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      Larry Flynt : l’antidote contre la sexophobie

      Daniel Borrillo · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:40 · 4 minutes

    larry flynt

    Par Daniel Borillo.

    Larry Flynt nous a quittés et avec son départ l’Amérique perd l’un des plus grands défenseurs de la liberté d’expression mais aussi un redoutable homme d’affaires qui a fait fortune grâce à sa capacité de travail, son talent et son sens aigu du commerce.

    Connu surtout comme pornographe , il a combattu l’hypocrisie de la société américaine en engageant une lutte politique pour la liberté de caricaturer. Celle-ci l’a notamment mené en 1988 devant la Cour suprême contre le pasteur ultraconservateur Jerry Falwell pour l’avoir montré comme un ivrogne incestueux ou encore en critiquant fortement les médias américains qui ont refusé de publier les caricatures de Mahomet après les attentats de Paris en 2015.

    En France, le combat contre la liberté d’expression était jusqu’à récemment le monopole des associations religieuses. Il suffit pour ce faire de se souvenir de certaines affaires : la tentative de censure du film Je vous salue Marie de Godard en 1985, de La dernière tentation du Christ de Scorsese en 1988 ; ou les attaques à l’affiche du film Larry Flynt ; ou encore lorsque le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à l’association Croyances et libertés (instrument de l’épiscopat) en ordonnant l’interdiction d’affichage d’une publicité pour une marque de vêtements mettant en scène sensuelle un groupe de femmes représentant La Cène de Léonard de Vinci.

    Une nouvelle forme de conservatisme contre la liberté d’expression

    Aujourd’hui, une nouvelle forme de conservatisme met en danger la liberté d’expression. En effet, depuis la fin des années 1970, le collectif américain Women Against Pornography demande l’interdiction de la pornographie au nom de la dignité et de l’égalité des femmes et quelques années plus tard, les principales figures féministes du collectif n’hésiteront pas à s’associer avec Ronald Reagan dans une croisade contre la pornographie en considérant cette pratique à l’origine des crimes sexuels et des comportements asociaux 1 .

    En France, à l’exception notable du Planning Familial, la majorité des associations féministes s’est mobilisée pour l’ abolition de la prostitution et la pénalisation des clients , cristallisée dans la loi de 2016.

    Les arguments du féminisme anti-libéral arrivent ainsi avec force en France également contre la pornographie. L’entreprise est d’autant plus redoutable que ce féminisme radical a permis de sortir les questions sexuelles du registre de la morale en fournissant des arguments considérés comme plus raisonnables surtout dans un État laïc. On est ainsi passé du harcèlement sexuel au harcèlement à la sexualité.

    C’est justement la sexualité telle qu’elle est et non pas telle elle devrait être qu’a voulu montrer Larry Flynt et, partant, il s’est attaqué au pouvoir au sens foucaldien du terme, c’est-à-dire non comme un instrument ou une propriété détenus par un appareil d’État ou par certains individus mais comme l’ensemble des relations stratégiques dont le but serait les actions sur les autres permettant ainsi de diriger et de modifier leurs conduites, ou encore de structurer leur champ d’actions possibles.

    Le pouvoir qui réprime la sexualité

    Pour cela, le pouvoir politique va s’imbriquer étroitement avec le savoir. Certes, le propre du pouvoir est de réprimer. Dans le domaine de la sexualité, il réprime le plaisir, les énergies inutiles, l’intensité des plaisirs, les conduites irrégulières.

    La pornographie est menacée et avec elle non seulement la liberté d’expression mais aussi le respect de la vie privée. Et cette menace provient non seulement des ennemis traditionnels tel le discours religieux, le conservatisme moral des bonnes mœurs ou l’hygiénisme sexuel (la psychiatrisation du désir pervers) mais aussi et surtout des ennemis émergents tels que la panique morale, le discours psychanalytique et le féminisme radical.

    Contre ces nouvelles formes de puritanisme et de sexophobie, les garants de la liberté sexuelle demeurent à la fois la protection de la privacy et de la liberté d’expression. Rappelons ce que la CEDH affirme dans le célèbre arrêt Handyside c./Royaume-Uni :

    « La liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population ».

    En montrant la sexualité dans sa dimension inquiétante, Larry Flynt a rompu avec le sens univoque que les conservatismes de toute sorte souhaitent donner à la sexualité. Par son combat il a dit haut et fort que l’individu adulte dans ses relations librement consenties demeure le seul juge de sa sexualité et de ses fantasmes érotiques.

    1. Rapport Meese du nom du procureur général des USA sous la présidence Reagan.
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      Larry Flynt, roi du porno, est mort à 78 ans à Los Angeles

      Le HuffPost avec AFP · news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 11 February, 2021 - 06:52 · 4 minutes

    À Las Vegas, aux États-Unis, le

    ÉTATS-UNIS - Provocateur et libertaire, il était le roi de la pornographie. Larry Flynt , fondateur du magazine “Hustler” au coeur d’un film de Milos Forman dans les années 1990 et défenseur autoproclamé de la liberté d’expression , est décédé ce mercredi 10 février à Los Angeles à l’âge de 78 ans.

    “Il s’est éteint tranquillement pendant son sommeil” à l’hôpital, avec à ses côtés son épouse Elizabeth et sa fille Theresa, précise une porte-parole du groupe Flynt dans un communiqué transmis à l’AFP.

    Larry Flynt est mort “des suites d’une maladie soudaine”, dit le texte, sans plus de précisions. Selon des médias américains citant sa famille, l’homme d’affaires a succombé à un arrêt cardiaque.

    Flynt avait lancé en 1974 son magazine pornographique “Hustler”, concurrent de “Playboy” et “Penthouse” qu’il jugeait “ringards”, avec des photos très explicites et un ton délibérément scandaleux.

    Il avait ensuite développé son empire avec d’autres publications, des clubs et des sex-shops, des studios spécialisés dans les films X puis des sites internet. En 2000, l’homme d’affaires a même ouvert un casino “Hustler” dans la banlieue de Los Angeles, où il s’était établi de longue date.

    Au tribunal en slip

    En octobre 2017, le vieil homme lifté, cloué dans un fauteuil roulant plaqué or depuis une tentative d’assassinat en 1978, s’était permis un dernier coup d’éclat en offrant, sur une pleine page dans le Washington Post , 10 millions de dollars à qui lui fournirait toute information conduisant à la destitution de Donald Trump. C’était son “devoir patriotique”, avait affirmé cet habitué des polémiques et des procès qui avait bâti sa réputation et sa fortune sur la provocation.

    L’homme était coutumier de la méthode: pour soutenir le président Clinton empêtré dans l’affaire Lewinsky en 1998, il avait obtenu la tête de plusieurs élus compromis dans des scandales sexuels révélés dans son magazine.

    Son goût de la provocation a failli lui coûter la vie: le 6 mars 1978, à proximité d’un tribunal où il est une énième fois poursuivi pour “obscénité”, un extrémiste proche du Ku Klux Klan ouvre le feu sur lui, le laissant paraplégique. Le tireur, un tueur en série raciste qui n’a été arrêté qu’en 1980 pour d’autres crimes et ne fut jamais inquiété pour cet attentat, n’avait pas apprécié des photos publiées par Hustler mettant en scène des partenaires de différentes couleurs.

    La santé de Larry Flynt dès lors ne cessera de se détériorer, le rendant dépendant aux anti-douleurs et aux drogues.

    Ouverture d’un “Hustler Club” dans l’Ohio

    Né en 1942 dans un village déshérité du Kentucky, Larry Flynt s’enrôle à 15 ans dans l’armée grâce à un certificat de naissance contrefait. Il est démobilisé peu après et devient le roi de la combine.

    Il vend de l’alcool clandestinement, joue au poker. Avec quelques dollars de côté, il ouvre en 1965 un premier bar puis un second et un troisième. Ces “Hustler Clubs”, des boîtes miteuses où les hôtesses servent les clients entièrement nues, deviennent une institution dans l’Ohio.

    Il publie une feuille de chou, “Hustler magazine” (en français, à la fois: arnaqueur, arriviste, escroc, prostitué), qui jette aux orties les codes policés de la photo de charme: les modèles y exposent leurs parties génitales.

    Il gagne son premier million en publiant en 1975 des photos volées de Jackie Onassis nue sur une île grecque. “Hustler” décolle et se vend bientôt à 3 millions d’exemplaires.

    Droit à l’obscénité et à la parodie

    Le magazine censuré en France jusqu’en 2011 brise tous les tabous avec des accroches comme “George Bush a le Sida”. Père de cinq enfants et marié à cinq reprises, Larry Flynt mène une vie décalée: “le roi des ploucs” multiplie les excès, fréquente des figures radicales de la contre-culture. En 1977, une étonnante conversion au christianisme évangélique, sous l’influence de la soeur du président Jimmy Carter, lui donne le désir éphémère de transformer Hustler en magazine chrétien.

    Au fil des ans, les ligues pour la vertu et les féministes le traînent devant les tribunaux. Larry Flynt jubile! Il y plaide le droit à l’obscénité et à la parodie. Il se présente au tribunal en slip taillé dans un drapeau américain, fait de la prison mais parvient à porter deux affaires devant la Cour suprême. En 1987, la plus haute juridiction américaine lui donne raison contre un télévangéliste moqué dans une parodie de publicité.

    Milos Forman brosse de lui un portrait élogieux dans un film éponyme en 1996 où il est incarné par Woody Harrelson. “Je dois admettre que je n’ai jamais acheté le magazine Hustler et je crois que je ne l’achèterai jamais”, écrivait le réalisateur dans une préface de l’autobiographie de Flynt. “Mais aussi longtemps que je vivrai, j’admirerai toujours Larry Flynt: sa vie, son courage et sa ténacité”, affirmait Forman.

    À voir également sur Le HuffPost: 3 idées reçues sur le métier d’acteur pornographique