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      Comment éviter une 4e vague psychologique à nos jeunes - BLOG

      Odile Agopian · news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 12 February, 2021 - 09:25 · 4 minutes

    Une vie étudiante et sociale entre parenthèses. L’apprentissage de la liberté, la responsabilité, parfois même la vie affective sont mis en pause. Plus de

    COVID - Impossible d’y échapper.

    Si l’inquiétude, pendant la dernière vague, portait principalement sur nos aînés touchés durement par la Covid-19 , les projecteurs sont aujourd’hui braqués sur les jeunes, qui mobilisent toutes les inquiétudes. Une vie étudiante et sociale entre parenthèses. L’apprentissage de la liberté, la responsabilité, parfois même la vie affective sont mis en pause. Plus de “petits boulots” pour subvenir à ses besoins primaires, pour préparer ses vacances ou parfois se divertir. Les tensions sont fortes parfois dans les familles, l’isolement pèse dans la solitude des chambres d’étudiants, l’incertitude est présente pour chacun. Des drames aussi, qu’il s’agisse de tentatives de suicide, de développement d’addictions chez les jeunes ou les étudiants.

    Le sujet doit être au cœur de nos attentions, pour les effets immédiats comme long terme. Nous savions déjà que la prise en charge psychiatrique des jeunes était un défi :

    • La moitié des problèmes de santé mentale commence avant l’âge de 14 ans, mais la plupart des cas ne sont ni détectés ni traités;
    • Lorsqu’ils ne sont pas traités, les problèmes de santé mentale des adolescents ont des conséquences physiques et mentales jusqu’à l’âge adulte, limitant la possibilité pour eux de mener une vie épanouissante;
    • À l’échelle mondiale, la dépression est l’une des principales causes de morbidité et d’invalidité chez les adolescents.

    Il est urgent d’agir

    La France n’était pas épargnée en “temps normal”, et le retour à la vie “d’avant” ne sera pas possible avant plusieurs mois; alors avec la Covid-19, il est urgent d’agir, et les appels sont nombreux, car les symptômes sont déjà observés chez les enfants, adolescents et jeunes adultes (avant 25 ans):

    • Les tentatives de suicide beaucoup plus importantes, ce qui alerte et inquiète tous les professionnels;
    • Le nombre de cas de “troubles dépressifs” explose;
    • Un sentiment d’anxiété, une angoisse perpétuelle, l’augmentation de l’irritabilité et des troubles du sommeil, etc.

    Mais aussi un besoin d’informations et d’être rassurés. Des signes que nous voyons parfois. Une main tendue qui doit être saisie de notre part, proches et professionnels.

    Nous avons appris des confinements qu’il existait:

    • Des inégalités d’accès à l’outil informatique, mais un usage très large du digital par les jeunes, à l’aise dans la communication “en virtuel” devenue essentielle avec eux;
    • Des vulnérabilités sociales, avec beaucoup d’étudiants qui renoncent à des soins pour des raisons financières;
    • Un risque renseigné de décrochage scolaire (à tous les âges).

    Le rapport de Sandrine Mörch et Marie-George Buffet en faisait la synthèse: “les constats sont alarmants: plus de 50% des jeunes sont inquiets sur leur santé mentale; 30% des jeunes ont renoncé à l’accès aux soins pendant le Covid-19 faute de moyens”.

    4 mesures simples et efficaces

    Il est donc impératif de prendre des mesures immédiates qui impliquent tous les acteurs. Les professionnels y sont prêts, encore faut-il leur permettre! Nous proposons 4 mesures simples et efficaces:

    1. Si toutes les consultations concernant la Covid-19 sont prises en charge à 100% par l’Assurance Maladie, il est indispensable de le faire aussi largement et facilement (lever l’obligation d’une 1re consultation physique, étendre le Tiers payant) pour les consultations de psychiatrie ou de psychologie en première intention pour les jeunes jusqu’à 25 ans;
    2. Permettre, à tous les établissements de psychiatrie, avec l’appui des intervenants libéraux partenaires, de faciliter l’accès, mais aussi le suivi des jeunes patients en autorisant clairement la prise en charge en distanciel en Hôpital de Jour;
    3. Permettre aux équipes de se rendre au domicile des jeunes patients devient indispensable dans certaines situations. Il faut donc autoriser la prise en charge à domicile en Psychiatrie dans cette période de crise, avant de la rendre possible dans le “droit commun”. Laissons les professionnels accompagner des jeunes aussi chez eux, quand l’hôpital de jour à distance est trop difficile, ou l’hospitalisation non indispensable;
    4. Inviter les collèges, lycées, facultés et écoles à repérer chez les étudiants les difficultés, et les orienter avec des professionnels pour un premier bilan avec une téléconsultation. Les établissements de psychiatrie doivent pouvoir, en lien avec leur ARS, proposer un dispositif innovant de relations avec les écoles de leur territoire dans les meilleurs délais.

    Nous applaudissons toutes les actions volontaristes engagées, comme le “ chèque psy ”. Tout sera utile, mais pour agir:

    • Que chacun détermine bien sa position, son rôle et ses possibilités dans ce défi;
    • Que l’engagement de chaque structure et professionnel soit celui de produire ses meilleurs efforts;
    • Que la démarche soit sincère pour être au plus près des objectifs déclarés. Chaque jeune que nous aurons aidé aujourd’hui, sera peut-être un jeune en moins demain dont nous devrons assurer une prise en charge lourde et longue pour lui et ses proches.

    Nous devons avoir de nouvelles armes pour affronter une 4e vague à venir qui sera “psychologique”. Avec la conviction que le “vaccin psychologique” existe en France à travers les structures de soins déjà mobilisées et en action, pour éviter les dommages aux adolescents et à nos jeunes.

    À voir également sur Le HuffPost: Étudiante de 21 ans, Lucie interpelle Macron dans une lettre poignante

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      Abus sexuels sur les enfants : un tournant bienvenu

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 26 January, 2021 - 04:00 · 6 minutes

    abus sexuels

    Par Patrick Aulnas.

    Des livres récents ont mis en lumière la fréquence des abus sexuels sur les enfants ou adolescents. Leur nombre est très incertain puisqu’ils sont en général non judiciarisés mais il ne fait aucun doute que ces abus sont à plus de 90 % le fait des hommes.

    Deux livres récents défrayent l’actualité parce qu’ils concernent des personnalités connues. Le livre de Vanessa Springora, Le consentement , met en lumière l’insuffisance du régime juridique actuel du consentement lorsqu’une jeune adolescente de 14 ans se trouve confrontée à un homme beaucoup plus âgé. Quant au livre de Camille Kouchner, La Familia grande , il aborde le problème de l’ inceste sur un adolescent de treize ans.

    Ce bref article cherche à placer la problématique dans un cadre historique. D’où vient-on ? Vers quoi doit-on se diriger ?

    Depuis que le monde est monde

    Il est bien difficile, voire impossible, de savoir si les abus sexuels sur les enfants étaient fréquents durant les siècles passés chez le bourgeois ou le paysan. Mais en ce qui concerne les souverains, certaines pratiques sont connues. Les puissants ont toujours profité de leur puissance pour s’affranchir de la loi commune. Et lorsque leurs tendances les portaient vers la jeunesse, ils n’hésitaient pas.

    L’empereur romain Auguste (63 av. J.-C. -14 ap. J.-C.) faisait défiler devant lui de très jeunes filles et faisait son choix. Il n’était évidemment pas question de discuter. Louis XV (1710-1774) avait un véritable harem dans un quartier de Versailles dénommé Parc-aux-Cerfs. Les élues étaient en général très jeunes. Un tableau célèbre de l’une d’elle, L’Odalisque blonde , a même été peint par François Boucher.

    Louis XV ne s’intéressait pas aux enfants mais pouvait être séduit par une très jeune fille. Le contexte de l’époque était évidemment à des années-lumière du nôtre. Le droit canonique fixait l’âge du mariage à 12 ans pour les filles. Les femmes avaient, à peu de chose près, un statut juridique de mineures à vie.

    Les riches bourgeois des siècles passés n’hésitaient pas à choisir une « soubrette » attirante dans leur domesticité et son jeune âge n’était pas un obstacle. Elle devait se soumettre ou se démettre. Mais quitter un emploi sans recommandation présentait un risque pour en trouver un autre.

    Quant à l’inceste, il a toujours existé mais la morale commune voulait qu’on le taise. D’abord, il fallait laver son linge sale en famille. Et la sexualité faisait éminemment partie du linge sale puisque le christianisme la considérait comme le mal initial ayant entrainé la chute de l’Homme. Au sein même de la famille, personne n’aurait osé aborder verbalement le sujet.

    L’inceste étant un interdit fondamental lié à la pérennité de l’espèce humaine ; braver cet interdit constituait une monstruosité provoquant la sidération et le silence.

    Révolution sexuelle et limites du possible

    Dans la seconde moitié du XXe siècle, des changements fondamentaux se sont produits en Occident. La vieille éthique chrétienne s’effondre. Elle considérait la sexualité humaine comme un danger qu’il fallait canaliser par le mariage à vie d’un homme et d’une femme.

    La « libération  sexuelle » écarte cette morale et prône la jouissance sans entrave, devenue possible avec les progrès de la contraception. Procréation et sexualité sont désormais dissociées.

    À partir de la fin des années 1960, certaines personnes ont cherché les limites de cette liberté nouvelle. Tout était-il possible ? Restait-il des interdits ? Y avait-il une frontière à ne pas franchir ? Le climat général dans l’ intelligentsia poussait à l’expérimentation. Livres, articles, pétitions encourageaient parfois les relations sexuelles entre adultes et enfants.

    Elles étaient analysées comme un domaine à explorer, un interdit à transgresser. Elles sont évidemment restées le fait de petites minorités pour une raison toute simple : la plupart des adultes n’éprouve aucune attirance sexuelle envers un enfant.

    Il n’empêche qu’à cette époque (années 1970-80) certains voyages organisés vers la Thaïlande avaient de facto pour but le tourisme sexuel. La prostitution des enfants était courante dans les grandes villes de ce pays et de nombreux pédophiles effectuaient le voyage. Tout cela se savait mais était largement admis et même sujet de plaisanteries.

    La psychologie restait à cette époque ambiguë sur la sexualité adulte-enfant. Il n’y avait pas unanimité comme aujourd’hui pour réprouver ce type de relations. Depuis cette époque, les dégâts irréparables causés à l’enfant ou au jeune adolescent abusé par un adulte ont été analysés. Mais disons-le sans ambages, ce n’était pas du tout le cas il y a cinquante ans. Les limites du possible n’avaient pas été vraiment fixées.

    Et maintenant ?

    Il est heureux que ces limites fassent aujourd’hui l’objet de réflexions juridiques. Mais si cette étape peut advenir, c’est d’abord parce que les questions portant sur l’inceste et la sexualité enfant-adulte ont pu être posées de façon rationnelle.

    La libération sexuelle et ses débordements ont-ils constitué une étape préalable à une réflexion sereine ? Ce n’est pas impossible.

    Nous savons désormais que ces relations sont abusives et résultent de l’emprise psychologique d’un adulte sur un enfant ou un adolescent. Nous savons également qu’elles provoquent des traumatismes psychologiques irréversibles.

    Le premier problème a trait à la notion de consentement. Ce concept est très ancien en droit et parfaitement étayé dans le domaine contractuel. Il existe des vices du consentement : l’erreur, le dol, la violence. Mais cela est très insuffisant lorsqu’un adulte utilise son expérience pour faire naître une emprise psychologique.

    Pour un jeune enfant (pré-pubère), il va de soi qu’il y a toujours absence de consentement puisque la compréhension de ce qui lui est proposé ne peut exister. Pour un adolescent, le problème est extrêmement délicat et renvoie à la fixation d’un âge du consentement. 13 ans, 15 ans ? Les débats sont en cours. Il ne faudrait pas évidemment qu’un jeune homme de 18 ans soit pénalement sanctionné parce qu’il a eu des relations avec sa petite amie de 15 ans. Une réflexion approfondie entre spécialistes du sujet (juristes, psychologues, médecins etc.) est donc nécessaire.

    Le second problème concerne l’inceste qui n’est pas aujourd’hui une infraction spécifique dans le Code pénal français mais seulement une circonstance aggravante en cas d’abus sexuel. Il est probable que l’on s’orientera vers la création d’un crime d’inceste. Il reste à le définir juridiquement et à prévoir les sanctions encourues.

    Nous sommes donc sur la bonne voie. Il ne s’agit plus de se limiter à des préceptes éthico-religieux comme par le passé, ni de faire n’importe quoi sous couvert de liberté comme à la fin du XXe siècle.

    Nous devons désormais protéger l’intégrité des enfants et adolescents contre les abus de certains adultes. Car la jeunesse est fragile et manipulable. Rien n’est plus méprisable que d’abuser de la confiance dont elle nous honore.