
Par Olivier Maurice.
Folle journée que ce mercredi 27 janvier 2021, où tout a basculé en quelques heures.
Pendant que se tenait un énième conseil de défense, infusaient un peu partout les échos de la colère d’un président de la République qui aurait été passablement énervé par la position du conseil scientifique et son manque de solution, ou plutôt son acharnement à vouloir imposer la seule et unique solution connue, à savoir un reconfinement dur pour combattre sa peur d’une nouvelle flambée épidémique .
Il faut dire aussi que depuis la veille, les médias avaient commencé à évoquer les émeutes qui se produisent maintenant chaque soir depuis plusieurs jours dans toutes les villes des Pays-Bas, pour s’opposer, non pas à un confinement, mais à la mise en place d’un simple couvre-feu après 21 heures. Ces violences font écho à d’autres, au Danemark, en Espagne, en Italie, en Israël ou au Liban où les forces de l’ordre débordées ont fait usage de leurs armes.
Toute la matinée, les réseaux sociaux ont bouillonné de déclarations comme #JeNeMeConfineraiPas, la petite moitié du pays opposée aux mesures sanitaires et au reconfinement voulant faire entendre sa voix.
L’ombre du en même temps flottait sur le pouvoir, et le pronostic était clairement au statu quo.
Quand soudain, le vent s’est mis à souffler dans l’autre sens. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, annonçait en effet, à la sortie dudit conseil, que différents scénarios étaient désormais à l’étude, allant du maintien du couvre-feu à celui d’un reconfinement très serré.
Le signal était très clair : le gouvernement allait essayer de verrouiller le maximum de soutiens en tout genre et il se donnait juste le temps de préparer le discours qui viendrait annoncer les modalités d’un nouveau ruissellement d’interdits et de formulaires.
C’est ce moment-là qu’a choisi un restaurateur de Nice pour signifier son ras-le bol de la situation en décidant tout simplement de braver les interdits et d’ouvrir son restaurant, sous les applaudissements et les cris de « liberté, liberté » d’un bon nombre de clients venus l’encourager.
La réaction a été immédiate. Sur les réseaux, #JeNeMeConfineraiPas à fait place à #DesobeissanceCivile.
Le restaurateur a été mis en garde à vue . Son cuisinier, étranger, va être expulsé. La machine médiatique s’est tout de suite efforcée de sortir les énergumènes les plus folkloriques pour expliquer que ce que l’on pouvait prendre pour une bouffée de révolte citoyenne était en fait un phénomène isolé provenant de la mouvance complotiste des adorateurs du grand spaghetti volant avec des casques à cornes.
Pendant ce temps-là, à l’Assemblée nationale, le gouvernement poussait sa majorité à dissoudre purement et simplement la commission d’enquête parlementaire sur la Covid le concernant, provoquant la fureur de l’opposition.
Pendant que le ministre de la Santé, Olivier Véran, tentait d’expliquer aux parlementaires que si les rapports du conseil scientifique n’étaient pas rendus publics, c’est qu’ils étaient trop techniques pour eux .
Devant un tel flottement au plus haut niveau de l’État, la question n’est plus de savoir s’il y aura un reconfinement, ni de savoir si celui-ci sera suivi d’une explosion de colère.
La question est de savoir quelle ampleur l’un et l’autre vont prendre. Il reste en effet très peu de chance que l’on évite le scénario du pire, économiquement, socialement et politiquement.
Reconfinement : la montée des oppositions
La France est clairement coupée en deux et cette fracture montre les limites du et-de droite-et-de-gauche qui tient lieu de politique gouvernementale et qui, plutôt que de réconcilier le pays, n’a fait que le diviser encore plus profondément.
De folklorique qu’elle a pu paraître au début de la crise, l’opposition à la réponse politique et sociale au problème médical et surtout organisationnel de l’État français n’a fait qu’enfler, pour être maintenant quasiment à jeu égal avec le parti de la peur et de l’interdiction.
De plus en plus de voix se font entendre pour dénoncer la fausse évidence d’une solution présentée comme étant la seule possible. Malgré le lynchage moral permanent et l’avalanche de qualificatifs dégradants dont sont systématiquement affublés les moindres opposants à la sainte parole, ce message commence malgré tout à être compris et porté par de plus en plus de Français.
Nous sommes passés en quelques mois de Didier Raoult à François de Closets … en quelques jours de Francis Lalanne à Laurent Ruquier .
En parallèle au débat d’idées, l’ineptie des mesures, la désorganisation manifeste des autorités et l’arrogance des responsables politiques, des experts et des médias sont de plus en plus mal supportées par toute une partie de la population qui se voit de plus en plus touchée par les mesures de restrictions.
Le couvre-feu ciblé ne marche pas ? Il faut instaurer un couvre-feu national. Le couvre-feu à 20 heures ne marche pas ? Il faut instaurer un couvre-feu à 18 heures. Le couvre-feu à 18 heures ne marche pas ? Il faut confiner.
Quelle sera donc la prochaine étape de cette escalade dans l’absurdité ?
Un dialogue de sourds
Cela dit, il semble que la population accepte cette rhétorique ridicule depuis quarante ans : le socialisme ne marche pas , il faut davantage de socialisme et c’est forcément la faute du libéralisme. Il n’est que trop évident qu’en termes de politique sanitaire, nous avons droit exactement au même sophisme : si les restrictions ne marchent pas, c’est parce que les Français ne respectent pas les restrictions . Il faut donc davantage de restrictions.
Un réel bras de fer s’est engagé entre l’appareil d’État et une partie de la population, cette dernière de plus en plus exaspérée par le manque d’effets malgré les efforts consentis et l’État incapable de se remettre en cause et rejetant le manque de résultats sur les supposés mauvais comportements des citoyens .
Combien de temps encore les Français vont-ils accepter d’être tenus responsables des défaillances d’un système qui est supposé les servir et non l’inverse ?
Depuis le début de la crise, le gouvernement cumule les erreurs et ce qui pouvait à l’époque paraître des choix ou des décisions malencontreuses prises devant l’urgence de la situation s’est révélé avec le temps de totales absurdités dont de plus en plus de personnes voient maintenant l’évidence.
Remettre de la raison dans ce chaos de peurs
On ne soigne pas les malades en punissant les bien-portants.
Ce n’est pourtant pas très compliqué comme principe ! Il n’y a aucun calcul, aucun égoïsme ignoble à déclarer une telle banalité !
Ce serait plutôt l’inverse : les irresponsables, les nuisibles qu’il faudrait mettre sous contrôle, ce sont les politiciens, les experts et les anonymes qui nous expliquent du matin au soir que leur comportement est irréprochable, mais que ce sont les autres qui leur voudraient du mal en faisant n’importe quoi.
Bien sûr, ces angoissés maladifs sont de bons clients pour le spectacle de l’information. Mais on ne combat pas une épidémie avec des émotions et des leçons de morale.
C’est cette musique qu’il faut faire taire de toute urgence en remettant les choses à leur place, en contredisant non seulement les politiciens qui en font l’écho, mais surtout tous ces donneurs de leçons du quotidien qui ont clairement besoin qu’on leur remette les pendules à l’heure et qu’on leur dise les yeux dans les yeux qu’il y en a assez de leur narcissisme exacerbé qui les pousse à blâmer les autres en permanence et sans aucun complexe.
L’excuse de la sidération ne fonctionne plus : cela fait maintenant un an que nous vivons dans cette situation. Cette psychologie inversée sonne de plus en plus faux…
Il est vraiment temps de prendre les choses au sérieux : apporter une réponse concrète et non pas émotionnelle au problème que la surréaction et la surévaluation ont largement contribué à exacerber.
L’impasse du reconfinement
Les innombrables ratés dans la communication, la stratégie, l’organisation, sur les masques, les tests, l’équipement des hôpitaux, puis maintenant sur les vaccins ne font en fait que cacher le fond du problème et celui-ci est d’un ordre bien plus grave.
Pour quels résultats sommes-nous en train de sacrifier le pays tout entier, la jeunesse et les entrepreneurs en premier lieu ?
Clairement pas pour investir dans le futur. Le monstrueux coût économique , budgétaire et social est tout entier consacré au colmatage du navire qui fuit de partout et en premier lieu sert à honorer un contrat dont toute une partie de la population est exclue.
Plus grave, il paraît de plus en plus évident que le poids des défaillances du système de santé est justement supporté par ceux n’y ayant pas accès ou qui ne l’utilisent pas : les lycéens, les étudiants, les indépendants, les précaires, les commerçants…
Le pays découvre dans la douleur que la solidarité nationale ressemble en réalité à une distribution savante de privilèges destinés à certaines catégories : les salariés des grosses entreprises, les retraités aisés, les fonctionnaires, voire les écoliers… tous ceux pour qui la question de la fin du mois ou de l’avenir n’est pas une source d’angoisse permanente. Les mêmes qui réclament à tue-tête un reconfinement, car quatre semaines de reconfinement, ce sont quatre semaines de vacances payées aux frais de la princesse.
La précarité des autres trouvait jusqu’à présent sa compensation dans la liberté : la liberté d’être son propre patron, de diriger son travail comme on le veut, celle de pouvoir découvrir le monde à l’adolescence, de choisir son avenir, celle de réaliser ses passions, de créer, de vivre…
Que reste-t-il de ces libertés ? Quel avenir ont-ils devant eux ? Quand tout cela s’arrêtera-t-il ?
Ceux-là sont en train de se demander si vraiment tout cela pourra s’arrêter un jour sans qu’ils ne fassent entendre leur voix. Et dans ce pays, on a énormément de mal à exprimer son désaccord calmement…