close
    • chevron_right

      #Metooinceste: Anne-Cécile Collet témoigne après avoir accusé un agent de la mairie de Paris

      Hortense de Montalivet · news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 12 February, 2021 - 10:37 · 4 minutes

    VIOLENCES SEXUELLES - “100, 200, 300, 500 “j’aime”. Puis des milliers de retweets. Le 17 janvier dernier, Anne-Cécile Collet a eu peur d’avoir provoqué “une catastrophe”. Comme des centaines de femmes et d’hommes, elle livre ce jour-là sur Twitter son témoignage sous le hashtag #Metooinceste . “J’avais 9 ans, ça a duré 2 ans.” Après ces mots, l’innommable: la violence sexuelle , la confiance brisée et l’impunité.

    Alors que le gouvernement dévoile ses arbitrages face aux demandes répétées des associations depuis plusieurs années pour protéger les enfants de ces violences sexuelles, à la suite du bouleversement provoqué par le livre de Camille Kouchner , Anne-Cécile Collet livre pour la première fois son témoignage. Son histoire particulière qu’elle a racontée au HuffPost aborde au moins deux des grands axes qui vont occuper Éric Dupond-Moretti et Adrien Taquet ces prochains jours: les limites de l’inceste et la prescription.

    “C’était partout où on allait”

    Les faits se déroulent quand Anne-Cécile Collet a entre 9 et 11 ans. Pendant deux ans, un homme qu’elle considère comme son “père de substitution” et qui a gagné la confiance de sa mère a abusé d’elle au centre aéré qu’elle fréquente les mercredis. Mais aussi à l’école maternelle. Chez lui. Et même dans sa voiture quand, comme certains adultes, il lui apprend pour jouer à conduire. “C’était partout où on allait en fait”, nous explique cette femme aujourd’hui dans la quarantaine.

    En 1996, la victime décide de porter plainte, avec deux autres camarades, après avoir appelé un numéro d’écoute pour les victimes de violences. Son agresseur est mis en examen pour agressions sexuelles et viols sur mineures de 15 ans. Nous sommes 10 ans et quelques mois après les faits. À l’époque, la prescription est de 10 ans. L’individu bénéficie d’un non-lieu, même si la justice estime que, à la lumière “des déclarations circonstanciées et réitérées des victimes”, il “y a lieu de constater que les faits décrits constituent des actes d’agressions sexuelles sur mineures de 15 ans par personne ayant autorité”.

    Pour Anne-Cécile Collet, en plus de la prescription, la difficulté a été de constater que cet homme a continué de travailler pour la mairie de Paris dont il était employé. Il aurait simplement été changé de service. À son nouveau poste, il ne s’occupe plus d’enfants comme il le faisait auparavant, mais reste à la tête d’une association qui organise des séjours de loisirs et culturels aux enfants, dont le partenaire officiel est la mairie.

    Enquête interne

    À la suite de son post sur Twitter, Anne-Cécile est contactée par l’Hôtel de Ville. La mairie l’informe qu’une enquête interne a été ouverte pour en savoir plus sur ce changement de poste à l’époque. Elle fait aussi savoir à la victime que depuis le 1er octobre 2019, l’homme n’est plus employé chez eux. “Il ne semble plus avoir de poste au contact direct d’enfants depuis avril 1996”, avait-elle également précisé à BFMTV .

    Quant au partenariat, la mairie assure à Anne-Cécile qu’il n’est plus effectif. Sur les réseaux sociaux de cet homme, sa présidence de l’association qui œuvre pour des enfants de 6 à 20 ans est toujours mentionnée. Et sur son site internet, le partenariat avec la mairie est toujours inscrit.

    Nous avons essayé d’en savoir plus auprès de la Mairie. Celle-ci ne nous a pas encore répondu sur la question de ce partenariat, précise que l’enquête est toujours en cours mais que “cet agent est à la retraite depuis le 1er octobre 2019 et n’était plus en contact de mineurs à la Ville depuis 1996”.

    De la pédophilie et pourtant...

    Anne-Cécile Collet n’a pas été victime d’inceste. Mais son agresseur “faisait partie de la famille”, explique-t-elle. Dans son foyer où le père manque, il joue le rôle de “père de substitution”. Pourtant quand la parole se libère sur les réseaux sociaux, pour Anne-Cécile, c’est une évidence, elle a vécu “comme un inceste”. Même si ça ne rentre pas dans le cadre du Code pénal.

    À ce jour, la mairie n’a pas encore recontacté Anne-Cécile. Trois semaines après son post, plus de vingt ans après le non-lieu, cette femme au caractère vif et brûlant n’a rien oublié. “Quand on vit ça, on le vit pour toute sa vie”, témoigne-t-elle.

    L’impunité, Anne-Cécile Collet ne la comprendra jamais. “C’est abject”, exprime-t-elle. Pour conjurer le sort et l’injustice, cette femme qui travaille aujourd’hui dans l’immobilier de luxe consacre une grande partie de son temps libre à une association de lutte contre les violences sexuelles: Les Papillons. Une goutte d’eau dans l’océan des traumatismes, mais qui redonne espoir et sens. Et qui jusqu’à maintenant, lui a apporté plus d’apaisement que les institutions.

    À voir également sur Le HuffPost: “Le sceau de l’infamie”: Geneviève Garrigos raconte les violences que l’inceste laisse derrière lui