• chevron_right

      En France, les squatteurs ont plus de droits que les propriétaires

      Armand Paquereau · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:30 · 9 minutes

    droits de propriété

    Par Armand Paquereau.

    La négation de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen

    L’article 17 de la DDHC et les articles 544 & 545 du Code civil sont désormais allègrement ignorés, contournés, bafoués. Les récentes et de plus en plus fréquentes accaparations de logements par des squatteurs, en sont l’illustration la plus spectaculaire.

    Ce phénomène qui n’est pas récent, n’a pas été pris au sérieux par les gouvernements précédents. Malgré une médiatisation importante , l’ aggravation actuelle n’incite pas le gouvernement, pas plus que les élus, à réagir pour régler ce problème grave. Ils se réfugient derrière la notion très magnanime de droit au logement pour trouver prétexte à ne pas expulser des individus qui volent impunément le bien d’autrui.

    Ce bien dont les propriétaires acquittent au trésor public des taxes foncières, des droits de cession ou de mutation permet d’abonder le grand tonneau sans fond permettant de payer des allocations de soutien social aux spoliateurs de logements.

    Ces squatteurs très bien renseignés par le site Internet « Guide juridique de l’occupant sans titre » s’organisent pour profiter gratuitement et pratiquement sans risque d’un logement et de son contenu, (un meublé gratuit !) pour une durée variable.

    En effet, si la loi prévoit un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour occupation illégale du bien d’autrui, cette sanction est très rarement appliquée car les prisons sont encombrées et les allocations perçues par les squatteurs sont insaisissables.

    Et quand la force publique est enfin requise après des mois de procédure, celle-ci est réticente à exécuter l’expulsion qui doit être suivie d’un relogement. Le « bon » squatteur préférera squatter un autre logement plutôt que devoir payer un loyer !

    Vers une « soviétisation » de la propriété ?

    La loi du 3 janvier 1992 déclare que l’eau fait partie du bien commun de la nation. Cependant, l’article 641 du Code civil dispose que tout propriétaire dispose des eaux pluviales qui tombent sur son fonds, ainsi que des eaux de sources qui y sont nées.  Cet article du Code civil, modifié par une ordonnance du 18 septembre 2019 devrait s’imposer comme plus récent que la loi de 1992.

    Il n’empêche qu’un propriétaire qui veut créer une réserve collinaire sur ses terres pour collecter les eaux de ruissellement hivernales, régulant l’excédent qui provoque des crues dévastatrices, ne peut le faire sans « l’agrément » des services administratifs, eux-mêmes soumis à l’agrément des associations environnementalistes.

    Ainsi, l’opinion qui approuve sans réserve la collecte et la mise en réserve de l’eau qui tombe sur les toitures, s’offusque et s’oppose le plus souvent contre le stockage de celle qui tombe sur les champs.

    Ainsi, au prétexte que l’eau appartient à tout le monde, on préfère laisser partir à la mer une eau de pluie si précieuse qui pourrait, par l’irrigation, lutter contre les dégâts des sécheresses estivales, permettant de réguler les récoltes en quantité et en qualité pour le bien commun.
    L’eau, bien commun, ne doit plus être utilisée comme propriété individuelle, même si la finalité est le bénéfice commun !

    Les prospectives des conseils gouvernementaux vont plus loin

    Mais la réflexion pour collectiviser les biens privés n’a pas de limites. Si l’air est depuis longtemps considéré comme un bien commun, les limites de propriété étant difficiles à définir, et étroitement surveillées pour des questions de salubrité publique, il est aussi prétexte à taxation (CO2) et restrictions (vignette Crit’Air) qui sont autant d’atteintes à la libre disposition des biens privés.

    Les besoins budgétaires incitent les têtes pensantes des gouvernements à réfléchir sur de nouvelles mesures pour éponger la dette abyssale de la nation. Ainsi France Stratégie , think tank ayant succédé au commissariat au plan récemment régénéré par la nomination de François Bayrou, proposait en 2017 de :

    Rééquilibrer comptablement le bilan patrimonial de l’État, par la voie d’un transfert d’actifs depuis le bilan des agents économiques privés résidents […] L’État décrète qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels, à hauteur d’une fraction fixée de leur valeur, et que ce nouveau droit de propriété est désormais incessible.

    Non seulement cette proposition envisage de spolier les propriétaires d’une partie du terrain qui supporte leurs constructions, mais elle ne propose aucune indemnité, en infraction totale avec l’article 545 du Code civil. Plus encore, elle envisage l’obligation du paiement d’un loyer annuel sur la partie du sol accaparée par l’État.

    Le propriétaire, qui s’acquitte déjà des taxes et impôts qui normalement donnent obligation à l’État d’apporter ses protection et garantie, devient locataire et les loyers impayés éventuels seront retenus lors de la future cession de l’immeuble.

    À l’issue d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale le 27 novembre 2019 par les députés Dominique Potier, Jean-Michel Clément et Jean-Bernard Sempastous, un appel pour une nouvelle loi foncière a été signé par 17 organisations (collectivités territoriales, syndicats agricoles, ONG…). Parmi les neuf mesures proposées, figure en premier plan :

    Inscrire dans la loi le principe selon lequel le sol , comme les autres ressources naturelles, est un « élément du patrimoine commun de la Nation. »

    Cela aura-t-il comme conséquence la dépossession de leurs terres pour les propriétaires ruraux ? Les bailleurs ruraux seront ils privés de leurs fermages ? Les citadins pourront-ils accéder en tout temps et en tout lieu dans les champs agricoles, comme les seigneurs du Moyen Âge, pour des randonnées de loisirs sans avoir à répondre des dégâts aux récoltes ?

    Une nationalisation masquée ?

    L’État-providence se trouve confronté à une impossibilité mathématique. La production nationale ne suffit plus à équilibrer la masse monétaire qu’il distribue pour soutenir l’économie et aider les plus démunis à survivre. S’il continue à distribuer de l’argent qu’il n’a plus, il risque le défaut de remboursement de ses dettes ; s’il cesse de soutenir l’économie et les citoyens, ce sera le chaos, puis la guerre civile.

    Comme il ne peut pas augmenter les impôts pour alimenter ses dépenses, pour rassurer ses créanciers il rééquilibre son bilan. Il regonfle son actif en s’accaparant les actifs de ses citoyens. Les actifs immobiliers ne pouvant se délocaliser sont les premiers visés. Il réalise ainsi un objectif progressiste d’égalité. Pourquoi des citoyens seraient-ils propriétaires et profiteraient d’une rente de situation ?

    Ce rééquilibrage ne tiendra qu’un temps : quand une société distribue plus qu’elle ne produit, la finalité est inéluctablement dans un premier temps l’appauvrissement, puis la faillite. Ainsi, les solutions envisagées vont dilapider en peu de temps des richesses ayant mis des générations à se construire. Un bien est généralement mieux entretenu par celui qui a peiné pour le construire ou l’acquérir que par celui qui l’utilise.

    Comme les solutions proposées ne règlent pas le problème de la production nationale et le déséquilibre de la balance commerciale, et que ce rééquilibrage de bilan ne sera que d’effet temporaire, quelles seront les prochaines propositions ? Confisquer l’épargne des citoyens-fourmis pour la distribuer aux citoyens-cigales ? Cela est déjà prévu par la loi Sapin 2

    Il est temps de rétablir l’ordre et le respect d’autrui et de son bien

    L’Homme est ainsi fait qu’il préfère la carotte au bâton. Le citoyen qui peine chaque jour à produire de la richesse consent à partager le fruit de son travail par le biais de l’impôt. C’est ainsi que la société a progressé en confort, en justice sociale . Grâce à la démocratie, l’État se doit de garantir l’équité, la sécurité et la pérennité de la paix sociale.

    Mais on ne peut que constater chaque jour un peu plus la dégradation de ces critères. J’avais dénoncé dans un précédent billet la position ambiguë de l’État face aux dégradations et à son laxisme dans le maintien de l’ordre public.

    Comment un citoyen peut-il investir ses économies dans l’immobilier si la loi ne lui permet pas de préserver son bien contre la spoliation, les dégradations et la voyoucratie ?

    Comment un paysan peut-il continuer à produire de la nourriture quand des individus s’attaquent à ses animaux, sabotent ses installations d’irrigation ?

    Comment un commerçant peut-il exister quand à chaque manifestation son magasin est pillé, vandalisé, incendié ?

    Comment le salarié peut-il continuer à se lever chaque matin pour aller travailler et payer par ses impôts les allocations sociales du voyou qui a brûlé sa voiture ?

    La loi a imposé le soutien aux citoyens défavorisés, malchanceux, et c’est heureux. La majorité d’entre eux ont assez de sens civique pour respecter la loi et ses concitoyens. Mais la jurisprudence a supprimé tous les moyens de coercition efficace pour dissuader ceux d’entre eux qui se livrent à des actes inacceptables et destructeurs.

    On ne met plus en prison les délinquants même récidivistes, on laisse en liberté surveillée des individus dangereux qui peuvent égorger malgré le bracelet électronique, on ne peut pas diminuer ou supprimer les allocations ou subsides sociaux aux agresseurs, pilleurs de magasins ou brûleurs de voitures…

    Bref, si on est bénéficiaire de minimas sociaux, si on a peu ou rien, on peut voler, détruire, agresser… la punition est hypothétique ! Si on n’a rien, on a tous les droits !

    Et malheur à celui qui, attaqué, a l’audace de se défendre … S’il prend le dessus, blesse ou tue son agresseur, tout sera fait pour lui retirer le bénéfice de la légitime défense et s’il a du bien, on le fera payer !

    Cet article a été publié une première fois le 30 septembre 2020.

    • chevron_right

      Les propriétaires étouffés par les réglementations

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 04:40 · 5 minutes

    réglementations

    Par Adrien Boros.
    Un article de l’Iref-Europe

    Une histoire banale. Elle se situe dans un immeuble modeste d’une ville moyenne. Il s’agit d’un petit logement avec un petit loyer. Ayant été occupé pendant des années, il est aujourd’hui en mauvais état. Au départ du dernier locataire, le propriétaire décide d’entreprendre des travaux lourds de rénovation, dont notamment le remplacement de tous les châssis vitrés par des doubles vitrages, l’isolation des murs, la mise aux normes de l’électricité, etc.

    Cette démarche était contraire à l’avis des agents immobiliers ayant visité l’appartement, ils ont souligné que cet investissement ne pourrait être amorti avant 20 ou 30 ans. Peu importe. Notre propriétaire n’est pas un professionnel de l’immobilier, il est peu argenté mais scrupuleux, et tenait à remettre sur le marché un logement mieux que simplement « digne » comme on dit actuellement. Il le souhaitait vraiment agréable à vivre pour ses futurs locataires.

    Même après des travaux, on ne décide pas d’une augmentation de loyer !

    À la fin des travaux, dont le coût s’éleva finalement à environ 15 % de la valeur du logement (!), le propriétaire passe en revue les diagnostics obligatoires (65 pages d’informations), choisit un des nombreux modèles de « bail de location » existants (22 pages), annexe à celui-ci un extrait du règlement de la copropriété (15 pages), prépare le formulaire d’état des lieux et, enfin, publie une annonce pour la location.

    Cependant, vu l’investissement réalisé, il augmente le loyer de ce qu’il considérait comme raisonnable : 5 %.

    À ce moment, des amis bien informés attirent l’attention de notre propriétaire un peu aventureux sur le fait qu’on ne décide pas ainsi, comme on veut, d’une augmentation de loyer.

    A-t-il vérifié par exemple, les loyers pratiqués dans les environs pour des biens équivalents ? Et le rapport entre le montant des travaux et le montant annuel des loyers, est-il d’au moins 15 % ? Et puis il y a les zones où les loyers sont plafonnés ou bien encadrés…

    Enfin, manque de chance, notre propriétaire découvre angoissé que son logement se trouve en « zone tendue », zones dans lesquelles aucune augmentation de loyer n’est autorisée (sont concernées actuellement 1149 communes dans 28 agglomérations).

    Il se dit qu’il aurait mieux fait de s’abstenir de vouloir trop bien faire… Mais il découvre aussi qu’il existe de nombreuses clauses permettant de déroger à cette interdiction absolue, et l’une d’elles justement lui convient parfaitement : « Si le montant des travaux réalisés est au moins égal à la dernière année de loyer, celui-ci pourra être fixé librement ».

    Ouf ! Ses travaux représentent près de trois années de loyer !… Hélas, soulagement de courte durée. Cette règle était applicable jusqu’au 1er janvier 2021.

    Depuis, aux règles précédentes s’en ajoute une autre : les travaux réalisés doivent aussi permettre un abaissement de la consommation d’énergie en dessous de 331 kwh/m2/an. Nouvel ouf victorieux : les travaux d’isolation entrepris et la mise en place de doubles vitrages permettront de prouver la baisse de consommation et donc justifier l’augmentation du loyer… J’espère que vous suivez…

    Normes, réglementations, absurdités administratives : tout est conçu pour décourager le propriétaire

    Juste un petit problème… sans clause dérogatoire cette fois ! Le calcul ci-dessus doit être réalisé par une personne agréée, disons un diagnostiqueur. Notre propriétaire confiant, croyant que cette ultime démarche lui permettra enfin de boucler son dossier, s’adresse à celui qui était intervenu dans ce logement et avait indiqué sur son document « DPE vierge ». Pourquoi vierge ?

    Il explique donc au technicien en question qu’il a besoin d’un certificat indiquant la classe D ou E (correspondant à une consommation inférieure à 331 kwh/m2/an) et s’entend dire que dans les immeubles d’avant 1949 on ne calcule pas les consommations et les déperditions thermiques en fonction des isolations réalisées et des matériaux utilisés, mais… des consommations effectives des années précédentes ! Et c’est pour cela d’ailleurs que le diagnostic est « vierge » car le diagnostiqueur n’avait pas accès aux factures du dernier locataire.

    « Mais justement, je ne veux pas constater le passé (qui forcément est mauvais, et qui a conduit à la réalisation des travaux !) , je veux prouver que les travaux réalisés remplissent les conditions requises pour atteindre la consommation demandée réglementairement ! » s’énerve notre bailleur. Comment faire alors pour apporter le justificatif du respect du nouveau plafond de consommation ? « Attendez un an » fut la réponse…

    Donc, vous faites effectuer des travaux pour économiser l’énergie, vous louez pendant un an avec l’ancien loyer, vous faites faire un nouveau diagnostic (entre 200 et 250 euros et en espérant que le locataire n’a pas volontairement ou frileusement augmenté le chauffage au maximum pour ainsi fausser l’analyse) et, fort du bon constat cette fois, vous proposez au locataire déjà en place de bien vouloir accepter une augmentation de loyer… qu’il pourra contester avec beaucoup d’arguments !

    À l’heure qu’il est, plutôt que de louer dans ces conditions, notre propriétaire désespéré a préféré mettre son logement en vente. La morale de l’histoire est que, si on veut décourager les propriétaires bailleurs de faire des travaux d’isolation , il existe maintes possibilités pratiques (pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt, voir par exemple la complexité du calcul en fonction des matériaux isolants thermiques utilisés, leur épaisseur et leur mise en œuvre). Pour les encourager, il n’existe que beaucoup de beaux discours…

    Sur le web

    • chevron_right

      Pénurie de logements : cessons les mesures qui pénalisent les investisseurs

      Institut Économique de Montréal · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 31 January, 2021 - 04:40 · 2 minutes

    logements

    Par Olivier Rancourt.
    Un article de l’Institut économique de Montréal

    Suite à la pénurie de logements abordables à Montréal, certaines voix se lèvent pour exiger un gel des loyers par le gouvernement. Bien que l’intention derrière cette demande soit noble, cette dernière rate la cible. Une telle mesure aurait des conséquences néfastes pour les foyers à faibles revenus et ne ferait qu’empirer la crise du logement à Montréal.

    Revenons aux principes économiques de base

    Lorsqu’il y a une pénurie, c’est que la quantité demandée excède la quantité offerte sur le marché. Il y a donc une pression à la hausse sur les prix pour venir rééquilibrer l’offre et la demande .

    Le cas des logements à Montréal ne fait pas exception. S’il manque de logements, il faut se tourner vers des réformes qui vont augmenter les investissements en immeubles locatifs, donc l’offre.

    On ne règle pas une pénurie en instaurant un contrôle des prix , cela ne fait que l’amplifier. En diminuant le retour sur investissement des immeubles locatifs, on  pousse plutôt l’offre à diminuer, accentuant ainsi la pénurie.

    Il faut donc plutôt rendre l’investissement dans les immeubles locatifs plus intéressant face aux autres alternatives. Montréal devrait instaurer des mesures qui facilitent la vie des propriétaires et investisseurs potentiels.

    Par exemple, les hausses de taxes à répétition dans les grandes villes diminuent les faibles marges de profits des propriétaires. Il faut y mettre un terme. Les permis de construction difficiles à obtenir sont aussi un exemple de mesures accentuant la pénurie de logements.

    Favoriser les investissements

    Il est grand temps que le gouvernement du Québec et la ville de Montréal agissent de façon concrète pour établir un cadre fiscal et réglementaire favorable aux investissements, afin de pouvoir minimiser de façon durable les dommages économiques liés à la pénurie de logements.

    Ce n’est pas en exigeant des entrepreneurs de construire des logements sociaux dans les nouveaux développements, ou en limitant les expulsions en cas de non-paiements , que l’investissement dans l’immobilier deviendra plus intéressant.

    Il faut arrêter l’hémorragie, en mettant fin aux mesures qui pénalisent les investisseurs et, indirectement, les locataires.

    Sur le web

    • chevron_right

      Frais de notaire : une autre exception française

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 22 January, 2021 - 04:25 · 5 minutes

    notaire

    Par Gabriel Collardey.
    Un article de l’Iref-Europe

    Selon l’INSEE, entre 2017 et 2019, les prix des logements anciens en France ont crû de 3 % par an. Avec la variable du Coronavirus les deux premiers trimestres de l’année 2020 n’ont pas échappé à une augmentation nette des prix immobiliers : 4,9 % pour le premier trimestre et 5,7% pour le second trimestre. Ce dynamisme est porté par une offre de logements anciens inférieure à la demande.

    Mais le coût affiché d’un bien sur le marché ne rend pas compte de tous les frais qu’engendre l’achat d’un logement. L’État et les prélèvements obligatoires ne sont jamais loin. En effet, pour tout achat de logement, ancien ou neuf, les « frais de notaire » s’imposent dès la signature du contrat de vente, à destination de l’acquéreur. Derrière cette appellation générale assez trompeuse se cache le fisc, toujours prompt à taxer dès que faire se peut.

    Comprendre ce qui se cache derrière les frais de notaire

    Il ne faut pas se laisser abuser par la terminologie de la formule « frais de notaire », car s’ils doivent bien être payés au notaire, la majeure partie de ces frais ne lui est pas destinée.

    Les frais de notaire se décomposent en deux parties :

    • Les droits de mutation ou frais d’enregistrements représentant environ 85 % des frais de notaire.
    • La différence perçue par le notaire comprent ses honoraires et le remboursement des formalités engagées pour la cession du bien.

    Au total, pour les acquéreurs et selon les départements, les frais de notaire représentent entre 7,7% et 8 % du prix d’achat. Mais regardons de plus près le détail des droits de mutation ou de frais d’enregistrement.

    Ceux-ci représentent 5,8 points des frais de notaire, dont 4,5 points sont une taxe départementale et 1,2 point de taxe communale (exemple pour l’achat d’un bien à Paris), plus une contribution de 2,37 % de la taxe départementale à l’État. Les frais de notaire restants se répartissent entre la TVA et la sécurité immobilière.

    Une charge importante pour les acquéreurs

    Jusqu’à une loi de 2013, les droits d’enregistrement dus au département étaient plafonnés à 3,8%. Cependant, à partir de 2014, ce plafond est passé à 4,5 %. Il va sans dire que les départements se sont empressés de relever les taux. En 2020, tous les départements français imposaient ce taux de taxation à l’exception des départements de l’Isère, l’Indre, le Morbihan et Mayotte.

    Ce coût supplémentaire doit être considéré par tout acheteur avant de faire une offre. Prenons l’exemple d’un couple avec deux enfants qui souhaite acheter dans les Yvelines : pour une maison d’un coût de 750 000 euros, ils devront s’acquitter de 45 772 euros de taxes et de 7360 euros d’émoluments de notaire. Soit un total de 53 132 euros. Ces frais supplémentaires constituent un frein important à l’achat d’un bien, surtout dans un moment de crise ou de baisse de pouvoir d’achat.

    Le candidat Macron avait promis une baisse des droits de mutation au moment de sa campagne, promesse restée lettre morte. Pire encore, depuis 2019 les départements réclament une hausse des droits de mutation afin de compenser les pertes dues à la suppression de la taxe d’habitation dont les recettes servaient à financer le RSA.

    Les droits de mutation illustrent parfaitement les politiques très françaises du tax and spend . Les acheteurs sont des contribuables comme les autres et à ce titre ils doivent payer. Quand bien même l’achat d’un bien représente un budget conséquent pour les ménages, d’autant que les frais d’agence peuvent représenter, exceptionnellement, jusqu’à 10 % du prix d’achat, faire supporter toujours plus de taxes sur les acteurs économiques, semble une logique sans fin de nos politiques.

    Une nouvelle exception française

    Nous sommes globalement aujourd’hui les champions du monde des prélèvements obligatoires parmi les pays de l’OCDE, et « seulement » deuxième pour les seuls droits de mutation, selon un rapport de l’OCDE paru en 2018.

    Parmi nos voisins, seule la Belgique fait pire avec des frais d’enregistrement (ou droit de mutation) s’élevant à 12 %. A contrario , le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, les pays les plus libéraux en Europe, appliquent des droits de mutation de l’ordre de 2 %. En Allemagne, il faut compter entre 2,5 % et 6 % selon les landers. Ce calcul étant effectué sur un bien ancien d’une valeur de 200 000 euros, d’après une étude de Fidal.

    Cette fiscalité indirecte très appréciée de nos politiques car peu visible pour beaucoup d’électeurs frappe aussi de façon assez hasardeuse des contribuables au gré des circonstances. Car l’achat de l’habitation principale notamment n’est évidemment pas toujours un achat plaisir voire un choix mais souvent une contrainte générée par les mutations professionnelles, les modifications de régime familial ou l’agrandissement du foyer. À ce titre, elle présente donc aussi une grande part d’iniquité.

    D’autant que le coût de l’accès à la propriété, augmente d’année en année, à cause d’un marché saturé et en hausse structurelle depuis 2000, auquel s’ajoutent les frais de notaire. Il va sans dire que l’augmentation des taux plafonds de 2014 ne sera sans doute pas la dernière, devant les pressions exercées par les collectivités territoriales (notamment la maire de Paris).

    Ces droits de mutation sont d’autant plus intolérables et excessifs qu’ils s’ajoutent à l’Impôt sur la Fortune Immobilière, jusqu’à 1,5 % par an de la valeur des biens, aux droits de succession jusqu’à 45 % en ligne directe et 60 % entre tiers, aux impôts foncier et d’habitation, à la CSG et à l’impôt sur le revenu sur les loyers et les plus-values.

    Ce qui fait que la France a l’une des fiscalités sur le patrimoine immobilier parmi les plus élevées du monde : en 2018, les impôts sur le patrimoine représentaient 4,1 % de notre richesse nationale, soit une part deux fois plus élevée que la moyenne internationale (1,9 %).

    Sources :

    • Agence-étoile, Droits de mutation et « frais de notaire », 17 septembre 2017
    • Commissariat général au développement durable, Hausse des droits de mutation : quel impact sur le marché de l’immobilier ? Ministère de l’Écologie, décembre 2017.
    • Institut de l’Épargne immobilière et foncière, La France championne d’Europe de la fiscalité immobilière, 23 octobre 2014
    • Notaire de France, Marché immobilier : tendance et évolution des prix de l’immobilier, 28 octobre 2020
    • Rapport OCDE, Impôt sur le patrimoine, 2020
    • Simulation des frais de notaire, effectuée sur Immobilier.notaires.fr
    • Fédération des promoteurs immobiliers de France, étude sur la fiscalité immobilière en Europe, Fidal, 2014

    Sur le web