvernement et les fédérations professionnelles.
    • Interdiction de la publicité pour les énergies fossiles : la Convention voulait l’interdiction pour les produits utilisant les énergies fossiles… Le gouvernement a édulcoré, anticipant des problèmes avec l’industrie automobile et ses emplois. Il reste à déterminer quelles énergies, et ce qui entre dans le cadre de la publicité…
    • Haro sur les transports : zones obligatoires « à faibles émissions » dans les grandes villes, surenchère des normes d’émission pour les véhicules par rapport aux objectifs européens, avec interdiction à la vente etc.
    • Éco taxe poids lourds : on y revient, mais le gouvernement, courage fuyons, semble refiler la patate chaude aux régions…
    • Interdiction de certains vols aériens si le trajet en train n’excède pas deux heures et demie. Vu des compagnies aériennes, il y a là une véritable entrave à la liberté d’entreprendre. D’autant que le texte prévoit aussi l’obligation de « compenser » les émissions… Où sera alors le gain ?
    • Interdiction de créer de nouveaux centres commerciaux sous prétexte de diminuer « l’artificialisation des sols ». Ce thème de l’artificialisation des sols est un marronnier récurrent de l’écologisme à tel point qu’un organisme institutionnel a été créé pour le suivre, car sa mesure n’est pas évidente. On y constate : que l’histoire de la disparition d’un département tous les dix ans est fausse, et que l’essentiel (68 %) est du à l’habitat… et on s’attaque aux centres commerciaux !
    • Interdiction de louer des « passoires thermiques » : c’est peut-être la mesure la plus anti sociale. Comme toutes les mesures de réglementation de l’habitat prises depuis des décennies, les principaux effets risquent d’être pervers. Soit on décourage les propriétaires bailleurs, avec finalement une baisse des logements disponibles, soit on les aide aux frais du contribuable, et c’est inéquitable. D’autant que cela représente de réhabiliter 500 000 logements par an… Et changer seulement un poste de perte (chaudière, ou fenêtres, ou isolation toiture) ne sera pas accepté.
    • Établissement d’un délit d’écocide dont on a déjà parlé ici .

    • chevron_right

      Le télétravail est mauvais pour l’économie

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:20 · 6 minutes

    télétravail Masques obligatoires en entreprise

    Par Philbert Carbon.
    Un article de l’Iref-Europe

    Élisabeth Borne ferait mieux de se demander pourquoi le télétravail est aujourd’hui en baisse, plutôt que de se répandre en déclarations sans grande portée puisque dans le Code du travail, rien n’oblige les entreprises à mettre en œuvre cette pratique.

    Il est vrai que la question divise les employeurs comme les salariés, chaque partie ayant des arguments favorables ou défavorables. Mais, finalement, si le télétravail est en baisse, c’est bien parce qu’il n’est pas efficace . Plusieurs études récentes nous expliquent pourquoi.

    Des salariés échaudés après le télétravail du premier confinement

    Si la plupart des salariés ont apprécié le télétravail au début du premier confinement (l’attrait de la nouveauté ?), ils semblent aujourd’hui en grande partie lassés par le dispositif.

    En mai 2020, selon une enquête OpinionWay-Square Management pour Les Échos et Radio Classique, 80 % des actifs qui avaient fait l’expérience du télétravail déclaraient qu’ils aimeraient continuer à le pratiquer, au moins en partie. Beaucoup louaient le travail à distance, synonyme de concentration renforcée, d’efficacité accrue, de liberté pour organiser sa journée de travail, et de confiance donnée au collaborateur.

    Mais après un an de pratique, nombreux sont ceux qui craquent, critiquant le temps passé en réunions virtuelles et l’absence de contacts humains.

    Des employeurs dubitatifs

    Du côté des employeurs, ce n’est pas mieux. Selon une étude du cabinet de conseil Génie des Lieux, 77 % des entreprises ont pour objectif cette année de faire revenir leurs collaborateurs au bureau.

    Ce samedi, dans Le Figaro , Fabrice Zerah, fondateur de la société Ubi Solutions, expliquait que l’activité commerciale « demande le plus souvent de se rencontrer vraiment ». De même, ajoutait-il, on ne mobilise pas « ses équipes par écrans interposés ». Le télétravail fait aussi perdre « tous les moments informels de la vie sociale dans l’entreprise » , qui sont aussi « des moments de création de valeur » , de créativité, d’innovation. L’entrepreneur critiquait également la « fusion du bureau et du salon qui n’est qu’une aliénation » puisqu’elle bouleverse irrémédiablement « l’équilibre si précieux entre vie professionnelle et vie personnelle ».

    Télétravail et productivité en baisse

    Des experts ont affirmé que le télétravail augmentait la productivité : moins de temps passé en pauses et bavardages inutiles, absentéisme réduit, stress diminué, en particulier par la suppression des temps de transport domicile-travail (avec leur lot de bouchons, retards, fatigue…), et des déplacements chez les clients. Par ailleurs le collaborateur se sentirait davantage considéré et s’investirait plus dans son travail. Bref, les entreprises auraient tout à y gagner.

    De surcroît, avec l’absence des collaborateurs, de nombreux locaux sont sous-occupés. Beaucoup d’entre eux profiteraient donc de l’aubaine pour résilier leurs baux, réduire la surface louée et faire ainsi de substantielles économies, les locaux étant souvent le deuxième poste de dépenses après les salaires. Le télétravail serait donc appelé à durer, car les entreprises n’auraient de toute façon plus la capacité d’accueillir tous leurs salariés en même temps.

    Plusieurs études récentes montrent pourtant que le télétravail n’a pas toujours les effets positifs qu’on lui attribue.

    Le Monde , dans son édition du 28 décembre 2020, citait une étude du CNAM concluant que le « travail à distance peut occasionner jusqu’à 20 % de perte de productivité s’il est appliqué à 100 % ».

    Dans une étude pour la Banque de France , les économistes Gilbert Cette et Antonin Bergeaud citent les travaux de Bloom et al. (2015) montrant que le passage au télétravail de « salariés volontaires d’un centre d’appel chinois dans une entreprise équipée et préparée à ce mode d’organisation » a pu amener des gains de productivité de l’ordre de 20 %. En revanche, les travaux de Morikawa (2020) montrent que la productivité a baissé de 40 % dans un institut de recherche japonais qui, subitement et sans préparation, est passé au télétravail durant la période du confinement.

    Les deux auteurs citent également une étude de l’OCDE qui conclue que le télétravail peut avoir, selon son intensité, des effets négatifs sur la productivité : « la relation entre les gains de performance et l’intensité du télétravail aurait la forme d’une courbe en U inversée » comme le montre le graphique ci-dessous :

    Relation en U inversée entre intensité du télétravail (en proportion de la durée travaillée) et productivité pour deux activités différentes
    PNG - 22.2 ko

    Source : Antonin Bergeaud et Gilbert Cette et OCDE.

    Dans une note de la direction générale du Trésor , Cyprien Batut et Youri Tabet indiquent :

    « La littérature économique n’est pas univoque sur l’impact du télétravail sur la productivité. Il dépend de nombreux facteurs :

    • les conditions de sa mise en place (outils, formation des télétravailleurs et de leurs managers) ;
    • l’organisation du travail dans l’entreprise et du type de management (autonomie du salarié, valorisation du résultat plutôt que de la présence, capacité d’adaptation du management) ;
    • les caractéristiques de chaque métier (degré d’interdépendance à d’autres tâches, caractère créatif ou non des tâches, autonomie) ».

    Quant à Pierre Pora de l’ INSEE , après avoir passé en revue nombre d’études sur le sujet, il conclut que « la nature du travail effectué, le souhait des salariés d’en bénéficier et la façon dont il est mis en œuvre dans les entreprises conditionnent l’effet qu’un passage massif en télétravail pourrait avoir sur la productivité ».

    En conclusion, nous pouvons dire que le travail à distance pourrait avoir des effets bénéfiques sur la productivité s’il est anticipé, dans des entreprises qui ont la réelle volonté de le mettre en place, et avec des salariés volontaires. Dans les autres cas, la productivité risque fort d’être en baisse. Comme elle l’est assurément avec un télétravail à 100 %.

    Laisser les entreprises s’organiser

    Le travail à distance a été indispensable lors du premier confinement pour maintenir un minimum d’activité économique et éviter un effondrement total. Mais on peut se demander s’il n’est pas temps aujourd’hui de lâcher la bride, employeurs et salariés n’en pouvant plus de cette situation . Surtout que le télétravail à 100 % que rêve d’imposer la ministre Élisabeth Borne est néfaste pour l’économie.

    Croit-on réellement que l’intérêt des employeurs est de faire revenir leurs collaborateurs au travail pour qu’ils soient contaminés par le coronavirus ? Croit-on vraiment que les salariés veulent revenir au boulot dans le secret espoir de tomber malades ? Non, bien sûr. Alors, laissons les dirigeants d’entreprises s’organiser à leur guise, en concertation avec leurs salariés. Faisons appel à la responsabilité et au bon sens de chacun. Il en va de la reprise notre économie.

    Comme le dit l’entrepreneur Fabrice Zerah, déjà cité,

    le télétravail, ce n’est pas la modernité, c’est même l’anti-progrès économique et social.

    Sur le web

    • chevron_right

      Loi climat : changer de civilisation pour plaire aux écolos

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 09:24 · 4 minutes

    civilisation

    Par Frédéric Mas.

    « Il s’agit de changer de civilisation, de culture et de mode de vie » , la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili l’a affirmé ce mercredi à l’issue du Conseil des ministres. La loi climat, issue de la fameuse Convention citoyenne , doit tout changer.

    Changer de civilisation, c’est mettre un terme à une civilisation industrielle dont le bilan écologique n’est plus soutenable aux yeux de la nomenklatura politique française. Ainsi c’est à l’aune de cette nouvelle idéologie que le projet d’ajouter un quatrième terminal à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle a été ajourné.

    « Le gouvernement a demandé [à Groupe] ADP d’abandonner son projet et de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec ses objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement » a ainsi déclaré Barbara Pompili au journal Le Monde .

    En juin dernier, la filière aéronautique moribonde acceptait l’aide de l’État à la condition de prioriser l’avion « vert » ou « décarboné » sur tous ses autres projets industriels ou technologiques.

    Plus généralement, le plan de relance proposé par le gouvernement investit massivement dans l’écologie pour « aider » un pays qu’il a lui-même participé à appauvrir par son hyper-règlementation et ses mesures politico-sanitaires erratiques.

    C’est aussi fermer Fessenheim , et prier pour que les énergies renouvelables fonctionnent suffisamment bien, y compris quand l’hiver est rude, pour que tout le monde en bénéficie. Ou alors renoncer à ce progrès pour le bien commun planétaire.

    Le nouvel ordre écologique

    Le changement de civilisation, c’est aligner l’ensemble de l’ordre social sur le nouvel agenda écologique du gouvernement, qui, soyons en sûr, nous fera dégringoler dans tous les classements mondiaux en termes de compétitivité économique. C’est ce qui s’est passé pour le secteur automobile national, déclassé au profit de ses concurrents étrangers, et c’est ce qui se passera pour tous les secteurs ou la politique écolo se substituera aux règles du marché.

    Pour beaucoup de défenseurs médiatiques de la Convention citoyenne pour le climat, tout cela ne va pas assez loin. Emmanuel Macron a trahi ses promesses en ne reprenant pas à la lettre les recommandations du comité, tonne-t-on à la gauche de la gauche.

    On retient les piques du président contre cette gauche écolo qui veut revenir à la « lampe à huile » et dont l’horizon anti-technologique se confond avec celui des Amish. On voit derrière les réticences à mettre en place un programme intellectuellement réactionnaire et pratiquement infaisable la mainmise de Big business, ou pire, de l’infiltration des idées « libertariennes » au sommet de l’Etat (sic) .

    Pourtant Emmanuel Macron tient à verdir sa politique, parce que l’écologie lui permet de « gauchir » un peu son image de centriste autoritaire. L’élection présidentielle se rapproche, et le chef de l’exécutif tient à afficher des « marqueurs de gauche » pour séduire les métropoles progressistes. Peu importe si cet électoralisme se fait au prix des libertés individuelles et au profit du capitalisme de connivence.

    Et si Barbara Pompili était sérieuse quand elle parle de changer de civilisation ? Est-ce vraiment à la classe de technocrates et de politiques de diriger le changement et l’innovation dans un pays libre ? Cette prétention intellectuelle, qui repose sur une vision erronée de ses propres capacités à comprendre la complexité du monde social, c’est celle du préjugé rationaliste dont parlait Friedrich Hayek .

    L’illusion rationaliste

    Plus fondamentalement, veut-on, et peut-on vraiment changer de civilisation sur demande ? Là encore, la réflexion de Hayek est éclairante. Dans la Constitution de la liberté (1960), l’économiste rappelle que la civilisation n’est pas la création délibérée de l’homme.

    Si elle est le produit de ses actions, ou plutôt des actions de centaines de générations, elle n’est pas le produit de l’intention d’un homme ou d’un groupe d’hommes. Croire que la civilisation est un projet délibéré est une erreur « intellectualiste » qui ne permet pas d’en comprendre le fonctionnement, et donc d’en diriger l’évolution. L’ensemble d’institutions, de pratiques sociales, de coutumes et d’habitudes forme une sorte de « cerveau collectif », pour reprendre l’expression de Matt Ridley.

    Elle organise la communication et la transmission de la connaissance aux individus. C’est par la transmission institutionnelle de cet ensemble, dont les éléments se sont combinés par sélection et par accident, qu’est née la liberté individuelle.

    Prétendre « changer de civilisation » revient donc à la fois à commettre une erreur intellectuelle rétrograde et à mettre en danger l’écosystème institutionnel et moral de la liberté. Espérons, pour une fois, que l’inefficacité de l’Etat bureaucratique freine ici l’ambition de ses élites.

    • chevron_right

      Bruno Le Maire et sa souveraineté à prix modique

      h16 · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 08:30 · 5 minutes

    Par h16.

    Retroussant ses manches, non pas pour se faire vacciner mais bien pour bouter l’étranger venu jusque dans nos bras épouser nos grandes surfaces, il avait brillamment débuté l’année en refusant médiatiquement le rapprochement entre le canadien Couche-Tard et la chaîne Carrefour : afin de garantir une souveraineté totale à l’appauvrissement de notre pays, Bruno Le Maire avait fait barrage de son corps et de son ministère aux cousins d’Outre-Atlantique.

    Et ce fut un indéniable succès puisque, grâce à ses efforts déployés pour garantir la souveraineté du pays sur le plan alimentaire et celui du papier hygiénique, les actionnaires du groupe Carrefour ont héroïquement échappé à la surenchère boursière du Canadien sur leurs actions.

    La victoire fut âpre mais belle puisqu’elle aura permis au pays de conserver Carrefour, d’éviter que ce groupe ne dispose d’un peu plus de 3 milliards d’euros de capacité supplémentaire d’investissement, qu’il puisse ainsi baisser ses prix, améliorer l’expérience de ses clients et fournir de nouvelles opportunités sur le territoire.

    Ouf, la France l’a échappé belle et, grâce à la judicieuse fermeture continue et arbitraire de ses petits commerces, de ses bars, de ses restaurants, de ses coiffeurs et d’une myriade d’autres activités qualifiées de « non-essentielles » par des élus véritablement essentiels , la croissance française se targue maintenant d’un avenir radieux.

    Oui, les calculs du Bruno d’Agen de Bercy sont formels et moyennant une manutention musclée des chiffres et des statistiques, nous en arrivons à l’étonnante conclusion que nous nous en sortons « plutôt » bien : selon le ministre de ce qui reste d’économies, la croissance française devrait montrer son « immense capacité de rebond » d’ici la fin de cette année.

    Capacité de rebond qui a pour le moment essentiellement reposé sur celle de l’État à distribuer l’argent gratuit des autres, et surtout sur l’incapacité (involontaire) des administrations et des ministres à pousser leur pouvoir de nuisance à 100 % : devant le désastre de 2020 qui ne fut évité qu’aux prix de sacrifices économiques phénoménaux, d’un endettement galopant et de milliers de faillites repoussées à plus tard, on imagine sans mal que l’année 2021 ne sera que difficilement meilleure.

    Seul un arrêt total des gesticulations bureaucratiques, administratives et ministérielles pourrait donner un réel espoir d’amélioration pour nos entrepreneurs. Malheureusement, ce n’est pas le chemin que prend le guilleret Bruno, qui a d’autres idées en tête.

    En effet, le ministre n’en a pas fini avec ses vigoureux sabotages interventionnismes économiques : l’actualité est en effet pleine de ces moments cruciaux où la parole du ministre se révèle essentielle pour tout bloquer, tout désorganiser ou tout flanquer par terre (panachage possible).

    Ainsi, toujours au motif de cette souveraineté de plus en plus difficile à définir clairement mais qui semble impliquer toujours plus de petits doigts boudinés de l’État dans toujours plus d’activités du pays, Bruno a décidé d’ intervenir promptement lorsque Veolia a déposé une offre publique d’achat sur Suez.

    Vite, même si le ministre n’en a pas le pouvoir, saisissons l’Autorité indépendante des marchés financiers ! Vite, même si cela constitue une ingérence illégale, une inégalité de traitement manifeste et probablement au détriment des actionnaires concernés, interposons-nous dans cette enchère publique entre sociétés privées françaises ! Il ne faudrait pas qu’un fleuron français tombe dans l’escarcelle d’un fleuron français !

    Ainsi, c’est encore de la souveraineté qu’il s’agit lorsque Bruno se rend compte, tout à trac, que des puces électroniques viennent à manquer dans certains procédés industriels français !

    Horreur, comme les vaccins, les masques, les réactifs pour tests, les machines PCR et tant d’autres choses, le ministre s’est rendu compte que la France ne produit plus trop de choses sur son territoire devenu un simple arrêt touristique pittoresque grâce à la multiplication de politiques industrielles, fiscales et sociales parfaitement idiotes que lui et ses prédécesseurs se sont acharnés à imposer.

    Or, pour contrebalancer l’incessant interventionnisme étatique, les trouzaines de mouvements de bras et de petits coups de menton des ministres de l’Économie sur les 40 dernières années au moins, l’actuel tenant du poste propose une nouvelle couche d’interventionnisme étatique, une nouvelle brouettée de mouvements de bras et les inévitables petits coups de menton qui l’accompagnent.

    Cependant, tous ces mouvements, toute cette belle souveraineté, il va falloir les financer.

    Malheureusement, les impôts sont au plus haut (la France est au top des pays de l’OCDE) : on n’a jamais autant prélevé à tout le monde en échange de services de plus en plus minables voire contre-productifs (comme l’a illustré la crise sanitaire).

    Malheureusement, les contraintes administratives n’ont jamais été aussi fortes. Le niveau bureaucratique a atteint des niveaux véritablement ubuesques où absolument tout ce qui n’est pas interdit est taxé et décrit avec force dossiers administratifs en triplicatas et tombereaux de pièces justificatives, et ce sans même parler encore de la crise sanitaire, prétexte ultime du gouvernement à une nouvelle tempête de complications et de vexations.

    Malheureusement, le moral des Français est au plus bas et si, au contraire du rêve américain, le rêve français n’a jamais pris corps, la douceur de son art de vivre, elle, a bel et bien existé. Or, elle semble s’être évaporée quelque part entre cette arsouille de Mitterrand et ce freluquet narcissique de Macron pour être remplacée, sous le mandat de ce dernier, par une sourde colère qui monte chaque jour un peu plus.

    Les gesticulations de Bruno (et des autres ministres du reste) ne font absolument rien pour redonner espoir aux Français : on s’agite, on bricole, on se mêle de tout, on met des bâtons dans les roues et on présente la moindre tempérance, le plus petit répit dans les vexations fiscales comme « une grande mansuétude » .

    Au lieu de libérer les énergies, ces andouilles les emprisonnent ou, pire, les font fuir dans ces pays où elles peuvent s’exprimer. Au lieu de redonner du souffle à ce pays, ces ministres lui pompent l’air. Et le seul gel de dépenses fiscales qu’ils proposent, c’est un gel très proche de la vaseline.


    —-
    Sur le web

    • chevron_right

      Larry Flynt, l’insoumis

      Mitch Menet · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 07:44 · 8 minutes

    Larry Flynt

    Par Mitch Menet.

    La mort à 78 ans d’un des barons américain du porn réjouit probablement les pontes de la « pornographie morale ». Et pourtant, Larry Flynt était plus qu’un marchand de viande chaude comme certains se complaisent à le décrire.

    Le combat de Larry Flynt est celui d’un homme qui ne tolérait pas la coercition, qu’elle soit pointée à l’entrejambe, au mouvements de la plume, ou la musique des paroles.

    Il y a de nombreuses facettes à la personnalité de Mr. Flynt. Il fut connu comme un entrepreneur à succès dans l’industrie du divertissement pour adultes, mais son histoire passe par de nombreuses péripéties bien plus passionnantes qu’une diffusion sur Canal un premier Samedi du mois.

    En commençant dans la vie active en 1965 par racheter le bar de sa mère puis en ouvrant d’autres, ce tycoon du porn fut tout d’abord un tenancier d’établissements tout à fait banals de débits de boissons. Mais rapidement il ouvra des clubs pour adultes avec des spectacles de femmes dénudées et acheta un petit organe de presse (Bachelor’s beat) qu’il fit prospérer.

    Mais Larry Flynt a connu l’échec.  Il s’est essayé sans succès au business des distributeurs automatiques et y a perdu de l’argent. Ses clubs n’ont pas survécu à la crise du choc pétrolier en 1973, et ce n’est qu’en obtenant un différé sur son paiement de « sales tax » (une espèce TVA à l’américaine), qu’il a pu financer la création de son magazine érotique (disons-le : pornographique) à succès : Hustler.

    De là à dire que la pornographie fut financée sur un prêt d’argent public, il n’y a qu’un pas, que pourtant je ne franchirai pas : s’il avait pu vendre ses magazines sans taxe il aurait quand même vendu au prix le plus élevé possible (Larry Flynt c’était pas un Abbé Pierre de l’érotisme) et aurait tout simplement été le propriétaire légitime de cette somme. J’y vois donc plutôt une belle démonstration du fait que l’impôt a tendance tuer l’entrepreneuriat et la création d’entreprises rentable, mais que des fois l’administration laisse un peu d’air à l’économie, pour ne pas achever la poule aux œuf d’or, et aussi peut être, en espérant récolter plus de « grisbi » ultérieurement.

    Pourquoi a t-il eu autant de succès avec Hustler ? Et bien disons le franchement : parce qu’au lieu de montrer des poils pubiens cmme les autres, il montrait l’objet du désir masculin, la vulve elle même. Cette « innovation » n’était pas vraiment une révolution dans l’histoire de l’humanité, mais c’était un bouleversement dans l’histoire de la pornographie aux Etats Unis.

    Bon c’est vrai, il arriva aussi à faire parler de lui avec la publication peu glorieuse des images « volées » de Jackie Kennedy nue pendant un bain de soleil.

    A partir de ce moment, il sut développer son empire de divertissement pour adultes et élargir ses activités : Vidéos pornographiques, casinos, autres clubs, etc… Larry Flynt était donc un entrepreneur opportuniste mais preneur de risques et surtout, persévérant. Je me permettrai grivoisement de dire que s’il a alimenté la masturbation, il n’était lui même pas du genre à se tirer sur la nouille : C’était un bosseur.

    Mais la personnalité de Larry Flynt est fascinante bien au delà de sa réussite économique parce qu’il était avant tout un insoumis (au sens original du terme et pas au sens de ceux qui se soumettent à Mélanchon).

    Son histoire est surtout celle d’une résistance héroïque face aux agressions juridiques et pénales des conservateurs obtus, des lobbys religieux obscurantistes, et des bande de féministes rageuses (sachant qu’au pluriel le masculin l’emporte dans la grammaire française, et qu’il y a des hommes féministes, ne devrait on pas plutôt parler de féministes « rageurs »? Les féministes l’accepteront-elles/ils ou lanceront elles/ils une fatwa contre moi pour avoir eu l’outrecuidance de pointer ce paradoxe du doigt ?), entre autres.

    Larry Flynt fut à la censure et aux restrictions commerciales de l’industrie du sexe ce que les Finlandais furent à l’armée de Staline : l’incarnation même de la résistance acharnée, et de la contre attaque jusqu’au-boutiste, quitte à y laisser des plume.

    De procès en procès, de controverse en contournement malin de régulations iniques, Larry Flynt su démontrer les incohérences des hypocrites de la morale arbitraire et de sa retranscription juridique.

    Dans son combat (juridiquement perdu, médiatiquement gagné) contre la jurisprudence « Miller v. California” il sut avec ses avocats remettre en lumière lors de son procès, la flagrante subjectivité, et par là même l’inique arbitraire de la définition de l’obscénité telle que prohibée par ce texte.

    En fait Larry Flynt a perdu presque toutes ses batailles juridiques sur le plan de la censure pornographique. Ca lui a couté des millions en avocats et en amendes et probablement encore plus en manque à gagner. Mais à chaque fois, il a su obtenir une victoire dans l’opinion publique et médiatique.

    Il a en revanche obtenu plusieurs succès pour la liberté de critiquer voire de ridiculiser les personalités publiques. Larry Flynt a été pendant 30 ans, un sanguinaire assassin de l’égo surdimentionné des personnalités qui ne veulent que des éloges flatteurs sans liberté de blâmer.

    Et pourtant il y a des paradoxes pour ne pas dire des contradictions chez Larry Flynt. S’il a déclaré « My position is that you pay a price to live in a free society, and that price is toleration of some things you don’t like » (« Mon avis est qu’il faut payer un prix pour vivre dans une société libre, et ce prix est de tolérer des choses que vous n’aimez pas”), il ne s’y est pas toujours plié lui même.

    En effet, l’acharnement de la défense du premier amendement par Larry Flynt n’est pas à l’image de son opinion sur le second amendement. Si on peut comprendre d’un point de vue humain que quelqu’un qui s’est fait tirer dessus et handicaper à vie, probablement par un fanatique que l’on n’a jamais retrouvé, puisse avoir des réserves sur la liberté d’être armé, il faut bien noter que son opinion assez “main stream” sur une restriction “raisonnable” des armes à feu n’est pas franchement libertariano-compatible.

    En revanche, il faut admettre que cet homme a rarement transigé devant l’oppression de l’Etat. Farouche opposant à la guerre en Irak, il a soutenu publiquement et financièrement les mouvements pacifistes. Il a soutenu l’égalité en droit des LGBT.

    Il a aussi été lanceur d’alerte en publiant une video de menaces dignes de gangs mafieux émanant du FBI lui même à l’encontre du citoyen DeLorean (le créateur de la voiture de Doc et Marty, avant qu’elle ne voyage dans le temps). Cet homme piégé et pressurisé par le FBI pour des charges de trafic de drogues pu s’en sortir indemne grâce notamment à l’aide de Larry Flynt. Le FBI avait tout de même menacé de s’en prendre physiquement à la fille de l’accusé.

    Il a dénoncé des scandales qui ont ruiné les carrières politiques de personnalités républicaines comme démocrates, pris en flagrant délit d’hypocrisie sur leur moeurs.

    C’est un homme complexe et aux multiples facettes qui vient de nous quitter. Un homme fier, un homme intelligent, un homme au franc parler parfois plus choquant que les images qu’il publiait.

    Larry Flynt a toute sa vie refusé les diktats de la religion qui s’insinue dans la justice, des traditions qui veulent imposer leur chappe de plomb, et du status quo de l’oppression étatique tolérée.

    Drogué, mais capable de sobriété, pornographe mais pouvant montrer qu’il n’a jamais sombré dans la pédophilie ou les déviances sexuelles qui impliquent l’oppression (sa fille l’a accusé d’inceste pédophile et il a pu démontrer qu’elle avait inventé cette histoire par appât du gain), avide d’argent mais généreux avec des causes perdues, iconoclaste mais capable sacraliser la constitution (au moins le premier amendement), il était pourtant capable de respecter ses adversaires comme le prouve la relation cordiale qu’il a développé avec feu Jerry Fallwell, le télé-évangéliste qui l’a poursuivi en diffamation.

    Il va me manquer ce flibustier sans vergogne de la liberté individuelle.

    Cher Larry, d’un athée à un autre, nous savons tous les deux que tu n’entendras jamais ces paroles puisque ta conscience est retournée au néant, mais je garde le poétique espoir que tu reposes en paix. Je n’ai pas toujours été d’accord avec toi, mais à l’image que laisses dans la mémoire de l’humanité, je le dis solennellement : quand t’étais là, au moins, on se marrait bien.