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      Pour les stations de ski, la saison blanche du Covid est un avertissement de plus

      Lucie Oriol · news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 6 February, 2021 - 02:35 · 6 minutes

    Un télésiège fermé à la station du Grand Bornand le 21 janvier 2021 (Photo by JEFF PACHOUD / AFP)

    CORONAVIRUS - La montagne est-elle sur le point de planter le bâton et d’amorcer son virage? La saison blanche se confirme pour les stations de ski françaises alors que le gouvernement a annoncé ce lundi que les remontées mécaniques resteraient fermées tout le mois de février. Pour les professionnels du secteur et les saisonniers, c’est évidemment un scénario catastrophe qui risque de précipiter encore plus rapidement certaines stations au bord du dépôt de bilan.

    “Précipiter”, car depuis plusieurs années les saisons sans neige se multiplient aussi bien dans les Alpes que dans les Pyrénées, et posent à nouveau la question des reconversions des stations dont l’activité économique est essentiellement tournée vers le ski alpin. Elles peinent à sortir du cercle vicieux pour lequel le Plan Neige engrangé au milieu des années 60 a posé les bases. Une vingtaine de nouvelles stations et des dizaines de milliers d’hébergements sont sorties de terre pour construire du jour au lendemain la filière sports d’hiver.

    C’était sans compter sur l’émergence du réchauffement climatique qui a poussé les territoires à investir massivement dans la neige de culture. En Auvergne-Rhône-Alpes, où les domaines skiables dépassent le milliard d’euros de recettes chaque année, Laurent Wauquiez a investi en 2016 50 millions d’euros dans les canons.

    Pour Vincent Vlès, professeur émérite en aménagement et urbanisme à l’université de Toulouse, contacté par Le HuffPost, ce sont pourtant des solutions à court terme. “Outre le fait qu’elles sont très coûteuses pour des stations qui n’ont pas les finances assez solides, de nombreuses études montrent désormais l’impact environnemental des neiges de culture. Les dernières projections climatiques montrent que, dans les 20 à 30 ans, il faudra de toute façon imaginer une reconversion. Notamment pour les petites ou moyennes stations”.

    Une étude menée en 2019 par le Centre national de recherche météorologique et Irstea Grenoble s’est penchée sur le futur des stations de ski face au réchauffement climatique. Elle notait qu’après 2050, au-delà d’une augmentation de 3 degrés, la neige de culture ne suffirait plus à compenser la réduction d’enneigement naturel.

    Noël, un avant-goût du futur ?

    Le poids du réchauffement climatique dans l’économie de la montagne avait d’ailleurs déjà poussé la Cour des comptes à tirer la sonnette d’alarme en 2018 face à la vulnérabilité des stations alors qu’en moyenne deux à trois stations ferment tous les ans. La Cour y allait alors à pas de loups en appelant à “diversifier prudemment l’activité” des stations et “reconvertir les sites menacés”.

    Trois ans plus tard, face à l’épidémie de Covid, de nombreuses stations y ont été partiellement obligées. Au final, le taux de fréquentation s’est établi à 25%. Des chiffres encourageants pour Vincent Vlès qui pointe toutefois le caractère très particulier de la période.

    “Les vacances de Noël se sont déroulées dans un contexte contraint, avec des réunions de famille limitées. La pandémie a effacé artificiellement la concurrence internationale. Les Français ne pouvaient pas aller skier ailleurs et les amoureux de la montagne se sont repliés vers les stations françaises. Que fera cette clientèle lorsque les équipements de ski alpin ouvriront à nouveau, on ne le sait pas”, alerte-t-il.

    De fait, l’ensemble de la filière a tout de même engrangé une perte de chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros sur les deux dernières semaines de décembre.

    Au coeur de la reconversion, c’est bien l’enjeu de la rentabilité qui se pose. Pour certaines stations, c’est déjà un pari réussi. “Le premier exemple historique, c’est certainement celui du Mas de la barque dans les Cévennes, qui était une petite station qui accueillait 3000 skieurs le week-end. Finalement en 93, après deux saisons sans neige et un déficit de plusieurs dizaines de milliers d’euros, elle a démonté ses remontées et s’est positionnée sur une station de pleine nature avec de la randonnée, du VTT, du ski de fond, des raquettes. Un village de gîtes a été construit”, détaille Vincent Vlès. Au final, le taux d’occupation est moyen mais l’activité suffit pour que le domaine soit rentable.

    Ce modèle de la base de loisirs s’ajoute aux trois autres pistes de reconversion identifiées par Pierre-Alexandre Métral, doctorant en géographie à l’Université de Grenoble Alpes: la transformation en hameau par l’arrivée de nouveaux habitants, le retour à la nature et à l’alpage, et enfin un troisième modèle mixte où seule une poignée de remontées est gardée et gérée sur un mode plutôt associatif.

    Électrochoc des grandes stations ?

    Ces quatre modèles de reconversion sont des pistes qui figurent notamment dans le nouveau programme national pour la montagne piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Comme l’a expliqué la ministre Jacqueline Gourault en conférence de presse fin novembre, ce programme doit “travailler à la définition d’une nouvelle offre de services orientée vers les territoires ruraux et de montagne”.

    Cela tombe bien puisqu’en la matière, précise Vincent Vlès, il y a encore tout à faire. “C’est tout un nouveau modèle économique qu’il convient d’inventer, et nul ne dit que la culture française de la pratique de la nature acceptera de bon gré de payer pour s’aérer. La recherche a montré par exemple que, l’été, l’accès payant - comme c’est le cas en Espagne - était refusé à plus de 80% dans les sites naturels exceptionnels”, interpelle le spécialiste. Qui estime que l’aide financière ne suffira pas. “Il faut accompagner l’effort par des équipes scientifiques au plus près du terrain pour conseiller, comme ce qui a été fait pour le Plan neige.”

    Pierre-Alexandre Métral considère certes que ce “premier électrochoc” du Covid pourrait “pousser (les stations) à l’adaptation”. “On voit quelques bribes de créativité”, juge-t-il. Mais la transition prendra du temps. Vincent Vlès abonde:  “Pour les grandes stations alpines, il n’y aura pas de prise de conscience. Ces systèmes sont dans une logique fermée et c’est valable pour toutes les stations moyennes ou un peu grosses. Elles vont essayer d’aller au bout de la durabilité du système. Si l’année prochaine, elles font une très bonne saison, elles oublieront la crise. Les acteurs sont tenus par un jeu de dépendance entre lobbys et capitaux financiers. Le Covid est un voyant qui s’allume sur un tableau de bord mais il n’est pas dit que le pilote y prête une attention durable”.

    À voir également sur Le HuffPost: Le désarroi de cette station de ski familiale face à la fermeture

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      Ski: l'aide Covid pour les saisonniers jugée "insuffisante" et trop "restrictive"

      Lucie Oriol · news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 5 February, 2021 - 02:49 · 5 minutes

    Des magasins de ski fermés dans la station de Villard-de-Lans près de Grenbole le 5 janvier 2021  (Photo Philippe DESMAZES / AFP)

    EMPLOI - De la poudreuse aux yeux. Ce vendredi 5 février, plusieurs milliers de travailleurs précaires devraient recevoir une aide de 900 euros , annoncée en novembre dernier par le Premier ministre Jean Castex. Alors que les remontées mécaniques resteront fermées dans les stations de ski pendant tout le mois de février, le gouvernement entend notamment adresser un geste aux saisonniers de la montagne avec cette aide. En parallèle, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, encourage régulièrement les entreprises du secteur à embaucher à des saisonniers quitte à les faire passer en chômage partiel.

    Un dispositif néanmoins insuffisant et qui rate sa cible, alertent plusieurs représentants syndicaux contactés par Le HuffPost. “C’est une catastrophe sociale en devenir. Je m’inquiète énormément. Il ne faut pas s’y tromper: quand on prend en compte l’ensemble des saisonniers en France leur nombre est proche de 2 millions, tous sont loin d’êtres concernés par les dispositifs de l’État et il y a des trous dans la raquette”, pointe du doigt Antoine Fatiga, représentant CGT de la branche saisonniers. Depuis près de trois semaines il a recueilli plusieurs centaines de témoignages sur une adresse mail dédiée au soutien des saisonniers (sos.saisonniers@gmail.com).

    Une aide trop difficile à obtenir

    Alors que la ministre du Travail Élisabeth Borne assure que 400.000 personnes, dont 70.000 jeunes devraient toucher cette aide, Éric Becker, secrétaire général FO des transports en charge des remontées mécaniques et des saisonniers, pointe comme Antoine Fatiga un coup de pouce qui arrive trop tardivement et dont les critères sont trop restrictifs. Selon le décret paru le 31 décembre au Journal officiel, les 900 euros seront versés dès le 5 février au titre du mois des mois de novembre et décembre. “Cela veut dire que des gens attendent de manger depuis novembre!”, s’énerve Éric Becker. Ce lundi, il a bloqué avec une centaine de saisonniers l’entrée du tunnel de Fréjus dans les Alpes pour réclamer plus de soutien économique.

    De fait, bénéficier de ces 900 euros nécessite de remplir un cahier des charges assez spécifique: pour être inscrit sur les listes de Pôle emploi, sur un ou plusieurs mois entre novembre 2020 et février 2021, il faut justifier d’une durée d’activité salariée d’au moins 138 jours entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019 (cette activité doit avoir été effectuée à 70% en CDD ou en intérim), avoir des revenus inférieurs à 900 euros au cours du mois écoulé. Et si vous êtes indemnisé par Pôle emploi, l’indemnité journalière de ne doit pas dépasser 33 euros.

    La mention de Pôle emploi est particulièrement problématique, explique Antoine Fatiga puisque de nombreux saisonniers ne s’inscrivent pas à Pôle emploi après des contrats. “Entre les heures supplémentaires et les congés payés, il y a une période de carence assez longue. Résultat, pour une grande majorité de saisonniers, ce n’est pas intéressant de s’inscrire à Pôle emploi”.

    Enfin, les deux représentants syndicaux estiment que cette liste de critères exclut toute une partie de l’écosystème saisonnier: ceux qui étaient en fin de droit quand les décrets ont été signés, les primo-saisonniers, mais pas que. Si la plupart des saisonniers des remontées mécaniques vont bénéficier du chômage partiel, c’est loin de s’appliquer à l’ensemble des salariés temporaires de la montagne.

    “Les remontées mécaniques, ce sont de grosses machines. Mais il y a aussi plein de saisonniers qui sont embauchés par des petites entreprises. On peut compter environ 120.000 saisonniers employés dans l’hôtellerie-restauration en station dans les Alpes, or près de 70% d’entre eux n’ont pas eu la chance d’être embauchés au chômage partiel et pour une grande partie n’ont pas droit à la prime de 900 euros”, assure Éric Becker.

    Activité partielle ineffective

    Si le gouvernement martèle aux entreprises du secteur que l’État prendra en charge 100% de la rémunération du saisonnier jusqu’au 15 avril, selon les deux représentants syndicaux, nombreuses sont celles qui n’ont pas joué le jeu. Antoine Fatiga estime à 40% le nombre de saisonniers qui n’ont finalement pas été embauchés.

    C’est notamment le cas de Sophie, contactée par le HuffPost. Elle devait comme chaque année être embauchée en tant que secrétaire d’une école de ski. Mais son entreprise a finalement coupé court en expliquant qu’elle ne pouvait pas avancer le chômage partiel en attendant l’aide du gouvernement. “Du coup je suis inscrite au chômage, je touche des indemnités de 1000 euros donc je n’ai pas le droit à l’aide de 900 euros. Évidemment je ne suis pas dans le pire des cas, mais que va-t-il se passer au printemps et cet été quand je vais arriver en fin de droit et qu’on sera des dizaines à chercher des offres? C’est frustrant parce que je n’y suis pour rien si je ne peux pas travailler”, déplore-t-elle.

    Pour Éric Becker et Antoine Fatiga, il est difficile pour des salariés précaires d’entamer les démarches contre un employeur qui n’aurait pas respecté une promesse d’embauche , encore plus quand ces dernières sont faites verbalement et sous réserve d’ouverture.

    Les deux représentants syndicaux demandent également au gouvernement d’ouvrir le dialogue. “L’État a mis 400 millions pour le tourisme, sans rien demander en retour aux entreprises. Et maintenant la colère monte”, déplore Antoine Fatiga qui rappelle que les saisonniers ont plutôt “une moyenne d’âge autour de 30/35 ans et peuvent être sédentarisés avec des traites”. Lundi, en confirmant que les stations de ski ne rouvriraient pas de tout février, Jean Castex a annoncé un renforcement du plan d’aide aux acteurs de la montagne. Les premières pistes concernent essentiellement les entreprises.

    À voir également sur Le HuffPost: Il échappe indemne à une avalanche en activant son airbag

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      Mathias Poujol-Rost ✅ · Thursday, 30 March, 2017 - 21:04 edit

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