close
    • chevron_right

      Luc Themelin : « Notre présence internationale fait notre réussite »

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:45 · 5 minutes

    luc themelin

    Par Guillaume Périgois.

    Spécialiste de l’électrique et des matériaux avancés, présent dans 35 pays, Mersen déploie 55 sites industriels et 16 centres de R&D dans ses domaines d’expertise (graphite, carbure de silicium, composants électriques).

    Ayant développé un ensemble de matériaux et de solutions pour faciliter la conduction, le stockage, l’isolation de l’énergie électrique et la protection des équipements dans des environnements hostiles, Mersen fournit les industries de l’énergie renouvelable et conventionnelle, de l’électronique, de la chimie et des transports – de l’automobile au spatial.

    Créée en 1891 à Pagny-sur-Moselle, l’entreprise plus que centenaire a aujourd’hui 6800 collaborateurs et a réalisé 950 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, dont les deux-tiers hors d’Europe.

    Contrepoints : Quel est l’impact de la COVID-19 sur le groupe Mersen ?

    Luc Themelin : Le choc le plus important est derrière nous. Mersen réalise un tiers de son chiffre d’affaires en Asie. Nos activités en Chine et sur le reste du continent ont été touchées en février 2020. Le groupe fonctionne historiquement de manière décentralisée : nous suivions l’évolution de nos activités au quotidien mais les équipes de notre dizaine d’usines locales ont su gérer la pandémie. L’essentiel des perturbations a duré un mois.

    La pandémie a ensuite atteint l’Europe à la mi-mars. Que ce soit en Italie, en Espagne ou en France, avec l’appui du siège pour l’approvisionnement en masques, ce sont à nouveau les équipes locales qui ont géré au mieux la situation en suivant les différentes mesures mises en place par leurs gouvernements respectifs.

    Le résultat est que, du point de vue du groupe, nous avons toujours eu 85 % de nos usines qui tournaient tout au long de la crise. Quand la situation était mauvaise en Europe, elle était meilleure en Asie.

    La demande a bien sûr baissé et notre chiffre d’affaires s’est contracté de 20 % en avril et en mai mais Mersen a su amortir et gérer la pandémie. L’étalement géographique de nos marchés et la décentralisation de notre prise de décision ont été nos meilleurs atouts.

    Malgré la préférence relative des Français pour la baisse des barrières commerciales , le pays est parfois présenté comme rétif à l’ouverture internationale. La dimension globale de Mersen est un atout en temps de pandémie, mais qu’en est-il en temps normal ?

    Luc Themelin : Nous sommes des internationaux convaincus. Historiquement, nous nous sommes implantés en Allemagne et aux États-Unis dès les années 1900. Nous avons dix usines en France dont les exportations couvrent le marché européen.

    Nos usines chinoises n’ont pas été créées en lien avec la fermeture d’une usine française. Il n’y a pas de crainte de délocalisation en interne. Nos usines en Asie desservent leur marché régional. Quand il y a une restructuration, c’est parce que le marché local évolue ou que la demande baisse.

    Les Français ne sont pas contre l’international. Notre marché domestique est relativement restreint : si les entreprises industrielles françaises vivent, c’est grâce à la demande internationale.

    Il faut comprendre que tourner le dos à l’international, c’est rester à la marge des évolutions technologiques. Mersen est bien placé sur les innovations en semi-conducteurs aux États-Unis ; les machines sont exportées en Chine et en Corée, ce qui booste nos ventes.

    Pour une industrie, ne pas être à l’international, c’est perdre ses clients année après année et se condamner à disparaître. Il faut capter l’innovation là où elle est et être implanté où les marchés sont dynamiques.

    Et ce n’est pas seulement bénéfique au niveau régional. Pour prendre l’exemple des nouveaux semi-conducteurs, l’innovation a démarré d’une société américaine et s’accélère grâce à une industrie de véhicules électriques très dynamique aux États-Unis (Tesla).

    Mais le marché mondial étant de plus en plus gros, cette entreprise américaine ne peut répondre seule à la demande. Ces cinq dernières années, deux entreprises – l’une allemande et l’autre franco-italienne – ont démarré la production de ces éléments.

    Étant donné que Mersen travaille avec la société américaine depuis 25 ans, nous sommes prêts avant nos concurrents à livrer aussi ces sociétés européennes. En ayant démarré dans un marché en amont, nos équipes peuvent réagir tout de suite quand il évolue ou quand il se crée ailleurs.

    L’aéronautique est un autre exemple. Mersen collabore depuis longtemps avec le français Safran, l’européen Airbus et l’allemand Liebherr. Cela nous a permis d’être plus performant aux États-Unis. Et peut-être un jour en Asie quand cela arrivera.

    L’environnement règlementaire actuel gêne-t-il le développement international de Mersen ?

    Luc Themelin : Les règles ne sont pas toujours les mêmes partout. Les lois apparaissent d’abord à Bruxelles plutôt qu’à Washington ou Beijing, bien sûr. Et l’Europe est plus stricte en rejetant certaines consolidations d’entreprises européennes entre elles. Les entreprises allemandes paient beaucoup moins de charges que les entreprises françaises, ce qui ne nous aide pas.

    Mais l’important est d’avoir des espaces ouverts avec les mêmes règles, sans aide de l’État, en Asie, en Europe et ailleurs. A partir du moment où les règles du jeu sont établies et respectées, il n’y a pas de soucis dans la compétition à l’international. J’ai suffisamment fait de sport pour ne pas aimer les gens qui ne suivent pas les mêmes règles.

    Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation est publié par Librairal et est gratuitement accessible.

    • chevron_right

      Sondage Contrepoints : 4 Français sur 10 pour le libre-échange… mais pas ceux que vous croyez

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 04:40 · 4 minutes

    sondage contrepoints

    Par Guillaume Périgois.

    La mondialisation divise les Français en trois, avec un avantage pour les partisans du libre-échange commercial.

    Selon un sondage OpinionWay pour Contrepoints commandité pour la publication du livre Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation (Librairal, février 2021, offert), 37 % des Français estiment que les barrières commerciales devraient être baissées au moins si les autres pays le font (et 13 % de manière unilatérale), 31 % pensent qu’il faudrait les maintenir ou les augmenter et 29 % sont sans opinion.

    Ainsi, 3 Français sur 10 pensent que le pays « devrait maintenir ou augmenter ses barrières commerciales, car cela protégerait les entreprises françaises contre l’importation de produits de concurrents étrangers, même si cela a un effet négatif sur les consommateurs français et les producteurs français des secteurs d’exportation. »

    Presque 4 Français sur dix estiment au contraire que la France devrait baisser ses barrières commerciales.

    Parmi eux, ils sont 24 % à répondre que « la France ne devrait abaisser ses barrières commerciales que si d’autres pays le font, car c’est la seule façon de les inciter à ouvrir leurs marchés » et 13 % à préférer que la pays baisse « ses barrières commerciales même si les autres pays ne le font pas, car les consommateurs pourraient acheter des produits importés moins chers et la concurrence étrangère inciterait les entreprises françaises à améliorer la qualité et les prix de leurs produits. »

    Contrairement aux idées reçues, ce sondage révèle donc que les Français sont plus enclins au libre-échange qu’au protectionnisme .

    Décortiquons ces résultats.

    Qui sont les partisans du libre-échange unilatéral ?

    Le portrait-robot du Français favorable au libre-échange unilatéral est une femme ou un homme, de 18 à 49 ans mais plutôt de 35 à 49 ans (19 %), employé ou ouvrier (16 %), et habitant le Nord-Est, le Sud-Est mais surtout la région parisienne (19 %).

    Plus surprenant, ce partisan d’une ouverture unilatérale des frontières commerciales est plutôt politiquement proche… de la France Insoumise (22 %) ou du Rassemblement national (18 %) et a voté Marine Le Pen (20 %) ou Benoît Hamon (19 %) aux élections présidentielles de 2017.

    Les plus défavorables au libre-échange unilatéral sont les plus de 65 ans (6 %), du Nord-Ouest de la France (9 %), proches de Europe écologie – Les Verts (8 %) ou de La République en Marche (9%), ayant voté Emmanuel Macron (8 %) ou François Fillon (8 %) en 2017.

    Qui sont les partisans du libre-échange bilatéral ?

    Changement de décor chez ceux pour qui la France ne devrait abaisser ses barrières commerciales que si d’autres pays le font.

    On trouve du côté du libre-échange bilatéral les hommes (29 %), de 65 ans et plus (34 %), de catégories socioprofessionnelles supérieures (28 %) ou inactifs (27 %), d’Île-de-France ou du Sud-Ouest (28 %), habitant dans des villes de plus de 20 000 habitants.

    Ils sont proches de la République en Marche (45 %) et ont voté Emmanuel Macron (41 %) ou François Fillon (34 %) en 2017.

    Qui sont les protectionnistes ?

    La proposition selon laquelle le pays « devrait maintenir ou augmenter ses barrières commerciales » obtient plutôt les suffrages des 50-64 ans (34%) et des plus de 65 ans (34%), du Nord-Est (35%) et habitant une commune rurale (37%).

    Politiquement, les protectionnistes sont proches du Rassemblement National (48 %), des Républicains (38 %) ou d’Europe écologie – Les Verts (36 %) et ont voté Marine Le Pen (46 %) ou François Fillon (38 %) en 2017.

    Des mythes qui volent en éclats

    Une intuition sort renforcée de cette enquête : oui, les habitants des communes rurales sont plus favorables au protectionnisme et les habitants de la région parisienne sont plus favorables au libre-échange.

    Mais ce sondage brise aussi certains préjugés.

    On dit que les plus modestes seraient opposés au libre-échange ? C’est faux : les employés et ouvriers sont les plus susceptibles de vouloir un libre-échange unilatéral.

    Les partis centristes seraient-ils vraiment pour l’ouverture des frontières et les partis extrêmes pour leur fermeture ? Faux : on trouve du côté du libre-échange les proches de la République en Marche et la France Insoumise et du côté du protectionnisme les proches du Rassemblement National, des Républicains et d’Europe écologie – Les Verts.

    Les attitudes des Français sur le commerce international et la mondialisation dessinent donc un clivage parfois contre-intuitif : le centre, l’extrême gauche et les urbains pour l’ouverture, l’extrême droite, la droite, les écologistes et les ruraux pour le repli.

    Mais surtout, malgré un contexte sanitaire et économique catastrophique, et contrairement aux opinions fréquemment véhiculées par ceux qui prétendent parler pour eux, il y a davantage de Français pour le libre-échange que pour le protectionnisme.

    Ce sondage a été commandé pour la publication de l’essai librement téléchargeable en cliquant ici .

    Sondage OpinionWay pour Contrepoints réalisé sur un échantillon de 1003 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité a été assurée selon la méthode des quotas. Interrogation réalisée en ligne en décembre 2020.

    • chevron_right

      Les banques centrales défient Einstein

      Simone Wapler · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 11 February, 2021 - 03:40 · 9 minutes

    banques centrales

    Par Simone Wapler.

    Les banques centrales manipulent les taux d’intérêt à la baisse et, pire encore, les forcent en territoire négatif. Ce faisant, elles vont à l’encontre d’un grand principe qui a prévalu durant cinq millénaires : la capitalisation par les intérêts composés, instrument de développement de l’épargne et donc du développement économique.

    Albert Einstein aurait conclu que « les intérêts composés sont la plus grande force de l’univers » après avoir étudié la Summa de arithmetica, geometria, de proportioni et de proportionalita du mathématicien Luca Pacioli . Ce document de 1494, écrit par un moine franciscain, est un traité de 600 pages qui rassemblait la somme des connaissances mathématiques de l’époque, mais aussi des éléments de comptabilité en partie double et une table des monnaies, poids et mesures italiens.

    Cet ouvrage de vulgarisation donnait aussi de magistrales recettes financières telles que la règle de 72, une façon rapide de mesurer l’effet des intérêts composés :

    « Si vous voulez savoir, pour un taux d’intérêt annuel fixé en pourcentage, dans combien d’années vous reviendra le double du capital initial, alors gardez à l’esprit le chiffre 72 et divisez-le par le taux d’intérêt, ce qui vous donne en combien d’années il sera doublé. Exemple : quand l’intérêt est de 6 pour 100 par an, j’affirme qu’en divisant 72 par 6, il vient 12 donc le capital sera doublé en 12 années. »

    • Douze ans de rémunération à 6 % suffisent pour doubler un capital.
    • Dix-huit ans de rémunération à 4 % suffisent pour doubler un capital.
    • L’éternité ne suffira pas à 0 %.

    La capitalisation, un cercle vertueux

    La boutade d’Einstein résumait la puissance de ce que nous appelions encore récemment la capitalisation.

    Il s’agit d’ un cycle vertueux qui récompense l’épargne : celui qui renonce à une dépense immédiate, s’il met son argent à disposition de quelqu’un d’autre, est gratifié d’un taux d’intérêt lui permettant de retrouver par la suite plus que son capital initial. Durant sa durée d’indisponibilité, son épargne est utilisée par des entrepreneurs afin de développer une offre de produits ou services qui, sans ce financement, ne pourrait pas voir le jour aussi vite.

    Il existe évidemment un risque, celui de la faillite de l’entrepreneur et donc de ne pas revoir son épargne. Le taux d’intérêt récompense donc à la fois le sacrifice que représente la durée d’indisponibilité et le risque pris.

    En forçant les taux d’intérêt à la baisse, les banques centrales punissent les épargnants . Elles faussent aussi les deux plus importants indicateurs économiques qui sont :

    • L’abondance ou au contraire la rareté de l’épargne. Plus il y a d’épargne disponible, plus il y a d’argent à prêter, plus les taux d’intérêt vont baisser. Inversement, moins il y a d’épargne, plus les taux d’intérêt vont monter.
    • Le coût du risque pour une entreprise donnée. Par exemple, dans un environnement économique où le taux moyen à 10 ans est de 5 %, une entreprise qui se lance dans une aventure risquée empruntera à 10 % tandis qu’une entreprise solide dégageant de solides bénéfices empruntera à 3 %.

    La plus grande force de l’univers au service des retraites

    Si en France la retraite par répartition prévaut, dans la plupart des pays les systèmes de retraite s’appuient surtout sur la capitalisation . Lorsqu’elle existe, la répartition ne fait qu’assurer un minimum vieillesse, juste de quoi survivre.

    C’est un choix rationnel car « À prestation égale, la capitalisation permet au futur retraité de cotiser moins qu’en répartition pure puisque les versements produiront des intérêts. » comme l’explique l’institut Molinari dans son étude publiée en partenariat avec Contrepoints .

    Lorsqu’il arrête de travailler, le retraité consomme un capital qu’il a accumulé et qui s’est accru par l’effet des intérêts composés durant sa vie active. Le nombre important d’adhérents aux fonds de pension permet de diversifier les investissements et de lisser les risques.

    Au contraire, dans un système de retraite par répartition comme en France, le retraité ponctionne les actifs. En pratique, la répartition dépend d’un « taux d’intérêt biologique » équivalent au taux de croissance de la population.

    Un tel système de retraite par répartition est adapté aux pays dotés d’une population en croissance et/ou aux pays dont l’économie a été ruinée. Notons au passage que c’était le cas de la France après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, dès que ceux dont l’épargne a été détruite ou ceux qui n’ont pas eu le temps de la constituer ont disparu, le système par capitalisation est évidemment préférable.

    Car pour le cotisant, les performances d’un système de retraite par répartition sont toujours inférieures à celle d’un système de retraite par capitalisation, justement en raison de la magie des intérêts composés. Que les fonds de retraite par capitalisation soient privés ou publics ne changent rien à la donne. De surcroît, les pays pratiquant la retraite par capitalisation profitent d’une masse d’épargne qui vient irriguer les besoins d’investissement de l’économie, ce dont se privent les pays pratiquant le système par répartition.

    La politique monétaire actuelle, conduite depuis plus de dix ans par la banque centrale européenne, tue les systèmes de retraite par capitalisation aussi sûrement qu’une démographie déclinante tue les systèmes de retraite par répartition.

    La plus grande force de l’univers au service de la croissance économique

    Du temps de la finance de grand-papa, les banques et les fonds d’investissement assuraient un service dit d’intermédiation de l’épargne. Ils agrégeaient de multiples petits dépôts d’épargnants qu’ils rémunéraient d’intérêts et prêtaient – à des taux d’intérêt supérieurs – à des investisseurs-entrepreneurs qui avaient besoin de beaucoup de capital.

    La différence entre les taux servis par la banques aux épargnants et les taux demandés par la banque à ses emprunteurs s’appelait la marge de transformation. Elle permettait à la banque de mettre des bénéfices en réserves, ce qui venait augmenter ses fonds propres, nécessaires pour couvrir la casse si un emprunteur venait à défaillir.

    L’épargnant profitait ainsi de la plus grande force de l’univers pour faire grossir son pécule. Il engrangeait sa récompense pour accepter l’immobilisation de son argent. Les banques mesuraient soigneusement leurs risques et engrangeait des bénéfices sur les risques pris. Les entrepreneurs trouvaient des financements.

    Bien sûr, la finance de grand-papa n’était pas le pays des bisounours. Des entrepreneurs pouvaient entraîner des banques dans leur faillite. Des épargnants pouvaient voir une partie de leur pécule s’évaporer. Mais dans le pire des cas, c’était l’épargne déjà existante qui était détruite. C’est-à-dire une partie du passé.

    Au temps de la finance de grand-papa, les gens parlaient de capacité d’épargne et non pas de capacité d’endettement.

    Jusqu’à l’arrivée de la finance moderne, la plus grande force de l’univers était naturellement à l’œuvre. En dehors des périodes de guerre et de destruction, le développement économique s’appuyait sur cette force ainsi que sur la démographie.

    La force destructrice des banques centrales

    Le système monétaire et bancaire moderne n’est plus adossé à l’épargne mais à la dette et surtout à la dette publique garantie par un État au travers de sa capacité à lever l’impôt, autrement dit à prendre de force à ses administrés.

    Dans la finance moderne, on ne parle plus de capacité d’épargne, on parle de capacité d’endettement. On ne dit plus que « les dépôts font les crédits » , on dit que « les crédits font les dépôts ».

    Dans la finance moderne, les banques prêtent de l’argent qui n’existe pas encore. Les banques commerciales achètent ce privilège auprès d’une banque centrale en empruntant l’argent du futur au taux directeur arbitrairement fixé par cette dernière.

    Que se passe-t-il si les banques ont trop prêté et que de nombreux emprunteurs ne peuvent rembourser parce que les bénéfices escomptés ne sont pas là ?

    Selon les cas la banque centrale :

    • permet aux emprunteurs (banquiers ou grandes entreprises) d’emprunter encore moins cher et de rééchelonner leurs prêts,
    • rachète les créances pourries des banques,
    • paye les banques pour prêter l’argent qu’elle crée.

    Quant aux États, ils empruntent toujours plus (l’argent du futur qui sera pris aux contribuables) et dépensent prétendument pour améliorer l’économie au gré des lubies des fonctionnaires et des politiques électoralistes. Les talents entrepreneuriaux de la bureaucratie et des politiciens étant toutefois modérés (pour ne pas dire nuls), l’argent du futur est abondamment gaspillé.

    Que se passe-t-il de nos jours lorsque les États risquent de se trouver confrontés à une crise de leurs finances publiques ? La banque centrale achète leurs émissions de dettes pour masquer la déconfiture.

    État, banque centrale et banques commerciales constituent la triade maléfique du capitalisme de connivence . Cet état de fait est parfois qualifié de néolibéralisme ou d’ultralibéralisme par ceux qui n’ont aucune culture économique et financière. Il n’y a rien de libéral au monopole étatique ou supra-étatique de la monnaie, de la création monétaire et au contrôle des taux d’intérêt.

    La dernière innovation dans les cartons des banques centrales consiste désormais à éliminer les banques commerciales grâce à la « monnaie banque centrale digitale ». L’euro numérique devrait ainsi voir le jour dans cinq ans, selon les vœux de Christine Lagarde.

    La création monétaire sera donc centralisée et bureaucratisée, distribuée en direct par la banque centrale, les banques commerciales devenant dès lors inutiles. Votre compte de dépôt sera entre les mains d’une banque centrale en état de monopole européen et au pouvoir discrétionnaire. Il s’agit d’une étape de plus dans la centralisation de ce qui n’est qu’une escroquerie.

    Mais on ne défie pas impunément la plus grande force de l’univers. On ne défie pas non plus le principe de base de l’économie qui veut qu’on échange quelque chose contre autre chose et non pas contre du vent. Or, la monnaie ou le crédit créés à partir de rien ne sont que du vent.

    Cette ultime escroquerie se terminera donc évidemment par une monstrueuse crise monétaire généralisée. Et si vous croyez que l’État vous en protégera , vous faites fausse route, il est au contraire complice.

    • chevron_right

      Investissements, crise sanitaire : les finances de Paris sur la ligne de crête

      Estelle Marin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 3 February, 2021 - 04:27 · 7 minutes

    Paris

    Par Estelle Marin.

    La crise sanitaire pèse lourdement sur les finances des collectivités territoriales et la Ville de Paris n’est pas épargnée. Pour la capitale, la facture du Covid est évaluée à quelque 800 millions d’euros en 2020.

    Une addition salée qui vient encore creuser la dette de la ville, laquelle dépasse désormais 7 milliards d’euros. Entre baisse des recettes et augmentation des dépenses, l’effet de ciseau est en effet redoutable et place la mairie sur une ligne de crête pour cette année 2021 dont le budget a été adopté en décembre 2020.

    Une équation budgétaire très compliquée

    La taxe de séjour est en chute libre avec l’effondrement de la fréquentation touristique. Les droits de mutation (frais de notaire) sont impactés par le ralentissement du marché immobilier. Le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est pénalisé par la baisse d’activité due à la pandémie. La billetterie des piscines ou des musées reste en berne…

    De nombreuses recettes diminuent significativement, alors que parallèlement les dotations de l’État se réduisent. En 2021, les recettes de la Ville devraient ainsi reculer de 1,4 %.

    De leur côté, les dépenses sont en forte augmentation. Achat de masques, soutien aux commerçants, aide aux plus démunis, équipes de renfort présentes dans les écoles, création et pérennisation des centres de dépistages Covid… Sous l’effet de la crise sanitaire, économique et sociale , les dépenses de gestion progresseraient de 2 % en 2021 .

    Le budget de la santé s’élève ainsi à 31 millions d’euros pour 2021, dont 7,5 millions affectés aux tests Covid, à la vaccination et à la prévention. L’exonération des droits de terrasses en faveur des commerçants est maintenue jusqu’à fin juin 2021, ce qui représente un manque à gagner de 17 millions d’euros. Parmi les priorités du budget 2021, figure également une augmentation de 23 millions d’euros des sommes allouées au financement du RSA pour faire face à l’accroissement du nombre d’allocataires.

    En 2021, la masse salariale de la Ville va également augmenter de 1 % avec le déploiement de la police municipale – auquel sera consacrée une enveloppe de 184 millions d’euros pour recruter 130 agents, les équiper et les former – et avec le programme de transformation et de végétalisation de l’espace public.

    L’équation budgétaire est donc très compliquée. D’autant que le gouvernement a décidé de ne pas autoriser Anne Hidalgo à augmenter certaines taxes immobilières comme elle le souhaitait. Pour renflouer les caisses de la ville, la maire de Paris voulait en effet majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et augmenter les droits de mutation.

    Mais le gouvernement ne veut pas modifier la législation qui plafonne la surtaxe sur les résidences secondaires à 60 % et les droits de mutation à 4,5 %, des maximas déjà pratiqués dans la capitale. En revanche, la mairie devrait pouvoir augmenter la taxe de séjour sur les plates-formes de location touristique comme Airbnb, si cette mesure est finalement votée dans le projet de loi de finances. Acceptée mi-novembre par l’Assemblée nationale, avec l’avis favorable du gouvernement, l’adoption de cette hausse est en effet actuellement retardée par le Sénat.

    Malgré cette situation budgétaire très délicate, la Ville souhaite maintenir son niveau d’investissement à 1,45 milliard d’euros, en finançant par l’emprunt la moitié de ces dépenses.

    Pour la mairie, l’adaptation de la ville à l’urgence climatique et la reprise économique sont à ce prix. D’autant que les alliés écologistes d’Anne Hidalgo ont mis la pression sur ce sujet en déposant un amendement budgétaire de 40 millions d’euros pour réussir la transition énergétique dans la capitale en orientant ces dépenses supplémentaires « vers des projets de rénovation énergétique du bâtiment, de débitumation de la voirie et d’accompagnement du plan climat »…

    Tandis qu’à l’inverse, l’opposition ne cesse de pointer le creusement de la dette et demande un audit indépendant des finances de la Ville, n’hésitant pas à évoquer « des dépenses hors de contrôle », « des investissements à fonds perdus » et même une prochaine « sortie de route ». L’effet de ciseau n’est donc pas seulement économique, il est aussi politique.

    Une gestion financière plus responsable de l’éclairage public ?

    Dans ce contexte, l’heure est donc à la prudence financière et l’équipe actuelle devra sans doute réaliser des économies sur les grands postes de dépenses et sur les marchés publics. À ce titre, l’appel d’offres en cours relatif à l’éclairage public et à la signalisation tricolore de la Ville devra répondre en particulier à des critères d’une gestion financière plus stricte.

    Il s’agit en effet du plus important marché public de la ville, avec un budget d’un milliard d’euros sur dix ans. Et à en croire les comptes publiés par le prestataire actuel Evesa, celui-ci jouit d’une marge nette très supérieure à ce qui se pratique habituellement dans le secteur.

    Une gestion plus rigoureuse semble donc possible et souhaitable dans ce domaine… Mais sans pour autant revoir les ambitions à la baisse. Avec le nouveau « Plan lumière » de la ville, il s’agit en effet de réduire la facture énergétique en misant sur l’éclairage LED, qui reste sous-utilisé à Paris, mais également de renforcer la sécurité et le bien-être des habitants dans l’espace public, de dessiner de nouveaux parcours lumineux sécurisés dédiés aux mobilités douces, et de mieux mettre en valeur le patrimoine exceptionnel de Paris, tout en luttant contre la pollution lumineuse.

    Un programme qui répond aux attentes des Parisiens comme l’ont montré récemment la large consultation et la conférence citoyenne lancées à la rentrée par la mairie pour préparer son nouveau Plan local d’urbanisme .

    La modernisation de l’éclairage public, la réduction de son empreinte écologique et la lutte contre la pollution lumineuse arrivent ainsi en tête de liste des mesures proposées, avec la création de nouveaux espaces verts et d’emplacements vélo supplémentaires.

    En matière d’éclairage public, l’objectif est donc de faire mieux tout en adoptant une gestion financière plus responsable encore. Une équation délicate vouée à s’appliquer à l’ensemble des secteurs d’une collectivité locale représentative de la situation économique et financière rencontrée par tous les acteurs publics.

    Un budget des JO 2024 scruté

    La préparation des Jeux Olympiques de 2024 va une nouvelle fois être passée au crible financier à trois ans du début des épreuves. Si le budget est conséquent (près de 4 milliards d’euros), 97 % sont issus de financements privés. Une donnée qui échappe souvent à la sagacité des commentateurs pensant que ce sont l’État, la région Ile-de-France, et la ville de Paris qui doivent supporter l’essentiel du fardeau.

    Reste que les 3 % engagés par les finances publiques sont particulièrement scrutés au moment où les capacités de financement de chacun des acteurs se complique.

    Le budget consacré aux Jeux Olympiques vient d’ailleurs d’augmenter de 2,5 % , mais là encore, il n’y a aucune dérive pour les finances locales dans la mesure où la centaine de millions supplémentaires est issue principalement d’une enveloppe du Comité International Olympique (CIO) en hausse.

    Les édiles parisiens devront toutefois veiller à ce qu’aucune mauvaise surprise ne vienne gâcher la fête, car les olympiades précédentes se sont révélées extrêmement coûteuses surtout en fin de parcours. Anticipations budgétaires trop optimistes, retards dans les travaux pour livrer à temps les infrastructures, exigences sécuritaires en hausse , les risques sont multiples et peuvent rapidement alourdir la facture de plusieurs dizaines de millions d’euros.

    Le cas échéant, ce sont bien les finances publiques qui devraient combler le trou au grand désarroi de contribuables pas toujours très enthousiastes à l’idée même d’accueillir un tel événement.

    L’incertitude quant aux financements privés planera encore plusieurs mois, car certains partenaires attendent d’évaluer les retombées des Jeux Olympiques de Tokyo finalement décalés d’un an (août 2021) à cause de la crise de la Covid-19 avant de se positionner.

    L’équation comprend donc encore plusieurs inconnues et la mairie de Paris prend soin de garder le contact avec le Comité d’organisation (COJO) afin de veiller au bon déroulement de Jeux Olympiques à la résonnance locale, nationale et internationale sans commune mesure avec d’autres événements sportifs. Le chemin est encore long et escarpé.

    • chevron_right

      2021, l’année du grand bouleversement sanitaire

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 3 February, 2021 - 04:00 · 5 minutes

    covid II

    Par Claude Sicard.

    La pandémie de Covid-19 ne cesse de faire des dégâts considérables dans le monde, et nul n’est en mesure de faire le moindre pronostic sur la façon dont cet épisode tragique va s’achever. Dans notre pays, on s’attend à ce que le gouvernement ordonne un troisième confinement .

    Dans son discours du 16 mars 2020, Emmanuel Macron a déclaré que nous étions « en guerre contre un ennemi invisible, insaisissable » , un coronavirus venant de Chine.

    En attendant que toute la population puisse être immunisée par les nouveaux vaccins qui viennent d’être mis au point dans l’affolement le plus complet, la seule arme dont le gouvernement dispose est le confinement.

    Des vaccins qui arrivent enfin

    Plusieurs grands laboratoires sont fort heureusement parvenus dans des temps record à créer des vaccins . Les premiers arrivent maintenant sur le marché.

    En France, nous en sommes donc aux premières vaccinations, la campagne ayant démarré avec un certain retard par rapport au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Elle se déroule à un rythme plus lent qu’ailleurs, notamment qu’en Allemagne ou en Angleterre.

    Les pouvoirs publics s’organisent pour tenter de rattraper ce retard tout à fait incompréhensible bien que l’on sait que la difficulté majeure vient de la pénurie de doses de vaccins, les grandes firmes pharmaceutiques étant sollicitées de toute part. Il faut bien voir ce qui nous attend en France : en 2021, une suite de confinements et déconfinements successifs, car d’ici à la fin de l’année seulement 20 à 25 millions de personnes tout au plus auront pu être vaccinées. Le virus ne cesse de muter, ce qui interroge sur l’efficacité des nouveaux vaccins dans le temps. À chaque confinement la diffusion du virus ralentit, puis repart ensuite dans la phase de déconfinement, amenant les pouvoirs publics à reconfiner de nouveau la population.

    La situation ne va que pouvoir se dégrader inexorablement, tant sur le plan économique que psychologique.

    L’ iFRAP a chiffré à 16 milliards d’euros hebdomadaire le coût pour la nation d’un confinement dur . Selon cet institut, le premier confinement aurait coûté entre 100 et 125 milliards d’euros ; le second environ 50 milliards.

    Les dégâts psychologiques

    Les dégâts sont également importants au plan psychologique . Les risques croissants de dépression deviennent préoccupants pour les pouvoirs publics.

    Pour beaucoup de personnes il devient de plus en plus difficile de supporter les conséquences des confinements. La dégradation de la situation économique affecte leur sécurité matérielle, détruit leurs projets d’avenir et supprime de leur vie les satisfactions et activités de loisirs qui émaillaient leur existence : contacts sociaux, voyages, activités sportives, concerts, visites de musées, etc.

    À l’occasion de la journée mondiale de la santé le 10 octobre dernier, une enquête de l’OMS a montré que dans 93 % des pays étudiés les services de santé mentale des hôpitaux sont débordés.

    En France, Marion Leboyer , du département de psychiatrie du CHU Henri Mondor à Créteil, a déclaré :

    Nous nous attendons à une multiplication par trois des dépressions sur l’ensemble  de la pandémie.

    L’année 2021 sera très fortement marquée par cette pandémie. Il faudra attendre le second semestre de l’année suivante pour que la situation soit vraiment maitrisée au plan sanitaire, pour autant que ne surviennent pas des évènements imprévisibles.

    L’économie commencera alors à se redresser mais la situation du pays sera particulièrement dégradée. Un très grand nombre d’entreprises auront disparu, nos positions à l’exportation seront fortement affaiblies, d’autant que la Chine semble avoir maitrisé la pandémie ; la dette extérieure sera devenue extrêmement préoccupante.

    La société va se transformer

    Au plan psychologique et sociologique des transformations importantes vont apparaître. Les individus vont modifier leur comportement et la société va se transformer.

    Dans Le Figaro du 27 janvier 2021, Hugues Lagrange, sociologue directeur de recherche au CNRS, interviewé par Alexandre Devecchio confie que « la crise pourrait être accoucheuse d’une profonde réorientation » . Il pense que les gens  vont davantage interroger le sens de leur vie. Alexandre Devecchio cite Houellebecq qui, dans son roman Sérotonine , accuse notre monde moderne d’être « une société qui soigne le corps en asphyxiant les âmes. »

    Tout naturellement, on pense à Voltaire . Dans sa jeunesse, l’écrivain était un joyeux épicurien. Il devient ensuite un philosophe humaniste et pessimiste, marqué par la catastrophe du tremblement de terre de Lisbonne en 1755.

    Candide , paru en 1759, est ainsi le conte philosophique de la maturité de Voltaire. Il se conclut sur la rencontre de Candide avec un vieillard turc qui lui enseigne que la sagesse consiste à « cultiver son jardin. » Cunégonde, fraiche, dodue et appétissante au début du conte finit « laide, acariâtre et insupportable ».

    Dans Essai sur les mœurs et l’esprit des nations Voltaire écrit : « Presque toute l’histoire est une suite d’atrocités inutiles. »

    Face aux dégâts extraordinaires générés par la pandémie actuelle, nombreux sont ceux qui vont changer de paradigme.

    Dans son numéro de septembre 2020 le mensuel L’Histoire titre « Comment une pandémie change le monde. »

    Le sociologue Remy Oudghiri, directeur de Sociovision (Ifop) écrit :

    Après le coronavirus notre société va changer et confirmer le développement de six tendances : santé, travail, vie connectée, soif de collectif, et écologie.

    Les enquêtes confirment effectivement que bon nombre de cadres citadins veulent s’installer à la campagne. L’exode de ces néo-ruraux est une tentation de l’après-covid.

    Les évènements auxquels nous sommes confrontés vont conduire les habitants des pays riches à prendre conscience que l’Homme doit limiter ses désirs à un bonheur relatif.

    Hugues Lagrange nous rassure :

    Une vie plus frugale, plus conviviale, plus attentive aux équilibres n’est pas forcément une moindre vie.

    Boris Cyrulnik nous annonce :

    Après chaque catastrophe, la société change.

    • chevron_right

      La politique de relance est arbitraire et nuisible

      Pascal Salin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 1 February, 2021 - 04:40 · 8 minutes

    politique de relance

    Par Pascal Salin.

    Généralement, quand on parle de politique de relance on fait un raisonnement de type macroéconomique consistant en particulier à penser que la relance économique de la production dans un pays est accrue par une augmentation de la demande globale. Telle est en particulier l’une des caractéristiques de la théorie keynésienne.

    Or cette approche économique est particulièrement contestable. Comme nous l’avons indiqué dans un article précédent de Contrepoints c’est la production qui détermine la demande et non le contraire.

    L’absurdité de la politique de relance

    Outre les raisonnements logiques concernant les comportements des individus et leurs conséquences sur les activités d’une société – par exemple d’un pays – on devrait être convaincu du caractère absurde de la politique de demande globale par le fait suivant : les producteurs d’un pays comme la France sont concernés par des demandes extrêmement importantes, à savoir les demandes mondiales.

    S’ils ne produisent pas plus ce n’est pas parce qu’il y a une insuffisance de demande globale – puisqu’il existe une demande mondiale – mais c’est parce qu’ils ne veulent pas produire davantage, compte tenu de leurs choix subjectifs et de leurs capacités productives.

    L’approche macroéconomique au sujet de la demande globale semble être implicite dans les déclarations politiques concernant la politique de relance. Dans la mesure où il y a là une idée adoptée pratiquement par tous les Français, même s’ils ne connaissent pas de manière précise la théorie keynésienne , il est dans l’intérêt des politiciens de proclamer qu’ils pratiquent une politique de relance en augmentant les dépenses publiques.

    Ils justifient par ailleurs ainsi l’idée courante selon laquelle la politique économique constitue l’un des rôles majeurs de l’État. Or on devrait considérer cette idée comme totalement contestable : la seule chose qui justifie en principe l’existence de l’État c’est ce qu’on appelle les fonctions régaliennes .

    Mais les politiciens français profitent actuellement du respect de la politique de relance, alors qu’il y a une diminution de beaucoup d’activités productives, pour financer plus particulièrement certaines activités et obtenir ainsi l’appui d’un certain nombre d’électeurs.

    Au lieu que la politique de relance soit considérée comme un ensemble de dépenses effectuées par l’État pour s’approprier des biens et services, comme cela semble correspondre à la théorie keynésienne, l’actuelle politique de relance pourrait être considérée comme davantage justifiée dans la mesure où elle ne repose pas sur un objectif global, mais a pour objectif d’aider les producteurs considérés comme étant particulièrement victimes de la situation actuelle.

    Un prétexte pour l’État

    Mais cette politique constitue en particulier un prétexte pour l’État afin de développer les politiques spécifiques qu’il souhaite (en particulier pour réaliser les souhaits de certains de leurs électeurs). C’est ainsi que la politique de relance actuelle a trois priorités : la transition écologique , la compétitivité et la souveraineté de l’économie française.

    Or ces domaines ne sont pas ceux auxquels la crise actuelle nuit le plus, mais ceux qui constituent des objectifs permanents de la politique économique. De ce point de vue on ne devrait pas parler de politique de relance, mais de politique de diversification obligatoire des activités productives.

    À titre d’exemple on peut aussi évoquer le plan protéines végétales auquel sont consacrés vingt millions d’euros pour l’achat de semences et pour l’aide à l’investissement dans des équipements spécifiques permettant la culture, la récolte et le séchage d’espèces riches en protéines végétales.

    Il est évident que la crise économique actuelle est une crise de l’offre car la crise sanitaire a empêché un grand nombre de personnes – salariés ou entrepreneurs – de travailler autant que normalement. Par ailleurs, la diminution de revenus qui en a résulté a évidemment conduit à une diminution des demandes de certains produits et donc de leur production.

    Il est évident que cette crise économique ne doit pas être considérée comme une crise globale, mais comme une crise structurelle. Pour en sortir, il faut que les écarts des structures productives par rapport aux structures normales de long terme soient progressivement supprimés.

    Ordre spontané et juste utilisation des ressources

    Or il est très important d’admettre que ce retour aux équilibres normaux peut résulter de ce que Friedrich Hayek nommait l’ordre spontané .

    Prenons en effet l’hypothèse que la crise sanitaire s’est totalement arrêtée. Il n’y a plus de raison pour les individus de cesser leur travail ou de le réduire.

    Bien entendu ce retour aux activités normales ne peut pas se faire immédiatement et de la même manière pour toutes les productions. Il y a des évolutions structurelles, impossibles à prévoir, qui se manifestent en partie par des variations des prix relatifs, ce qui a d’ailleurs pour rôle de créer des incitations à s’ajuster à la situation d’autrui. Bien entendu cette restructuration n’est pas immédiate et est un peu coûteuse, mais elle a le mérite de tenir compte de la spécificité de toutes les activités.

    Par ailleurs l’actuelle politique de relance est censée bénéficier à des entreprises et citoyens spécifiques. On considère généralement cela comme une remarquable justification de la politique de relance : aider ceux qui semblent souffrir le plus de la crise, par exemple.

    Mais les jugements consistant à choisir les activités à développer le plus sont contestables. Ainsi, par exemple, il se peut que certaines activités dont la production diminue auraient de toute façon diminué leur production – ou même fait faillite parce qu’elles ne correspondaient plus aux besoins – s’il n’y avait pas eu la crise sanitaire. Essayer de soutenir ces activités productives est donc injustifié et conduit à des gaspillages de ressources .

    La crise de l’offre

    La crise est en grande partie une crise de l’offre (de la production) et non de la demande, même si certaines productions ont dû diminuer du fait de la diminution de la demande pour leurs produits ; mais précisément on ne connait pas du tout les raisons des changements structurels et il n’est pas justifié de mener une politique structurelle. Elle risque d’empêcher pendant longtemps le retour normal aux structures de production désirables pour les producteurs et les consommateurs.

    En effet ces politiques impliquent évidemment des augmentations de dépenses publiques aux dépens de dépenses privées puisqu’il faut bien que l’État prélève des ressources sur les citoyens pour financer ses dépenses. Par conséquent il y a deux raisons de critiquer cette politique de relance pour des activités productives spécifiques.

    Tout d’abord cette politique est forcément arbitraire car il est certain que les dirigeants politiques et bureaucratiques ne connaissent pas les véritables changements structurels dus à la crise ni ce que serait la structure productive correspondant à tous les besoins et envies des individus.

    Par ailleurs la politique de relance a pour conséquence des changements structurels imprévisibles et impossibles à connaitre. Ils sont dus au fait que le financement des aides de relance a forcément des conséquences négatives car cela réduit l’épargne disponible pour les investissements (autres que ceux aidés par la politique de relance) et impose dans le présent ou le futur le prélèvement d’impôts supplémentaires.

    La politique de relance actuelle correspond au préjugé très contestable selon lequel l’État a pour mission de pratiquer des politiques économiques et que les responsables de ces politiques ont une connaissance parfaite du fonctionnement de l’économie nationale, c’est-à-dire de toutes les activités productives et des rapports existant entre elles.

    Ce préjugé – qui joue donc un rôle important dans la politique de relance – est aussi celui qui inspire la planification , lorsqu’elle existe ; et d’ailleurs l’actuel gouvernement français a décidé de relancer le plan français.

    La nocivité de la politique de relance et de toute politique économique

    On devrait admettre que toute politique économique est nuisible. Une politique économique suppose implicitement que les dirigeants politiques ont une parfaite connaissance des relations entre tous les producteurs et consommateurs et qu’ils peuvent modifier les droits de propriété.

    Ce qui est efficace c’est l’ordre spontané grâce au rôle des prix relatifs et grâce au rôle de la concurrence . La seule réforme qui serait souhaitable consisterait à interdire toute politique économique et à exiger que l’État s’occupe uniquement de ses activités régaliennes, par exemple la sécurité extérieure, la sécurité intérieure ou la justice pour défendre les droits de propriété .

    Ces activités sont supposées ne pas pouvoir exister en l’absence d’un État. En réalité cela n’est pas totalement vrai : ainsi les individus s’organiseraient sans doute dans ce cas pour mettre en place des systèmes de sécurité et pour protéger leurs droits de propriété. Mais les activités régaliennes sont en tout cas relativement plus justifiées pour un État que les autres activités.

    • chevron_right

      In Vino Veritas : subventions et taxes ne sont jamais la solution

      Simone Wapler · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 1 February, 2021 - 04:35 · 4 minutes

    subventions

    Par Simone Wapler.

    Les vignerons sont frappés par une nouvelle surtaxe à l’export vers les États-Unis. Ils sont victimes collatérales d’une guerre Airbus-Boeing au moment où le confinement les prive de débouchés commerciaux.

    Tout commençait bien, il y a presque vingt ans. En 1992, un louable accord entre l’Union européenne et les États-Unis impose des limites aux subventions publiques que peut recevoir le secteur aéronautique des deux côtés de l’Atlantique. Hélas, nous vivons dans un monde cruel…

    En 2004, Boeing accuse Airbus de bénéficier de prêts et subventions contraires à cet accord ; les États-Unis déposent une plainte à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et une enquête commence.

    En 2005, l’Union européenne riposte en déposant à son tour une plainte pour les mêmes motifs : Boeing recevrait aussi des subventions et des aides.

    En 2010, l’OMC rend son verdict dans le premier conflit Boeing contre Airbus, déclare l’Union européenne coupable et estime la compensation due à Boeing à 7,5 milliards de dollars.

    En 2019, deuxième verdict de l’OMC sur la plainte d’Airbus examinée sur le fond à partir de 2006 ; à leur tour, les États-Unis sont déclarés fautifs et doivent une compensation de quatre milliards de dollars à l’Union européenne. Union européenne : 7,5 ; États-Unis : 4.

    Soigner le mal par le mal : subventions, taxation

    Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si le remède administré par l’OMC n’était pas pire que le mal. Pour compenser les subventions illicites, l’OMC autorise les plaignants à taxer respectivement certains produits européens entrant aux États-Unis et certains produits américains entrant en Union Européenne.

    Rappelons que toujours et partout, les subventions sont payées par les contribuables locaux , les droits de douanes sont payés par les consommateurs locaux . C’est donc double peine pour les contribuables et consommateurs de chaque côté de l’Atlantique qui ont financé par leurs impôts respectifs des subventions à leurs champions aéronautiques, puis devront payer plus cher de leur poche certains produits importés. Pour eux, les pénalités s’additionnent : 11,5 partout !

    Le ketchup contre le pinard

    Deux nombreux bureaucrates de part et d’autre de l’Atlantique se sont ensuite attelés à la délicate tâche de déterminer les produits qui seraient surtaxés.

    Tomato Ketchup, Boeing 737 Max et patate douce made in USA sont dans le viseur de Bruxelles. Équipements aéronautiques, vins tranquilles à degré d’alcool inférieur à 14°, cognacs français et allemands sont dans le collimateur américain.

    Le réchauffement climatique au secours du vin

    Comble d’ironie, de nombreux producteurs viticoles avaient pu échapper à la surtaxe américaine en 2020 grâce à deux années particulièrement chaudes (2018 et 2019) qui ont permis de produire du vin naturellement supérieur à 14°, degré d’alcool qui n’était pas visé par les zélés bureaucrates yankees peut-être amateurs de vins charpentés.

    Mais le tir a été rectifié pour 2021. D’où la colère du président de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux en France qui se plaint d’une disparition des débouchés au moment même où les stocks sont gonflés par les confinements, couvre-feux et autres mesures supposées nous protéger .

    Les fabricants de chandelles et l’escalade dans l’absurde

    Toutes ces lamentables affaires de subventions et droits de douane ne sont que le fruit de la croyance naïve en l’efficacité du protectionnisme . Pourtant, le capitalisme de connivence et le protectionnisme sont toujours nuisibles et coûteux.

    Ceci a été dénoncée avec brio au XIXe siècle par Frédéric Bastiat dans sa Pétition au Parlement français de la part des fabricants de chandelles . Dans cette satire, des producteurs se plaignent de la concurrence ruineuse d’un étranger (qui n’est autre que le soleil) et demandent « une loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes […] par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons ».

    La prochaine fois que votre main se dirigera vers le Ketchup, ou que vous déboucherez une bonne bouteille, n’oubliez pas de penser à Airbus et Boeing et méditez Frédéric Bastiat :

    Aujourd’hui comme autrefois, chacun, un peu plus, un peu moins, voudrait bien profiter du travail d’autrui. Ce sentiment, on n’ose l’afficher, on se le dissimule à soi-même ; et alors que fait-on ? On imagine un intermédiaire, on s’adresse à l’État, et chaque classe tour à tour vient lui dire : « Vous qui pouvez prendre loyalement, honnêtement, prenez au public, et nous partagerons. »

    Le protectionnisme ne nous protège pas, il nous rackette. Dans les modes de compensation qu’elle impose, l’OMC démontre qu’elle œuvre pour le capitalisme de connivence et non pas pour la défense des citoyens et la promotion du libre-échange qui se passe très bien de toute bureaucratie.

    • chevron_right

      Maîtriser les dépenses publiques demande d’enrayer l’inflation législative

      François Facchini · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 30 January, 2021 - 03:50 · 13 minutes

    vaccins

    Par François Facchini.
    Un article de l’Institut économique Molinari

    La dépense publique en France est un thème récurrent des campagnes électorales depuis la prise de position de Valéry Giscard d’Estaing , alors troisième président de la Cinquième République, qui affirmait qu’au-delà d’un ratio de 40 % de prélèvements publics obligatoires sur la production (produit intérieur brut), le régime économique pouvait être qualifié de socialiste.

    Elle a aussi été au cœur des débats de l’élection présidentielle de 2017 et indirectement au centre du mouvements des Gilets jaunes de novembre-décembre 2018 qui se plaignaient à la fois d’une trop forte pression fiscale et d’une dégradation des services publics.

    Comme la raison de l’impôt est la dépense, si la dépense est inutile, l’impôt ne se justifie plus. En mai 2018 1 et cela depuis 2014, une majorité de Français estime, de plus, qu’il faudrait réduire la dette publique en engageant une baisse significative des dépenses publiques. Le rapport des Français aux finances publiques : dépenses, impôts et dette apparaît ainsi extrêmement ambiguë voire contradictoire.

    Généralement, la sociologie des finances publiques développe l’idée que la croissance du secteur public et des dépenses en particulier est la conséquence de l’incapacité des marchés à s’autoréguler. La croissance des dépenses publiques et plus généralement de l’intervention de l’État dans l’économie aurait été rendue nécessaire par les défaillances du marché et le caractère nécessairement conflictuel des rapports sociaux en économie capitaliste. On trouve dans cette proposition deux traditions : le néo-keynésianisme et le marxisme.

    La théorie de la croissance endogène permet d’affirmer que pour avoir de hauts niveaux de croissance, il faut mettre à la disposition des entreprises des citoyens éduqués et en bonne santé, des routes, des palais de justice, des chercheurs, etc. La théorie de la régulation développe une idée similaire à partir de la théorie de la lutte des classes.

    Les dépenses publiques sont un moyen de produire de la cohésion sociale. L’État est l’organisation qui permet de produire tout ce qui n’est pas profitable. Il sert la reproduction du capitalisme . Il est une organisation au service du capital. Par exemple, par les dépenses sociales il abaisse les coûts de reproduction de la force de travail.

    Il retarde par son système éducatif et parfois son soutien aux religions la lutte finale et la chute du capitalisme. L’État est l’instance qui socialise les pertes pour permettre aux capitalistes de privatiser les profits. L’augmentation de la dépense publique participe de la forme structurelle de régulation du mode de production capitaliste et plus particulièrement de la gestion de la dévalorisation du capital.

    C’est parce que la consommation privée ne peut pas gérer seule le rapport salarial que l’État met en place des salaires différés qui permettent de mettre en phase l’accumulation du capital et la consommation, c’est-à-dire d’équilibrer une croissance par nature déséquilibrée dans un régime capitaliste sans État.

    Dans ces conditions, la croissance des dépenses publiques ne se fait pas contre le capitalisme, mais à cause de lui. La dépense publique pallie les défaillances du marché et pacifie les relations sociales. Elle achète la paix sociale.

    La conséquence analytique est que c’est dans la logique du capitalisme que de générer de la dépense, car sans ces dépenses le système serait inefficace ou trop conflictuel et ne pourrait pas survivre. On est proche de la loi de Wagner . Le capitalisme favorise le développement et ce dernier induit la dépense publique. Dans le même esprit, on pourrait citer la loi de Baumol .

    La dépense publique augmente relativement à la production parce que la productivité dans les services publics augmente moins vite que dans l’industrie. Là encore, les choix politiques n’ont pas leur place dans l’explication de la croissance de la taille du secteur public.

    Ce sont ces explications qui sont privilégiées par les publications officielles des gouvernements français à travers les Cahiers Français (documentation française) ou le site du ministère de l’Économie et des Finances 2 .

    Ces explications sont mécaniques et ignorent totalement le jeu des compromis politiques dans la formation des choix publics. Elles lavent de tout soupçon les classes politiques et administratives qui, au pire, sont obligées de dépenser plus pour éviter la révolution et au mieux sont dans la nécessité de le faire pour répondre aux besoins des populations en détresse en l’absence de toute intervention de l’État.

    Cette vision radicale et paternaliste de l’État et de la dépense publique n’est pourtant qu’une interprétation de l’Histoire. Elle ne repose ni sur une théorie individualiste des choix ni sur une méthodologie solide et de nature hypothétique comme peut le proposer le travail économétrique.

    Lorsque l’approche individualiste de la dépense publique est adoptée, la dépense publique n’est plus une nécessité, mais la conséquence d’un choix. Le choix est fondamentalement de nature paternaliste et intéressé. Le paternalisme justifie la production de lois et de règlements pour protéger les citoyens. Ce sont ces lois et ces règlements qui génèrent de la dépense.

    Les propos de Benjamin Constant sur l’État mettent sur la voie d’une telle explication. En effet, il identifie deux sources d’intervention de l’État : la redistribution et le danger. La redistribution est une raison parfaitement identifiée par la théorie économique contemporaine des choix publics . Le danger est aussi présent avec le thème de la sécurité et de la protection. On peut sur ces deux termes construire une explication.

    À l’origine, il y a un même constat. L’homme politique ne produit rien. Pour agir, il doit trouver de l’argent. Il agit pour lui-même ou au nom des autres afin de justifier son existence. La conséquence est qu’il est obligé de convaincre les citoyens de son utilité. Il est utile s’il permet aux citoyens d’externaliser les coûts de leurs choix sur les autres (redistribution) ou s’il protège d’un danger.

    Le meilleur argument pour se rendre utile aux yeux de ses concitoyens est de les convaincre qu’il peut les protéger contre les dangers de la vie. Qui dit danger dit demande de protection. Le danger rend l’intervention de l’homme politique utile.

    Historiquement, le principal danger avancé par les hommes politiques fût la menace d’invasion. L’impôt était légitime parce que la guerre était imminente. Ensuite, tous les types de danger ont été avancés pour justifier l’intervention de l’État : la tyrannie du père, l’aliénation religieuse, l’exploitation seigneuriale, la spoliation patronale, la malhonnêteté des marchands, la toxicité de certaines marchandises, l’addiction (alcool, sexe, jeu, drogue, etc.), le crime, la pollution, la pauvreté, le réchauffement climatique, etc. Le danger est lié au risque, mais il ne relève pas d’un calcul.

    Le danger fait peur et la peur justifie le vote de règlements qui, une fois votés, doivent être appliqués. Leur mise application crée une pente glissante qui conduit à la dépense publique et à l’impôt.

    La loi et les règlements induisent deux types de coûts : des coûts publics et des coûts privés de mise en conformité. Ce sont ces coûts qui expliquent le lien très étroit qui existe entre production de lois et de règlements et dépenses publiques.

    Il y a, tout d’abord, les coûts de production de la loi proprement dit qui conduit à une augmentation du budget affecté au Parlement.

    Il y a, ensuite, les coûts d’application de la réglementation. Ces coûts d’application correspondent aux coûts d’administration, aux coûts des délais de réponse des administrations et aux coûts de contrôle. Ils sont initialement à la charge des agents qui sont censés respecter la réglementation et des administrations publiques. Chacun cherche cependant à les faire supporter par la collectivité, à transformer ces coûts en dépenses publiques financées par l’impôt.

    Les coûts d’administration correspondent à l’ensemble des ressources affectées par les administrations publiques et privées pour mettre en œuvre les lois et les règlements. Ils sont associés au concept de paperasserie ( red tape ). Les coûts de celles-ci peuvent être nommés des coûts jumeaux. Les coûts supportés par les agents le sont aussi par l’administration publique.

    Les agents affectent du temps pour :

    • connaître la loi ;
    • remplir des formulaires administratifs ;
    • suivre la procédure ;
    • stocker ces documents ;
    • les faire parvenir à l’administration.

    L’administration publique reçoit ces documents. Elle doit les viser, les stocker et les retourner à l’envoyeur s’ils ne sont pas conformes. Lorsque tout semble en règle, l’administration publique donne son accord.

    Aux coûts administratifs s’ajoutent les coûts des délais réglementaires. Ces coûts correspondent aux coûts induits par les délais d’approbation et/ou les délais de traitement des demandes de permis. Moins il y a d’agents publics et plus ces coûts sont élevés.

    Les entreprises arbitrent entre baisser les coûts de mise en conformité ou baisser les coûts d’administration. De hauts coûts d’administration accélèrent la mise en conformité, car il y a beaucoup d’agents publics et cela accélère les délais d’approbation.

    Moins les agents publics sont compétents et nombreux et plus les délais sont longs. Là encore des agents publics mieux payés peuvent favoriser l’embauche d’individus plus talentueux et capables de réduire les délais d’approbation. Les entreprises sont prêtes à payer davantage pour réduire les délais d’autorisation et de mise en conformité, car sans l’approbation de l’État, ils n’ont pas l’autorisation de commercer ou de reprendre la production ou sont obligés dans certains cas de payer des amendes. Ce qui s’ajoute aux coûts de mise en conformité et aux coûts administratifs.

    Les coûts de contrôle sont les plus visibles. Ils correspondent à l’ensemble des agents publics qui sanctionnent les agents qui ne respectent pas la règle, qui fraudent.

    Par exemple, l’obligation légale de porter une ceinture de sécurité dans une voiture impose l’embauche de gendarmes pour contrôler l’application de la règle. Le gendarme doit s’assurer que les conducteurs attachent leur ceinture. Si les règles se multiplient, il doit aussi s’assurer qu’ils ne téléphonent pas au volant, placent leurs enfants dans des sièges adaptés, possèdent un certificat attestant que leur véhicule a passé le contrôle technique, etc. Plus le nombre des règles est élevé, plus celui des contrôleurs est grand.

    Réglementer n’est donc pas sans coût budgétaire. Réglementer s’apparente, de plus, à une forme d’impôt déguisé qui provoque des stratégies d’évitement.

    La réglementation est une extension de l’impôt.

    Lorsque l’État oblige la scolarisation des enfants, cela n’est pas sans coût pour les familles qui doivent se priver d’une part du travail domestique de leurs enfants. Cela a d’autant plus de conséquences que les familles sont pauvres.

    Imposer l’école conduit logiquement à rendre l’école gratuite, mais cette gratuité n’est qu’apparente, elle exige de lever l’impôt pour financer la nouvelle dépense d’éducation. L’impôt et la réglementation sont ainsi deux manières de financer l’obligation légale, le goût du pouvoir pour certaines pratiques.

    L’école obligatoire et payante fait supporter le coût de l’obligation aux familles. L’école obligatoire et gratuite met les frais de scolarité à la charge des contribuables et ouvre la voie à toutes les formes de marchandages politiques, chacun cherchant à faire peser la charge de la dépense, de l’obligation sur les autres.

    Comme pour l’impôt, les agents vont tenter d’éviter les coûts de l’obligation légale, de cet impôt déguisé qu’est la loi et le règlement. L’obligation légale a donc un coût de même nature que l’impôt que les ménages cherchent à éviter. Cela les conduit à investir en politique, ces ressources investies en politique sont improductives. Elles limitent la progression des revenus et rendent le financement public de la mise en conformité au règlement encore plus nécessaire.

    Lorsque l’impôt est utilisé pour mettre en œuvre la loi, il engage de plus de nouveaux coûts, les fameux coûts de perception de l’impôt. Ceux-ci sont d’autant plus grands que la hausse des impôts favorise aussi des stratégies d’évitement de l’impôt (répercussion sur les prix, fraude et évasion fiscale) qui sont coûteuses pour les contribuables et l’administration fiscale.

    On peut en conclure que le fait générateur de la dynamique des dépenses publiques en France est l’instrumentalisation des dangers par les hommes politiques et la classe administrative qui se proposent de protéger la population contre elle-même par des mesures d’interdiction et/ou des contraintes légales. Une telle décision place alors les finances publiques sur une pente glissante, elle génère des dépenses publiques et un processus d’auto-renforcement loi-dépense.

    C’est d’ailleurs ce que l’on observe en France sur longue période (1871-2015 Figure 1). La dépense publique n’est ni une nécessité sociale ni la réponse aux défaillances du marché. Elle participe d’une chaîne de décision politique fondée sur une forme ou une autre de paternalisme. Elle débute par la croyance en la capacité des hommes politiques à protéger l’homme contre les dangers de la vie.

    Cette croyance acquise, l’homme politique utilise tous les instruments dont il s’est arrogé les droits (la loi, la dépense, la monnaie et l’impôt) pour les gérer. Si rien ne vient contester la bienveillance et l’omniscience paternelle de l’État, la dépense n’a plus de limites. Si on souhaite sur le long terme limiter la dépense publique, il faut donc s’attaquer à sa racine, l’inflation législative.

    Source: François Facchini, Elena Seghezza 2020. Legislative production and public spending in France. Public Choice , Springer Verlag, In press, ⟨10.1007/s11127-020-00858-7⟩ . ⟨hal-03051879⟩ et Facchini, F., 2021. Les dépenses publiques en France , Bruxelles, de Boeck (consulté le 29/01/2021).

    Sur le web

    1. ELABE : site consulté en décembre 2018.
    2. La direction de l’information légale et administrative reprend largement les travaux de l’école de la régulation et les explications données par André et Delorme, mais aussi Pierre Rosanvallon, de la croissance des dépenses publiques et de la crise de l’État-providence débutée à la fin des années 1970. Voir le site Vie publique , les entrées dépenses publiques et État-providence par exemple.
    • chevron_right

      Pour un marché libre du cannabis en France

      GenerationLibre · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 29 January, 2021 - 03:30 · 1 minute

    marché libre

    Par Edouard Hesse et Kevin Brookes
    Un article de GénérationLibre

    La lutte contre le cannabis en France est un échec sanitaire et sécuritaire. Si la répression ne détourne personne de son usage, elle met les consommateurs aux prises avec un système criminel.

    À l’inverse, la légalisation permet de réduire le crime, ne provoque pas d’augmentation significative de la consommation et favorise la protection des plus vulnérables.

    Un tour d’horizon des différentes expériences menées à l’étranger (Uruguay, États-Unis, Canada) fait apparaître la supériorité des modèles fondés sur un libre marché régulé du cannabis pour assécher le marché noir.

    Nous prônons une libéralisation de la production, de la distribution et de la consommation du cannabis en France.

    Nous proposons une production par le secteur privé via un système de licence soumise à une règlementation pour assurer le respect de certaines normes sanitaires.

    La distribution est librement assurée par tous les détenteurs d’une licence, aussi accessible à certains anciens dealers afin de faciliter leur reconversion.

    Enfin, la vente est interdite aux mineurs, la consommation restreinte dans certains lieux recevant du public comme pour le tabac, et la publicité réglementée comme pour l’alcool.

    Les recettes fiscales issues de la légalisation du cannabis financent des programmes de prévention et d’accompagnement pour les personnes vulnérables et souffrant d’addiction.


    Découvrez ICI le volume I – Légaliser le cannabis ; Arguments légaux et médicaux en faveur d’un changement de modèle. (mai 2018)

    Sur le web