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      Luc Themelin : « Notre présence internationale fait notre réussite »

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:45 · 5 minutes

    luc themelin

    Par Guillaume Périgois.

    Spécialiste de l’électrique et des matériaux avancés, présent dans 35 pays, Mersen déploie 55 sites industriels et 16 centres de R&D dans ses domaines d’expertise (graphite, carbure de silicium, composants électriques).

    Ayant développé un ensemble de matériaux et de solutions pour faciliter la conduction, le stockage, l’isolation de l’énergie électrique et la protection des équipements dans des environnements hostiles, Mersen fournit les industries de l’énergie renouvelable et conventionnelle, de l’électronique, de la chimie et des transports – de l’automobile au spatial.

    Créée en 1891 à Pagny-sur-Moselle, l’entreprise plus que centenaire a aujourd’hui 6800 collaborateurs et a réalisé 950 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, dont les deux-tiers hors d’Europe.

    Contrepoints : Quel est l’impact de la COVID-19 sur le groupe Mersen ?

    Luc Themelin : Le choc le plus important est derrière nous. Mersen réalise un tiers de son chiffre d’affaires en Asie. Nos activités en Chine et sur le reste du continent ont été touchées en février 2020. Le groupe fonctionne historiquement de manière décentralisée : nous suivions l’évolution de nos activités au quotidien mais les équipes de notre dizaine d’usines locales ont su gérer la pandémie. L’essentiel des perturbations a duré un mois.

    La pandémie a ensuite atteint l’Europe à la mi-mars. Que ce soit en Italie, en Espagne ou en France, avec l’appui du siège pour l’approvisionnement en masques, ce sont à nouveau les équipes locales qui ont géré au mieux la situation en suivant les différentes mesures mises en place par leurs gouvernements respectifs.

    Le résultat est que, du point de vue du groupe, nous avons toujours eu 85 % de nos usines qui tournaient tout au long de la crise. Quand la situation était mauvaise en Europe, elle était meilleure en Asie.

    La demande a bien sûr baissé et notre chiffre d’affaires s’est contracté de 20 % en avril et en mai mais Mersen a su amortir et gérer la pandémie. L’étalement géographique de nos marchés et la décentralisation de notre prise de décision ont été nos meilleurs atouts.

    Malgré la préférence relative des Français pour la baisse des barrières commerciales , le pays est parfois présenté comme rétif à l’ouverture internationale. La dimension globale de Mersen est un atout en temps de pandémie, mais qu’en est-il en temps normal ?

    Luc Themelin : Nous sommes des internationaux convaincus. Historiquement, nous nous sommes implantés en Allemagne et aux États-Unis dès les années 1900. Nous avons dix usines en France dont les exportations couvrent le marché européen.

    Nos usines chinoises n’ont pas été créées en lien avec la fermeture d’une usine française. Il n’y a pas de crainte de délocalisation en interne. Nos usines en Asie desservent leur marché régional. Quand il y a une restructuration, c’est parce que le marché local évolue ou que la demande baisse.

    Les Français ne sont pas contre l’international. Notre marché domestique est relativement restreint : si les entreprises industrielles françaises vivent, c’est grâce à la demande internationale.

    Il faut comprendre que tourner le dos à l’international, c’est rester à la marge des évolutions technologiques. Mersen est bien placé sur les innovations en semi-conducteurs aux États-Unis ; les machines sont exportées en Chine et en Corée, ce qui booste nos ventes.

    Pour une industrie, ne pas être à l’international, c’est perdre ses clients année après année et se condamner à disparaître. Il faut capter l’innovation là où elle est et être implanté où les marchés sont dynamiques.

    Et ce n’est pas seulement bénéfique au niveau régional. Pour prendre l’exemple des nouveaux semi-conducteurs, l’innovation a démarré d’une société américaine et s’accélère grâce à une industrie de véhicules électriques très dynamique aux États-Unis (Tesla).

    Mais le marché mondial étant de plus en plus gros, cette entreprise américaine ne peut répondre seule à la demande. Ces cinq dernières années, deux entreprises – l’une allemande et l’autre franco-italienne – ont démarré la production de ces éléments.

    Étant donné que Mersen travaille avec la société américaine depuis 25 ans, nous sommes prêts avant nos concurrents à livrer aussi ces sociétés européennes. En ayant démarré dans un marché en amont, nos équipes peuvent réagir tout de suite quand il évolue ou quand il se crée ailleurs.

    L’aéronautique est un autre exemple. Mersen collabore depuis longtemps avec le français Safran, l’européen Airbus et l’allemand Liebherr. Cela nous a permis d’être plus performant aux États-Unis. Et peut-être un jour en Asie quand cela arrivera.

    L’environnement règlementaire actuel gêne-t-il le développement international de Mersen ?

    Luc Themelin : Les règles ne sont pas toujours les mêmes partout. Les lois apparaissent d’abord à Bruxelles plutôt qu’à Washington ou Beijing, bien sûr. Et l’Europe est plus stricte en rejetant certaines consolidations d’entreprises européennes entre elles. Les entreprises allemandes paient beaucoup moins de charges que les entreprises françaises, ce qui ne nous aide pas.

    Mais l’important est d’avoir des espaces ouverts avec les mêmes règles, sans aide de l’État, en Asie, en Europe et ailleurs. A partir du moment où les règles du jeu sont établies et respectées, il n’y a pas de soucis dans la compétition à l’international. J’ai suffisamment fait de sport pour ne pas aimer les gens qui ne suivent pas les mêmes règles.

    Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation est publié par Librairal et est gratuitement accessible.

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      Sondage Contrepoints : 4 Français sur 10 pour le libre-échange… mais pas ceux que vous croyez

      Guillaume Périgois · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 04:40 · 4 minutes

    sondage contrepoints

    Par Guillaume Périgois.

    La mondialisation divise les Français en trois, avec un avantage pour les partisans du libre-échange commercial.

    Selon un sondage OpinionWay pour Contrepoints commandité pour la publication du livre Économie mondiale, prospérité locale – Comment les régions françaises réussissent dans la mondialisation (Librairal, février 2021, offert), 37 % des Français estiment que les barrières commerciales devraient être baissées au moins si les autres pays le font (et 13 % de manière unilatérale), 31 % pensent qu’il faudrait les maintenir ou les augmenter et 29 % sont sans opinion.

    Ainsi, 3 Français sur 10 pensent que le pays « devrait maintenir ou augmenter ses barrières commerciales, car cela protégerait les entreprises françaises contre l’importation de produits de concurrents étrangers, même si cela a un effet négatif sur les consommateurs français et les producteurs français des secteurs d’exportation. »

    Presque 4 Français sur dix estiment au contraire que la France devrait baisser ses barrières commerciales.

    Parmi eux, ils sont 24 % à répondre que « la France ne devrait abaisser ses barrières commerciales que si d’autres pays le font, car c’est la seule façon de les inciter à ouvrir leurs marchés » et 13 % à préférer que la pays baisse « ses barrières commerciales même si les autres pays ne le font pas, car les consommateurs pourraient acheter des produits importés moins chers et la concurrence étrangère inciterait les entreprises françaises à améliorer la qualité et les prix de leurs produits. »

    Contrairement aux idées reçues, ce sondage révèle donc que les Français sont plus enclins au libre-échange qu’au protectionnisme .

    Décortiquons ces résultats.

    Qui sont les partisans du libre-échange unilatéral ?

    Le portrait-robot du Français favorable au libre-échange unilatéral est une femme ou un homme, de 18 à 49 ans mais plutôt de 35 à 49 ans (19 %), employé ou ouvrier (16 %), et habitant le Nord-Est, le Sud-Est mais surtout la région parisienne (19 %).

    Plus surprenant, ce partisan d’une ouverture unilatérale des frontières commerciales est plutôt politiquement proche… de la France Insoumise (22 %) ou du Rassemblement national (18 %) et a voté Marine Le Pen (20 %) ou Benoît Hamon (19 %) aux élections présidentielles de 2017.

    Les plus défavorables au libre-échange unilatéral sont les plus de 65 ans (6 %), du Nord-Ouest de la France (9 %), proches de Europe écologie – Les Verts (8 %) ou de La République en Marche (9%), ayant voté Emmanuel Macron (8 %) ou François Fillon (8 %) en 2017.

    Qui sont les partisans du libre-échange bilatéral ?

    Changement de décor chez ceux pour qui la France ne devrait abaisser ses barrières commerciales que si d’autres pays le font.

    On trouve du côté du libre-échange bilatéral les hommes (29 %), de 65 ans et plus (34 %), de catégories socioprofessionnelles supérieures (28 %) ou inactifs (27 %), d’Île-de-France ou du Sud-Ouest (28 %), habitant dans des villes de plus de 20 000 habitants.

    Ils sont proches de la République en Marche (45 %) et ont voté Emmanuel Macron (41 %) ou François Fillon (34 %) en 2017.

    Qui sont les protectionnistes ?

    La proposition selon laquelle le pays « devrait maintenir ou augmenter ses barrières commerciales » obtient plutôt les suffrages des 50-64 ans (34%) et des plus de 65 ans (34%), du Nord-Est (35%) et habitant une commune rurale (37%).

    Politiquement, les protectionnistes sont proches du Rassemblement National (48 %), des Républicains (38 %) ou d’Europe écologie – Les Verts (36 %) et ont voté Marine Le Pen (46 %) ou François Fillon (38 %) en 2017.

    Des mythes qui volent en éclats

    Une intuition sort renforcée de cette enquête : oui, les habitants des communes rurales sont plus favorables au protectionnisme et les habitants de la région parisienne sont plus favorables au libre-échange.

    Mais ce sondage brise aussi certains préjugés.

    On dit que les plus modestes seraient opposés au libre-échange ? C’est faux : les employés et ouvriers sont les plus susceptibles de vouloir un libre-échange unilatéral.

    Les partis centristes seraient-ils vraiment pour l’ouverture des frontières et les partis extrêmes pour leur fermeture ? Faux : on trouve du côté du libre-échange les proches de la République en Marche et la France Insoumise et du côté du protectionnisme les proches du Rassemblement National, des Républicains et d’Europe écologie – Les Verts.

    Les attitudes des Français sur le commerce international et la mondialisation dessinent donc un clivage parfois contre-intuitif : le centre, l’extrême gauche et les urbains pour l’ouverture, l’extrême droite, la droite, les écologistes et les ruraux pour le repli.

    Mais surtout, malgré un contexte sanitaire et économique catastrophique, et contrairement aux opinions fréquemment véhiculées par ceux qui prétendent parler pour eux, il y a davantage de Français pour le libre-échange que pour le protectionnisme.

    Ce sondage a été commandé pour la publication de l’essai librement téléchargeable en cliquant ici .

    Sondage OpinionWay pour Contrepoints réalisé sur un échantillon de 1003 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité a été assurée selon la méthode des quotas. Interrogation réalisée en ligne en décembre 2020.