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      Censure de #lesbians : Instagram admet une erreur et rétablit le hashtag

      Aurore Gayte · news.movim.eu / Numerama · Wednesday, 3 February, 2021 - 10:58

    Le réseau social masque actuellement le hashtag #lesbians. Ce fait révèle à quel point l'algorithme de modération d'Instagram fonctionne de manière arbitraire, se basant sur des règles de modération qui s'expliquent théoriquement, tout en restant sont discriminantes sur le fond. [Lire la suite]

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      Twitter devait-il bannir Donald Trump ? Le débat entre libéraux

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 20 January, 2021 - 04:00 · 6 minutes

    Par Frédéric Mas.

    Dans un billet en date du 12 janvier dernier paru sur le site Marginal Revolution , l’économiste Tyler Cowen revient sur l’éjection de Donald Trump de Twitter. Non seulement il approuve la politique de modération du célèbre réseau, mais il pose plusieurs questions à ceux qui se scandalisent de cette « censure ». Certaines d’entre elles s’adressent aux libéraux et aux libertariens :

    « Robert Nozick a appelé à la création d’un archipel d’organisations politiques, chacune fixant ses propres règles de manière autonome. L’action de Twitter n’est-elle pas tout à fait conforme à cette vision ? L’équilibre libertarien optimal est-il vraiment celui qui ajoute une réglementation gouvernementale centralisée des codes de parole des plateformes technologiques ?  Si oui, cela vous incite-t-il à rejeter les doctrines libertariennes de manière plus générale ? »

    Tyler Cowen fait ici référence à un passage du livre du philosophe libertarien Robert Nozick Anarchie, État et Utopie (1974). Dans le dernier chapitre, Nozick propose un modèle libertarien idéal, dans lequel l’individu rationnel choisit parmi une multitude d’associations politiques celle la plus conforme à ses propres aspirations, sur le modèle de n’importe quel marché concurrentiel :

    « Si une association m’offre moins que ce qu’elle gagnerait à ma présence, une autre association qui apprécie aussi ma présence aura tout intérêt à m’offrir quelque chose de plus que la première […] afin que je la rejoigne elle plutôt que la première. De même pour une troisième association en comparaison avec la seconde, etc. Il ne peut y avoir de collusion entre les différentes associations en vue de réduire mon versement, puisque je peux imaginer n’importe quel nombre d’autres candidats sur le marché pour que je les rejoigne, aussi les associations feront-elles monter les enchères pour que je m’affilie à elles. »

    Le modèle de théories proposé par le philosophe et logicien en s’appliquant au monde devient un « canevas » de groupes et d’associations :

    « Dans notre monde véritable, ce qui correspond au modèle des mondes possibles est un vaste éventail diversifié de communautés que les gens peuvent pénétrer s’ils y sont admis, abandonner s’ils le désirent, façonner selon leurs désirs ; c’est une société dans laquelle l’expérimentation utopique peut être essayée, différents styles de vie vécus, et des visions différentes du bien peuvent être recherchées individuellement ou en groupe. »

    Pour Cowen, la souveraineté de Twitter sur ses terres numériques s’apparente à celle d’une de ces multiples associations volontaires à laquelle s’agrègent les individus en fonction de leurs convenances. Demander à l’État d’intervenir pour mettre de l’ordre dans les réseaux sociaux reviendrait à consolider son monopole coercitif au détriment de la liberté individuelle.

    La gauche de la gauche ne s’y est pas trompée, quand elle compare les plateformes technologiques à de nouvelles féodalités que l’État central doit briser pour transformer les services proposés en droits offerts aux citoyens 1 .

    Les géants de la tech libertariens ?

    Seulement, il est possible de formuler trois réserves -libérales- à la position de Tyler Cowen.

    Le modèle d’utopie proposé par Nozick est-il le plus pertinent pour décrire l’écosystème des réseaux sociaux et des plateformes réellement existant ? L’oligopole des GAFA n’est pas le produit d’un marché de concurrence pure et parfaite. Sa position dominante ne s’explique pas uniquement, contrairement à une légende qu’elle entretient sur ses propres origines, par la qualité intrinsèque de ses biens et de ses services.

    Les géants de la tech se sont toujours appuyés sur les commandes de l’État américain, avec lequel ils ont développé une relation symbiotique, en particulier en matière de surveillance, depuis le début pour prospérer et asseoir leur pouvoir 2 .

    S’ajoute à cela la tendance monopolistique des géants du secteur, qui pour garder la main dans un système économique reposant sur l’information, ont fait pression sur les États pour durcir les conditions d’accès aux droits de propriété intellectuelle 3 . Comme le note l’économiste italien Ugo Pagano, avec les droits de propriété intellectuelle :

    « le monopole n’est plus seulement fondé sur un pouvoir de marché dû à la concentration de compétences dans les machines et le management ; il devient également un monopole légal sur les connaissances 4 . »

    La cartellisation d’une partie du débat public par les GAFA n’est-il pas une menace directe sur sa bonne tenue, et donc le bon fonctionnement de la démocratie libérale ? Réapparait ici une différence essentielle entre la position libérale classique et celle libertarienne.

    Si la parcellisation du monde politique et du débat public ne pose théoriquement aucun problème au libertarien, ses effets sur le gouvernement représentatif interroge le libéral plus classique.

    Le débat public en démocratie libérale

    Qui tient les rênes du débat public oriente la discussion et la délibération politique qui font vivre les institutions démocratiques modernes. Est-ce aux réseaux sociaux d’en modérer les termes ou d’en formater le contenu ? La question s’est posée dès 2016, quand l’essentiel du débat sur l’élection présidentielle américaine s’est déplacé des médias traditionnels vers les plateformes technologiques, les réseaux et les forums du net.

    Faudra-t-il une loi antitrust pour protéger le bon fonctionnement de la démocratie représentative ou plus simplement réviser la règlementation pour permettre l’émergence de concurrents face aux géants d’aujourd’hui ? Les avis divergent sur la solution à apporter à un phénomène économique sans précédent dans l’Histoire. C’est d’ailleurs cette nouveauté absolue qui prend au dépourvu libéraux et libertariens sur la question.

    Enfin, l’inquiétude concernant le renforcement de la position centrale de l’État est légitime, mais est-elle vraiment compatible avec la propre conception « libertarienne » proposée par Tyler Cowen lui-même ? Tyler Cowen a créé la polémique parmi les libéraux en proposant sa propre version du libertarianisme, le State Capacity Libertarianism .

    Elle offre selon lui une porte de sortie aux apories contemporaines du libéralisme en réhabilitant le rôle d’un État fort dans la défense et la promotion du capitalisme. S’inquiéter de voir l’État prendre un rôle d’arbitre dans le domaine des GAFA tout en lui donnant un rôle central dans l’édification totale du système économique capitaliste n’est-il pas un peu contradictoire, ou du moins myope ?

    Dans le cas libertarien, la liberté d’expression est donc subordonnée à la propriété privée. Dans celui libéral classique, la liberté d’expression est un bien public à protéger pour faire vivre la démocratie libérale.

    Alors, l’économie de l’information est-il un eldorado libertarien ou le paradis des nouveaux monopoleurs ? Le débat ne fait que commencer.

    1. Sur le sujet, voir par exemple Cédric Durand, Techno-féodalisme. Critique de l’économie numérique , La découverte, 2020 ou Shoshana Zuboff, L’âge d’or du capitalisme de surveillance , Zulma Essais, 2019.
    2. Felix Treguer, L’utopie déchue : une contre-histoire d’Internet , éditions Fayard, 2019.
    3. La propriété intellectuelle est au centre des critiques formulées par les libertariens. Voir par exemple Comment rémunérer les productions intellectuelles dans un marché libre ? in Contrepoints .
    4. Cité par Cédric Durant, op.cit., p. 163.
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      Google, Facebook, Twitter : la tentation du « safe space »

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 09:51 · 5 minutes

    Google Facebook Twitter

    Par Frédéric Mas.

    Ron Paul , ancien député et ancien candidat à la présidentielle, figure de proue du mouvement libertarien aux États-Unis, a signalé avoir été bloqué par Facebook. La publication d’un article critique à l’endroit de la décision de bannir Donald Trump de Twitter pourrait être à l’origine de ce blâme virtuel, ce qui inquiète à juste titre les amis de la liberté.

    Pour les géants du net, défendre la liberté d’expression ne semble plus de saison face à une extrême droite qui a fait le lit du trumpisme et fait trembler la démocratie américaine sur ses bases.

    Peu importe si les contours de cette menace sont assez flous, elle est suffisamment réelle à leurs yeux pour avoir la main lourde en matière de modération. Le risque politique mais aussi commercial d’une modération précipitée est de transformer les réseaux sociaux en safe space , c’est-à-dire en lieux virtuels préservés de toute confrontation d’idées différentes que celles professées par leurs éditeurs. Cela risque fort d’affadir l’offre proposée par les réseaux sociaux dominants.

    La responsabilité des géants du Net

    Après les événements violents de Washington de la semaine dernière, il se pourrait que les GAFAM aient pris conscience de leurs responsabilités. L’élection de Donald Trump leur est imputable en partie, la polarisation du débat public n’existerait pas sans eux, et la circulation des fake news en vogue dans une partie de l’opinion publique est boostée par leur présence.

    L’éviction numérique de Donald Trump ne serait finalement que le point final d’une longue et coupable histoire d’hésitation de la part des réseaux, tiraillés entre le besoin de satisfaire leurs clients et la nécessité de protéger la démocratie de ses ennemis.

    Il est assez probable que la menace de régulation par les États soit à l’origine de cette prise de conscience. Jusqu’à présent, ceux-ci se contentaient de faire pression sur les réseaux pour qu’ils modèrent eux-mêmes leurs contenus. La censure était en quelque sorte externalisée .

    Avec la déconvenue spectaculaire de Trump et le climat insurrectionnel qu’elle charrie, la pression sur les GAFAM est au maximum : accusée à gauche d’avoir fait élire Trump, elles sont aussi accusées à droite de l’avoir censuré injustement. Dans les deux cas, la demande pour briser l’oligopole par des lois anti-trust ou des mesures d’encadrement contre les fake news réapparait, et oblige les réseaux à donner des gages au pouvoir politique en serrant la vis.

    Une stratégie commerciale risquée

    Seulement, la chasse au trumpisme, qu’elle soit volontaire ou forcée, n’est pas une stratégie commerciale très prudente. Si les GAFAM entendent redorer leur réputation par le bannissement des comptes et des sites jugés indignes d’apparaître sur leurs plateformes, ses clients droitiers pourraient ne pas apprécier d’être catalogués parmi les ennemis du genre humain.

    D’ailleurs, Twitter et Facebook dévissent en bourse depuis le bannissement de Donald Trump.

    Les marchés anticipent la grogne des conservateurs contre les nouveaux médias, et la disparition de Parler ou de Gab ne va pas améliorer les choses.

    Chasser le trumpisme des médias sociaux se fait au nom de la lutte contre les discours porteurs de violence. Certains critiquent déjà le deux poids deux mesures entre la parole de Trump et celle des dirigeants de l’Iran ou de la Turquie. D’autres font remarquer qu’au nom de la protection des utilisateurs des différents médias, on élimine au fur et à mesure les discours déviants.

    Aujourd’hui on élimine l’alt-right et les trumpistes, demain ce sera les libéraux et les conservateurs classiques, qui deviendront la nouvelle extrême droite dangereuse à proscrire. Ou les trop gauchistes ou trop populistes aux yeux des dominants. C’est déjà ce qui arrive dans l’édition ou les médias plus traditionnels ; qu’on pense aux procès en sorcellerie adressés à Jordan Peterson ou à Bari Weiss .

    Si demain, sous la pression politique ou idéologique des nouveaux maîtres de Washington, les réseaux sociaux en venaient à se transformer en pure vitrine pour vendre l’idéologie all inclusive et woke poussée par une gauche culturelle radicalisée, il y a fort à parier qu’ils perdraient beaucoup de leur attrait auprès d’une grande partie de leurs utilisateurs.

    La liberté d’expression n’est pas seulement une nécessité pour faire vivre la démocratie et un principe libéral fondamental. Elle reste aussi le meilleur argument de vente pour des entreprises qui, historiquement, n’existeraient pas sans elle.

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      Donald Trump n’est pas victime de censure

      Pierre-Guy Veer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 11 January, 2021 - 12:21 · 3 minutes

    Par Pierre-Guy Veer.

    Depuis environ 2016 aux États-Unis, on s’époumone à qui mieux-mieux à crier à la censure. Les nombreuses restrictions/épreuves des faits sur les publications de Donald Trump – et maintenant son ban complet – sur les médias sociaux font enrager les conservateurs. Bien que l’on puisse se questionner sur leurs standards, qui laissent Nicolas Maduro et le dirigeant de l’Iran sévir sans vergogne, leurs actions ne relèvent pas de la censure.

    En effet, même le Larousse définit la censure comme un « examen préalable fait par l’autorité compétente sur les publications […] qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle. »

    Chez les Anglo-Saxons, le Merriam-Webster présente une idée similaire.

    Ayn Rand a abondamment écrit sur le sujet de la censure . Ses idées rejoignent les définitions dites officielles. Elle affirme qu’un acte de censure ne peut provenir que d’une autorité gouvernementale qui empêche la libre expression d’un individu.

    C’est de là que découle la liberté d’expression : la liberté d’exprimer une idée sous toute forme sans que le gouvernement ne puisse la taire. À moins que ladite idée soit une menace directe et crédible à la vie/la propriété d’autrui, aucune autorité qui se prétend démocratique n’a le droit de la censurer.

    Car une fois qu’un gouvernement s’arroge ce droit, la pente devient très vite glissante. Pensons seulement à la criminalisation du négationnisme, pour laquelle la France gaspille ses ressources judiciaires à poursuivre et emprisonner ceux qui affirment que l’Holocauste n’a pas existé ou dont l’ampleur a été grandement exagérée.

    Si l’État doit gérer la justice, ne devrait-il pas se concentrer sur les vrais crimes ?

    Pas de droit inhérent à Twitter ou Facebook

    Ainsi, ce dont Donald Trump aurait été victime sur les médias sociaux n’est pas de la censure. Facebook, Twitter, Instagram, etc., sont des plateformes privées avec des règles de publications. Oui, leurs standards semblent à deux vitesses quand vient le temps de corriger des personnes de gauche.

    Mais c’est sans importance. Il existe d’autres plateformes où il est possible de s’exprimer : Parler , Gab , Steem , etc. Ces plateformes aussi ont leurs standards de publications – Gab interdit toute forme de nudité, que les créateurs ne considèrent pas comme de la libre expression – et peuvent ainsi expulser quiconque ne respecte pas ces règles.

    Forcer les plateformes privées de médias à publier tout et rien est en soi une forme de collectivisme, tant dénoncé par Ayn Rand . En effet, pourquoi devrait-on forcer des individus privés à diffuser ou sponsoriser des idées qu’ils trouvent répugnantes ? Comme elle l’a si bien dit : « La liberté d’expression des individus inclut la liberté d’être en désaccord, de ne pas écouter et de ne pas financer ses antagonistes. »

    À ce sujet, et n’en déplaise au sénateur Josh Hawley du Missouri, un éditeur privé refusant de publier un livre n’exerce non plus de la censure. Il en va de même pour des annonceurs refusant de s’exposer lorsqu’un animateur tient des propos controversés à leurs yeux.

    Bref, à moins que les médias sociaux ne soient nationalisés, l’expulsion de Donald Trump n’est pas un acte de censure. Ce sont des plateformes privées, et elles ont le droit de faire ce qu’elles veulent avec le contenu généré sur leurs plateformes – du moment que la vie ou la propriété d’autrui n’est pas en danger. La liberté d’expression est une protection contre la censure du gouvernement ; elle ne donne pas droit à une quelconque plateforme.

    Et ce n’est pas en abolissant la section 230 de la Loi sur les télécommunications que la censure va cesser. En fait, annuler cette protection contre les plateformes Internet l’augmenterait puisque les médias sociaux feraient face à exponentiellement davantage de poursuites.

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      Odysee : le « YouTube des complotistes » accueille désormais Donald Trump

      Aurore Gayte · news.movim.eu / Numerama · Monday, 11 January, 2021 - 11:49

    Donald Trump n'est pas le malvenu partout sur le web : même si les principaux réseaux sociaux ont annoncé bannir ou restreindre les propos du président sortant, ce n'est pas le cas pour Odysee. Le « YouTube libre » a annoncé créer une chaîne à Donald Trump. [Lire la suite]

    Voitures, vélos, scooters... : la mobilité de demain se lit sur Vroom ! https://www.numerama.com/vroom/vroom//

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      Nouvelles limites de la liberté d’expression : le progrès à reculons

      Jérémie Bongiovanni · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 26 December, 2020 - 04:25 · 8 minutes

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    Par Jérémie Bongiovanni.
    Un article du Podcast Liber-thé

    La liberté d’expression est une composante indispensable du progrès, car elle permet une constante remise en question du statu quo. Ses pourfendeurs, qui souhaitent aujourd’hui la limiter en interdisant l’offense, se revendiquent eux-mêmes du camp progressiste. Qu’en est-il en réalité ? Comment définir les limites de la liberté d’expression ?

    La liberté d’expression comme conquête historique

    Au cours des deux derniers siècles, la liberté d’expression a permis le progrès dans de nombreux domaines. En politique, les régimes monarchiques et autoritaires ont tout d’abord été critiqués puis évincés. En sciences, l’hégémonie du clergé a été remise en question et rationalisée, permettant des révolutions coperniciennes, l’expression n’est pas galvaudée.

    Dans la société, la domination de communautés ethniques a été thématisée et la dignité de chaque être humain a été reconnue. C’est ainsi que l’esclavage fut notamment aboli.

    C’est un truisme que de décrire ces progrès comme résultats de la liberté d’expression. Les remises en question qu’elle a permis ont rendu notre monde plus compréhensible et meilleur. C’est bien en raison de cette perspective du progrès, lui-même dépendant de la libre expression, que nous chérissons cette dernière.

    La censure a-t-elle été abolie ?

    Nous nous voyons bien souvent comme supérieurs aux sociétés antérieures. Nous nous convainquons que notre liberté d’expression est aussi libre qu’elle puisse l’être et que la censure appartient au passé. Nous pensons qu’elle a uniquement été le fait des rois et du clergé et qu’elle a disparu avec eux, pour laisser place à la modernité et au progrès. Nous croyons que la censure est exclusivement liée à des institutions qui centralisent le pouvoir et qui procèdent de manière autoritaire, car la censure y est explicite, organisée et légitimée. Notre observation est pourtant incomplète.

    Dans nos sociétés démocratiques la censure ne s’annonce pas comme telle. Elle se déguise sous le poids du nombre et de la conscience collective – comme l’avaient annoncé Alexis de Tocqueville puis John Stuart Mill. Ainsi le nombre, comme jadis nos gouvernements et l’Église, nous empêche de nous exprimer sans contrainte. La mobilisation d’exemples récents nous permet d’illustrer cette censure moderne.

    En 2019, le New York Times décide de ne plus publier de caricatures dans son édition internationale après un dessin jugé antisémite . C’est ainsi que sous la pression d’un emportement du public, la publication de dessins qui incarne la liberté d’expression a été interrompue.

    L’été dernier, l’éditeur des romans d’Agatha Christie a annoncé rebaptiser le roman policier Dix petits nègres en Ils étaient dix . Dans ce cas, nous préférons modifier la réalité, l’adapter, plutôt que de l’accepter et de la comprendre. Le mot négritude a en effet été à la base du combat d’Aimé Césaire contre le colonialisme ; bannir ces termes c’est faire table rase du passé.

    Cette peur d’offenser régit désormais l’expression publique et conduit à l’intériorisation de la censure, c’est en cela que celle-ci est loin d’être abolie. Nous le voyons dans les deux exemples précédents, la liberté d’expression n’est pas limitée par une institution autoritaire, mais par les masses d’individus qui forment la société . Cette nouvelle censure, qui ne dit pas son nom, menace alors par sa conquête de nos consciences.

    Les conséquences de ces limites à la liberté d’expression

    Nos deux exemples démontrent l’existence de limites à la liberté d’expression dans notre société. Les groupes qui imposent ces limites souhaitent ainsi lutter contre l’antisémitisme ou le racisme. Mais cet objectif peut-il être ainsi atteint ?

    Cette pratique qui veut effacer les mots et les avis choquants souhaite rendre la société plus vertueuse. Seulement, on ne fait jamais complètement taire une opinion. Si on la comprime, elle s’échappe du côté et siffle de manière stridente. Ainsi, en interdisant à un complotiste d’exprimer ses théories, on ne fait qu’accroître sa passion pour sa vision du monde et le rejet organisé qu’il est persuadé de discerner.

    Lorsque nous interdisons une blague sur les Juifs, sur les homosexuels, sur une minorité ethnique ou sur tout autre groupe, nous faisons deux erreurs. Premièrement, notre société qui se veut l’héritière des Lumières devrait contrer ces avis avec la raison. Deuxièmement, nous ne pouvons pas définir l’offense comme limite de la liberté d’expression, nous y reviendrons plus loin.

    Interdire les discours contemporains parfois choquants, modifier les titres de livres écrits il y a plusieurs décennies, détruire les statues , c’est vouloir créer une société non pas plus vertueuse mais aseptisée et amnésique.

    Dans la dystopie Le meilleur des mondes , le personnage principal découvre soudain la Bible et un livre de Shakespeare, dissimulés par le gouvernement. Ce dernier souhaite ainsi préserver les citoyens des valeurs véhiculées par ces deux ouvrages, car elles sont contraires à celles de la civilisation établie. Le protagoniste se passionne alors pour leur lecture et reproche à sa civilisation de se débarrasser de tout ce qui est désagréable au lieu d’apprendre à s’en accommoder. C’est bien le mal de nos sociétés contemporaines.

    À celui qui remet en question le fait que la Terre soit ronde il faut opposer la raison pour expliquer et le convaincre du contraire. Aussi triste que cela puisse être, rien d’autre, même pas la censure, ne le fera changer d’avis. Si celui que l’on tente de convaincre est foncièrement obstiné et refuse de donner du crédit à nos arguments, alors nous ne pouvons rien faire, si ce n’est lui laisser du temps et convaincre les autres. Mais une société qui se définit comme éclairée ne peut se priver d’un processus de discussion contradictoire !

    Si elle le fait, alors elle est, elle-même, qui se veut inclusive et diverse, la cause des effets qu’elle souhaite combattre. Elle génère l’exclusion, l’injustice, la haine et la violence. L’exclusion, car elle marginalise des avis qui selon son propre arbitraire ne méritent pas d’être entendus et débattus. L’injustice, car ce muselage de citoyens par leurs semblables ne résulte que de la domination du nombre et pas de la raison. Et enfin la violence comme résultante de l’injustice. Ces limites à la liberté d’expression et leurs conséquences font in fine régresser nos sociétés.

    Ceux qui limitent la liberté d’expression se définissent pourtant comme progressistes . Mais il n’en est rien. Nous l’avons vu, le progrès humain a jusqu’ici été permis par l’offense, que ce soit de l’État, de l’Église ou des normes morales. Le progrès dont se revendiquent les censeurs modernes est en réalité celui de l’obscurantisme.

    Du droit d’offenser

    Ce que notre civilisation définit comme vérité n’est finalement qu’un consensus. Pour l’atteindre il faut échanger, discuter, sans arrêt se remettre en question et parfois choquer ou être choqué. Nous ne pouvons pas accepter d’avoir des tabous et de ne pas pouvoir en parler. Accepter qu’on ne peut pas tout dire c’est entrer dans la relativité arbitraire choisie par les ennemis de la démocratie et de la pluralité des idées.

    En Chine, il est interdit de critiquer le gouvernement ce qui nous paraît être la caractéristique d’une civilisation primitive. Qu’en est-il de nos propres tabous ? La négation de l’Holocauste est bien interdite sous nos latitudes. Où doit-on définir une juste limite à la liberté d’expression ? Ambitieux projet.

    Selon la Cour européenne des droits de l’Homme la liberté d’expression « vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique. »

    Cette compréhension de la liberté d’expression que nos sociétés ont jadis choisie, disparaît progressivement sous les griffes d’une législation qui tente de juguler cette liberté et qui interdit le blasphème – comme c’est le cas en Suisse – ou des avis selon elle choquants, souvent dits « de haine ».

    Quelles limites à la liberté d’expression ?

    Peut-on tout dire de tout ? Question difficile. Chaque personne doit avoir un honneur et un nom protégés. Au-delà, les limites ne peuvent qu’être propres à chacun. Elles doivent cependant aller de pair avec la civilité et l’empathie.

    Tout ceci s’acquiert avec l’éducation en amont, qui requiert l’implication de chaque individu, plutôt que la condamnation en aval, qui se contente d’imposer des lois et de se réfugier derrière le pouvoir de répression de l’État, son aveu de faiblesse.

    Le média Liber-thé a organisé un concours pour les étudiants sur la thématique « Existe-t-il des limites à la liberté d’expression ? » Retrouvez les textes des gagnants sur le site.

    Participer au concours jusqu’au 5 janvier 2021 pour gagner le livre Le socialisme de l’excellence , de Jean-Marc Daniel.

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      L’Europe s’accorde pour supprimer les contenus terroristes sur Internet en une heure

      Julien Lausson · news.movim.eu / Numerama · Friday, 11 December, 2020 - 17:03

    La Commission, le Parlement et le Conseil ont trouvé un accord politique pour aboutir à un nouveau cadre contre la propagande terroriste sur Internet. Le principal axe consiste à obtenir le retrait des contenus en moins d'une heure. [Lire la suite]

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