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      Covid-19 : la fausse solution de Québec solidaire

      Pierre-Guy Veer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 4 February, 2021 - 03:50 · 3 minutes

    covid

    Par Pierre-Guy Veer.

    Au Québec , il n’existe aucun parti libéral digne de ce nom qui questionne un tant soit peu l’État byzantin. Mais un seul parti affiche ouvertement son penchant socialiste : Québec solidaire. Sa philosophie : hors de l’État, point de salut.

    C’est particulièrement évident lors d’une sortie récente de son député Gabriel Nadeau-Dubois (GND), « scandalisé » que des interventions de chirurgie esthétique soient maintenues, et ce presque sans attente. Considérant la situation virale actuelle, il propose évidemment la saisie de ces salles d’opérations pour soulager l’engorgement des hôpitaux dû à la covid.

    Une telle sortie de GND n’est nullement surprenante. Ancien activiste étudiant croyant que l’argent pousse dans les arbres, il pense que les 50 dernières années d’administration publique désastreuse de la santé sont une aberration statistique.

    En effet, le budget provincial alloué à la santé n’a cessé d’augmenter. Il a nominalement triplé depuis les coupures effectuées au milieu des années 1990. Lors du dernier budget, la Santé occupait plus de 43 % des dépenses de programme, avec une augmentation annuelle moyenne de plus de 5 %.

    Et pourtant, les listes d’attente ne raccourcissent pas. En juillet 2018 , l’attente pour consulter son médecin de famille était de 371 jours. Ces médecins sont tellement débordés que l’inscription de 75 000 personnes a été refusée.

    Si on ajoute en plus la Covid-19, en faveur duquel les chirurgies « non urgentes » sont reportées ou annulées, les listes d’attente ne peuvent que s’allonger encore plus.

    Covid : l’erreur fatale du tout-public

    Ce n’est donc pas en contraignant les services privés à effectuer des opérations relevant du secteur public que le problème se réglera – ni en taxant les entreprises qui « ont profité » de la pandémie de covid.

    C’est plutôt en opérant un changement radical de la considération des patients dans les hôpitaux. Comme le rappelle l’IÉDM , dans des hôpitaux tout-public ils constituent une dépense. Il faut donc rationner les dépenses pour éviter de défoncer les budgets.

    Mais dans un établissement privé, les patients sont considérés comme une source de revenus. Il y a donc tout intérêt à fournir un excellent service pour offrir davantage de soins – même de routine – dans le futur.

    Et le temps d’attente, quand il existe, est infinitésimal par rapport au public. Tant et si bien que des organismes publics comme la CSST (qui compense les accidentés du travail) s’orientent vers le secteur privé, engendrant ainsi des économies en bout de ligne : moins de temps d’attente, de compensation, etc.

    Un partenariat économe

    Si l’État doit gérer les soins de santé, orienter vers le secteur privé les patients ne pouvant se faire opérer à temps en secteur public pourrait faire économiser de précieux fonds.

    Des exemples existent déjà au Québec, notamment pour certains CHSLD (hospices) dits conventionnés : ils reçoivent des fonds publics mais sont gérés de façon privée. Aucun d’entre eux, lors d’un sondage auprès des usagers, n’a reçu de cote préoccupante, par rapport à 12 % des établissements tout-public.

    De plus, même les coûts sont plus faibles, de l’aveu même du très keynésien Pierre Fortin : 12 % pour tous les coûts, et 26 % si on considère exclusivement les coûts d’administration.

    Bref, GND aurait intérêt à sortir de sa bulle utopique et se rendre à l’évidence : dans sa forme actuelle le tout public est la seule raison pour laquelle les listes d’attente sont si longues. Plutôt que d’envier le succès du privé, il devrait plutôt l’observer et s’en inspirer.

    Mais comme une privatisation en santé est impensable, une alliance pourrait soulager le système en y orientant des patients. Depuis l’arrêté Chalouhi en 2006,  ceux qui doivent attendre pour certaines opérations peuvent être soignés dans le secteur privé et être remboursés par le service public.

    Résultat : la Belle province dépasse la moyenne canadienne pour les temps d’attente.

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      James M. Buchanan ou la politique sans fard

      Jasmin Guénette · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 30 December, 2020 - 03:30 · 4 minutes

    Par Jasmin Guénette, depuis le Canada.
    Un article de l’Institut économique de Montréal

    Parmi les économistes qui ont été nobélisés, James M. Buchanan est probablement l’un des plus singuliers. Né le 3 octobre 1919 (il aurait 97 ans aujourd’hui), Buchanan répudiait l’idée que les économistes devaient être des technocrates qui guidaient l’action gouvernementale.

    James M. Buchanan, la domination du politicien et du fonctionnaire

    Après la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale, les sociétés occidentales ont été dominées par des courants de pensée qui favorisaient un rôle très important de l’État dans l’économie. Ces courants de pensée concevaient le rôle du politicien et du fonctionnaire comme de fins mécaniciens de l’économie et de la société (d’autres diraient des technocrates — terme qui est justement né durant cette époque).

    De la même façon qu’ils avaient planifié l’économie en temps de guerre, ils allaient pouvoir planifier l’économie en temps de paix. Ces courants de pensée présentaient aussi ces acteurs publics comme étant infaillibles, insensibles aux pressions extérieures et sans préférences individuelles, en opposition à un être humain faillible dont les décisions individuelles pouvaient mener au désordre social ou aux crises.

    Buchanan, remettre l’homme politique à sa place

    Buchanan, avec son collègue Gordon Tullock, a décidé de remettre en question ces affirmations.

    Pour eux, les politiciens et les fonctionnaires sont aussi des êtres humains faillibles qui sont mus par leurs intérêts et leurs préférences. Ainsi, ils peuvent notamment se servir de l’État à des fins personnelles.

    Sur la base de cette intuition, Buchanan a publié une série d’études qui ont permis de fonder un nouveau courant de pensée appelé l’école des choix publics — l’étude des mécanismes de décisions gouvernementaux à partir de la science économique. À l’époque, c’est-à-dire dans les années 1960, cela a constitué une véritable révolution dans le monde des idées. L’objectif était scientifique : reconnaître que si les marchés peuvent être défaillants, les gouvernements peuvent l’être aussi.

    Les défaillances du Politique

    Ce raisonnement était effectivement révolutionnaire. Auparavant, si on voyait ou percevait une défaillance du marché, on concluait automatiquement qu’il fallait faire appel à l’action gouvernementale pour résoudre le problème, et que cette intervention serait nécessairement appropriée. La pensée de Buchanan revient à dire que la solution peut en fait être pire que le problème.

    La logique de Buchanan va plus loin qu’une simple critique de l’action gouvernementale a posteriori . Il a examiné comment certains problèmes sociétaux peuvent être causés par l’action gouvernementale. Dans son magnum opus The Calculus of Consent , Buchanan souligne les méfaits des politiques qui favorisent un groupe aux dépens des autres.

    Les groupes d’intérêts (comme les lobbies d’agriculteurs ou les syndicats d’employés municipaux) peuvent faire des gains importants en essayant d’influencer le pouvoir politique afin qu’il adopte des lois qui les favorisent.

    Coûts dispersés, bénéfices concentrés

    Ce qu’il faut comprendre, et ceci est un point essentiel de Buchanan, c’est que le coût des mesures que les groupes de pression favorisent sont payés par l’ensemble des contribuables. Par conséquent, le coût par personne est faible et dispersé au sein de la population en général, alors que le bénéfice pour les groupes favorisés est élevé et concentré.

    La gestion de l’offre au Canada est un exemple de ce phénomène. Pour les agriculteurs, qui sont peu nombreux, les bénéfices de ce système constituent plusieurs millions de dollars en rentes et privilèges.

    Pour les très nombreux consommateurs, le coût annuel de cette mesure représente un peu plus de 400 dollars annuellement. Ce n’est certainement pas un coût assez élevé pour inciter les consommateurs à manifester dans les rues. Par contre, du point de vue des agriculteurs, perdre des millions en privilèges est assez important pour bloquer les rues et amener son tracteur sur la colline parlementaire.

    Buchanan lauréat du « prix Nobel »

    Les contributions de Buchanan sont nombreuses et vont bien au-delà de celles discutées ici. Ses analyses étaient assez convaincantes pour lui valoir le « prix Nobel » de sciences économiques en 1986.

    Dans l’analyse que nous faisons de nos politiques publiques au Québec et au Canada, nous ne devrions jamais oublier ces enseignements importants. Au final, le processus politique est mené non pas par des êtres vertueux désincarnés, mais par des êtres humains normaux, c’est-à-dire qui ne sont pas dépourvus d’intérêts, qui ont des préférences individuelles et qui répondent aux incitations de leur milieu.

    Un article publié initialement en octobre 2016.

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