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      Bruno Le Maire et sa souveraineté à prix modique

      h16 · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 08:30 · 5 minutes

    Par h16.

    Retroussant ses manches, non pas pour se faire vacciner mais bien pour bouter l’étranger venu jusque dans nos bras épouser nos grandes surfaces, il avait brillamment débuté l’année en refusant médiatiquement le rapprochement entre le canadien Couche-Tard et la chaîne Carrefour : afin de garantir une souveraineté totale à l’appauvrissement de notre pays, Bruno Le Maire avait fait barrage de son corps et de son ministère aux cousins d’Outre-Atlantique.

    Et ce fut un indéniable succès puisque, grâce à ses efforts déployés pour garantir la souveraineté du pays sur le plan alimentaire et celui du papier hygiénique, les actionnaires du groupe Carrefour ont héroïquement échappé à la surenchère boursière du Canadien sur leurs actions.

    La victoire fut âpre mais belle puisqu’elle aura permis au pays de conserver Carrefour, d’éviter que ce groupe ne dispose d’un peu plus de 3 milliards d’euros de capacité supplémentaire d’investissement, qu’il puisse ainsi baisser ses prix, améliorer l’expérience de ses clients et fournir de nouvelles opportunités sur le territoire.

    Ouf, la France l’a échappé belle et, grâce à la judicieuse fermeture continue et arbitraire de ses petits commerces, de ses bars, de ses restaurants, de ses coiffeurs et d’une myriade d’autres activités qualifiées de « non-essentielles » par des élus véritablement essentiels , la croissance française se targue maintenant d’un avenir radieux.

    Oui, les calculs du Bruno d’Agen de Bercy sont formels et moyennant une manutention musclée des chiffres et des statistiques, nous en arrivons à l’étonnante conclusion que nous nous en sortons « plutôt » bien : selon le ministre de ce qui reste d’économies, la croissance française devrait montrer son « immense capacité de rebond » d’ici la fin de cette année.

    Capacité de rebond qui a pour le moment essentiellement reposé sur celle de l’État à distribuer l’argent gratuit des autres, et surtout sur l’incapacité (involontaire) des administrations et des ministres à pousser leur pouvoir de nuisance à 100 % : devant le désastre de 2020 qui ne fut évité qu’aux prix de sacrifices économiques phénoménaux, d’un endettement galopant et de milliers de faillites repoussées à plus tard, on imagine sans mal que l’année 2021 ne sera que difficilement meilleure.

    Seul un arrêt total des gesticulations bureaucratiques, administratives et ministérielles pourrait donner un réel espoir d’amélioration pour nos entrepreneurs. Malheureusement, ce n’est pas le chemin que prend le guilleret Bruno, qui a d’autres idées en tête.

    En effet, le ministre n’en a pas fini avec ses vigoureux sabotages interventionnismes économiques : l’actualité est en effet pleine de ces moments cruciaux où la parole du ministre se révèle essentielle pour tout bloquer, tout désorganiser ou tout flanquer par terre (panachage possible).

    Ainsi, toujours au motif de cette souveraineté de plus en plus difficile à définir clairement mais qui semble impliquer toujours plus de petits doigts boudinés de l’État dans toujours plus d’activités du pays, Bruno a décidé d’ intervenir promptement lorsque Veolia a déposé une offre publique d’achat sur Suez.

    Vite, même si le ministre n’en a pas le pouvoir, saisissons l’Autorité indépendante des marchés financiers ! Vite, même si cela constitue une ingérence illégale, une inégalité de traitement manifeste et probablement au détriment des actionnaires concernés, interposons-nous dans cette enchère publique entre sociétés privées françaises ! Il ne faudrait pas qu’un fleuron français tombe dans l’escarcelle d’un fleuron français !

    Ainsi, c’est encore de la souveraineté qu’il s’agit lorsque Bruno se rend compte, tout à trac, que des puces électroniques viennent à manquer dans certains procédés industriels français !

    Horreur, comme les vaccins, les masques, les réactifs pour tests, les machines PCR et tant d’autres choses, le ministre s’est rendu compte que la France ne produit plus trop de choses sur son territoire devenu un simple arrêt touristique pittoresque grâce à la multiplication de politiques industrielles, fiscales et sociales parfaitement idiotes que lui et ses prédécesseurs se sont acharnés à imposer.

    Or, pour contrebalancer l’incessant interventionnisme étatique, les trouzaines de mouvements de bras et de petits coups de menton des ministres de l’Économie sur les 40 dernières années au moins, l’actuel tenant du poste propose une nouvelle couche d’interventionnisme étatique, une nouvelle brouettée de mouvements de bras et les inévitables petits coups de menton qui l’accompagnent.

    Cependant, tous ces mouvements, toute cette belle souveraineté, il va falloir les financer.

    Malheureusement, les impôts sont au plus haut (la France est au top des pays de l’OCDE) : on n’a jamais autant prélevé à tout le monde en échange de services de plus en plus minables voire contre-productifs (comme l’a illustré la crise sanitaire).

    Malheureusement, les contraintes administratives n’ont jamais été aussi fortes. Le niveau bureaucratique a atteint des niveaux véritablement ubuesques où absolument tout ce qui n’est pas interdit est taxé et décrit avec force dossiers administratifs en triplicatas et tombereaux de pièces justificatives, et ce sans même parler encore de la crise sanitaire, prétexte ultime du gouvernement à une nouvelle tempête de complications et de vexations.

    Malheureusement, le moral des Français est au plus bas et si, au contraire du rêve américain, le rêve français n’a jamais pris corps, la douceur de son art de vivre, elle, a bel et bien existé. Or, elle semble s’être évaporée quelque part entre cette arsouille de Mitterrand et ce freluquet narcissique de Macron pour être remplacée, sous le mandat de ce dernier, par une sourde colère qui monte chaque jour un peu plus.

    Les gesticulations de Bruno (et des autres ministres du reste) ne font absolument rien pour redonner espoir aux Français : on s’agite, on bricole, on se mêle de tout, on met des bâtons dans les roues et on présente la moindre tempérance, le plus petit répit dans les vexations fiscales comme « une grande mansuétude » .

    Au lieu de libérer les énergies, ces andouilles les emprisonnent ou, pire, les font fuir dans ces pays où elles peuvent s’exprimer. Au lieu de redonner du souffle à ce pays, ces ministres lui pompent l’air. Et le seul gel de dépenses fiscales qu’ils proposent, c’est un gel très proche de la vaseline.


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      Les finances publiques plombées par la politique gouvernementale

      Jean-Philippe Delsol · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 28 January, 2021 - 04:30 · 5 minutes

    finances

    Par Jean-Philippe Delsol
    Un article de l’Iref-Europe

    C’est un peu moins mauvais que prévu dans la quatrième loi de finances rectificative , mais c’est néanmoins cauchemardesque. Le déficit du budget de l’État français en 2020 représentera environ 178 milliards d’euros. Il faudra y ajouter le déficit de la Sécurité sociale, y compris des caisses de retraite et de chômage, et les conséquences sur les collectivités locales, encore inconnues.

    Sachant que selon un rapport de la Cour des comptes d’octobre 2020 le déficit cumulé du régime général de la Sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse devrait atteindre 44,4 milliards d’euros en 2020 (contre 1,9 milliard en 2019 et 28 milliards d’euros en 2010, à la suite de la crise financière), et que les régimes de retraite et d’assurance chômage devraient cumuler près de 45 milliards d’euros supplémentaires de déficit, le déficit global des finances publiques devrait en 2020 représenter plus de 100 % des recettes fiscales de l’État. Bien sûr il faut s’endetter toujours plus pour y faire face.

    Bruno Le Maire maintient qu’il ne faut pas augmenter les impôts et compte sur la croissance pour rembourser les dettes publiques qui s’accroissent démesurément, autour de 120 % du PIB en attendant pire en 2021, et qu’il faudra bien rembourser si l’on veut éviter que la France perde tout crédit. Il n’a pas tort sur le principe, sauf que sa politique entrave l’économie plutôt qu’il ne la libère, ce qui nuira à la croissance nécessaire. Carrefour en offre un exemple manifeste.

    Le mauvais exemple Carrefour

    À défaut de gérer ses affaires, le gouvernement s’occupe de celles des autres. Près de quarante ans après que Laurent Fabius a arrêté les magnétoscopes japonais à Poitiers, il s’ingère dans les affaires de Carrefour pour faire obstacle au Québécois Couche-tard qui voulait entrer dans son capital.

    Pourtant l’investisseur canadien était prêt à investir trois milliards d’euros dans Carrefour pour améliorer sa productivité et développer l’e-commerce de façon à réduire encore ses prix au profit des consommateurs sans peser sur les producteurs.

    Le veto public opposé à Carrefour est d’autant plus incompréhensible que sur le marché français, la concurrence est vive : Auchan, Casino, Intermarché, Leclerc… Qu’aurait dit monsieur Le Maire si les Canadiens avaient posé leur veto à l’achat de Bombardier par Alstom fin 2020 ?

    Bombardier, qui fabrique des matériels de transport collectif, est pourtant autrement stratégique pour le Canada que Carrefour pour la France. Le distributeur français est présent dans de très nombreux pays étrangers et il y est souvent le distributeur le plus important, ou l’un d’eux. Selon son dernier rapport financier annuel 2019, Carrefour comptait par exemple 789 magasins en Belgique, 1149 en Espagne, 1089 en Italie, 906 en Pologne, 464 au Brésil, 597 en Argentine…

    Si la France poursuit sa politique souverainiste, les autres pays prendront des mesures de rétorsion équivalentes et empêcheront le développement de nombreuses entreprises françaises à l’international. Pourtant les activités à l’étranger des grandes firmes françaises actives au niveau international comptent pour une part majoritaire de leur chiffre d’affaire et de leurs profits.

    L’État n’a pas vocation à gérer l’économie

    Nous vivons dans une économie mondialisée qui a permis le développement exceptionnel de ces cinquante dernières années aussi bien dans les pays les plus pauvres que dans les pays riches. Mais si nous commençons à fermer nos frontières aux échanges de capitaux et bientôt de services et marchandises, nous en pâtirons tous. Et nous serons incapables de redresser la situation après la crise sanitaire qui nous aura plombés.

    Les agriculteurs qui se sont félicités du veto du gouvernement opposé à Couche-tard n’ont pas compris qu’au contraire, cet investissement aurait favorisé les ventes de Carrefour en France et à l’étranger et donc la production agricole française et ses échanges, notamment avec le Canada.

    Le rôle de l’État n’est pas de gérer les entreprises et de décider de la qualité de leurs actionnaires. L’État est mauvais gestionnaire ; il n’a pas les qualités appropriées et il n’en a pas la responsabilité. Sa gestion excessivement centralisée et tout entière administrée de la crise du Covid démontre son incapacité en la matière. On ne gère pas une crise en multipliant des circulaires aussi détaillées qu’un règlement de caserne.

    L’économie a moins besoin d’être suradministrée que libérée de trop de règlements, de contrôles, de sanctions, d’interdictions, d’obligations… Pire, en s’immisçant dans la vie des entreprises, l’État altère le juste équilibre des relations de marché.

    Certes, les mesures fiscales retenues dans la dernière loi de finances, pour atténuer les impôts de production et poursuivre doucement la baisse de taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, sont favorables à l’économie française.

    Mais si parallèlement les réglementations se multiplient au prétexte de satisfaire les revendications populistes et gauchistes, écologiques ou protectionnistes, ce qui a été donné d’une main sera repris de l’autre. Et l’apaisement fiscal ne sera alors qu’une parenthèse provisoire, parce que les entreprises gavées d’emprunts garantis par l’État ne pourront pas faire face à leur remboursement, parce que le déficit budgétaire public sera si lourd qu’il faudra en appeler au contribuable pour remédier à la faillite de l’État . Ce qui ajoutera encore au désastre.

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      Le « quoiqu’il en coûte » de Bruno Le Maire va précipiter notre faillite

      Simone Wapler · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 23 January, 2021 - 04:15 · 10 minutes

    contreparties black friday

    Par Simone Wapler.

    Nouvelles annonces de Bruno Le Maire jeudi 14 janvier 2021 et nouvelles aides publiques aux secteurs délibérément mis à l’arrêt par le gouvernement (hôtellerie, restauration, fournisseurs de ces activités) auquel s’ajoute désormais le secteur viticole touché par des sanctions douanières américaines.

    Un mois auparavant, Christine Lagarde, qui préside à la destinée de la Banque centrale européenne, avait averti :

    « Les conditions de financement resteront exceptionnellement favorables aussi longtemps que nécessaire ».

    Autrement dit : « dépensez sans compter », message que tous les gouvernements cigales reçoivent cinq sur cinq.

    Le programme d’achat d’urgence en cas de pandémie (PEPP) de 1350 milliards d’euros d’obligations prévu jusqu’en juin sera augmenté et il sera prolongé dans le temps. Les opérations de refinancement des banques à long terme (TLTRO) devraient aussi être reconduites.

    Puisque le robinet de l’argent gratuit reste ouvert en grand et pour très longtemps, pourquoi se gêner ?

    L’illusion de l’argent gratuit

    Rappelons trois grands principes économiques :

    1-  L’économie consiste à échanger quelque chose contre autre chose. La monnaie est une étape transitoire. L’échange n’est vraiment soldé que lorsque la monnaie reçue par le vendeur en échange de quelque chose a été transformée en autre chose par ce même vendeur. Il peut exister un décalage temporel plus ou moins long entre la vente et l’achat mais la monnaie seule ne solde pas l’échange.

    2-  Mettre davantage de monnaie ou de crédit dans le système ne multiplie pas les marchandises, biens ou services. Le croire reviendrait à penser que créer des emballages permet de créer de la marchandise.

    3-  Quand vous ne savez pas vraiment qui paye pour cet argent tombé du ciel, alors c’est vous, peut-être tôt ou peut-être plus tard, mais toujours VOUS, votre argent, vos économies…

    Que la monnaie soit des espèces sonnantes et trébuchantes comme autrefois ou un système de débit-crédit comme maintenant ne change rien à ces trois principes qui peuvent aussi se résumer par  : « l’argent gratuit n’existe pas » ou encore « le crédit gratuit n’existe pas ».

    Évidemment, le personnel politique aimerait faire croire que l’argent gratuit ou le crédit gratuit existent. C’est d’ailleurs le principe du recours à la dette publique : l’argent sans les impôts. Pourtant, si on présentait la facture immédiate aux contribuables, il est probable qu’ils diraient « non merci ».

    Le ministre de l’Économie multiplie les mesures censées compenser les pertes consécutives à des décisions administratives malheureuses. Dès le début de l’épidémie, l’exécutif a souscrit aux prévisions les plus alarmistes, celles du professeur Niel Ferguson , prévisions par la suite heureusement démenties. Personne au sein du gouvernement ne se soucie du coût et du financement d’aides rendues nécessaires par une mauvaise décision initiale. Il est acquis que le financement de la dette est la solution et qu’il sera toujours temps de se pencher sur la question quand les choses iront mieux.

    Jusqu’ici, tout va bien. Le 19 janvier, notre pays a emprunté 7 milliards d’euros sur 50 ans au taux d’intérêt de 0,59 % seulement. La France emprunte à taux négatifs jusqu’à 16 ans.

    Un « observatoire de la dette » vient d’être créé mais il ne s’agit que d’un bidule poudre aux yeux supplémentaire qui permet de recycler dix people en mal de mandat ou de renvoyer des ascenseurs.

    Le poids de la dette, le choc des intérêts ? Pas grave…

    Pour le moment, la pensée dominante se résume à « peu importe la dette, les taux d’intérêt resteront bas puisque les banques centrales s’y emploient » . Variante : « en période d’incertitude, rien de plus sûr qu’une dette d’un grand État dont les contribuables ne sont pas miséreux ».

    Voici d’autres arguments souvent avancés à l’appui de cette pensée dominante :

    1-  La dette peut grossir, les intérêts resteront supportables. Au pire, si la situation l’exigeait, on pourrait relancer la vieille lune de la « dette perpétuelle » : le principal ne sera jamais remboursé et remplacé par un intérêt versé à vie…

    2-  Au besoin, on cantonnera la dette du Covid dans une structure cache-poussière-sous-le-tapis, comme celle de la dette de la Sécurité sociale . Peu de gens s’intéressent au « hors bilan » des comptes publics. La France est un grand pays développé peuplé de riches contribuables et sa note de crédit reste excellente.

    3-  Oui, avec un taux de dette sur PIB similaire à celui de la France, la Grèce a fait faillite (défaut de paiement et effacement partiel de sa dette publique) mais le pays avait menti sur ses déficits, les Grecs ne payaient pas assez d’impôts et les taux étaient bien plus hauts.

    4-  Le Japon survit très bien avec un fort taux d’endettement , nettement supérieur à celui de la France.

    5-  Ce n’est pas grave, tout le monde doit quelque chose à tout le monde.

    Quelques contre arguments :

    1-  La dette ne peut grossir éternellement car il deviendra un jour impossible de prétendre que le capital pourrait être remboursé. La dette perpétuelle constituerait dans les faits un défaut puisque le contrat initial (retour du capital) ne serait pas respecté. Notre pays ne trouverait donc plus de prêteurs étrangers à de bonnes conditions et l’État se trouverait rapidement en crise financière aiguë.

    2-  Il arrive toujours un moment où la situation du débiteur semblant devenir hors de contrôle, les prêteurs commencent à s’intéresser aussi au hors bilan et à réviser leur estimation du risque. Les contribuables français étant les plus taxés des pays développés, la France ne pourra augmenter sa pression sans déclencher une fuite des contribuables solvables. Ceci augmente le risque des prêteurs.

    3-  La Grèce avait certes menti et sa situation réelle était pire que celle qui était avouée. Mais c’est aussi le cas de notre pays qui multiplie les structures cache-dette (CADES, notamment) et dont le hors-bilan représente presque le double de la dette officielle .

    4-  La dette japonaise est presqu’intégralement entre les mains des Japonais. Le Japon est un pays vieillissant. Les Japonais ont décidé de mourir entre eux sur leur île en déflation et cela ne regarde qu’eux… Ce n’est pas le modèle français. Notre dette est entre des mains étrangères. La redistribution représente le gros des dépenses publiques. Elle sert à acheter la paix sociale pour compenser une immigration mal digérée.

    5-  Parmi les pays à finances publiques délabrées, il y a ceux dont la balance commerciale est aussi déficitaire depuis des années (ces pays importent plus de choses qu’ils n’en exportent). La France en fait partie. Nous devons de l’argent à des gens qui ne nous doivent rien en retour et nous sommes incapables de leur proposer en quantité suffisante des produits et services qu’ils souhaiteraient acheter.

    Lorsque tout le monde pense la même chose, personne ne pense

    Lorsque la pensée unique tient lieu de consensus, alors personne ne pense plus. La pensée unique est en réalité l’absence de pensée faute de débat. La dette est de l’impôt en devenir qui n’a donné lieu à aucune délibération publique, à aucun vote, si ce n’est année après année des lois de finance très techniques entérinant des déficits.

    La dette est préoccupante . Avec un peu de recul, les agissements des banques centrales pour la rendre indolore conduisent à de graves anomalies :

    1-  Les taux négatifs sont une monstruosité signalant que le système monétaire est très malade. Le temps est la limite de tout mortel. Un taux d’intérêt valorise le temps durant lequel un prêteur se prive de son argent. Personne, y compris une organisation humaine, ne peut nier la valeur du temps.

    2-  Dans tous les pays développés où la retraite par capitalisation prévaut, les taux nuls ou négatifs mettent à terme en danger le niveau de vie des retraités et futurs retraités. Les pays locomotives de l’Eurozone, qui n’ont pas de problème de gestion de finances publiques, voudront sortir de ce piège. On pourrait assister à un réflexe de fuite devant la monnaie des fonds de pension. La Banque centrale européenne qui en détient déjà 30 % deviendrait seule acheteuse des obligations souveraines émises par les pays nécessiteux. L’euro imploserait alors de lui-même.

    3-  Les durées d’emprunt dépassent deux générations (on lève de la dette à 50 ans, 75 ans, 100 ans). Or les démocraties ne sont pas éternelles et jamais une génération n’a accepté de payer les dettes de la génération précédente. Toutes les réparations de guerre trop importantes ont débouché sur une nouvelle guerre. Les successions ne s’acceptent que sous bénéfice d’inventaire et si le passif dépasse l’actif, les héritiers déclinent.

    4-  Enfin, on n’a jamais vu dans l’histoire de l’humanité un système monétaire crédit-dette sans limitation de la dette. Dès Sumer et l’empire babylonien, les Anciens avaient compris qu’un défaut de limite à l’endettement entraînait de graves crises sociales, des émeutes et des renversements de régimes.

    Le FMI s’inquiète pour la dette de la France

    Le mardi 19 janvier, le jour où la France plaçait de la dette à 50 ans, l’agence Reuters relayait cette dépêche :

    PARIS ( Reuters ) – « La France doit travailler dès maintenant à un plan qui lui permettra d’assainir ses finances publiques dès que l’économie aura surmonté la crise due au coronavirus, a déclaré mardi le Fonds monétaire international (FMI). […] La dette en France est élevée et nous pensons que le moment est venu d’élaborer et d’approuver un plan d’assainissement budgétaire crédible à moyen terme » , a déclaré le chef de la mission du FMI en France, Jeffrey Franks, lors d’une conférence téléphonique.

    Le « nous » de la dépêche est inquiétant, comme si le FMI était déjà partie prenante dans l’élaboration du plan. Le FMI aurait-il l’ambition d’apprendre à nos politiciens de compter avant de dépenser plutôt que de dépenser sans compter ?

    Toujours selon Reuters , Bruno Le Maire a indiqué lorgner du côté des retraites « au nom de l’assainissement des comptes publics et de la justice sociale ». Mais rien du côté des dépenses publiques !

    Les mythes ont toujours succombé aux faits

    Nous vivons en France bercé par des mythes et des croyances absurdes, notamment en ce qui concerne le pouvoir de l’État qui serait stratège, visionnaire, protecteur. Des gens incapables de gérer des masques, du gel, des lits d’hôpitaux et des vaccins seraient capables de soigner gratuitement, de gérer le climat, d’éradiquer la pauvreté et bien d’autres miracles encore.

    En réalité, l’État prend et donne. Il donne toujours moins que ce qu’il prend puisqu’il faut qu’il se serve au passage pour payer la bureaucratie . L’État ne doit donc prendre qu’à bon escient, parcimonieusement et ne donner que ce qui est utile et profite à tout le monde et non pas à tel ou tel groupe d’intérêt.

    La dette publique est seulement un moyen de maintenir le mythe de l’État protecteur et nourricier. Mais lorsque la facture sera présentée, il faudra se rendre à l’évidence : nous aurons été rackettés. Nous aurons payé pour des protections illusoires. Depuis bien longtemps L’État ne nous protège plus et il nous conduit à la ruine.

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      Carrefour dégringole en bourse, la faute au « souverainisme économique »

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 January, 2021 - 04:15 · 3 minutes

    Carrefour

    Par Frédéric Mas.

    Le cours de l’action Carrefour a dégringolé après l’échec du rapprochement avec le groupe québécois Couche-Tard que le gouvernement français a court-circuité pour « préserver la souveraineté alimentaire » du pays.

    Vers 14 heures ce lundi, le titre perdait 6,17 % à 15,60 euros. L’extension du contrôle de l’État sur l’économie nationale au nom de la notion fluctuante d’« intérêt stratégique » ou de « patriotisme économique » n’est pas seulement politiquement irrationnelle, mais économiquement dangereuse.

    Carrefour : la souveraineté alimentaire avant tout

    Lors d’un passage télévisé sur France 5 la semaine dernière, Bruno Le Maire avait déclaré qu’il n’était a priori pas favorable à un rapprochement entre les deux groupes car à ses yeux, Carrefour représentait un « chaînon essentiel dans la sécurité alimentaire des Français, dans la souveraineté alimentaire » .

    Non seulement l’État donne son avis sur la situation de Carrefour, mais il se fait arbitre d’un intérêt général qui se construit en opposition aux principes élémentaires du libre-échange.

    C’est que la crise sanitaire a déclenché la panique au sommet de l’État. Il a même été envisagé en mars dernier de rationner l’approvisionnement alimentaire des Français pour pallier la flambée de l’absentéisme et des commandes non livrées.

    Si les acteurs du secteur de l’alimentation et l’armée ont dû plancher sur cette éventualité, c’est la pénurie réelle de masques, de gel et de test qui a fait sentir aux dirigeants notre dépendance vis-à-vis des importations dans le domaine médical. Mais l’autosuffisance est-elle souhaitable, et dans quelle mesure ?

    Le flou de l’intérêt stratégique

    La notion d’intérêt stratégique est ici suffisamment floue pour légitimer l’interventionnisme étatique bien au-delà de son domaine de compétence, c’est-à-dire des activités régaliennes.

    Comme l’observent les économistes Emmanuel Combe et Sarah Guillou dans un rapport de la Fondapol paru ce dimanche 17 janvier, l’autonomie stratégique régulièrement invoquée par une partie de la classe politique est une version moderne et atténuée de l’autarcie.

    L’encouragement à produire des biens et des services jugés « stratégiques » est couvert par de nombreux textes de lois internationaux, en général assez stricts et limités aux périodes d’exception. Cependant, le risque en cas de flottement sur la définition de « stratégique » est son instrumentalisation par le capitalisme de connivence : « Les entreprises vont tenter d’influencer les décideurs politiques sur la définition de ce qui est stratégique, afin d’être protégées de la concurrence étrangère. »

    C’est ce qu’a fait Donald Trump pour augmenter les droits de douane au nom de la « sécurité nationale », et c’est ce qu’a fait l’État français en resserrant son contrôle sur les investissements directs étrangers sur le sol national. Maintenant l’intérêt stratégique s’étend au secteur alimentaire.

    Comme le notait Eddie Willers dans Contrepoints :

    « Alors qu’il est censé représenter l’intérêt général, l’État ne représente que son propre intérêt. En fonction des circonstances, il peut demander des dividendes lorsque les déficits dérapent, des maintiens d’emplois pour préserver sa cote de popularité dans l’opinion, d’investir dans un projet non rentable pour améliorer son image à l’étranger. Parfois les trois en même temps… »

    Ainsi, profitant de l’État d’urgence sanitaire, le pouvoir politique étend ses filets sur l’économie et ce faisant, la menace directement. Incapable de penser en dehors du cadre de la planification centrale, il menace de fait toutes nos libertés.

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      Carrefour/Couche-Tard : Bruno Le Maire s’empêtre dans ses contradictions

      Michel Albouy · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 04:15 · 5 minutes

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    Par Michel Albouy.

    Suite à l’annonce le 13 janvier 2021 du groupe canadien Couche-Tard de son intérêt pour prendre le contrôle de Carrefour , le microcosme politico-économique français s’est enflammé. Notre ministre de l’Économie s’est même étranglé d’horreur et a vaillamment déclaré, comme un vrai résistant courageux face à l’envahisseur, lors de l’émission C à Vous : « A priori, je ne suis pas favorable à cette opération ».

    Pour lui, Carrefour est un « chaînon essentiel dans la sécurité alimentaire des Français, dans la souveraineté alimentaire ». « Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz, plus de biens essentiels, vous faites comment ? », a-t-il expliqué dans une belle envolée lyrique.

    Le jeudi matin suivant, l’action Carrefour, qui avait fortement progressé avec l’annonce de l’offre, refluait de plus de 5 % à l’ouverture de la Bourse. Chacun pourra apprécier la rigueur économique de notre ministre de l’Économie dont la formation littéraire ne l’a jamais préparé à de tels évènements.

    Carrefour : une entreprise encore française ?

    Qu’est-ce qu’une entreprise française ? La question hante les débats académiques en sciences de gestion. Mais deux indicateurs semblent s’imposer : le lieu de l’activité (chiffre d’affaires) et la composition du capital de la société.

    Selon les statistiques connues, Carrefour réalise moins de 50 % de son chiffre d’affaires en France (46,9 %) comme le tableau ci-dessous le montre. Au passage on note la forte présence du groupe au Brésil et en Espagne, deux pays qui n’ont jamais eu à se plaindre de la distribution de pâtes et de riz par Carrefour.

    La répartition très dispersée du capital de la société Carrefour ne témoigne pas également d’une prépondérance française. Certes, la famille Moulin 1 possède 9,74 % du capital de la société et associée aux familles Diniz et Arnault elles ne totalisent que 22,64 % du capital. Le reste est dispersé chez des investisseurs institutionnels étrangers et ou privés. Bref, pas de quoi considérer Carrefour comme un champion national.

    Clairement, au vu de ces chiffres (origine du chiffre d’affaires et répartition du capital), on peut légitimement s’interroger sur la nationalité du groupe Carrefour et sur la légitimité du ministre de l’Économie français Bruno Le Maire à s’opposer à la démarche du groupe canadien Couche-tard.

    Carrefour : un chaînon essentiel de la souveraineté nationale ?

    La question porterait à la dérision si ce n’était l’avis d’un ministre de la République française. On sait depuis longtemps qu’en France le patriotisme économique et la souveraineté économique sont des concepts à géométrie variable, sans véritable assise scientifique autre que celle du protectionnisme économique.

    D’une façon générale, nos dirigeants applaudissent lorsque nos entreprises prennent le contrôle d’entreprises étrangères mais sont farouchement opposés aux opérations inverses. C’est le « libéralisme » à sens unique. Une version édulcorée de celle de Lénine : « ce qui est à vous et à moi et ce qui est à moi est à moi » . Or, tous ceux qui connaissent le monde des affaires savent qu’il n’est pas possible de faire longtemps des affaires à sens unique.

    À supposer que Couche-Tard prenne le contrôle de Carrefour, qui peut raisonnablement penser (sauf Bruno Le Maire) que ses dirigeants voudraient priver les Français et les autres pays de pâtes, de riz et de yaourts ? Leur objectif sera sûrement, bien au contraire, de développer le chiffre d’affaires et peut-être d’améliorer la gestion de ce groupe de distribution.

    En réalité, Bruno Le Maire se trompe encore une fois de combat, comme dans le cas des dividendes. En prenant connaissances de ces déclarations, on ne peut que lui recommander de prendre un bon cours de gestion financière d’entreprise. En fait, le problème n’est pas le contrôle capitalistique d’un groupe de distribution, mais bel et bien la question des filières de production agricoles françaises. Mieux vaudrait s’intéresser, de façon intelligente, aux conditions de survie de nos producteurs agricoles, pour le coup bien français, eux.

    Carrefour : une entreprise responsable ?

    La mode est à la responsabilité sociale des entreprises . Dans le contexte exceptionnel de pandémie et dans une démarche d’entreprise responsable, Alexandre Bompard, le PDG, a fait part au Conseil d’administration de sa décision de renoncer à 25 % de sa rémunération fixe pour une période de deux mois (vous avez bien lu : deux mois sur douze que compte une année !).

    Et dans un souci de responsabilité sociale et sociétale, le Conseil d’administration a également décidé de réduire de 50 % le dividende proposé au titre de l’exercice 2019, qui s’élève ainsi à 0,23 euro par action. Chacun appréciera ce green washing à sa juste mesure qui est dans l’air du temps et qui devrait sanctuariser nos dirigeants bien-aimés, mais dont fâcheusement Couche-Tard, qui poursuit ses objectifs de croissance, avait l’air d’en avoir rien à faire de cette responsabilité sociale chère à Bruno Le Maire.

    Carrefour : épilogue trois jours après

    Est-ce la pression de nos autorités bien aimées, mais le 16 janvier 2021 Carrefour et le groupe canadien Alimentation Couche-Tard ont annoncé avoir interrompu leurs discussions préliminaires en vue d’un rapprochement entre les deux groupes. Dans un communiqué conjoint, Carrefour et Couche-Tard disent en revanche prolonger leurs discussions pour « examiner des opportunités de partenariats opérationnels ». Quand on connait le chevauchement géographique pratiquement inexistant entre les deux groupes, on devine ce qu’une telle déclaration signifie.

    Les dirigeants de la France, qui chaque année, accueillent à grands frais, à Versailles, de grands groupes internationaux pour les inciter à miser sur notre territoire et qui cherchent à attirer les investisseurs étrangers, ont un double discours.

    Dans la pratique, en repoussant les avances préliminaires d’un groupe québécois prêt à investir dans une entreprise française (sur le papier), Bruno Le Maire rappelle au reste de la planète que la France est un pays qui pratique le capitalisme à sens unique. Or, une telle pratique est incompatible avec les règles du jeu de l’économie de marché. Mais est-ce que Bruno Le Maire le sait ?

    1. Ginette Moulin est l’actionnaire majoritaire du groupe Galeries Lafayette. La fortune de la famille Moulin est estimée en 2018 à 3,9 milliard d’euros selon Wikipédia.
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      Carrefour racheté par un groupe canadien : Bruno Le Maire se fâche

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 16 January, 2021 - 10:29 · 10 minutes

    carrefour

    Par Jacques Garello.

    Couche-tard : un cauchemar pour Bruno Le Maire, il n’en a pas dormi. Il y a de quoi : la chaîne canadienne veut faire main basse sur Carrefour, pourtant « chaînon essentiel de la souveraineté et la sécurité alimentaire des Français ».

    Et, pour faire clair, le ministre de l’Économie nous fait toucher du doigt le danger : s’il le désire, le Canadien pourrait affamer le peuple français :

    « Carrefour est un chaînon essentiel de la souveraineté et la sécurité alimentaire des Français, qui est en jeu dans cette opération, a souligné Bruno Le Maire sur France 5. Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz, plus de biens essentiels, vous faites comment ? Je ne suis a priori pas favorable à l’idée que Carrefour se fasse racheter par un groupe étranger. » ( Le Figaro )

    Je crois qu’il faut d’abord mettre les choses au point.

    1. C’est Carrefour qui cherche à se vendre, et Couche-Tard n’a fait que répondre à l’offre de vente.
    2. Pour les actionnaires de Carrefour, la réponse de Couche-Tard serait une excellente affaire, le Canadien proposant une prime de 30 % sur la valeur actuelle du titre.
    3. À l’heure actuelle rien n’est arrêté .

    Et j’en arrive tout de suite à la conclusion : ou bien Bruno Le Maire est réellement nul en économie , ce qui serait étonnant pour un ministre de Bercy, et ce que je ne saurais imaginer, ou bien il a tenu une fois de plus un discours purement politique et électoraliste pour séduire l’électorat souverainiste de droite, ou de gauche, et l’électorat anti-mondialiste de gauche, ou de droite.

    En ma qualité d’économiste, je préfère m’intéresser à ma première hypothèse.

    Protectionnisme et richesse des nations

    Le protectionnisme est une vieille lune anti-économique, qui remonte au moins aux mercantilistes, qui ont fait croire aux rois et souverains que le commerce extérieur était un danger pour la nation : acheter à l’étranger c’est devoir puiser dans les réserves d’or et d’argent, symbole et source de la richesse nationale.

    Heureusement pour eux, les Anglais et les Hollandais, qui n’avaient aucune richesse ni en métaux précieux ni en labourages et pâturages ont misé sur les échanges internationaux. Ce faisant ils ont imité les Vénitiens et les Florentins qui dès le XIIe siècle avaient compris qu’il y avait un marché européen pour des produits venus du reste du monde.

    Ce pari sur la mondialisation s’explique facilement. Il n’est pas dû à la spécialisation internationale, comme l’a soutenu Ricardo (chaque pays aurait intérêt à se spécialiser dans les produits où il serait le plus compétitif, où il aurait l’avantage comparatif le plus important), il est dû à la circulation des idées, à la concurrence qui fait que les innovations se diffusent.

    Adam Smith avait expliqué que la richesse des Nations était liée à l’élargissement des espaces d’échange, en passant de la ville à la région, puis à la nation, puis au monde entier. Aujourd’hui 70 % des échanges mondiaux sont croisés, ils portent sur des biens et services produits dans les deux pays qui échangent : automobiles fabriquées et vendues en Allemagne aussi bien qu’en France, tourisme en Europe aussi bien qu’en Asie, etc.

    Une automobile française est construite avec des éléments et pièces en provenance de huit pays au moins, un appareil de mesure électrique doit son existence à 18 pays.

    En réalité le choix du protectionnisme est, comme son nom l’indique, de protéger les producteurs nationaux contre la concurrence étrangère, soit-elle loyale ou déloyale. Les intérêts des consommateurs nationaux sont rarement pris en compte, car les producteurs sont mieux organisés, mieux ciblés pour faire pression sur l’État qui met en place les tarifs, normes, réglementations, subventions et crédits nécessaires.

    Après un désarmement économique bienfaisant à la fin du XXe siècle, nous avons vécu une surenchère protectionniste généralisée, y compris de la part de l’État américain, le président Trump ayant choisi de réveiller les sentiments isolationnistes de la doctrine de Monroe.

    Sécurité alimentaire

    En dépit de la relance protectionniste, l’idée d’une soudaine pénurie alimentaire est assez surprenante.

    D’une part et en dépit de la préférence désormais affichée pour les produits alimentaires français, la population française est et sera dépendante des importations.

    Malgré le savoir et les efforts de nos paysans (2 % de la population active) 75 % des fruits et légumes que nous consommons proviennent du reste du monde. La Politique Agricole Commune a fait beaucoup pour tuer notre production, en renchérissant les prix et en stimulant une concurrence européenne qui n’existait pas (Allemagne, Pays-Bas). Le développement des cultures et du commerce en Afrique, en Amérique Latine a fait le reste : le tiers monde devait-il être condamné à l’autarcie ?

    D’autre part qu’est-ce qu’un produit alimentaire français ? Un vin français, me disait un grand vigneron de Bandol, c’est un plan espagnol, un tracteur italien, des cuves allemandes, des pompes suisses, des bouchons portugais, des vendangeurs espagnols ; seuls les impôts sont français.

    Enfin il est vraisemblable que si le Canadien venait à priver les Français de produits alimentaires, d’autres distributeurs prendraient le relais, car la distribution est plus facile et plus rapide à organiser que l’approvisionnement.

    Les autres grands distributeurs ont démontré à plusieurs reprises leur capacité d’adaptation, et de nombreux distributeurs sont apparus depuis quelques mois, la crise sanitaire aidant. Mais d’ailleurs on ne comprend pas pourquoi un repreneur ferait une offre appétissante avec l’idée de liquider l’entreprise qu’il rachète à un prix si élevé.

    Nature et propriété de l’entreprise

    La réaction du ministre de l’Économie est incompatible avec la nature de l’entreprise et la propriété de l’entreprise.

    L’entreprise n’est pas une machine de guerre destinée à tuer les concurrents ou les salariés. C’est une machine de service qui va au-devant des besoins des clients. Entreprendre ce n’est pas tenter des coups de spéculation, ni pratiquer la destruction créatrice imaginée par Schumpeter.

    Le profit n’est pas la rémunération du risque, mais de la connaissance de ce que désirent les individus et qu’ils n’ont pas encore à leur portée. L’entreprise ne détruit rien du tout, puisqu’elle crée une valeur qui n’existait pas. L’entreprise se situe entre les ressources productives (travail, capital) et les besoins.

    C’est l’observation du marché, à travers les signaux des prix et des profits actuels, traduisant pénuries ou excédents, qui indique les innovations à mettre en œuvre. L’art d’entreprendre c’est l’attention, la découverte, c’est être à l’affût : « alertness » dit Kirzner ; c’est avoir l’antériorité de l’information, comprendre avant les autres ce qui manque, ce dont les gens ont besoin.

    Depuis quelques décennies de savants intellectuels, mais aussi quelques grands chefs ou cadres d’entreprises, laissent croire que l’entreprise n’a pas pour objectif majeur la rentabilité, mais quelque devoir de redistribution, ou quelque responsabilité sociale , ou quelque vocation citoyenne.

    Libre aux dirigeants d’entreprises de prendre en compte, et volontairement, certains de ces objectifs – souvent pour se laver du complexe d’exploitation et de cupidité qu’on leur prête.

    Mais ils ne peuvent réaliser aucun de ces objectifs s’il n’y a pas de profit, c’est-à-dire l’aval de la clientèle. Et en aucun cas l’État n’a le droit de leur imposer d’autre objectif que le profit, révélateur et rémunérateur de la bonne gestion.

    « La raison sociale de l’entreprise est de faire des profits. » – Milton Friedman

    Mais l’État respecte-t-il la liberté d’entreprendre ? Il se substitue maintenant aux  propriétaires de l’entreprise, qu’ils soient entrepreneurs individuels ou actionnaires dans des sociétés de personnes ou de capitaux. Les actionnaires sont considérés comme de simples apporteurs de capitaux, comme les prêteurs bancaires ou financiers.

    On feint d’ignorer qu’ils assurent la gouvernance de l’entreprise, en particulier dans les sociétés ouvertes aux offres publiques d’achat ou d’échange. Si les actionnaires de Carrefour ont mis leur entreprise à la vente, c’est parce qu’ils estimaient que l’affaire avait été remise en ordre par son président Alexandre Bompard et qu’ils pouvaient en retirer un meilleur prix qu’en tentant d’aller plus loin.

    Parmi les gros actionnaires je remarque que figure Bernard Arnaud, qui a sans doute pesé les opportunités. Si les actionnaires de Couche-Tard ont répondu à l’offre des actionnaires de Carrefour, c’est qu’ils estimaient en effet que l’affaire était en bon état et qu’ils pouvaient la valoriser. Il n’y a donc eu ni trahison, ni agression.

    Donc rien n’autorise notre ministre de l’Économie à faire usage d’un droit de veto dont il ne dispose pas, et dont il ne saurait disposer dans la logique de la propriété privée ; Bruno Le Maire dit être couvert par le droit. Mais quel droit ? Il vise les décrets d’exception pris dans le cadre français de la crise sanitaire, et qui sont autant d’infractions à la propriété privée.

    Dans le cadre des traités européens, des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce, rien n’autorise Bruno Le Maire à s’opposer à l’opération, si elle se réalise. Couche-Tard pourra aisément démontrer qu’une telle initiative est contraire à tous les principes de la libre concurrence.

    Mais il est vrai que l’État, et particulièrement l’État français, se croit tout permis, et qu’il abuse de la « guerre » pour nationaliser et planifier l’économie

    Il ignore ou mieux encore il conteste les lois du marché, de l’échange, du contrat et de la propriété.

    Patriotisme économique à fins électorales

    Si le veto de Bruno Le Maire n’a rien à voir avec l’économie ni avec l’État de droit, j’en viens à ma deuxième hypothèse.

    Il s’agit d’un discours politique à vocation électorale. En cette année 2021 s’amorcera la campagne présidentielle, et peut-être au printemps celle des élections régionales et départementales (selon le calendrier de sortie de crise sanitaire et de vaccinations annoncé par Jean Castex, rien n’est moins sûr). Le pouvoir en place joue sur du velours en absence d’opposition aujourd’hui crédible. Les libéraux peuvent peut-être changer la donne .

    Alors il entonne les hymnes patriotiques, souverainistes. Il faut persuader les électeurs que la France peut à elle seule tenir tête aux Américains, au Canada, aux États-Unis ou au Brésil. La France pourrait le faire parce qu’elle aurait conquis le pouvoir à Bruxelles, Berlin s’alignerait désormais sur Paris.

    Nous mettons de l’ordre dans la démocratie mondiale, mais aussi dans la finance mondiale. Nous étions partis en croisade contre les GAFA , nous voici maintenant contre les Couche-Tard.

    Ce discours a le mérite électoral de séduire à droite, car le souverainisme est une tradition ( La France seule de Maurras, reprise par De Gaulle). Mais il plaît aussi à gauche car la mondialisation et le capitalisme leur sont doublement haïssables.

    D’autres électeurs trouveront encore chaussures à leurs pieds : âmes sensibles solidaires avec tous les artisans, paysans, commerçants français, écologistes avec le rejet de tous les transports internationaux, de tout ce qui n’est pas bio suivant les normes françaises, et de tous les dirigeants de pays capitalistes.

    Oui, vraiment, le discours du patriotisme économique est séduisant. Peu importe qu’il n’ait aucun sens économique. Ce qui compte, c’est l’arithmétique électorale.

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      Croissance : ce qu’en dit Bruno Le Maire n’est que littérature

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 14 January, 2021 - 04:15 · 7 minutes

    croissance

    Par Nathalie MP Meyer.

    Retour aux chiffres, retour aux dures réalités. Selon le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance qui donnait mardi 12 janvier 2021 une conférence de presse à distance, ce sera un vrai défi que d’atteindre la croissance de 6 % qu’il a prévue pour 2021 avec un indéniable « volontarisme » (façon énarco-technocratique de dire « au pif »).

    Loin de moi l’idée de remettre cette assertion en cause, bien au contraire. On sent gros comme une maison que Bruno Le Maire nous prépare à une nouvelle révision pessimiste de ses prévisions, mais il fallait s’y attendre car tout ce qu’il nous a raconté précédemment sur le rebond de la France dans l’enfer du Covid-19 était marqué au sceau d’un optimisme keynésien aussi béat que mal compris.

    Relance et croissance, quoi qu’il en coûte

    Relance par dizaines de milliards, « quoi qu’il en coûte » sans restriction et plongeon consécutif assumé dans un niveau d’endettement dangereusement élevé – tout ceci ne devait en aucun cas susciter l’inquiétude puisque la croissance serait au rendez-vous et aurait tôt fait d’éponger ces petits excès nécessaires. Sans compter que le « principe de responsabilité sur les finances publiques » dont on sait qu’il est comme une seconde nature chez nos fonctionnaires et nos élus ( ici , ici , ici et ici ) nous garantissait que pas un euro ne serait dépensé de travers !

    Mais voilà, la croissance ne se décrète pas et M. Le Maire est inquiet, d’autant que l’on parle maintenant d’ un troisième confinement possible – une mesure de ralentissement de l’activité économique dont il serait d’ailleurs co-décisionnaire si elle devait effectivement être prise.

    Ce qui pose un léger problème : son ministère est-il en charge de favoriser ou de décourager la reprise ? Il serait plutôt question de suivre une voie étroite entre découragement du virus et encouragement de l’activité, nous répond généralement Emmanuel Macron. Mais au point d’Absurdistan où en est arrivé le pays, se pose plus que jamais la question du bien-fondé des mesures d’interdiction qui émaillent notre vie depuis mars.

    Toujours est-il que dans le Projet de loi de finances pour 2021 présenté fin septembre dernier, Bercy avait d’abord fixé les évolutions du PIB en volume à -10 % en 2020 et +8 % en 2021 et voyait la dette publique s’établir à 117,5 % du PIB à fin 2020. Mais avec le second confinement, il a fallu bricoler à la hâte de nouveaux chiffres, d’où une prévision de recul du PIB aggravée à -11 % en 2020 puis un rebond réduit à +6 % en 2021 . Quant à la dette des administrations publiques, elle devrait atteindre aux alentours de 120 % du PIB en date du 31 décembre dernier (l’INSEE n’a pas encore donné sa première évaluation concernant l’année 2020).

    Croissance et vaccination

    Les inquiétudes de M. Le Maire quant à la possibilité d’obtenir ce 6 % de croissance sonneraient cependant plus juste si parallèlement, le gouvernement ne se déchargeait pas de ses responsabilités sur des boucs émissaires pratiques et s’il ne s’évertuait pas à freiner la reprise, voire à pousser ouvertement à la non reprise comme il le fait depuis le début de la pandémie avec des mesures qui deviennent de véritables incitations à rester chez soi au lieu d’aller travailler.

    Pour le ministre, l’essentiel va en effet dépendre de la rapidité de la campagne de vaccination en France et de la vigueur de la reprise chez nos partenaires européens, notamment l’Allemagne.

    On tombe quelque peu à la renverse devant ces raisons qui permettront lorsque l’échec sera venu de tout mettre sur le dos des Français qui manqueraient de rapidité à se faire vacciner ou sur le dos d’une conjoncture économique morose à laquelle nous n’aurions aucune part mais dont nous serions les malheureuses victimes éplorées.

    Car sur le premier point, qui est en charge de la vaccination ? Qui n’a commencé à y réfléchir qu’à la mi-décembre ? Qui s’est octroyé alors, et comme d’habitude , les services d’un cabinet de conseil extérieur , McKinsey en l’occurrence, au tarif coquet de deux millions d’euros par mois ? Et qui a amplement démontré ensuite que la France, incapable de s’organiser malgré sa pléthore d’élus, de fonctionnaires et de consultants, accusait, à nouveau comme d’habitude, un retard et une lenteur inexcusables par rapport aux autres pays ?

    Quant au second point sur les partenaires européens, que voilà des propos bien audacieux et tout plein de paille et de poutre mal dirigés. Il est vrai que l’Allemagne table sur un rebond de son économie compris entre 3,5 et 4,4 % en 2021 , soit moins que les 6 % français de Bruno Le Maire. Mais quand on sait que le recul du PIB allemand devrait se situer entre -5 et -6 % en 2020 quand nous autres Français seront entre -9 et -11 %, on voit la faible pertinence, pour ne pas dire l’impertinence satisfaite des remarques du ministre.

    Et puis, il ne faudrait pas oublier non plus que depuis qu’il est entendu de compenser les fermetures administratives sur le mode du « quoi qu’il en coûte » , le gouvernement s’ingénie à rendre les arrêts de travail les plus généreux possible. La prise en charge massive du chômage partiel, plus massive et plus avantageuse que dans tout autre pays, avait déjà joué contre une reprise dynamique du travail après le premier confinement, d’où un effondrement du PIB français plus radical qu’ailleurs au premier semestre 2020.

    Les bonnes recommandations de Castex

    Aujourd’hui, les mêmes craintes sont à nouveaux de mise en raison de la mesure annoncée par Jean Castex la semaine dernière avec effet au dimanche 10 janvier dernier qui permet à tout salarié non éligible au télétravail de se mettre en arrêt de maladie immédiat sans aucun jour de carence, pour peu qu’il pense être le siège d’un des nombreux symptômes du Covid-19.

    Pas de visite chez le médecin pour confirmer la chose, juste la consultation d’une liste de symptômes dont on sait qu’ils peuvent s’appliquer aussi à de multiples pathologies parfaitement bénignes (ou au contraire être éventuellement le signe difficile à reconnaître sans avis médical d’une maladie beaucoup plus grave) :

    Voici la liste des symptômes du Covid-19 délivrée par le ministère de la Santé : fièvre, toux sèche, fatigue, courbatures, maux de gorge, diarrhée, conjonctivite, maux de tête, perte de l’odorat ou du goût, éruption cutanée ou décoloration des doigts ou des orteils, difficultés à respirer ou essoufflement, sensation d’oppression ou douleur. (Site de France 3 )

    Le salarié considéré n’est tenu à rien d’autre que de faire un test de dépistage du Covid-19 dans les deux jours suivant sa déclaration sur le site Ameli de la Sécurité sociale puis attendre sagement le résultat. Il lui suffit donc dorénavant de se sentir un peu fatigué le matin (ou d’avoir un petit mal de gorge, etc.) et d’en conclure grâce aux bons soins du gouvernement : « Ça y est, j’ai le Covid », pour obtenir jusqu’à quatre jours d’arrêt maladie pas forcément justifiés.

    Inutile de dire que cette nouvelle disposition visant à « protéger au mieux nos compatriotes » comme dirait Emmanuel Macron, mais qui ressemble à s’y méprendre à une couche d’assistanat supplémentaire étalée sur notre système social déjà obèse, est la porte ouverte à une nouvelle forme d’absentéisme qui aura peu de chance d’aider la croissance à s’envoler.

    Mais ne soyons pas trop dur avec Bruno Le Maire et reconnaissons qu’il peut parfois faire preuve d’une grande lucidité. Malgré ses immenses responsabilités de ministre de l’Économie et malgré ce terrible Coronavirus qui bouscule méchamment tous ses plans sur la comète, il trouve encore le temps d’écrire… ses mémoires… provisoires ! Quelle sublime modestie !

    L’ouvrage, son troisième depuis qu’il est à Bercy (si, si, je vous assure), ne sera en librairies que demain (et sur Amazon également – si, si, je vous assure ), mais d’après le quotidien Le Figaro , voici le portrait qu’il y fait du responsable politique :

    Passer son temps en réunions interminables, discussions creuses, en déjeuners et dîners […] toujours à l’affût de ce qui pourra être dit sur lui, son attention engloutie par le flot continu des informations en ligne, par les rumeurs, par les images, prenant le monde pour son miroir, pérorant, vitupérant […] , jamais serein, jamais en paix, s’accablant lui-même de nouvelles obligations pour ne surtout pas voir que sa vie est vaine, son influence nulle. ( L’ange et la bête : Mémoires provisoires )

    Voilà, c’est officiel, Bruno Le Maire est un responsable politique… considérable !

    Sur le web