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      Covid-19: les enfants atteints de cancers subissent de graves dommages collatéraux - BLOG

      Corinne et Stéphane Vedrenne · news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 4 February, 2021 - 09:25 · 7 minutes

    À ce jour, moins de 2 projets de recherche sur 10 portant sur les cancers pédiatriques sont financés par l’Institut National du Cancer. Pourtant, nos chercheurs sont d’un excellent niveau, plus motivés par la science que par l’argent : ils sont, comme les enseignants, parmi les plus mal payés d’Europe. (Photo: Corinne et sa fille, Eva, décédée en janvier 2011 des suites d

    CANCER — Lorsqu’on évoque la pandémie de Covid-19, nos premières pensées se tournent vers les personnes âgées dans les hôpitaux, dans les EHPADs, qui ont été nombreuses à succomber à cette maladie . On pense aussi au courage des soignants, aux difficultés économiques qui touchent un certain nombre de commerçants et d’entreprises. Quant aux enfants, les principaux débats concernent l’ouverture ou non des écoles. Pourtant, certains d’entre eux se retrouvent dans des situations bien plus lourdes à supporter: il s’agit des enfants gravement malades ou handicapés.

    Un seul parent à l’hôpital

    En raison de l’épidémie Covid-19, l’accès à l’hôpital est devenu bien plus limité. On ne compte plus le nombre de scandales concernant les personnes âgées, décédées seules à l’hôpital faute d’autorisation donnée aux familles de les accompagner. Les enfants n’échappent pas à certaines restrictions, y compris lorsqu’ils sont atteints de cancers et de maladies graves. D’une façon générale, l’accès à l’hôpital est limité à 1 seul parent, et les fratries ne sont pas autorisées. Y compris en soins palliatifs. Des assouplissements des conditions d’accès des parents existent parfois, mais elles dépendent du chef de service. Plusieurs parents nous ont fait part de situations difficiles, sources de souffrances morales pour les enfants et pour eux-mêmes.

    Un logement près de l’hôpital des enfants difficilement abordable

    À cela s’ajoute une autre inégalité, d’ordre territorial. Le nombre d’établissements autorisés à soigner des enfants atteints de cancers étant relativement limité, notamment dans les cas de chirurgies ou d’essais cliniques spécifiques, il n’est pas rare que les familles parcourent plus de 200 km pour se rendre au service d’oncologie pédiatrique. Or, si les frais de déplacement pour se rendre en consultation sont remboursés par la sécurité sociale, aucune aide n’est prévue pour aider les familles à se loger près de l’hôpital durant les soins de leur enfant.

    Le Covid-19 a empiré les choses. Durant le premier confinement, plusieurs maisons de parents — abordables, mais souvent pleines — ont fermé. Idem pour plusieurs hôtels et chambres d’hôtes. Ceux qui sont restés ouverts se sont parfois montrés sans scrupule: Éva pour la vie ( Association de défense
    des enfants victimes de cancer, NDLR ) a été sollicitée par une famille nantaise qui s’était vue proposer de louer un petit logement pour près de 2000 euros pour un mois de traitement. Un autre loueur proposait la location d’un véritable taudis, près de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif, pour près de 1500 euros. Certains hôtels situés près des hôpitaux ont profité de cet “effet d’aubaine”. Depuis, les maisons des parents ne sont plus fermées, mais elles ont réduit leur capacité pour respecter le protocole sanitaire. Par exemple, celle de Toulouse Purpan n’ouvre que 21 de ses 32 chambres. Plusieurs familles, parfois très modestes, se retrouvent sur le carreau. Au point de dormir la nuit dans leur voiture, au pied de l’hôpital des enfants. Inhumain.

    La scolarité fragilisée

    Le débat sur l’obligation de scolariser ses enfants à partir de 3 ans, et la restriction de l’enseignement à la maison a occulté une situation bien plus grave: celles d’enfants gravement malades, handicapés, qui eux, rêveraient de se rendre à l’école, mais ne le peuvent pas de par leur état de santé. La situation était, avant même le Covid-19, très difficile pour eux, le maintien de la scolarité à domicile dépendant de la bonne volonté de l’inspection d’académie ainsi que… des enseignants.

    Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, tout repose sur le volontariat. En 2019, Corinne — elle-même devenue enseignante par vocation, après plusieurs années passées dans le journalisme et la communication — avait alerté le ministre de l’Éducation de la situation d’un enfant atteint de cancer qui attendait, depuis plus de 6 mois, de bénéficier de l’enseignement à domicile. Le papa, seul, ne savait que faire. Le ministère avait réagi très rapidement et résolu le cas de cet enfant: mais combien d’autres sont dans la même situation? En novembre 2020, à la suite du 2 d confinement, les écoles sont restées ouvertes. Pourtant, une circulaire étonnante — diffusée sur le site du ministère de l’Éducation — imposait le distanciel pour les familles d’enfants malades. L’ APADHE ( Accompagnement Pédagogique A Domicile à l’Hôpital et à l’École, NDLR ) était suspendu. Là encore, Corinne a saisi le ministère de l’Éducation, ainsi que l’ensemble des députés. La circulaire été modifiée, mais le problème de fond reste entier. Certains parents, découragés, font appel aux cours privés: encore faut-il en avoir les moyens.

    La recherche ralentie, des moyens en berne

    Fin 2018, nous avons obtenu, avec nos camarades de la fédération Grandir Sans Cancer, une première avancée après 6 années de combat: la mise en place d’un fonds de millions d’euros par an dédiés à la recherche sur les cancers de l’enfant. Une victoire en demi-teinte: il faudrait 15 à 20 millions d’euros par an, en plus des moyens existants, pour financer l’ensemble des bons projets de recherche (c’est à dire, ceux qui sont favorablement évalués par les experts internationaux), mettre en place un appel à projets “starters” (pour permettre le démarrage de projets) et pour financer l’ensemble des besoins de recherche sur les causes et origines des cancers pédiatriques.

    À ce jour, moins de 2 projets de recherche sur 10 portant sur les cancers pédiatriques sont financés par l’Institut National du Cancer. Pourtant, nos chercheurs sont d’un excellent niveau, plus motivés par la science que par l’argent: ils sont, comme les enseignants, parmi les plus mal payés d’Europe.

    La situation du Covid-19 a compliqué la recherche, pour des raisons logistiques, mais aussi, de moyens: les associations — souvent créés par des parents qui ont perdu leur enfant — ont vu leurs dons chuter — parfois, jusqu’à 80% — à cause des annulations d’événements, de donateurs inquiets. Or, elles demeurent souvent la première source de financements des projets des chercheurs.

    Avec Grandir Sans Cancer , que nous avons co-fondée, nous faisons une proposition simple au gouvernement : qu’il mette les moyens nécessaires afin que l’ensemble des bons projets de recherche portant sur les cancers de l’enfant puissent être financés. Nous souhaitons qu’il crée une forme “d’exception positive” pour accélérer la recherche dans un domaine où la force publique est essentielle, la plupart des industriels du médicament jugeant cette recherche peu rentable…

    Nous sommes très loin du “quoi qu’il en coûte” adopté à juste titre depuis la crise du Covid-19. Il s’agirait de flécher, 15 à 20 millions d’euros supplémentaires par an pour pouvoir développer toutes les actions de recherche nécessaires, ou plutôt vitales, pour tenter de préserver la vie d’enfants atteints de cancers. Chaque année en Europe, plus de 6000 d’entre eux décèderont de cette maladie. Soit 240 classes d’écoles.

    À Monsieur le président de la République

    Monsieur Macron, contrairement à votre prédécesseur, vous n’avez pas employé un slogan “ Je ferais la jeunesse ma priorité ” pour vous faire élire. Nous reconnaissons certaines avancées, pour l’école, pour l’aide aux familles d’enfants décédés, pour lutter contre la maltraitance des femmes et des enfants, contre l’autisme. Nous faisons le vœu que vous “mettiez le paquet” en créant un budget d’exception dédié à la recherche sur les cancers de l’enfant, afin de soutenir l’ensemble des bons projets en la matière. Nous faisons le vœu que vous preniez des mesures courageuses en ce qui concerne la prévention. Nous faisons le vœu que vous preniez une mesure forte — autoritaire si besoin — pour garantir à tout enfant qui ne peut aller à l’école, et qui souvent, en souffre — que l’école vienne à lui rapidement. Nous faisons le vœu que vous mettiez en place la création d’un “statut de parent protégé” face à l’emploi, aux crédits, aux dettes fiscales, afin que plus un seul parent ne se retrouve en situation de grave précarité durant la maladie de son enfant.

    Ces promesses ont un coût moindre lorsqu’on sait qu’il permettrait de protéger les 16 millions d’enfants et d’adolescents que compte notre pays, chacun pouvant être concerné. Nous vous proposons de devenir un grand Président, qui marquera l’histoire de notre pays, en vous mettant à la hauteur de nos enfants. Il faut agir vite, il ne reste que 14 mois.

    ″(Les enfants) veulent choisir d’être amoureux ou amoureuses de qui ils veulent. Ils veulent pouvoir avoir un travail, mener des études. Simplement vivre. C’est ça dont nous parlons. Alors nous y serons.” Emmanuel Macron, Lyon, 10 octobre 2019.

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