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      9 informations à connaître sur l’Asie

      Yves Montenay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 6 February, 2021 - 04:20 · 18 minutes

    Un entretien dirigé par François Vuillerme pour le blog Les sherpas .

    Les villes chinoises, preuve du spectaculaire rattrapage du pays

    Bonjour monsieur Montenay, j’aimerais commencer cette interview en abordant le cas de la Chine qui est aujourd’hui le premier challenger des États-Unis. Comment s’explique l’exceptionnel développement qu’a connu le pays depuis plusieurs décennies ?

    Yves Montenay : La réponse la plus simple est qu’il s’agit d’un rattrapage comme expliqué dans un de mes articles . Je résume : l’Occident a mis au point non seulement des techniques, mais aussi des modes d’organisation et de formation qui expliquent son développement. Il suffit d’y puiser pour se développer très rapidement.

    D’abord, pour nourrir la population, Deng Xiaoping a permis aux paysans de vendre leur récolte au lieu de l’apporter aux kolkhozes. J’étais au Vietnam quand le gouvernement communiste vietnamien a fait de même : le temps d’une récolte on est passé de la famine à l’abondance. Il y avait tellement de riz qu’on ne savait plus où le stocker et des montagnes de riz envahissaient les routes.

    Concernant l’industrie, on a autorisé l’arrivée d’entreprises étrangères, ce qui entraîne une foule de progrès, par exemple :

    • Permettre à un jeune agriculteur chinois à productivité marginale nulle (car une personne de moins dans l’exploitation familiale ne change pas sa production) de devenir ouvrier chez un sous-traitant d’Apple génère une augmentation considérable de la productivité.
    • Obtenir des devises, et pouvoir ainsi importer du matériel moderne, donc parallèlement libéraliser juridiquement le commerce international. Pour montrer à quel point l’impact est massif, rappelons que pour environ 1000 dollars on a aujourd’hui un ordinateur dont la mise au point historique depuis environ 60 ans (j’ai été directeur d’un service informatique en 1968 et les années suivantes) a nécessité des sommes fantastiques. Autrement dit, on achète 60 ans de développement pour pratiquement rien !

    On n’imagine pas aujourd’hui à quel point le communisme est bloquant , il faut des autorisations pour tout. Dans le meilleur des cas c’est lent, et en général c’est refusé car contraire à l’idéologie et vous classe politiquement du mauvais côté. On finit rapidement par ne plus rien proposer.

    Ce n’est pas du tout minimiser les mérites de la Chine que de parler de rattrapage, car très peu de pays dans le monde l’ont réussi aussi rapidement pour des raisons principalement de mauvaise gouvernance. Mais il faut insister sur les conditions nécessaires à ce rattrapage. En particulier l’entreprenariat local et étranger a besoin d’une alphabétisation générale et du respect de l’ordre public. Deux conditions qui n’existent pas dans de nombreux pays.

    Le développement des NPIA et du Japon

    Ce développement n’est pas spécifiquement propre à la Chine : avant il y avait le Japon et les NPIA (Hong Kong, Taïwan, Singapour, Corée du Sud). Comment expliquer l’essor de ces différents pays grâce à la mondialisation ? Quelles sont leurs forces ?

    Yves Montenay : Pour les mêmes raisons qu’en Chine, donc je court-circuite là aussi largement la politique et la macro-économie.

    Il est historiquement intéressant de voir les décalages dans le temps. Dans tous ces pays, l’irruption souvent militaire de l’Occident a été traumatisante, et il en est résulté des violences entre traditionalistes fiers de leur passé historique et modernistes décidant de copier l’Occident.

    C’est au Japon que les modernistes ont gagné les premiers (en 1868), ce qui explique son avance sur les autres pays. Et il est frappant de voir que son développement s’est considérablement ralenti depuis qu’il a rejoint en gros le niveau occidental, ce qui est une preuve indirecte du rattrapage.

    Pour les autres ça s’est fait progressivement à partir de 1950, ce qui explique leur avance sur la Chine, qui, elle n’a commencé qu’après la mort de Mao. Voir également un de mes articles sur ce sujet.

    Leurs forces d’aujourd’hui que vous signalez dans votre question sont tout à fait réelles, mais ne sont que des conséquences de ce qui précède. Je renvoie leur examen aux cours de géopolitique détaillés.

    Démographie et développement en Asie

    Quand on observe la réalité démographique de ces pays, on se rend rapidement compte qu’il y a un frein inéluctable à leur croissance. Le vieillissement au Japon et bientôt en Chine laisse des interrogations importantes sur la pérennité du développement de ces nations. En tant que spécialiste, qu’en pensez-vous ? Pensez-vous aussi que la Chine « sera vieille avant d’être riche » ? Quel sera la réalité de ce Japon qui refuse l’immigration ?

    Yves Montenay : Avant d’être le frein dont nous allons parler, la démographie les a au contraire aidés. C’est ce qu’on appelle « le dividende démographique ». Lorsque la fécondité baisse il y a une période de 20 à 30 ans pendant laquelle il y a peu d’enfants, beaucoup d’actifs et pas encore beaucoup de vieux. La croissance économique est donc favorisée pendant cette période, ce qui a été le cas dans tous ces pays.

    Mais le même mécanisme engendre plus tard le vieillissement : la diminution des naissances entraîne la diminution de la population active au moment où le nombre de vieux augmente rapidement. Le niveau de vie baisse alors à productivité constante. Comme la productivité continue d’augmenter, cette baisse du niveau de vie ne se manifeste pas pour l’instant, mais une partie des progrès sont « mangés » par le vieillissement. Et le seront de plus en plus.

    Le Japon est effectivement l’exemple le plus avancé de cette évolution. Le gouvernement en est conscient et pousse à l’immigration, mais se heurte aux électeurs qui y sont opposés. Voir mon article .

    L’Inde, une future super-puissance ?

    Au contraire, l’Inde est un peuple plus jeune qui connaîtra sa fenêtre d’opportunité en 2030. Cependant ses défauts structurels sont encore inquiétants. L’Inde sera-t-elle un jour en mesure de prendre la place de cette Chine qui paraît aujourd’hui si puissante ?

    Yves Montenay : Effectivement, l’Inde aborde le temps du « dividende démographique ».

    Mais elle a encore des handicaps profonds. D’abord son retard dans l’éducation (probablement le handicap plus important), retard dans les infrastructures, profondes fractures religieuses, linguistiques et sociales (mais, pour ces dernières, la Chine aussi même si elles ne peuvent pas s’exprimer).

    En particulier, il y a une fracture profonde entre la majorité hindoue et les minorités musulmanes et chrétiennes. Longtemps le pouvoir a été aux mains du Parti du congrès laïque, mais il est maintenant tenu par des activistes hindous qui estiment être les seuls Indiens légitimes.

    En particulier les musulmans, environ 200 millions, sont particulièrement brimés. Surtout au Cachemire où ils sont majoritaires et qui est revendiqué par le Pakistan. À côté du problème politique, il y a des retombées économiques : la vache est sacrée pour les Hindous , donc les bouchers et les exportateurs de viande sont en général musulmans, et le gouvernement actuel a pratiquement tué cette filière.

    Quant aux chrétiens, ils se trouvent soit dans des tribus ultra minoritaires de l’extrême, soit au contraire au Kerala, cet État du sud de l’Inde particulièrement développé « parce que nous avons été très tôt en contact avec des étrangers, et en premier les Arabes et les Portugais ». Jusqu’à tout récemment, Vasco de Gama y était enterré.

    Les infrastructures et l’éducation s’amélioreront petit à petit, les autres fractures c’est moins certain.

    En sens inverse, l’élite indienne est de bon niveau, comme en témoigne sa réussite aux États-Unis en particulier dans les technologies modernes. Comme en témoignent également le développement de la région de Bangalore, l’apparition d’un vaccin indien etc.

    D’un point de vue militaire, les nouvelles venant de Chine sont impressionnantes et on n’imagine pas que l’Inde soit au même niveau. Mais elle peut évoluer rapidement avec l’appui occidental. Elle vient notamment d’acheter des Rafales. C’est un point géopolitique important à suivre de près

    Reste la question de la démocratie. Le contraste avec la Chine pousse beaucoup d’observateurs à penser que c’est un handicap, et que le prix à payer pour rester un pays libre est économiquement très élevé. Mais à mon avis, c’est un a priori non mesurable et pas forcément justifié à long terme.

    Le débat démocratique peut éviter des erreurs stratégiques. On dit qu’il favorise l’action de lobbys économiquement conservateurs, ce qui est exact mais existe probablement également en Chine, quoique plus discrètement. Je pense par exemple au poids des entreprises publiques dans ce dernier pays.

    La démocratie permet aussi le libre débat des idées, pas seulement politiques mais également en sciences. La Chine a bénéficié d’une grande ouverture des États-Unis à ses étudiants, mais cette époque est probablement terminée parce que les étudiants chinois sont suspectés d’être des espions potentiels. Soit par conviction idéologique ou orgueil national, soit contraints et forcés par les pressions exercées par les services chinois sur l’intéressé ou sa famille. L’Inde bénéficie au contraire de ses relations avec les États-Unis, et chacun remarque que la mère de la vice-présidente actuelle, Kamala Harris, est indienne. Pour plus de détail sur cette question indienne, vous pouvez consulter mon article à ce sujet.

    Les limites de la Chine

    Il serait aussi intéressant de se questionner sur les limites de ce développement chinois ? Quels sont les principaux défauts que rencontre le pays qui risquent de lui faire du tort et de potentiellement l’empêcher d’atteindre son rêve, c’est-à-dire être la nation la plus puissante d’ici 2049 ?

    Yves Montenay : La première contrainte sera celle de la démographie, citée plus haut. Il est très difficile au gouvernement de pousser la fécondité à la hausse, alors que la politique de l’enfant unique , beaucoup trop longtemps pratiquée, était possible dans un régime autoritaire.

    On peut imaginer que le pouvoir sera de plus en plus sensible à cette question et va multiplier les mesures, la plus prévisible étant celle du recul de l’âge de la retraite, actuellement 60 ans, à 65 ans voire davantage. Elle aurait un effet massif et immédiat, mais serait probablement mal vue politiquement.

    Par contre les encouragements à la fécondité, prévisibles eux aussi, butent sur le prix des logements, le coût des études, le désir des femmes de travailler… et dans une moindre mesure sur la pénurie de femmes, puisqu’à l’époque de l’obligation de l’enfant unique les filles ont été victimes d’avortements sélectifs, et souvent d’infanticides.

    Et de toute façon, une éventuelle hausse de la fécondité mettrait plus de 20 ans avoir un début d’effet sur le nombre d’actifs, et 65 ans pour remodeler la pyramide des âges !

    Mais c’est une question pour les spécialistes, la majorité des commentateurs s’intéressant plutôt à la question du régime politique. La Chine a réussi à convaincre beaucoup d’observateurs que son régime était plus efficace dans tous les domaines et en particulier celui du développement.

    Personnellement je pense que les progrès récents et actuels doivent beaucoup à la mondialisation, pas seulement des capitaux et des marchandises, mais aussi celle des idées, notamment concernant les contacts avec l’étranger. Or la fermeture internationale d’Internet , la quasi interdiction de séjour des journalistes américains, l’inquiétude des investisseurs étrangers vont refermer intellectuellement la Chine. Cette inquiétude vient de la multiplication des règles imposées par le PCC aux entreprises et de la réaffirmation de l’autorité des cellules d’entreprise de ce dernier.

    Cette incertitude va s’ajouter au fait que les salaires chinois ne sont plus  extrêmement bas et que de plus en plus de pays sont devenus compétitifs dans ce domaine. Si de plus l’ordre public y est satisfaisant, pourquoi ne pas les choisir de préférence à la Chine ?

    C’est justement le cas de plusieurs pays asiatiques.

    Le développement des autres pays d’Asie

    La Chine, le Japon et l’Inde sont les trois principaux colosses de ce monde asiatique. Que pouvez-vous dire sur le développement des pays suiveurs de la région ? Par là je parle bien entendu des pays comme la Thaïlande, le Vietnam, l’Indonésie.

    Yves Montenay : Comme nous venons de le voir, ces pays bénéficient des faiblesses actuelles de la Chine.

    Le Vietnam ressemble beaucoup à la Chine d’il y a 10 ou 20 ans, avec son retour au pragmatisme en 1989 (j’y étais) après une catastrophe communiste. Les investisseurs étrangers s’y sentent en terrain connu, qu’ils soient Occidentaux ou Chinois de Chine, de Taïwan, de Singapour…

    Géopolitiquement, c’est un pays extrêmement opposé à la Chine qui l’a colonisé pendant des siècles. La culture locale est bouddhiste avec une minorité catholique notable. La culture française l’avait profondément pénétré mais elle a été éradiquée au début du communisme, notamment avec l’élimination ou l’émigration de son élite. Et lors du retour au pragmatisme, c’est la culture américaine qui s’est imposée.

    La Thaïlande , pays bouddhiste, est un des rares pays à n’avoir jamais été colonisé, grâce à un jeu d’équilibre entre les Occidentaux. J’y ai même vu une tombe de soldats envoyés par François Ier ! Il a évité les catastrophes communistes, et ses quelques coups d’État n’ont jamais mis en place jusqu’à présent une dictature aussi dure qu’en Chine ou même qu’au Vietnam. L’économie est assez diversifiée et en bonne partie entre les mains de Thaïlandais d’origine chinoise. La pandémie a porté un coup très rude au tourisme et au secteur automobile, mais le pays conserve une agriculture dynamique et des secteurs industriels et de services importants.

    L’Indonésie est le pays le plus peuplé de la région après la Chine, avec 270 millions d’habitants. La grande majorité de la population est musulmane avec des minorités chrétiennes, bouddhistes et hindoues (surtout à Bali pour ces dernières). L’islam n’est pas religion d’État et des partis islamistes sont minoritaires. Des trois pays dont nous parlons ici c’est le seul à être une véritable démocratie, même si elle est très imparfaite. Comme les deux autres c’est une puissance agricole, de plus en plus complétée par un secteur moderne industriel et de services

    Le pivot asiatique

    Depuis Obama, les États-Unis se tournent vers le Pacifique pour des raisons économiques et stratégiques (c’est le fameux pivot asiatique mentionné par Hillary Clinton). Quels sont les opportunités et les risques d’une telle augmentation de la présence américaine en mer de Chine ?

    Yves Montenay : La réponse dépend en partie des forces militaires en présence, ce qui n’est pas dans mon domaine de compétence. Je me bornerai à signaler l’énorme effort de modernisation de l’armée chinoise et le renforcement de sa marine de guerre. Nous ne sommes plus en 1979 où l’armée chinoise s’est faite battre par le Vietnam lorsqu’elle a essayé d’y faire une excursion militaire.

    Je reviens à mon domaine de compétence.

    Avec cette question, on sort les considérations logiques et factuelles comme la démographie et les données économiques pour entrer dans le domaine beaucoup plus flou des effets d’annonce, des perceptions réciproques, des orgueils nationaux etc.

    Dans le cas des démocraties, et pour commencer celui des États-Unis, il peut y avoir une pression de l’opinion publique, elle-même irrationnelle. On se souvient de la défaite militaire du Viêt-cong à Hue en 1968, et son erreur quant à l’état d’esprit de la population civile du Vietnam sud qui ne s’est pas soulevée en sa faveur, et qu’il a massacré dans cette ville y commettant un gigantesque crime de guerre. Or en quelques semaines la perception américaine a été celle d’une défaite et d’une guerre injuste à arrêter. Ce fut donc finalement une victoire médiatique pour le Vietnam du Nord et le monde communiste notamment grâce à ses relais dans la société américaine. La guerre des images est donc très importante

    Pour la Chine c’est évidemment une illustration de la fragilité de l’engagement américain. D’autant plus que, récemment, le président Trump a laissé tomber des alliés compagnons d’armes : les Kurdes de Syrie et l’armée du gouvernement afghan. Il sera donc tentant pour la Chine d’utiliser ces arguments dans les pays qui l’entourent pour contrer les initiatives américaines.

    Recomposition des alliances et développement régional

    Toujours au niveau stratégique, l’essor de la puissance chinoise a poussé de nouvelles recompositions d’alliances. Le pays se retrouve en étau  entre les États-Unis, l’Inde et le Japon. Quel est le bénéfice positif (et l’impact négatif) d’une telle recomposition sur le développement régional ? Cela impactera-t-il les structures comme l’ASEAN ?

    Yves Montenay : Sur le plan économique je ne vois pas de grandes conséquences, la région étant déjà structurée par une série d’accords économiques, le dernier ayant été lancé par la Chine. Et cela d’autant plus que l’action chinoise ne respecte pas forcément ses propres engagements, puisque concomitamment à la signature de ce dernier traité elle punissait l’Australie qui avait critiqué son non-respect des droits de l’Homme en arrêtant les importations massives de charbon en provenance de ce pays. Ce qui a d’ailleurs entraîné des coupures d’électricité en Chine, où sa production est massivement à base de charbon malgré un accent depuis quelques années sur les énergies renouvelables.

    Sur le plan des rapports internationaux, cela rappelle que la Chine est le principal pollueur mondial, et surtout celui dont la pollution continue à augmenter alors que celle des pays riches diminue. La Chine a contre-attaqué en prévoyant sa neutralité carbone en 2060. Il est trop tôt pour savoir si c’est un simple effet d’annonce destiné à saper des critiques actuelles.

    Développement économique mais retour en arrière au niveau humain ?

    Nous avons, dans notre précédent article, expliqué que la majorité des musulmans se trouvaient en Asie. Pourtant leur présence est vue comme une menace par de nombreux pays : les Ouïghours en Chine, les Rohingyas en Birmanie, la politique antimusulmane de Narendra Modi en Inde… l’Asie semble vouloir progresser au niveau économique et technologique tout en gardant des permanences archaïques au niveau social. Comment s’explique cette politique et ces difficultés qui persistent aujourd’hui ?

    Yves Montenay : Cette question est tout à fait pertinente.
    Il faut d’abord rappeler les principales données de géographie humaine : les trois pays musulmans de la région sont la Malaisie, l’Indonésie et le Bangladesh. Plus à l’ouest on retombe dans le monde musulman avec le Pakistan, l’Afghanistan, le Moyen-Orient, le Maghreb et le Sahel, mais c’est un monde très différent.

    En effet nos trois pays musulmans de la région sont des démocraties, certes critiquables d’un point de vue européen, mais, toujours d’un point de vue européen, bien supérieures aux autres régimes musulmans (je passe sur les rares exceptions : Tunisie, Sénégal…). De plus, les partis islamistes n’y ont pas de succès électoraux, même si sont capables de monter des manifestations de masse.

    Il n’y a donc rien dans ces pays qui explique les mouvements anti-musulmans des autres, auxquels il faut ajouter la Chine qui mène actuellement chez les Han, le peuple chinois majoritaire, si une offensive anti religieuse visant aussi les chrétiens, offensive s’ajoute aux actions violentes contre les Ouïghours.

    Ces mouvements anti-musulmans ont donc à mon avis des raisons de politique intérieure de chaque État. Nous l’avons vu pour l’Inde. Pour la Chine il s’agit de détruire tout ce qui peut résister au parti. Pour la Birmanie c’est à mon avis une conséquence du nationalisme bouddhiste birman, qui est depuis des décennies en guerre civile contre d’autres minorités notamment chrétiennes.

    Au-delà des mouvements anti musulmans, il faut se souvenir que tous ces pays ont une histoire ancienne s’appuyant sur les textes largement enseignés dans les écoles.

    Pour eux l’islam est une intrusion moderne qui va à l’encontre de traditions profondément ancrées. En effet l’islam est apparu dans cette région à peine avant les Portugais qui, eux, ont apporté le christianisme. L’islam est donc parfois assimilé à l’étranger. Les gouvernements tiennent compte de cet état d’esprit.

    Historiquement, cet archaïsme n’est pas vraiment un retour en arrière mais plutôt la fin d’une parenthèse occidentale, souvent de nature coloniale. L’empreinte occidentale reste profonde mais est limitée à une fraction de la bourgeoisie.

    Sur le web

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      « 40 ans d’égarements économiques » de Jacques de Larosière

      Johan Rivalland · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 24 January, 2021 - 04:30 · 8 minutes

    égarements économiques

    Par Johan Rivalland.

    Pour la petite anecdote, il se trouve qu’à la veille du premier confinement j’achevais presque la lecture du précédent ouvrage de Jacques de Larosière, intitulé Les 10 préjugés qui nous mènent au désastre économique et financier .

    égarements économiques Un ouvrage très bien fait, très pertinent et documenté, que j’ai regretté de ne pas avoir finalement présenté, l’actualité s’étant centrée quasi-exclusivement sur la terrible crise du moment, laissant peu de place à des sujets qui auraient alors peu intéressé sur l’instant (mais j’en recommande vivement la lecture).

    Près d’un an après, le moment est venu de le présenter. Il établit un diagnostic éclairé sur la situation très dégradée de l’économie française après quarante années d’errements liés en bonne partie à la démagogie et au manque de courage politiques, puis propose des voies pour tenter de nous en sortir.

    Un sombre constat

    Le constat établi par Jacques de Larosière – homme rappelons-le au parcours absolument exceptionnel (qui a notamment dirigé tour à tour le FMI, puis la Banque de France, puis la BERD) – est sans appel. Celui d’ un pays profondément désindustrialisé , qui n’a cessé de glisser au bas des classements internationaux pour ses performances économiques. Tout en ayant massivement augmenté l’appareil d’État, les dépenses et les prélèvements publics.

    Une situation encore aggravée, comme on le sait, par la crise du coronavirus, pour laquelle l’économie française partait avec de lourds handicaps, vu le montant de ses déficits et dettes et la résistance aux réformes structurelles, que beaucoup d’autres pays avaient su quant à eux engager bien avant. Facteurs qui l’ont rendue plus vulnérable que beaucoup d’autres.

    Or, la fuite en avant dans la monétisation systématique, servie par les bas taux d’intérêt, nous fait vivre dans un leurre. Qui ne peut que nous rattraper.

    Nous vivions dans l’illusion que, malgré nos déficiences, nous finissions toujours par nous en sortir et que, par mauvais temps, nous étions mieux protégés que les autres par un système social efficace. L’histoire récente ne corrobore pas cette vue des choses. Les pays qui se sont attachés à maîtriser leurs dépenses publiques et leurs soldes budgétaires apparaissent comme les gagnants : ils ont plus de marges pour réagir et s’apprêtent à conquérir de nouveaux marchés et à reprendre leur croissance. En revanche, les pays qui se sont habitués à la facilité, au keynésianisme mal compris, en prétendant que c’était « socialement juste », tout en dissimulant le coût social lié à l’insuffisance des réformes de structure, pourtant seules à même de faire repartir l’économie, se révèlent les perdants en matière de pouvoir d’achat et d’emploi.

    Dans cet essai, Jacques de Larosière met ainsi en avant de manière méthodique et documentée les nombreux retards accumulés depuis 45 ans par notre économie, tout en suggérant les voies qui permettraient de les combler.

    Croissance, Revenu par tête, Investissement, Niveau de vie par habitant, Taux d’activité, Productivité (avec notamment les 35 heures et la précocité de l’âge de départ à la retraite par rapport à nos voisins), Taux d’emploi, Balance commerciale, Balance des paiements courants, Endettement public, Taux de marge des entreprises : tous ces indicateurs sont au rouge si on les compare à leur évolution chez nos voisins.

    Et pourtant, la France bénéficie d’ une démographie qui s’est renversée au cours du dernier siècle et est devenue très favorable comparativement à ses voisins. Ce qui en fait une opportunité à saisir pour engager la voie de l’avenir, pour peu qu’on se lance enfin dans les réformes en mesure de le permettre. Et c’est tout le propos du livre.

    Encore faut-il que l’on s’attaque au premier des problèmes, lancinant en France, celui qui est à la base de tout : l’éducation . Non seulement, là encore, la France n’a cessé de régresser , mais malgré les sommes très importantes consacrées à l’Éducation nationale, les résultats sont médiocres et, qui plus est, producteurs d’inégalités .

    Égarements économiques et record du monde des dépenses publiques

    Quant aux dépenses publiques, non seulement elles ont atteint le record du monde en pourcentage du PIB, mais surtout elles n’ont servi qu’à financer essentiellement les opérations courantes, et non l’investissement, ce qui est encore pire au regard de la préparation de l’avenir. Et les effectifs de la fonction publique ont progressé près de deux fois plus vite que la population active, sans que l’on parvienne jamais à les diminuer.

    Jacques de Larosière établit beaucoup de comparaisons notamment avec l’Allemagne , permettant ainsi de mettre en évidence les écarts qui se sont creusés entre les deux. À ce titre, un point a attiré mon attention, révélant bien la différence fondamentale d’état d’esprit :

    En France, le ministère des Finances arrête le montant des dépenses publiques (c’est là la « stratégie » du gouvernement) et, compte tenu des recettes fiscales attendues, le déficit en découle. Les dépenses ont leur propre dynamisme (par exemple le poids des intouchables « services votés » et les négociations du point d’indice des traitements de la fonction publique). En Allemagne, c’est au contraire la recette qui commande le processus. Une fois la recette arrêtée (à législation constante dans une perspective à cinq ans), la dépense doit s’ajuster aux ressources attendues, en vertu des dispositions constitutionnelles relatives au principe d’équilibre.

    Une différence d’approche fondamentale, surtout quand on sait (et c’est ce qu’il démontre abondamment dans cet ouvrage) à quel point l’endettement grève la croissance économique et la compétitivité des entreprises d’un pays.

    Des solutions sont possibles

    À chaque chapitre, et donc sur chaque question, y compris celle-ci en s’appuyant par exemple sur l’expérience suédoise ou, dans une moindre mesure portugaise d’avant crise, Jacques de Larosière propose une série de solutions. Tout en mettant en garde au passage contre les fausses recettes (du type « nouvelle théorie monétaire » ou effacement partiel des dettes), dont il démontre l’inanité.

    En matière de marché du travail (taux de chômage, chômage des jeunes, productivité, coûts salariaux, salaires réels, poids des charges, question du salaire minimum, qualifications, indemnisations chômage, précarité, etc.), la comparaison avec l’Allemagne est, là encore peu flatteuse. Et grâce à l’analyse, propice à en tirer de nombreux enseignements.

    Quant aux retraites, enjeu majeur de société, Jacques de Larosière montre comment la compréhension des données essentielles, notamment démographiques, a été mal appréhendée, aboutissant à un coût faramineux pour des résultats catastrophiques. En la matière, nous sommes dans le déni, ce qui débouche sur des tentatives de réformes mal orientées et mal menées.

    Revenant en détail sur les différentes données et sur les faiblesses des différents scénarios privilégiés, il suggère à la fois une hausse de l’âge de départ à la retraite, solution de loin la moins indolore et la plus facile et rapide à mettre en œuvre (plutôt que l’unification, qui est source de divisions), dans le cadre du système par répartition (qu’il se garde de remettre en cause radicalement), accompagnée d’un encouragement au développement beaucoup plus significatif de l’épargne retraite complémentaire, notamment fonds de pension, pour ouvrir la voie à une part croissante de capitalisation .

    Par ailleurs, le système de redistribution français fait de la France l’un des pays les moins inégalitaires, au prix d’un accroissement du taux de pauvreté et d’une économie insuffisamment productive, qui pèse sur l’évolution du revenu par habitant.

    Avant redistribution, la France est au contraire l’un des pays les plus inégalitaires, en grande partie du fait de son taux de chômage. Et la situation depuis le Covid-19 accentue très nettement les clivages.

    Excès de centralisme et de dépenses publiques

    En conclusion, Jacques de Larosière montre que le retard français provient essentiellement du centralisme administratif et politique. Là où le principe de subsidiarité , à la base de tout régime fédéral, se montre bien plus efficace.

    À quoi s’ajoutent l’excès de dépenses publiques, les sureffectifs de notre fonction publique et le fonctionnement de notre système de retraites. Le tout gangréné par l’incapacité des politiques à mener les réformes structurelles qui s’imposent, par excès de facilité et de démagogie , mais aussi en raison du poids de la bureaucratie .

    Sans oublier la responsabilité des médias, au sujet desquels Jacques de Larosière écrit ceci :

    Quant aux médias, ils sont, sauf exceptions, assez mal informés des questions économiques, et surtout de leurs perspectives d’ensemble. À quelques exceptions près, ils sont souvent tentés de privilégier les « petites phrases », le « microcosme », les scandales, par rapport aux problèmes de fond. À l’opposé, certains grands quotidiens économiques anglo-saxons sont d’une qualité remarquable et nourrissent le débat public.

    En définitive, écrit-il, on pourrait dire que la France a appliqué en négatif tout l’inverse de ce que décrit Edmund Phelps dans La Prospérité de masse .