• chevron_right

      Le télétravail est mauvais pour l’économie

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:20 · 6 minutes

    télétravail Masques obligatoires en entreprise

    Par Philbert Carbon.
    Un article de l’Iref-Europe

    Élisabeth Borne ferait mieux de se demander pourquoi le télétravail est aujourd’hui en baisse, plutôt que de se répandre en déclarations sans grande portée puisque dans le Code du travail, rien n’oblige les entreprises à mettre en œuvre cette pratique.

    Il est vrai que la question divise les employeurs comme les salariés, chaque partie ayant des arguments favorables ou défavorables. Mais, finalement, si le télétravail est en baisse, c’est bien parce qu’il n’est pas efficace . Plusieurs études récentes nous expliquent pourquoi.

    Des salariés échaudés après le télétravail du premier confinement

    Si la plupart des salariés ont apprécié le télétravail au début du premier confinement (l’attrait de la nouveauté ?), ils semblent aujourd’hui en grande partie lassés par le dispositif.

    En mai 2020, selon une enquête OpinionWay-Square Management pour Les Échos et Radio Classique, 80 % des actifs qui avaient fait l’expérience du télétravail déclaraient qu’ils aimeraient continuer à le pratiquer, au moins en partie. Beaucoup louaient le travail à distance, synonyme de concentration renforcée, d’efficacité accrue, de liberté pour organiser sa journée de travail, et de confiance donnée au collaborateur.

    Mais après un an de pratique, nombreux sont ceux qui craquent, critiquant le temps passé en réunions virtuelles et l’absence de contacts humains.

    Des employeurs dubitatifs

    Du côté des employeurs, ce n’est pas mieux. Selon une étude du cabinet de conseil Génie des Lieux, 77 % des entreprises ont pour objectif cette année de faire revenir leurs collaborateurs au bureau.

    Ce samedi, dans Le Figaro , Fabrice Zerah, fondateur de la société Ubi Solutions, expliquait que l’activité commerciale « demande le plus souvent de se rencontrer vraiment ». De même, ajoutait-il, on ne mobilise pas « ses équipes par écrans interposés ». Le télétravail fait aussi perdre « tous les moments informels de la vie sociale dans l’entreprise » , qui sont aussi « des moments de création de valeur » , de créativité, d’innovation. L’entrepreneur critiquait également la « fusion du bureau et du salon qui n’est qu’une aliénation » puisqu’elle bouleverse irrémédiablement « l’équilibre si précieux entre vie professionnelle et vie personnelle ».

    Télétravail et productivité en baisse

    Des experts ont affirmé que le télétravail augmentait la productivité : moins de temps passé en pauses et bavardages inutiles, absentéisme réduit, stress diminué, en particulier par la suppression des temps de transport domicile-travail (avec leur lot de bouchons, retards, fatigue…), et des déplacements chez les clients. Par ailleurs le collaborateur se sentirait davantage considéré et s’investirait plus dans son travail. Bref, les entreprises auraient tout à y gagner.

    De surcroît, avec l’absence des collaborateurs, de nombreux locaux sont sous-occupés. Beaucoup d’entre eux profiteraient donc de l’aubaine pour résilier leurs baux, réduire la surface louée et faire ainsi de substantielles économies, les locaux étant souvent le deuxième poste de dépenses après les salaires. Le télétravail serait donc appelé à durer, car les entreprises n’auraient de toute façon plus la capacité d’accueillir tous leurs salariés en même temps.

    Plusieurs études récentes montrent pourtant que le télétravail n’a pas toujours les effets positifs qu’on lui attribue.

    Le Monde , dans son édition du 28 décembre 2020, citait une étude du CNAM concluant que le « travail à distance peut occasionner jusqu’à 20 % de perte de productivité s’il est appliqué à 100 % ».

    Dans une étude pour la Banque de France , les économistes Gilbert Cette et Antonin Bergeaud citent les travaux de Bloom et al. (2015) montrant que le passage au télétravail de « salariés volontaires d’un centre d’appel chinois dans une entreprise équipée et préparée à ce mode d’organisation » a pu amener des gains de productivité de l’ordre de 20 %. En revanche, les travaux de Morikawa (2020) montrent que la productivité a baissé de 40 % dans un institut de recherche japonais qui, subitement et sans préparation, est passé au télétravail durant la période du confinement.

    Les deux auteurs citent également une étude de l’OCDE qui conclue que le télétravail peut avoir, selon son intensité, des effets négatifs sur la productivité : « la relation entre les gains de performance et l’intensité du télétravail aurait la forme d’une courbe en U inversée » comme le montre le graphique ci-dessous :

    Relation en U inversée entre intensité du télétravail (en proportion de la durée travaillée) et productivité pour deux activités différentes
    PNG - 22.2 ko

    Source : Antonin Bergeaud et Gilbert Cette et OCDE.

    Dans une note de la direction générale du Trésor , Cyprien Batut et Youri Tabet indiquent :

    « La littérature économique n’est pas univoque sur l’impact du télétravail sur la productivité. Il dépend de nombreux facteurs :

    • les conditions de sa mise en place (outils, formation des télétravailleurs et de leurs managers) ;
    • l’organisation du travail dans l’entreprise et du type de management (autonomie du salarié, valorisation du résultat plutôt que de la présence, capacité d’adaptation du management) ;
    • les caractéristiques de chaque métier (degré d’interdépendance à d’autres tâches, caractère créatif ou non des tâches, autonomie) ».

    Quant à Pierre Pora de l’ INSEE , après avoir passé en revue nombre d’études sur le sujet, il conclut que « la nature du travail effectué, le souhait des salariés d’en bénéficier et la façon dont il est mis en œuvre dans les entreprises conditionnent l’effet qu’un passage massif en télétravail pourrait avoir sur la productivité ».

    En conclusion, nous pouvons dire que le travail à distance pourrait avoir des effets bénéfiques sur la productivité s’il est anticipé, dans des entreprises qui ont la réelle volonté de le mettre en place, et avec des salariés volontaires. Dans les autres cas, la productivité risque fort d’être en baisse. Comme elle l’est assurément avec un télétravail à 100 %.

    Laisser les entreprises s’organiser

    Le travail à distance a été indispensable lors du premier confinement pour maintenir un minimum d’activité économique et éviter un effondrement total. Mais on peut se demander s’il n’est pas temps aujourd’hui de lâcher la bride, employeurs et salariés n’en pouvant plus de cette situation . Surtout que le télétravail à 100 % que rêve d’imposer la ministre Élisabeth Borne est néfaste pour l’économie.

    Croit-on réellement que l’intérêt des employeurs est de faire revenir leurs collaborateurs au travail pour qu’ils soient contaminés par le coronavirus ? Croit-on vraiment que les salariés veulent revenir au boulot dans le secret espoir de tomber malades ? Non, bien sûr. Alors, laissons les dirigeants d’entreprises s’organiser à leur guise, en concertation avec leurs salariés. Faisons appel à la responsabilité et au bon sens de chacun. Il en va de la reprise notre économie.

    Comme le dit l’entrepreneur Fabrice Zerah, déjà cité,

    le télétravail, ce n’est pas la modernité, c’est même l’anti-progrès économique et social.

    Sur le web

    • chevron_right

      Laye, l’apprenti boulanger qui peut enfin travailler en France

      Justine Colinet · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 21 January, 2021 - 03:50 · 5 minutes

    Laye

    Par Justine Colinet.

    Une bonne nouvelle dans ce contexte toujours plus restrictif ? Ce n’était pas facile, mais il y a eu du positif ces derniers jours. L’une des actualités qui a retenu notre attention est la régularisation de Laye Fodé Traoré, un Guinéen de 18 ans.


    Après que son employeur, à force de courage et détermination, a poursuivi une grève de la faim le menant jusqu’à l’hospitalisation, après une pétition lancée en ligne par ce même employeur ayant recueilli plus de 220 000 signatures, après avoir reçu le soutien de Raphael Glucksmann , Omar Sy, Aurore Lalucq et bien d’autres, le jeune homme a annoncé jeudi passé sa régularisation. Il a repris ce mardi son travail d’apprenti en boulangerie au sein de la société Pain et Partage à Fabrègues. Il y sera certainement embauché après l’obtention de son CAP.

    Cette histoire d’un jeune travailleur, dévoué mais visé par une obligation de quitter le territoire, a touché de nombreux Français, qu’ils viennent du monde politique, syndical, artistique ou littéraire.

    Laye est arrivé en France lorsqu’il était mineur. Il a alors été pris en charge par l’État français en tant qu’isolé. Mais à sa majorité, il n’a pas obtenu de titre de séjour. Une demande de titre de séjour pour motif travail lui a été refusée en octobre 2020.

    Le jeune homme a alors saisi le tribunal administratif de Besançon sur le fond pour contester son expulsion. Son employeur a souligné alors son importance au sein de l’entreprise et la difficulté qu’il avait à embaucher quelqu’un pour le remplacer.

    Pour la ministre du Travail Élisabeth Borne, le cas de Laye est un un « cas particulier ».

    « Dans le principe, ça ne devrait pas se passer comme ça. […] Quand on accueille des mineurs non accompagnés qui s’engagent dans des formations, au bout de deux ans, si tout s’est bien passé, alors ils peuvent continuer à travailler en France ». « Mais là c’est un cas particulier », a-t-elle estimé. « Il y a une contestation sur sa situation, […] les autorités judiciaires vont être amenées à se prononcer » Elisabeth Borne lors d’un déplacement sur le thème de la formation.

    Notons bien qu’il y a, en France, trois conditions à remplir pour l’obtention d’un titre de séjour en tant que mineur : une formation qualifiante sérieuse, une absence de lien fort et régulier avec le pays d’origine, et pouvoir justifier de son identité pour prouver sa minorité lors de la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance.

    C’est ce dernier critère qui a posé problème dans la situation de Laye : la préfecture de la Haute-Saône a considéré « que les documents d’identité qu’il a produits [n’étaient] pas authentiques » .

    Or, selon Me Dravigny, l’avocate de Laye, « l’état civil n’est pas le même [en Guinée] qu’en France » et son ambassade à Paris ne délivre pas de passeport pour le moment. Toujours selon elle, le cas de Laye Fodé Traoré n’est pas du tout une exception.

    C’est finalement la validation récente par l’ambassade de Guinée des documents d’identité fournis par le jeune travailleur, qui « lui a délivré un acte de naissance », qui a permis sa régularisation.

    Une bonne nouvelle, donc. Une bonne nouvelle qui mérite de souligner encore une fois, comme le disait Bill Wirtz : laissons les migrants travailler !

    Le meilleur programme d’aide sociale, c’est un boulot. Pour le travailleur, pour la société, pour tout le monde.

    La réglementation excessive, les demandes d’autorisation et les interminables démarches administratives freinent et découragent les migrants qui cherchent à travailler pour régulariser leur situation, et elles empêchent leur intégration.

    Il est temps que cesse l’acharnement sur les migrants, il est temps de prendre en compte les efforts et le travail de ceux qui s’impliquent dans la vie du pays. À partir du moment où un migrant apporte sa contribution au pays, par son travail notamment, il participe au rayonnement de la France.

    Pourquoi mettre tout en œuvre pour l’obliger à quitter le pays ? Il est évidemment difficile de procéder au cas par cas, cela représente énormément de recherche et d’investissement de la part de l’État, mais ce sont des vies humaines qui sont en jeu, et c’est ce qui semble être oublié trop souvent.

    Combien d’autres jeunes ou moins jeunes sont dans la même situation que Laye ? Combien n’ont pas la chance que leur « cas particulier » soit médiatisé et soutenu par des célébrités ou des politiciens ? Combien n’obtiennent pas le soutien du courageux patron de Laye qui a été jusqu’à se faire hospitaliser pour sa régularisation ?

    Laye Fodé Traoré restera en France et travaillera dans la boulangerie de celui qui l’a soutenu, c’est une excellente nouvelle. Mais le combat continue pour toutes ces personnes en situation irrégulière qui peinent à prouver que leur place est bien en France.