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      Comment le cancer m'a transformée - BLOG

      Julie Meunier · news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 4 February, 2021 - 08:53 · 5 minutes

    18 mois de cohabitation intense avec cette chose d’un autre monde qui ne parlait même pas ma langue, 1 essai clinique, 24 chimiothérapies, 2 opérations et 40 séances de radiothérapie plus tard, j’ai fini par réussir à lui donner son congé sans préavis afin de le réexpédier par une fusée vers sa galaxie lointaine.

    CANCER — Il y a 6 ans, j’avais 27 ans, j’étais blonde platine, j’avais les cheveux longs jusqu’à la taille, j’étais en couple depuis 8 ans, propriétaire de mon appartement, juriste en droit immobilier et cadre dans une grande entreprise. Une vie paisible. Mais en mars 2015, à l’aube de mes 28 ans, tout bascula. Une météorite était venue s’écraser en silence dans mon sein gauche : un petit caillou extraterrestre et hostile de 5 cm appelé plus communément “cancer”, ou “tumeur” dans le jargon médical, et que je renommai quelques semaines plus tard “Jean-Yves”, car ce prénom m’a toujours fait sourire et je le trouve beaucoup plus sexy que “tu meurs”!

    Si je dois partager la vision “artistique” de ma rencontre avec Jean-Yves, je vous dirai qu’il va être mon compagnon le plus fidèle pendant des mois. La première fois que j’ai senti sa présence dans mon proche entourage, il était minuscule… J’ai parlé de lui à un homme en blanc, mais comme j’avais 27 ans, et qu’il n’y avait aucun antécédent dans ma famille, il n’a pas tout de suite pris Jean-Yves au sérieux et m’a proposé de l’arroser à la crème aux hormones pour le faire disparaître. Heureusement que je suis une piètre maîtresse de maison…

    Cohabitation forcée

    Je n’ai arrosé personne et j’ai continué ma petite vie tranquille en essayant de faire comme s’il n’était pas là. Seulement Jean-Yves a très très vite grandi et pris de la place, plus vite que la normale… Tellement qu’il ne pouvait plus passer inaperçu… et que l’homme en blanc a enfin pris ce type envahissant au sérieux.

    Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous les témoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide !

    Jean-Yves et moi allons cohabiter et partager nos jours et nos nuits. On va se forcer… enfin il va me forcer! Car je ne l’ai jamais invité! On peut dire que nous allons devoir vivre une relation extrême et intensément forcée lui et moi. À cause de lui, j’ai appris à repousser mes limites et à me surpasser. Du coup, il est présent lors de mes plus gros fous rires et de mes peines les plus profondes. Il me fait très souvent souffrir, il me fait très souvent pleurer, il me fait douter, il me fait perdre confiance, il me fait tellement peur. Et par sa faute, je vais être assignée à résidence et confinée pendant des mois… cela va certes me rendre plus forte d’un côté, mais cela va aussi certainement énormément me perturber de l’autre…

    Une vraie renaissance

    18 mois de cohabitation intense avec cette chose d’un autre monde qui ne parlait même pas ma langue, 1 essai clinique, 24 chimiothérapies, 2 opérations et 40 séances de radiothérapie plus tard, j’ai fini par réussir à lui donner son congé sans préavis afin de le réexpédier par une fusée vers sa galaxie lointaine. Je me suis alors reconstruite de ce fâcheux premier contact au fur et à mesure que mes cheveux repoussaient sur ma tête.

    Une vraie renaissance, au sens propre comme au figuré. Je ne suis plus la même, et du haut de mon 1 mètre 59, j’ai l’impression d’avoir grandi, d’avoir vieilli, d’avoir mûri, d’avoir changé… et pas seulement physiquement. Rien n’est plus pareil. Mes projets de vie ont changé, mes priorités ont changé, mes envies ont changé, mes amis ont changé. Mes idées sont exacerbées et mon envie de vivre mes rêves est décuplée. Moi, l’artiste contrariée qui manquait de confiance en elle, je n’ai plus peur… Sauf que la maladie revienne. Je me sens comme Superman, et… sa kryptonite.

    Depuis l’enfance, j’avais fait en sorte de me plier aux exigences de chacun, parce que je voulais être parfaite, plaire à tout le monde et ne jamais décevoir personne. Je suis devenue par la force des choses celle que l’on voulait que je sois, et il a fallu que je fasse la malheureuse rencontre de Jean-Yves pour me décider enfin à devenir celle que je voulais être.

    Une prise de conscience

    C’est donc l’histoire d’une prise de conscience, et du coup de pied que j’ai asséné à ma vie entière. Parce qu’on se rend compte qu’on n’a pas besoin d’être vieux et sage pour avoir le droit de dire que nous n’avons qu’une seule vie et qu’il faut profiter de chaque seconde qu’elle nous offre. Et qu’il n’est pas égoïste de reconnaître que nous sommes la personne la plus importante de notre vie — c’est même vital!

    La maladie est un voyage éprouvant, qui nous confronte aussi au déni, à la colère et à la détresse. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il arrive que ce soit en pleine tempête que nous trouvions en nous des ressources insoupçonnées pour nous accrocher à l’essentiel et transformer l’essai, le faisant passer du lourd statut d’épreuve à celui d’expérience. Je souhaite vous faire part d’un cheminement possible, grâce à des conseils issus de mon vécu, et vous montrer qu’il existe une voie vers l’acceptation et le renouveau.

    Il y a sans aucun doute un avant et un après, mais parfois, il arrive que malgré les traitements et les stigmates physiques et psychologiques, il soit possible de reprendre confiance en soi, d’en sortir la tête haute, d’accepter d’être différent et même d’en faire sa plus grande force, afin de se surpasser.

    Mon arme secrète a toujours été envers et contre tout de garder le sourire, celui qui aide à se reconstruire, qui donne la force d’agir et l’espoir de vaincre, et qui permet de faire de cette fâcheuse rencontre du troisième type une expérience constructive.

    Quand la vie te donne des centaines de raisons de pleurer… montre-lui que tu en as mille de sourire” .

    Julie Meunier - À mes soeurs de combat - Éditions Larousse

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