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      Scandale des pensionnats: les autochtones canadiens attendent des excuses de l’Église catholique

      Delphine Jung · news.movim.eu / Mediapart · Sunday, 27 March, 2022 - 09:59


    Depuis mai 2021, plus d’un millier de tombes anonymes ont été retrouvées au Canada près des anciens pensionnats pour les autochtones, des établissements pour la plupart gérés par l’Église et destinés à «tuer l’Indien dans le cœur de l’enfant». Une délégation doit rencontrer cette semaine le pape au Vatican.
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      La police évacue de force les manifestants du centre d’Ottawa

      Delphine Jung · news.movim.eu / Mediapart · Sunday, 20 February, 2022 - 17:23


    Après 21 jours d’occupation, la police est intervenue dans le centre-ville de la capitale canadienne Ottawa. Ce qui était à la base un mouvement qui s’opposait à l’obligation vaccinale pour les camionneurs transfrontaliers a rapidement dépassé cette revendication. Le premier ministre a eu recours à la loi sur les mesures d’urgence, une première depuis 1970.
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      Le Canada confronté à un mouvement de protestation contre les mesures anti-Covid

      La rédaction de Mediapart · news.movim.eu / Mediapart · Wednesday, 2 February, 2022 - 18:49


    Deux ans après le début de la pandémie, des conducteurs et conductrices de poids lourds canadiens ont organisé une mobilisation contre les mesures de lutte contre la pandémie. Après avoir occupé le centre-ville de la capitale Ottawa, plusieurs pourraient rejoindre Québec dans les prochains jours. Le premier ministre Justin Trudeau dénonce une «petite minorité marginalisée».
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      Larry Flynt, l’insoumis

      Mitch Menet · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 07:44 · 8 minutes

    Larry Flynt

    Par Mitch Menet.

    La mort à 78 ans d’un des barons américain du porn réjouit probablement les pontes de la « pornographie morale ». Et pourtant, Larry Flynt était plus qu’un marchand de viande chaude comme certains se complaisent à le décrire.

    Le combat de Larry Flynt est celui d’un homme qui ne tolérait pas la coercition, qu’elle soit pointée à l’entrejambe, au mouvements de la plume, ou la musique des paroles.

    Il y a de nombreuses facettes à la personnalité de Mr. Flynt. Il fut connu comme un entrepreneur à succès dans l’industrie du divertissement pour adultes, mais son histoire passe par de nombreuses péripéties bien plus passionnantes qu’une diffusion sur Canal un premier Samedi du mois.

    En commençant dans la vie active en 1965 par racheter le bar de sa mère puis en ouvrant d’autres, ce tycoon du porn fut tout d’abord un tenancier d’établissements tout à fait banals de débits de boissons. Mais rapidement il ouvra des clubs pour adultes avec des spectacles de femmes dénudées et acheta un petit organe de presse (Bachelor’s beat) qu’il fit prospérer.

    Mais Larry Flynt a connu l’échec.  Il s’est essayé sans succès au business des distributeurs automatiques et y a perdu de l’argent. Ses clubs n’ont pas survécu à la crise du choc pétrolier en 1973, et ce n’est qu’en obtenant un différé sur son paiement de « sales tax » (une espèce TVA à l’américaine), qu’il a pu financer la création de son magazine érotique (disons-le : pornographique) à succès : Hustler.

    De là à dire que la pornographie fut financée sur un prêt d’argent public, il n’y a qu’un pas, que pourtant je ne franchirai pas : s’il avait pu vendre ses magazines sans taxe il aurait quand même vendu au prix le plus élevé possible (Larry Flynt c’était pas un Abbé Pierre de l’érotisme) et aurait tout simplement été le propriétaire légitime de cette somme. J’y vois donc plutôt une belle démonstration du fait que l’impôt a tendance tuer l’entrepreneuriat et la création d’entreprises rentable, mais que des fois l’administration laisse un peu d’air à l’économie, pour ne pas achever la poule aux œuf d’or, et aussi peut être, en espérant récolter plus de « grisbi » ultérieurement.

    Pourquoi a t-il eu autant de succès avec Hustler ? Et bien disons le franchement : parce qu’au lieu de montrer des poils pubiens cmme les autres, il montrait l’objet du désir masculin, la vulve elle même. Cette « innovation » n’était pas vraiment une révolution dans l’histoire de l’humanité, mais c’était un bouleversement dans l’histoire de la pornographie aux Etats Unis.

    Bon c’est vrai, il arriva aussi à faire parler de lui avec la publication peu glorieuse des images « volées » de Jackie Kennedy nue pendant un bain de soleil.

    A partir de ce moment, il sut développer son empire de divertissement pour adultes et élargir ses activités : Vidéos pornographiques, casinos, autres clubs, etc… Larry Flynt était donc un entrepreneur opportuniste mais preneur de risques et surtout, persévérant. Je me permettrai grivoisement de dire que s’il a alimenté la masturbation, il n’était lui même pas du genre à se tirer sur la nouille : C’était un bosseur.

    Mais la personnalité de Larry Flynt est fascinante bien au delà de sa réussite économique parce qu’il était avant tout un insoumis (au sens original du terme et pas au sens de ceux qui se soumettent à Mélanchon).

    Son histoire est surtout celle d’une résistance héroïque face aux agressions juridiques et pénales des conservateurs obtus, des lobbys religieux obscurantistes, et des bande de féministes rageuses (sachant qu’au pluriel le masculin l’emporte dans la grammaire française, et qu’il y a des hommes féministes, ne devrait on pas plutôt parler de féministes « rageurs »? Les féministes l’accepteront-elles/ils ou lanceront elles/ils une fatwa contre moi pour avoir eu l’outrecuidance de pointer ce paradoxe du doigt ?), entre autres.

    Larry Flynt fut à la censure et aux restrictions commerciales de l’industrie du sexe ce que les Finlandais furent à l’armée de Staline : l’incarnation même de la résistance acharnée, et de la contre attaque jusqu’au-boutiste, quitte à y laisser des plume.

    De procès en procès, de controverse en contournement malin de régulations iniques, Larry Flynt su démontrer les incohérences des hypocrites de la morale arbitraire et de sa retranscription juridique.

    Dans son combat (juridiquement perdu, médiatiquement gagné) contre la jurisprudence « Miller v. California” il sut avec ses avocats remettre en lumière lors de son procès, la flagrante subjectivité, et par là même l’inique arbitraire de la définition de l’obscénité telle que prohibée par ce texte.

    En fait Larry Flynt a perdu presque toutes ses batailles juridiques sur le plan de la censure pornographique. Ca lui a couté des millions en avocats et en amendes et probablement encore plus en manque à gagner. Mais à chaque fois, il a su obtenir une victoire dans l’opinion publique et médiatique.

    Il a en revanche obtenu plusieurs succès pour la liberté de critiquer voire de ridiculiser les personalités publiques. Larry Flynt a été pendant 30 ans, un sanguinaire assassin de l’égo surdimentionné des personnalités qui ne veulent que des éloges flatteurs sans liberté de blâmer.

    Et pourtant il y a des paradoxes pour ne pas dire des contradictions chez Larry Flynt. S’il a déclaré « My position is that you pay a price to live in a free society, and that price is toleration of some things you don’t like » (« Mon avis est qu’il faut payer un prix pour vivre dans une société libre, et ce prix est de tolérer des choses que vous n’aimez pas”), il ne s’y est pas toujours plié lui même.

    En effet, l’acharnement de la défense du premier amendement par Larry Flynt n’est pas à l’image de son opinion sur le second amendement. Si on peut comprendre d’un point de vue humain que quelqu’un qui s’est fait tirer dessus et handicaper à vie, probablement par un fanatique que l’on n’a jamais retrouvé, puisse avoir des réserves sur la liberté d’être armé, il faut bien noter que son opinion assez “main stream” sur une restriction “raisonnable” des armes à feu n’est pas franchement libertariano-compatible.

    En revanche, il faut admettre que cet homme a rarement transigé devant l’oppression de l’Etat. Farouche opposant à la guerre en Irak, il a soutenu publiquement et financièrement les mouvements pacifistes. Il a soutenu l’égalité en droit des LGBT.

    Il a aussi été lanceur d’alerte en publiant une video de menaces dignes de gangs mafieux émanant du FBI lui même à l’encontre du citoyen DeLorean (le créateur de la voiture de Doc et Marty, avant qu’elle ne voyage dans le temps). Cet homme piégé et pressurisé par le FBI pour des charges de trafic de drogues pu s’en sortir indemne grâce notamment à l’aide de Larry Flynt. Le FBI avait tout de même menacé de s’en prendre physiquement à la fille de l’accusé.

    Il a dénoncé des scandales qui ont ruiné les carrières politiques de personnalités républicaines comme démocrates, pris en flagrant délit d’hypocrisie sur leur moeurs.

    C’est un homme complexe et aux multiples facettes qui vient de nous quitter. Un homme fier, un homme intelligent, un homme au franc parler parfois plus choquant que les images qu’il publiait.

    Larry Flynt a toute sa vie refusé les diktats de la religion qui s’insinue dans la justice, des traditions qui veulent imposer leur chappe de plomb, et du status quo de l’oppression étatique tolérée.

    Drogué, mais capable de sobriété, pornographe mais pouvant montrer qu’il n’a jamais sombré dans la pédophilie ou les déviances sexuelles qui impliquent l’oppression (sa fille l’a accusé d’inceste pédophile et il a pu démontrer qu’elle avait inventé cette histoire par appât du gain), avide d’argent mais généreux avec des causes perdues, iconoclaste mais capable sacraliser la constitution (au moins le premier amendement), il était pourtant capable de respecter ses adversaires comme le prouve la relation cordiale qu’il a développé avec feu Jerry Fallwell, le télé-évangéliste qui l’a poursuivi en diffamation.

    Il va me manquer ce flibustier sans vergogne de la liberté individuelle.

    Cher Larry, d’un athée à un autre, nous savons tous les deux que tu n’entendras jamais ces paroles puisque ta conscience est retournée au néant, mais je garde le poétique espoir que tu reposes en paix. Je n’ai pas toujours été d’accord avec toi, mais à l’image que laisses dans la mémoire de l’humanité, je le dis solennellement : quand t’étais là, au moins, on se marrait bien.

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      Après Donald Trump, le conservatisme américain en miettes

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 6 February, 2021 - 04:25 · 12 minutes

    Par Frédéric Mas.

    2016. Donald Trump prend la parole au Freedom Fest , l’un des rendez-vous politiques les plus en vues de la droite américaine. C’est l’occasion pour l’homme d’affaires devenu candidat aux primaires du parti républicain de se présenter aux diverses sensibilités, traditionaliste, libertarienne et néoconservatrice, qui constituent le mouvement conservateur américain .

    Il suffit de quelques minutes pour refroidir l’ambiance : le discours du futur président est incohérent et témoigne de sa méconnaissance complète des principes du conservatisme américain et d’un illettrisme économique qui font se dresser les cheveux sur la tête des libéraux les mieux disposés.

    La réaction de l’ establishment conservateur, cette nébuleuse de think tanks, revues, organisations politiques et commentateurs ne se fait pas attendre. Le 21 janvier 2016, ses principaux barons organisent un colloque anti-Trump , qui deviendra le fer de lance de l’opposition conservatrice à Trump pendant son mandat. S’y succèdent à la tribune le libertarien David Boaz du Cato Institute, le néoconservateur Bill Kristol, le populiste Glenn Beck, Thomas Sowell ou l’ex attorney general de Reagan Edwin Meese III.

    Tous expliquent que Donald Trump est un corps étranger au mouvement qu’ils ont façonné depuis des décennies, qu’il ne remplit pas les critères de base, et qu’il est même dangereux.

    Seulement, les électeurs américains ne les écoutent pas. Ils ne les écoutent sans doute plus depuis des années, et préfèrent voter pour cet outsider au style clinquant et au verbe haut, qui s’est construit sa réputation people grâce aux médias et à sa réussite en tant qu’entrepreneur.

    Une claque sans précédent

    C’est une claque sans précédent pour le mouvement conservateur américain. Depuis les années 1950, la nébuleuse idéologique s’était instituée d’abord en courant intellectuel respectable, puis en force politique suffisamment puissante et organisée pour peser sur l’appareil politique républicain.

    La naissance du conservatisme américain se fait d’abord autour de quelques intellectuels brillants et quelques revues à diffusion modestes, essentiellement cimentés par l’anticommunisme et le rejet de l’héritage socialisant de Roosevelt. S’y retrouvent des intellectuels traditionalistes, des néo-agrariens, des libéraux classiques et des libéraux de guerre froide (qui deviendront plus tard des « néoconservateurs ») 1 .

    Politiquement, il leur faudra une décennie pour prendre d’assaut le parti républicain, à l’époque centriste, et pousser leur propre candidat, Barry Goldwater . Mais l’Amérique n’est pas prête, et Goldwater est défait en 1964 face à Lyndon Johnson.

    Les Russell Kirk, Bill Buckley, Richard Weaver ou Harry Jaffa firent des pieds et des mains pour notabiliser le conservatisme, c’est-à-dire le sortir de la marginalité où ses ennemis voulaient le voir confiné. Rendre respectable le mouvement conservateur passait aussi par purger ses éléments jugés trop radicaux ou trop fantaisistes. Parmi eux, les libertariens jugés incontrôlables et pas assez hostiles à l’URSS, et l’extrême droite radicale, celle de la John Birch Society et du Ku Klux Klan, trop racistes et complotistes. « ‘Ike’ n’est pas un communiste, c’est un golfeur » , réplique le paléolibertarien Russell Kirk quand Robert Welch, le président de la John Birch Society, accuse Eisenhower d’être un communiste.

    L’institutionnalisation du conservatisme

    Les années 1970 et surtout l’arrivée de Reagan au pouvoir en 1981 seront l’occasion pour le conservatisme de s’institutionnaliser et de s’agréger à de nouveaux courants, en particulier la droite religieuse et populiste.

    Le conservatisme des débuts laisse la place à une galaxie de think tanks, d’experts politiques, d’organisations militantes, mais aussi de journaux, d’éditorialistes et d’influenceurs qui participent pleinement au débat public et au fonctionnement des institutions politiques américaines.

    L’arrivée en scène de Donald Trump a tout chamboulé. Pour beaucoup, ce sont des années de travail de notabilisation qui partent en fumée, une stratégie d’influence du parti républicain qui s’effondre et surtout les postes et l’argent afférents qui disparaissent. Tous les ingrédients sont là pour alimenter la guerre culturelle, y compris au sein de la droite américaine.

    La droite incarnée par Donald Trump surgit comme un violent anti-intellectualisme. Prenant ses racines dans la colère populaire du Tea Party contre les élites, qu’elles soient politiques ou financières, elle méprise les arguties des intellectuels et des journalistes pour se concentrer sur des problèmes qu’elle juge pratico-pratiques.

    Le style populiste de Trump séduit les classes populaires, l’Amérique ouvrière blanche sur le déclin, les régions sinistrées de la Rust Belt et les catégories sociales fragilisées par la mondialisation économique et que l’immigration mexicaine effraie. C’est l’Amérique malade et oubliée qui se retrouve dans le discours de Trump.

    Le trumpisme est d’abord une manière de communiquer plus qu’un catalogue de propositions cohérentes, un pragmatisme stratégique comme en témoigne son livre The art of Deal plus qu’une politique informée par des principes moraux ou philosophiques. Ses partisans ne s’y trompent pas : leur loyauté est d’abord émotionnelle, parfois jusqu’à l’aveuglement.

    Les digues sont rompues

    Avec Trump, la digue entre droite convenable et droite radicale est rompue, avec le concours de Trump lui-même dans le rôle de boutefeu. La campagne de Trump est vécue comme un espoir pour les franges les plus radicales et les plus loufoques de la droite américaine, rassemblées par les médias sous l’étiquette générique alt-right .

    On fait en général crédit à Hillary Clinton d’avoir ouvert la boîte de Pandore en invoquant cette nouvelle extrême droite devant les caméras pour stigmatiser son adversaire républicain, lui donnant ainsi une publicité extraordinaire.

    L’ alt-right désigne à l’origine un agrégat hétéroclite surtout présent sur les forums et les réseaux sociaux, de déçus du « conservatisme convenable » ou du libertarianisme radical, de trolls anti-gauchistes ou anti-politiquement corrects et des néo-nazis plus ou moins assumés.

    L’ère numérique permet à ces nouvelles radicalités de dépasser leur audience groupusculaire et de toucher de nouveaux publics plus jeunes.

    Très rapidement cependant, la baudruche de l’ alt-right se dégonfle, en partie après la parade raciste et folklorique de Charlottesville en 2017 . L’ alt-righ t IRL est beaucoup moins subversive et beaucoup plus inquiétante, y compris sur l’état psychologique d’une partie de la jeunesse radicalisée.

    Trump, en politicien pragmatique et ignorant des usages qui se pratiquent dans le petit monde de la droite américaine, se fiche des étiquettes et s’appuie sur l’expertise de Steve Bannon, qui lui-même ne cache pas ses sympathies avec certaines franges de la droite radicale.

    Les réticences de Trump à condamner les rapprochements et les confusions qui se font à la base sur fond de panique identitaire achèvent la stratégie de notabilisation de la droite américaine. Elles ne font qu’ajouter à l’hystérie anti-Trump qui secoue le monde médiatique et toute la gauche américaine remontée à bloc.

    La crise du conservatisme

    Si Trump se passe de l’avis de la galaxie conservatrice, qui s’efface devant le brouillard médiatique de l’ alt-right , c’est qu’elle ne représente plus rien. Depuis des décennies, sa base sociologique vieillit et se rétrécit . Son discours « fusioniste 2 » apparaît en décalage avec les transformations profondes qui traversent le pays.

    Incapable de séduire les nouvelles générations plus libertariennes, devenu inaudible pour des classes moyennes sous tension avec l’approfondissement de la mondialisation, snobé par les classes montantes issues des Big Tech, le conservatisme s’est ossifié. Avec Trump, il est carrément mis sur la touche. Pour éviter la mort et le dépérissement, plusieurs initiatives vont voir le jour.

    Dans un premier temps, une partie de la droite pensante se dit qu’il vaut mieux, à la veille du scrutin, faire partie du camp vainqueur pour continuer à influencer le GOP que de rester en dehors et de se retrouver à nouveau en position marginale. Des libertariens autour de Walter Block laissent tomber le candidat du Parti libertarien jugé trop mou et trop proche des élites de Washington.

    Les néoconservateurs du Claremont Institute vont théoriser l’investissement idéologique du trumpisme pour mieux le changer de l’intérieur. « 2016 est l’élection du Vol 93 : chargez le cockpit ou vous mourrez » déclare l’auteur de l’essai remarqué qu’ils publieront à la veille de l’élection de Trump, faisant référence à la révolte des passagers du Boeing qui ont empêché les terroristes de se crasher sur le Capitole. Un embryon de trumpisme idéologique voit le jour, avec ses revues, ses penseurs et ses nouvelles marques idéologiques, incarné un temps par la revue néo-hamiltonienne American Affairs .

    Une nouvelle droite nationaliste

    Face au déclassement d’une partie de sa base électorale et à la peur du déclin de l’Amérique dans le monde, une partie du conservatisme américain s’est en quelque sorte européanisée, puisant dans les idées des courants réactionnaires pour tenter de faire revivre un mouvement politique épuisé. Pour la première fois de son histoire, elle s’invente une identité en dehors de la tradition libérale qui est celle de l’histoire de la république américaine.

    Cette droite qui se réinvente une fois Donald Trump élu s’inspire des expériences illibérales européennes à la Viktor Orban ou Matteo Salvini. Tout en reconnaissant les limites du personnage Trump, elle s’est découverte nationaliste , populiste et anti-libérale, et instruit le procès du consensus « fusioniste » du conservatisme américain traditionnel.

    On trouve parmi ses nouvelles références le journaliste Yoram Hazony, qui dans  le livre The Virtue of Nationalism (2018) réhabilite le nationalisme, ce droit collectif des peuples à se gouverner eux-mêmes, contre l’impérialisme et ses formes modernes que sont les organisations politiques supranationales de type ONU ou Union européenne.

    Les essais de David Goodhart et de Charles Murray alimentent la réflexion commune sur les nouvelles fractures sociales entre le peuple et ses élites. Par leur lecture sociologique et géographique, ils dessineront les nouveaux clivages entre des classes populaires reléguées aux périphéries des villes et aux attentes conservatrices en termes d’identité et d’immigration, et les classes supérieures à la mentalité plus cosmopolite et progressiste.

    Pour Christopher Caldwell, la victoire de Donald Trump se construit sur l’échec du parti républicain à tenir ses promesses, devenues intenables depuis la révolution des droits civiques des années 1960. Dans The Age of Entitlement : America Since the Sixties (2020) il rend compte de l’incapacité des gouvernements républicains successifs à endiguer la progression d’un « Big Governement » qui désormais légitime sa dynamique de croissance sur l’exigence d’égalité raciale et multiculturelle.

    Plus fondamentalement, certains acteurs de cette « nouvelle droite » comme le constitutionnaliste Adrian Vermeule, les journalistes Sohrab Ahmari ou Tucker Carlson ou le politologue Patrick Deneen vont instruire le procès du libéralisme classique , accusé d’avoir érodé les fondements sociologiques d’Amérique traditionnelle laminée par le laxisme culturel et le libre-échange.

    Le vol 93 s’est finalement écrasé

    Le vol 93 qui servait de métaphore aux néoconservateurs acquis au trumpisme s’est finalement écrasé, comme l’avion de 2001. La présidence de Donald Trump s’est achevée dans la douleur. Le spectacle lamentable de la prise d’assaut du Capitole par quelques agités déguisés en révolutionnaires a effacé en quelques images le bilan contrasté du magnat de l’immobilier.

    Avec l’ élection de Joe Biden , le retour au pouvoir des démocrates s’est fait avec un esprit de revanche intact depuis la défaite cuisante de 2016. Pour beaucoup de militants progressistes, il faut désormais condamner Trump , effacer d’un trait de plume rageur le trumpisme de l’histoire des États-Unis, et éliminer du débat public tout ce qui peut s’apparenter à cet héritage politique et culturel maudit. La chasse aux sorcières a commencé, et la liberté d’expression sur les réseaux sociaux en est la première victime collatérale.

    Le parti républicain est à la fois divisé et déconsidéré, et la décomposition du conservatisme américain traditionnel s’est accélérée. Les libertariens, les traditionalistes et les néoconservateurs espèrent retrouver leur ancien magistère sur la droite, mais le monde a changé, leur public s’est dispersé, fractionné par la guerre culturelle qui déchire le pays. Leur autorité n’est plus la même.

    La version nationale-populiste du conservatisme américain, qui reste minoritaire, survivra-t-elle à la déconvenue politique de Trump lui-même ? Mystère. Seul l’avenir nous le dira. Donald Trump n’a pas dit son dernier mot, mais sa fanbase n’est pas nécessairement prête à écouter son nouveau clergé intellectuel informel.

    Si le mouvement conservateur américain veut rebondir, il doit tout reconstruire, depuis ses fondements intellectuels jusqu’à sa base sociologique. Après le choc du trumpisme et le retour d’un parti démocrate acquis aux pires délires liberticides de l’idéologie diversitaire, il n’a pas le choix, il doit se refonder. Seul un retour aux origines libérales de l’Amérique peut en raviver l’esprit.

    1. George H. Nash, The Conservative Intellectual Movement in America Since 1945 , 1976.
    2. Le fusionisme est le mélange de traditionalisme moral, de libéralisme économique et d’autoritarisme en politique étrangère qui constitue les éléments de base de l’idéologie droitière américaine la plus commune. Il s’agit d’une idée inspirée par les écrits du conservateur libertarien Frank Meyer.
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      7 milliards $ : les procès en diffamation les plus chers de l’histoire

      Alexis Vintray · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 18:18 · 7 minutes

    Par Alexis Vintray.

    Une post-présidentielle tumultueuse

    L’élection présidentielle américaine a vu la victoire relativement large de Joe Biden, avec 306 grands électeurs contre 232 pour Donald Trump. Joe Biden a eu 7 millions de voix d’avance sur le président sortant.

    Ces résultats clairs, homologués par les autorités au niveau des états et au niveau fédéral, n’ont pas empêché une partie du camp Républicain de crier à la fraude électorale massive pour expliquer sa défaite .

    Comme nous l’avions analysé dans différents articles sur Contrepoints, sous la plume de Philippe Lacoude ou la mienne , aucune fraude significative n’a pu être prouvée, même un tant soit peu, et la justice américaine a donné tort plus d’une soixantaine de fois aux avocats de la campagne Trump et à ses partisans, confirmant l’intégrité du processus électoral.

    Mais face aux accusations sans fondement du camp Trump, la phase judiciaire prend un nouveau tournant avec les procès en diffamation les plus chers de l’histoire mondiale, intentés par deux fabricants de machines de vote, Dominion et Smartmatic. Pour un total de 6.7 milliards de dollars à ce stade. Explications.

    Les procès en diffamation les plus chers de l’histoire

    Dominion et Smartmatic ont lancé des démarches en justice pour, demander respectivement, des compensations de 1,3 milliards de dollars (fois 3 procès) et 2,7 milliards de dollars (un procès). Dans les deux cas les personnalités visées pour diffamation sont quasi les mêmes : pour Dominion, Sidney Powell dans un premier procès, et Rudy Giuliani dans un second procès. Powell a été l’avocate de la campagne Trump avant d’en être expulsée tardivement, tandis que Giuliani est l’avocat personnel de Donald Trump. Smartmatic poursuit les mêmes et y ajoute Fox News et trois de ses présentateurs vedettes (Jeanine Pirro de Fox News, Maria Bartiromo et Lou Dobbs de Fox Business).

    Dans les deux cas, les personnalités visées ont été les plus virulentes à diffuser de fausses accusations sur les sociétés en question, arguant qu’elles avaient truqué l’élection présidentielle américaine, en collaboration avec l’Iran, la Chine, le Venezuela ou encore les Antifas .

    Beaucoup d’accusations farfelues mais qui ont en commun deux aspects : n’avoir aucune preuve d’une part, avoir détruit les entreprises en question d’autre part. Ce dernier point est au moins la justification avancée par les avocats (distincts) de Dominion et Smartmatic pour justifier du montant massif des dommages et intérêts réclamés.

    Dans les deux cas, les sociétés arrivent à ces montants astronomiques en additionnant les revenus qu’elles estiment avoir perdus à cause des dommages causés à leur réputation par cette diffamation, cumulés avec une demande de dommages et intérêts.

    Des sociétés qui semblent très sures de leurs chances

    Dominion comme Smartmatic ont recruté des ténors du barreau pour les défendre dans ces procès qui pourraient durer de 2 à 5 ans. Mais qui dit ténors ne dit pas absence d’ironie : la plainte de Smartmatic débute ainsi par les mots suivants :

    La Terre est ronde. 2 et 2 font 4. Joe Biden & Kamala Harriss ont remporté la présidentielle américaine de 2020. L’élection n’a pas été volée, trafiquée ou manipulée. Ce sont des faits. Ils sont démontrables et irréfutables.

    Le lecteur curieux pourra parcourir la plainte de Smartmatic (ci-dessous), ou celles de Dominion (disponibles publiquement en ligne).

    Face aux accusations de Smartmatic et de Dominion, Fox News a réagi en déclarant « Nous sommes fiers de notre couverture de l’élection 2020 et nous allons nous défendre avec force au tribunal face à cette action sans fondement ». D’autres accusés se sont « réjoui » des procès, qui leur donnent selon eux l’opportunité de prouver leurs accusations.

    A qui a profité le crime ?

    Les fausses accusations de fraude électorale ont profité largement à Donald Trump, qui en a profité pour lever plusieurs centaines de millions de dollars , prétextant qu’il en avait besoin pour se défendre face à ces fraudes. De même Sidney Powell ne s’est pas privée pour collecter des dons, cherchant à lever « des millions » . Rudy Giuliani quant à lui aurait facturé 20 000$ par jour ses services à la campagne Trump . Ce tarif horaire est 10 fois le tarif normal de Rudy Giuliani . Un différentiel tellement énorme qu’il laisse planer le doute sur ce que tarif exorbitant venait rémunérer (le risque de procès pour diffamation ?).

    Quant aux médias, ils ont bénéficié d’audience record, comme sur le podcast de Rudy Giuliani.

    Le cas de Fox News est plus compliqué. Fox News, aux abois face à d’autres chaines plus radicales comme OAN ou Newsmax, aurait selon Smartmatic, utilisé ces accusations infondées de fraude pour défendre son audience face à ses rivaux (malgré une audience qui s’est quand même effrité). Selon la plainte de Smartmatic, « leur histoire était un mensonge. Toute l’histoire. Et ils le savaient. Mais elle faisait vendre. »

    Quelles suites ?

    Un nom manque singulièrement à l’appel dans les personnalités visées, Donald Trump. En particulier via son compte Twitter, l’ancien président américain aux 88 millions de followers a diffusé et offert une caisse résonance massive à ces accusations fausses. Il n’est pourtant à ce stade poursuivi par aucune des deux sociétés visées par ces accusations soupçonnées d’être diffamatoires. Pourquoi ?

    Aucune des sociétés n’a écarté l’hypothèse de poursuivre l’ancien président pour diffamation, c’est donc une possibilité toujours ouverte. La question reste ouverte, en épée de Damoclès au-dessus de la tête de l’ancien président.

    Ne sont aussi pas listés à ce stade d’autres médias bien plus conservateurs que Fox News : OAN et Newsmax. Ces deux médias ont été bien plus virulents que Fox mais ne sont pas encore visés par un procès. La probabilité qu’un procès soit à leur porte est néanmoins élevée, au point de nourrir une certaine panique, chez Newsmax en particulier.

    Dans une interview de Mike Lindell, une des figures de proue des conspirationnistes de la fraude électorale, Newsmax a ainsi commencé à le couper brutalement quand ce dernier est parti dans des accusations infondées de fraude. Avant que le journaliste lise un brief préparé d’avance pour réaffirmer que la chaîne n’avait aucune preuve de fraude, et d’abandonner le plateau dans un moment surréaliste :

    Un paysage médiatique et politique remanié ?

    Ces procès, si la justice donne raison aux fabricants de machines de vote (probable) et leur accorde leurs demandes massives (moins probable), sont de nature à reconfigurer significativement le paysage médiatique conservateur américain. Il est trop tôt pour voir les premiers effets bien sur, mais entre une désaffection certaine pour Fox News, et des chaînes radicales rattrapées par les conséquences de leurs excès, il ne sera pas aisé de deviner qui va sortir gagnant.

    L’insistance de Donald Trump à prétendre de manière mensongère que de la fraude lui a coûté la victoire a déjà fait perdre la majorité au Sénat aux Républicains , et à l’ancien président son équipe d’avocats dans le cadre de l’ impeachment actuellement en cours . Les procès en cours seront peut-être aussi l’occasion pour le Parti Républicain de renoncer à ses outrances actuelles et de revenir à ses racines de parti de la modération, bien plus proche des idées libérales qu’aujourd’hui…

    Le parti Républicain saura-

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      États-Unis : « La liberté n’éclaire plus le monde »

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 23 January, 2021 - 04:00 · 9 minutes

    États-Unis

    Par Jacques Garello.

    Le peuple américain doit s’unir autour du nouveau Président : c’est le commentaire le plus entendu après l’investiture de Joe Biden et son premier discours. La démocratie américaine doit être garantie, la paix et la justice doivent régner dans ce pays – ce qui s’est produit au Capitole ne doit plus jamais se répéter ( not ever ).

    Je ne crois pas que ce soit le plus important de ce qui nous attend, nous Français et nous Européens. Car le discours présidentiel, dans ses silences, peut être compris comme « La liberté n’éclaire plus le monde ».

    Je n’ai pas entendu une phrase concernant la présence des États-Unis sur l’échiquier mondial, même si le mur sur la frontière mexicaine cesse d’être construit, si le regroupement familial est instauré ; et même encore si les États-Unis rejoignent l’accord de Paris et l’OMS, instances sans développement durable.

    Les États-Unis divisés

    Je reviens un instant à l’union domestique autour du Président. Pour rappeler d’abord que s’il existe une tension actuelle entre citoyens américains de toutes sortes et de toutes races, elle n’est pas due aux extrémistes du Capitole dûment mis sous les feux de la rampe, mais aux progrès de l’État-providence sous la présidence Obama .

    En Amérique comme ailleurs, il creuse un fossé entre l’activité et l’assistance, entre le parasitisme et la responsabilité, entre ceux qui payent et ceux qui vivent à leurs dépens. Pour rappeler encore qu’au sein même de la majorité qui a élu Biden se trouvent des extrémistes de gauche décidés à renverser le système tant économique que politique.

    Ce sont d’authentiques révolutionnaires, anarchistes ou marxistes, tous désireux de dynamiter l’ordre public, police et armée en tête. Ils ont le soutien des universités naguère remarquables, mais devenues aujourd’hui les foyers des idées progressistes hostiles au droit, à la famille, à la diversité – on dit que ce sont les intellectuels français qui ont inspiré ce dramatique changement.

    Pour rappeler enfin que l’union voulue par Biden se veut jacobine. Elle va se heurter à un sentiment très profond dans la population américaine : le souci de l’indépendance des États membres de la fédération. Elle a été très menacée dans les débats sur l’avortement, la peine de mort, le port d’armes , mais elle a résisté à ce jour.

    C’est la diversité et la concurrence institutionnelle, réglementaire, fiscale, sociale, qui a fait à ce jour le succès des États-Unis, et le domaine réservé à Washington n’est que celui du respect de la Constitution et de la protection de la sécurité extérieure.

    Les États-Unis absents

    Je reviens ainsi à la sécurité extérieure : pas une phrase significative sur les relations entre les États-Unis et le reste du monde.

    Or, dans ce domaine, le mérite de Trump avait été de rompre avec l’insouciance et l’inconsistance de la diplomatie Obama. Trump avait alerté les nations libres sur les dangers représentés par le terrorisme islamique organisé par l’Iran et la vision hégémonique des communistes chinois.

    Les Israéliens s’inquiètent à juste titre de l’avenir des accords passés avec les Arabes et garantis par les États-Unis. Tous les peuples libres ont à redouter que la Chine domine prochainement le monde entier. Avec Biden à la Maison Blanche la question est désormais de savoir quelle sera la première puissance mondiale dans quatre ans, que restera-t-il de la liberté ?

    La Chine bien présente

    Économiquement les États-Unis ont encore la première place : 22 % du PIB mondial contre 17 % pour la Chine. Ces deux pays cumulent donc quelque 40 % du PIB mondial et exercent de ce fait une domination dans les règles et les mœurs des échanges internationaux.

    Cependant, les raisons de la réussite chinoise ne sont pas secrètes : espionnage industriel, embauche d’ingénieurs et techniciens étrangers avec des contrats très attractifs, personnel salarié « motivé » malgré l’absence de tout droit du travail, investissements massifs et choisis dans les pays cibles, en particulier en Europe et au Moyen Orient, tout au long de la « route de la soie ».

    Les Chinois se disent capitalistes et concurrentiels , mais la propriété du capital n’est possible que pour les personnes agréées par le pouvoir, et la concurrence est déloyale. C’est l’exemple le plus éclatant de ce « capitalisme de connivence », alliance de la classe politique et des milieux d’affaires, hélas bien trop fréquente dans les pays dits libres – à cela près qu’en Chine classe politique et milieu d’affaires sont confondus.

    La dictature du Parti

    Politiquement, la dictature du Parti communiste chinois ne s’est jamais desserrée. Il n’existe aucune possibilité d’opposition, aucune liberté de la presse tant écrite que télévisée que numérique.

    Il existe des camps de concentration, notamment un million de Ouïgours en rééducation . Hong-Kong a été repris et les défenseurs de la liberté sont en prison . Taïwan est l’objet d’ attaques incessantes , les eaux de la mer de Chine sont sillonnées par une flotte de guerre équivalente à celle des États-Unis, et qui doit doubler dans les cinq ans à venir.

    Enfin et non le moindre, la Chine a créé un réseau d’amis et correspondants dans le monde entier, dont la mission est de tempérer les critiques de la dictature. Ces réseaux, particulièrement actifs en France, sont pour beaucoup dans l’indulgence et la désinformation dont bénéficie le PCC dans notre pays et en Europe.

    Choix stratégiques des démocraties

    Il est vrai que les pays dits démocratiques hésitent entre trois stratégies : l’amitié, c’est-à-dire les yeux fermés sur la dictature, la contenance, c’est-à-dire neutraliser les méfaits de la dictature, et l’agression, c’est-à-dire la lutte contre le PCC.

    L’hésitation, en dehors de la corruption bien rentable, provient du poids déjà acquis par la Chine dans la croissance mondiale. La Chine détient le monopole ou une position dominante pour plusieurs produits (l’industrie pharmaceutique, comme l’a révélé l’histoire du Covid), la Chine est un marché intérieur lucratif pour beaucoup d’exportateurs européens ou américains, les exportations chinoises accroissent le pouvoir d’achat des consommateurs du monde entier. Par l’importance de ses avoirs et de ses dettes en dollar, la Chine pèse sur la finance mondiale.

    Mais la crainte de voir la Chine coloniser totalement le reste du monde, à commencer par l’Europe, peut au contraire justifier une politique de contenance, comme celle que les États-Unis avaient adoptée du temps de Kissinger – en vain, car l’URSS avait compris la non-intervention comme un passeport pour l’extension du communisme.

    Reste l’agression, à la manière de Reagan et de la Star wars contre « l’Empire du mal ». Elle suppose une capacité de riposte armée considérable, dont seuls les Américains disposent encore, sans doute pour peu de temps. Donald Trump a été à la limite de la contenance et de l’agression. Durant ses tout derniers jours de présidence il a pris un décret pour interdire sur le sol américain l’application vidéo chinoise TikTok accusée à juste titre d’espionnage technique et militaire.

    États-Unis : quel choix pour la France et l’Europe ?

    Dans les silences profonds de Joe Biden sur ces questions, il est légitime de s’interroger sur ce que fera la nouvelle administration américaine. Mais il va de soi que la France et l’Europe sont directement concernées par l’orientation de Washington.

    La position américaine est d’autant plus déterminante et attendue que l’Europe a déjà fait un premier pas dans la direction de l’amitié. Le 30 décembre dernier, le Président Xi Jinping a signé avec Ursula Von der Leyen, et Charles Michel, dirigeants de l’Union européenne, un accord sur les investissements chinois en Europe et européens en Chine.

    Angela Merkel, présidente actuelle de l’Union, a poussé pour la signature de cet accord. Ce qui signifie que les Chinois ont porte ouverte sur les pays de l’Union, tandis que les investisseurs européens sont bienvenus en Chine ; mais sous surveillance des dictateurs naturellement.

    La balance stratégique va-t-elle pencher d’un côté ou de l’autre avec la politique américaine à venir ? Je ne connais évidemment pas la réponse puisque Joe Biden a parlé de la démocratie aux États-Unis, mais pas du tout de la démocratie dans le monde, actuellement menacée par la Chine et l’Iran.

    Se mobiliser pour la liberté

    J’entends aussi deux discours qui me semblent dangereux, voire stupides.

    L’un soutient que la démocratie ne peut pas lutter contre la dictature, il faut donc un pouvoir fort installé dans les pays démocrates (ce qui est un oxymore).

    L’autre garantit que les démocraties occidentales, scellées par un accord entre USA et Union européenne, pourront se hisser au niveau chinois si un effort d’équipement et de formation était consenti dans tous les pays à l’initiative des États concernés et avec l’appui de la Banque centrale.

    David a évidemment toutes les chances de battre Goliath, mais David n’a même pas une fronde. Il faut donc être naïf pour remettre à plus tard les réformes indispensables pour relever le défi chinois.

    Je conclus que nous sommes aujourd’hui désinformés et endormis par l’idée que tout va s’arranger dans un avenir plus ou moins proche, puisque nous pouvons jouer sur la dette publique et la clairvoyance des investisseurs publics qui vont sérieusement prendre en mains l’abondante épargne privée.

    Que les États-Unis soient toujours les combattants de la liberté dans le monde, comme ils l’ont été contre les nazis, contre les communistes, c’est évidemment ce que nous pouvons tous souhaiter. Mais de toute façon les États-Unis ne pourront pas assurer cette mission si la France et l’Europe, elles aussi, ne se mobilisent pas pour la démocratie, et ne se libèrent pas de l’État-providence. Elles doivent au contraire miser sur l’énergie et la foi que donne le retour à la liberté, à la responsabilité, à la propriété et à la dignité.

    Cet article a été également publié dans la Nouvelle Lettre en date du 21 janvier 2021.

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      L’élection de Joe Biden, c’est le retour du parti de la guerre

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 20 January, 2021 - 10:12 · 5 minutes

    Joe Biden

    Par Frédéric Mas.

    Joe Biden devient ce mercredi le 46e président des États-Unis, et prépare son arrivée comme une rupture spectaculaire avec son prédécesseur Donald Trump . L’ancien candidat démocrate n’a-t-il pas prévu de signer des dizaines de décrets pour que les États-Unis rejoignent les Accords de Paris sur le climat, se dotent d’une économie 100% écolo ou encore reprenne en main une gestion de crise sanitaire négligée jusqu’à présent ?

    En politique étrangère, on assiste plus à un retour à la normale qu’à une rupture franche. Ce retour à la normale, aux États-Unis, consiste à remettre en selle le parti de la guerre permanente qui fait consensus au sein d’une certaine droite et d’une certaine gauche, des néoconservateurs aux néoprogressistes ( neoliberals ), de George Bush Jr à Obama.

    Joe Biden : la fin des guerres sans fins

    La main sur le cœur, Joe Biden avait pourtant promis lors de sa campagne d’en finir avec les « guerres sans fins ». Il a même exprimé son opposition à la guerre désastreuse au Yémen, dans laquelle les États-Unis jouent un rôle extrêmement contestable en soutenant sans réserve l’Arabie saoudite. Mais la mémoire semble faire défaut au vainqueur du jour.

    Joe Biden en tant que responsable du parti démocrate, sénateur puis vice-président a soutenu sans réserve toutes les interventions militaires de ces 20 dernières années que ce soit le bombardement de la Serbie en 1999, l’intervention en Irak en 2003… et au Yémen quand le président s’appelait Barack Obama. En d’autres termes, pour résoudre le problème des « guerres sans fins », Biden fait appel à ceux qui ont créé le problème.

    Aujourd’hui, Biden réintègre dans son équipe les pires faucons de l’administration Obama pour représenter les États-Unis dans le monde. Prenons quelques exemples.

    Le futur secrétaire d’État des États-Unis, Antony Blinken , a constamment soutenu les interventions militaires et les guerres humanitaires menées par Washington. Il était parmi les plus proches collaborateurs de Biden quand celui-ci a voté en tant que sénateur l’invasion de l’Irak et a soutenu sa partition en zones régionales ethniques.

    En tant que conseiller adjoint à la sécurité nationale, Blinken a soutenu l’intervention militaire en Lybie en 2011. En 2018, il lance avec d’anciens membres de l’administration Obama WestExec Advisors, une entreprise de « conseil stratégique » particulièrement discrète sur ses clients, qui compterait parmi eux certains géants de la tech.

    Sous la direction du secrétaire d’État aux affaires politiques, on retrouve en troisième position Victoria Nuland , qui s’est fait connaître dans le landernau politique en 2014 pour une conversation téléphonique qu’elle a eu avec l’ambassadeur américain en Ukraine sur le meilleur moyen de déstabiliser le président d’alors Viktor Ianoukovytch.

    Suscitant l’indignation dans une partie de l’opinion publique mondiale, la conversation a non seulement révélé l’ingérence des États-Unis dans la politique ukrainienne, et cela malgré ses dénégations publiques, et a poussé Vladimir Poutine déclencher l’offensive contre l’Otan qui s’est traduite par l’annexion de la Crimée.

    « J’emmerde l’Union européenne »

    Comme le rappelle Connor Echols sur Nonzero.org , la lettre de Robert Wright :

    « À un moment de la conversation téléphonique, Nuland a dit « j’emmerde l’UE », apparemment par exaspération devant la réponse limitée de l’Europe à la crise ukrainienne. En un coup de fil, elle avait réussi à mettre en colère la moitié des chefs d’État de Lisbonne à Moscou. »

    En matière de diplomatie, les diplomates de Biden promettent le pire.

    Samantha Power devrait se retrouver à la tête de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Connue pour son soutien sans faille aux politiques de guerres humanitaires, elle est l’auteure d’un livre récompensé par le prix Pulitzer A Problem from Hell: America and the Age of Genocide , dans lequel elle explique que les États-Unis, en s’impliquant plus dans la gouvernance du monde aurait pu empêcher un certain nombre de génocides et de nettoyages ethniques.

    C’est cette position « idéaliste » qui l’a poussé à soutenir la guerre en Lybie en 2011, et qui semble la rendre aveugle au désastre humanitaire que le conflit a provoqué.

    La liste pourrait s’allonger à l’infini : la nouvelle directrice du renseignement national Avril Haines est surnommée la « reine des drones » pour son implication dans la politique étrangère d’Obama qui a tué autant de civils que de militaires ; Neera Tanden , qui devrait rejoindre le Bureau de la gestion du budget, a soutenu en tant que directrice du Center for American Progress la nécessité de bombarder la Lybie pour s’approprier son pétrole ; Jake Sullivan , qui devrait trouver un poste comme conseiller à la sécurité nationale et qui lui aussi a fait ses classes dans l’administration Obama, etc. La politique de Joe Biden risque donc fort de ressembler à celle de ses prédécesseurs démocrates et républicains.

    Comme le rappelle José Nino sur le site du Ludwig von Mises Institute , la politique étrangère des États-Unis, en plus du coût humain incalculable, représente 6 000 milliards de dollars, de quoi constituer une machinerie politico-industrielle particulièrement puissante et assez peu portée sur le pacifisme.

    Ce fameux complexe « militaro-industriel » n’est sans doute pas étranger au fait que la classe politique américaine rejoue à l’infini la Seconde Guerre mondiale, puis la guerre froide, devenue ensuite guerre contre le terrorisme. La spirale des « guerres sans fins » n’est pas prête de s’interrompre.

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      La destitution de Trump ne doit pas devenir un procès politique

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 14 January, 2021 - 09:46 · 6 minutes

    Trump fraudes

    Par Frédéric Mas.

    Pour la seconde fois de son mandat de président des Etats-Unis, Donald Trump fait face à une procédure de destitution (impeachment) portée par la majorité de la chambre des représentants réunie ce mercredi 13 janvier.

    Les démocrates ont été rejoints par une partie de la droite républicaine pour condamner les messages ambigus du président en exercice après l’assaut contre le Capitole et demander sa condamnation, et cela à moins d’une semaine de la prise de poste de son successeur Joe Biden .

    Si la faute de Donald Trump est très réelle, l’organisation d’un procès postérieur à son mandat risque fort de se transformer en procès moral de l’héritage politique de Trump en général.

    Plutôt que d’apaiser les tensions idéologiques et culturelles qui traversent le pays, il risque de charrier son lot de purges idéologiques au nom de la « détrumpification » et de facto mettre en péril l’esprit de la démocratie américaine. Il se pourrait cependant que le premier amendement sur la liberté d’expression lui sauve la mise, au grand dam de ceux qui veulent faire de sa punition un exemple politique.

    Le fait accuse, le résultat n’excuse rien

    Donald Trump a fait face à une première tentative de destitution qui n’avait pas abouti en 2019 pour abus de pouvoir et obstruction du Congrès. Accusé de collusion avec une puissance étrangère afin d’interférer dans le bon déroulement de l’élection présidentielle, le sénat l’avait acquitté en février 2020.

    Trump avait été accusé de chercher à impliquer l’Ukraine dans la campagne afin de salir la réputation de son adversaire démocrate d’alors, devenu entre temps le 46e président des Etats-Unis.

    La seconde procédure de destitution initiée mercredi se fait cette fois-ci pour « incitation à l’insurrection ». Alors qu’aucun représentant républicain n’avait voté en faveur de la destitution de Trump la première fois, 10 membres du parti de droite ont rejoint le camp démocrate, unanime pour initier la procédure judiciaire. La remise en cause de la régularité de l’élection présidentielle par Donald Trump s’est vite transformée en un procès violent adressé à la légitimité des institutions.

    Les positions publiques de l’ancien président au moment de l’émeute de Washington ont motivé la décision des élus. Dans une réunion publique, Donald Trump a ainsi déclaré : « Je sais que tout le monde ici va bientôt marcher vers le bâtiment du Capitole pour faire entendre vos voix pacifiquement et patriotiquement » . Il a ensuite ajouté : « Si vous ne vous battez pas comme un diable, vous n’aurez plus de pays. »

    A plusieurs reprises, il a encouragé ses supporters à ne pas laisser faire les choses et à s’opposer à une élection « volée ». Au moment de la prise d’assaut du Capitole, Trump a même Twitter : « Ce sont les choses et les événements qui se produisent lorsqu’une victoire électorale sacrée est dépouillée de façon si peu cérémonieuse et si vicieuse. »

    Ça sera maintenant aux membres du Congrès de déterminer si ces propos plus qu’ambigus ont joué un rôle dans la désacralisation du temple de la démocratie qu’est le Capitole.

    Une procédure inédite

    Donald Trump n’est pas seulement le premier président à faire face à deux tentatives de destitution. Si la seconde procédure aboutit, alors elle pourrait se dérouler après son mandat, ce qui serait du jamais vu. Les spécialistes débattent encore sur la possibilité d’un tel scénario.

    Le risque d’un procès post-mandature est de voir le nouveau pouvoir politique s’instituer en procureur de tout le bilan politique de Trump, et par extension d’une droite américaine qu’ils ont intérêt à voir divisée et surtout loin des affaires publiques, et cela pour longtemps.

    En d’autres termes, le risque est fort d’étendre la faute de Trump pour en faire une tache morale collective destinée à diaboliser l’ensemble des adversaires du nouveau progressisme dominant, et cela sans nuance aucune, au détriment de la liberté de conscience, d’expression et du pluralisme démocratique. Déjà, les médias , les éditorialistes et les réseaux sociaux appellent à l’invisibilisation de tout ce qui se rapporte de près ou de loin à Trump et à ses idées.

    La procédure judiciaire, en se transformant en un Barnum politique anti-Trump, risque ainsi de fragiliser une démocratie américaine dont le bon fonctionnement repose sur le dialogue et le consensus portés populaires sur ses institutions libérales.

    Pour reprendre une distinction inspirée du philosophe John Rawls , s’il peut être rationnel de chercher à destituer Trump, c’est-à-dire ici conforme aux intérêts de l’équipe nouvellement élue, cela pourrait ne pas être raisonnable, c’est-à-dire acceptable publiquement par la droite défaite.

    Et si la droite n’accepte pas la défaite dans les mêmes termes politiques et constitutionnelles que la gauche, la guerre civile dans les têtes n’est pas près de s’éteindre, et le fonctionnement régulier des institutions entravé. C’est le retour au fameux esprit de « factions » que les Fondateurs de la République américaine ont cherché à conjurer en adoptant les principes du gouvernement représentatif.

    Trump protégé par le premier amendement ?

    Le premier amendement de la constitution pourrait toutefois dédouaner Donald Trump et renvoyer l’ensemble du problème à la case départ.

    Comme le rappelle Jacob Sullum dans Reason , même le discours incitant à l’action illégale est protégé comme participant de la liberté d’expression depuis un arrêt de la Cour Suprême de 1969 Brandeburg v. Ohio :

    « Contrairement à Clarence Brandenburg, le membre du Klan dont la Cour suprême a jugé les poursuites anticonstitutionnelles, Trump ne préconisait pas d’enfreindre la loi, même en termes généraux. À première vue, son discours n’appelait qu’à une protestation pacifique. ».

    Sullum ajoute :

    « Lorsque Trump a envoyé ses partisans en colère au Capitole dans le cadre d’une mission vouée à l’échec pour empêcher Biden de prendre ses fonctions en exprimant leur mécontentement face à cette perspective, la violence était prévisible. Mais cela ne suffit pas pour satisfaire les standards posés par la juridsprudence Brandeburg ».

    Si c’est le cas, l’ouverture de la procédure de destitution du président sortant est vouée à l’échec, et sa disparition du paysage politique tant désirée par le camp démocrate peu probable.

    La procédure de destitution de Donald Trump risque fort de se transformer en stress test pour la démocratie américaine. Sera-t-elle assez solide pour éviter que l’exigence démocratique de justice ne dégénère en guerre ouverte contre la liberté d’expression ?