Les enfants se turent et me regardèrent dans un silence respectueux, en guise de condoléances, jusqu'à ce qu'une joyeuse voix de fillette retentît :

    « Eh ben moi, j'ai huit grands-parents parce que mon père et ma mère sont divorcés et remariés tous les deux. Alors, ça me fait quatre papys et quatre mamies et ys sont tous très gentils avec moi.

    - Eh ben moi, intervint un garçon, … »

    Ainsi, les enfants avaient banalisé ma réplique, faisant de moi l'une des leurs, qui prend son tour de parole comme tout le monde. Je crus donc que ça y était, que le problème était résolu mais pas du tout. Après avoir dit cela, je retombai dans mon mutisme et ne parvint jamais à leur dire quoique ce soit d'autre.

    Par contre, le lendemain, au cours d'un repas, je fus appelée à prendre la parole pour rendre mon verdict concernant une sombre histoire de mouche assassinée.


    extrait de : L'AIRE DE JEUX


    #enfants #solitude #timidité #bloquage #discussion #angoisse #peur #vacances #colonie

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      chapitre 14 Créons le mouvement ! extrait 118

      Wednesday, 25 August, 2021 - 07:57 · 1 minute

    Ma monitrice, qui était gentille, vint me consoler et me prêter une oreille attentive. Selon elle, ce qui m'arrivait n'était pas grave du tout puisque on était en colonie de vacances et qu'en colonies de vacances, on est tous là pour s'amuser alors rien n'est grave. Selon ma monitrice, j'avais juste besoin d'un petit coup de pouce. Elle avait un plan.

    Les enfants qui, au début de la colonie, jouaient à marcher dans mon tube comme dans un tunnel étaient partis jouer avec un autre tube quand ma monitrice leur avait dit qu'il fallait me laisser m'asseoir à celui-là. Vous vous rappelez ? Je l'ai déjà raconté. Eh bien, il était arrivé un moment où ces enfants, lassés de ce jeu, s'étaient assis par terre et s'étaient mis à discuter entre eux. Depuis lors, c'est ce qu'ils faisaient chaque jour.

    Ma monitrice alla les trouver, leur expliqua mes tracas et leur demanda s'ils voulaient bien m'aider. Ils acceptèrent. L'idée était simple : il suffisait qu'ils continuassent à discuter entre eux, exactement comme ils faisaient, assis par terre, mais près de moi. Ainsi, j'entendrais leurs conversations et m'y intégrerais spontanément lorsque je m'y sentirais prête.


    extrait de : L'AIRE DE JEUX


    #solitude #monitrice #vacances #colonie #enfants #gentillesse #discussion #timidité #bloquage

    Après tout, si je me retrouvais seule quand Éric me laissait à l'aire de jeux, c'était parce que je n'y avais pas de copines. L'aire de jeux, c'était comme une cour de récréation : tous les enfants jouaient avec leurs copains et leurs copines tandis que, moi, j'étais tout le temps toute seule dans mon coin. Ça avait toujours été comme ça depuis la maternelle et ça me le faisait encore en colonie. Alors, il fallait bien que je me rendisse à l'évidence : c'était en moi qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond et, ce problème-là, c'était sur l'aire de jeux que je devais chercher à le régler, indépendamment d'Éric.

    Bravement, j'avançai au cœur de l'aire de jeux, dans l'espoir de me mêler aux autres enfants, et regardai tout autour de moi. Le toboggan était toujours bondé alors que, moi, je ne supportais pas la bousculade. Des enfants couraient alors que, moi, je n'étais pas d'une nature sportive. Des enfants parlaient entre eux alors que, moi, on me chassait de partout. Des enfants riaient entre eux alors que, moi, on se moquait tout le temps de moi. Plus je regardais autour de moi, plus je me sentais anormale, honteuse, angoissée, apeurée. Ma tête se mit à tourner, on aurait dit que j'allais tomber par terre. Alors, vite, je retournai me réfugier auprès de mon tube, m'assis par terre et pleurai.

    J'aurais pas dû essayer ! J'aurais pas dû venir en colonies ! J'aurais pas dû croire que j'arriverais à m'amuser comme les autres !


    extrait de : L'AIRE DE JEUX


    #inquiétude #bêtise #solitude #peur #vacances #colonie #enfants #timidité #bloquage

    *« Bon, ben… j'retourne au portique.

    - Oui, vas-y ! »

    Jusque-là, c'est quelque chose que j'avais toujours mal pris : à chaque fois, Éric m'emmenait dans la clairière pour voir…, ensuite, il me ramenait à l'aire de jeux et me laissait là toute seule tandis que lui retournait au portique auprès de ses copains. Moi, je m'étais toujours dit qu'en principe, un vrai amoureux aurait dû me prendre par la main, m'emmener au portique, me faire asseoir sur une balançoire et me pousser. Seulement, à bien y regarder, si Éric m'avait invitée au portique, je me serais retrouvée la seule fille au milieu de garçons dont certains avaient peut-être plus ou moins des bêtises dans la tête. Alors, tout compte fait, je préférais ne pas y être. En plus, d'autres enfants de la colonie auraient pu dire et croire que j'avais une place privilégiée au portique en échange de montrer… à Éric, à commencer par les méchantes de mon dortoir. Même pour Éric et pour moi-même, d'ailleurs, ça n'aurait peut-être pas été très clair.

    Comme quoi, l'idée du gentil amoureux qui m'aurait emmenée au portique, c'était encore un piège tendu par le diable. Au départ, ça m'avait paru être une bonne idée, tout comme le moniteur Olivier avait cru que c'était une bonne idée d'interdire les cabinets extérieurs. Comme quoi, moi non plus, je ne voyais pas plus loin que le bout de mon nez.


    extrait de : L'AIRE DE JEUX


    #bêtise #amour #solitude #vacances #colonie #enfants #gentillesse #discussion

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      chapitre 14 Créons le mouvement ! extrait 115

      Saturday, 21 August, 2021 - 06:51 · 1 minute

    « Mais alors, qui c'était, les silhouettes, hier, à qui tu faisais des grands signes ?

    - Ben… y a eu des bêtises, au début.

    - C'était tes copains ?

    - C'était au début de la colonie. Je savais pas. Tu pardonnes ?

    - Moi aussi, j'ai fait une bêtise, dans le car, à l'aller, concédai-je.

    - Tu vois ! Mais maintenant, faut pus qu'y ait de bêtises.

    - D'façon, les moniteurs, ys ont dit qu'ys veilleraient à c'qu'y y ait pas de bêtises.

    - Alors, ça veut dire que tu m'montreras plus ?

    - Si. Ça, c'est pas une bêtise puisque j'ai dit qu'j'étais amoureuse de toi. D'façon, les moniteurs, ys sont d'accord.

    - Ys t'ont dit ça, les monos ?!

    - Enfin… pas tout à fait. Heum… »

    Comment dire ? Comment expliquer ce que j'avais compris de ce que les moniteurs m'avaient dit ?

    « Les moniteurs, c'est pas des vrais adultes, ys ont vingt ans. Alors, ys veulent bien qu'y ait des histoires d'amour pendant les vacances. »

    Éric hocha lentement la tête pour montrer qu'il avait compris le concept, un peu admiratif que je fusse parvenue à négocier cela avec les moniteurs.


    extrait de : LE MOMENT D'Y VOIR PLUS CLAIR


    #inquiétude #bêtise #amour #amoureuse #vacances #colonie #enfants #discussion

    Après que je lui eusse montré, il m'invita à le suivre et m'emmena jusqu'à la rangée d'arbres qui était à gauche. Je me disais que ça nous éloignait de la colonie et que nous risquions de nous perdre mais, en définitive, il s'avéra que juste derrière une fine rangée d'arbres, il y avait… l'aire de jeux. En fait, l'aire de jeux et la clairière n'étaient pas séparés par le sous-bois comme je l'avais toujours cru. Le sous-bois et la clairière étaient côte à côte, le long de l'aire de jeux. Chaque jour, Éric m'avait fait tourner en rond dans le sous-bois pour me faire croire à un chemin compliqué que je ne pouvais pas retrouver seule alors que l'aire de jeux avait toujours été là, juste à côté de la clairière.


    extrait de : LE MOMENT D'Y VOIR PLUS CLAIR


    #inquiétude #bêtise #amour #colonie