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      Hommage à Walter Williams, l’économiste libertarien

      Marius-Joseph Marchetti • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 25 December, 2020 • 10 minutes

    Walter Williams

    Par Marius-Joseph Marchetti.

    Il y a plusieurs jours, décédait l’économiste de la George Mason University, Walter Williams. J’ai vu défiler un certain nombre de tribunes en l’honneur de ce qui semble être un grand économiste ayant marqué les générations d’étudiants qui l’ont eu comme enseignant.

    Je ne peux malheureusement témoigner de la même affection ou de la même connaissance de cet homme, ami d’un autre grand économiste, Thomas Sowell . Je me permettrai donc de simplement résumer certaines des thèses de cet économiste, et notamment celles dont il nous fait part dans son livre Race and Economics dans lequel il revient sur les effets négatifs du salaire minimum, ou des octrois de patentes, comme les professions réglementées et les licences de taxi, et sur la notion de discrimination de manière générale.

    Les réglementations et l’effet Cadillac

    La théorie de l’utilité marginale permet d’expliquer l’effet de la réglementation sur les populations défavorisées. Par exemple, les octrois de licence sont moins motivés par des objectifs de santé publique et de sécurité que par la distribution de privilèges et de rente à des groupes d’intérêt voulant limiter l’accès à leur profession.

    C’est le fameux effet Cadillac : au final, seuls les ménages aisés pourront s’offrir les biens et services réglementés d’une qualité élevée, laissant les populations défavorisées se contenter de charlatans ou se débrouiller seules.

    Deux exemples reviennent souvent dans ces écrits : celui des électriciens et celui des tests pour accéder à ce que nous désignons en France sous le vocable de professions réglementées.

    Dans le premier cas, Walter Williams soulève le fait qu’il y a davantage d’électrocutions depuis que les électriciens doivent passer des tests plus élaborés pour exercer leur profession. L’offre d’électriciens étant limitée artificiellement, les prix des services ont explosé, un certain nombre de ménages ne peuvent pas financer les services de ces professionnels et font eux-mêmes les travaux nécessaires, entraînant donc une augmentation du nombre d’accidents domestiques, d’électrocutions. Un magnifique effet Cobra .

    Comme le soulève Walter Williams, est-il plus dangereux d’être dépanné par un électricien n’ayant pas obtenu les points requis à un test d’écriture, ou faire soi-même des travaux de câblage (1) ?

    Dans le second, Williams fait remarquer que la difficulté des tests augmente avec le nombre de personnes souhaitant les passer. Cela n’a rien d’étonnant, si l’on considère ces tests comme une manière de réduire artificiellement le nombre de nouveaux entrants sur le marché. De plus, une telle politique aura nécessairement un impact plus délétère encore sur les populations n’ayant pas accès à une éducation de qualité, comme les populations noires (2).

    Le cas des taxis est également significatif. Il diffère car le droit d’exercer est en lui-même une marchandise qui peut s’obtenir à un certain prix, lequel a eu tendance à augmenter de manière considérable au fil du temps et à mesure que la demande augmentait, et jusqu’à atteindre des sommets.

    Lorsque le gouvernement municipal de New-York instaura le système des medallions (équivalent des licences) en 1937, celui-ci coûtait 10 dollars (relevons le fait que le gouvernement a vendu ce droit aux 13 566 chauffeurs de taxi qui exerçaient déjà). En mai 2010, un medallion individuel coûtait 603 000 dollars et un medallion de compagnie 781 000 dollars.

    Le système des médaillons a des effets néfastes, et davantage encore lorsque la demande de course est plus importante. Lorsque cela se produit, son prix augmente pour une moindre qualité, conséquence naturelle d’un marché monopolisé (comprendre le monopole comme octroi de privilège, dans la tradition de la Common Law suivi par Murray Rothbard).

    Et comme toute politique a ses conséquences inattendues, l’édification d’un marché monopolisé en a aussi. À New-York, cela s’est naturellement traduit par des services de déplacement illégaux, les taxis gitans ( gypsy cabs ), le niveau de services n’étant pas à même de répondre à la demande, comme dans les quartiers de Harlem, Brownsville, ou le sud du Bronx.

    Le nombre de ces taxis clandestins est estimé à 30 000. Ces zones étaient peu desservies à cause de leur important niveau de criminalité, qui incitait peu les taxis à prendre de tels risques. La plupart des chauffeurs de taxi qui s’y aventurent réclament le plus souvent d’être réglés en début de course.

    Comme l’écrit Richard Marosi : « Conduire un taxi tsigane est l’un des métiers les plus dangereux de New York. Depuis 1990, 180 chauffeurs – soit une moyenne de plus de deux par mois – ont été tués en service, selon la New York City Taxi and Limousine Commission » .

    Un trs grand nombre de ces taxis clandestins étaient conduits par des Afro-américains ou des Portoricains, preuve s’il en est qu’une partie de la population pourrait gagner honnêtement sa vie sans mesures coercitives, ce qu’elle fait en faisant fi des lois monopolisantes.

    Walter Williams et le salaire minimum :  juger sur les effets plutôt que sur les intentions

    Le salaire minimum est un sujet épineux du point de vue populaire et en même temps l’un des sujets sur lequel les économistes ont en général le moins de divergences.

    Dans Race and Economics , Williams nous donne un autre point de vue et argument contre celui-ci. Il montre notamment que les syndicats ont d’abord voté les lois sur le salaire minimum pour empêcher les travailleurs noirs de concurrencer les travailleurs blancs.

    Ne jugez pas une politique sur ses intentions, mais sur ses effets. Le salaire minimum a en effet empêché ceux-ci de faire jouer les prix pour pallier les effets non-monétaires, comme la préférence raciale, ce que Walter Williams nomme les monetary compensations .

    Dans une situation où les employeurs sont contraints de choisir sur des seuls critères non-monétaires, les choix d’embauche motivés par des critères raciaux sont favorisés, avec comme conséquences un chômage, déjà plus élevé de manière générale, et plus encore pour les populations noires.

    « La loi sur le salaire minimum a imposé un préjudice incalculable aux membres les plus défavorisés de notre société. L’absence de possibilités de travail pour de nombreux jeunes ne signifie pas seulement l’absence d’argent de poche. Les premières possibilités de travail offrent bien plus que cela : des indications importantes sur la manière de trouver un emploi et d’adopter une attitude appropriée à l’égard de ces deux éléments, la ponctualité et le respect de la supervision sur le lieu de travail. Les leçons de ce type apprises sur n’importe quel emploi contribuent à faire d’un jeune un travailleur plus précieux et plus performant à l’avenir. En outre, les premières expériences professionnelles donnent aux jeunes la fierté et l’estime de soi que procure la semi-indépendance financière. Cela est encore plus important pour les jeunes Noirs, dont un nombre disproportionné grandit dans des foyers dirigés par des femmes et fréquente les pires écoles du pays. S’ils doivent apprendre des leçons liées à l’emploi, beaucoup d’entre eux le feront par le biais d’un emploi . » Walter Williams, Race and Economics: How Much Can Be Blamed on Discrimination ? – page 56

    Le marché permet à chacun de faire valoir ses préférences

    Le professeur Williams prend le soin de faire la différence entre le mécanisme politique et le mécanisme de marché.

    Dans le premier cas, les minorités ne peuvent voir leur préférence satisfaite, à moins de gagner une majorité ; et si c’est le cas, elles n’ont droit qu’à un seul vote et ne peuvent pas faire sentir le poids de cette préférence.

    Qui plus est, plus les décisions politiques sont prises à un niveau éloigné de la base, plus leur poids est dilué. L’arène politique est donc très loin de garantir que vos préférences seront respectées, d’autant plus lorsque les décisions se prennent à un niveau national.

    Le professeur Williams illustre ensuite le second mécanisme à l’aide d’un contraste saisissant : quiconque se promène dans une localité avec une forte proportion de population afro-américaine y verra des personnes portant de beaux vêtements, conduisant de belles voitures, et même quelques belles maisons. Mais aucune école décente. Pourquoi ?

    La réponse est fournie simplement par la manière dont les vêtements, les voitures, les logements et les écoles sont alloués. Les premiers le sont via le mécanisme de marché, les secondes via le processus politique, en grande partie du moins.

    Si un client n’est pas satisfait du bien ou du service qu’il achète, il peut simplement bannir le producteur auprès duquel il s’est fourni en allant en voir un autre. Si un acheteur (contribuable) n’est pas satisfait de l’école où ses enfants sont scolarisés, il n’a pas cette option, surtout s’il réside dans une localité défavorisée. Sa seule option est de s’installer dans une localité disposant de meilleures écoles.

    Williams fait d’ailleurs remarquer que les quelques écoles de bonne qualité dans les localités afro-américaines à faible ou moyen revenu sont des institutions privées, comme Ivy Leaf à Philadelphie, Marcus Garvey à Los Angeles et Marva Collins Prep à Chicago (3).

    D’autres sujets importants sont abordés par Williams, comme la discrimination et ce qu’elle implique ; ou la situation des structures familiales des populations noires sous l’esclavage et dans un État-providence. Cela mérite cependant un traitement annexe.

    N’oubliez pas ceci : la prochaine fois que quelqu’un vous demande ce que feraient les pauvres et les défavorisés sans l’aide de l’État et des syndicats, faites-lui lire Race and Economics et répondez-lui qu’il amélioreraient leur sort.

    Notes :

    (1). « L’entrée (sur le marché) restreinte par le biais de l’octroi de licences place les personnes défavorisées face à un handicap grave sans nécessairement améliorer la qualité des services reçus par le consommateur, le bénéficiaire ostensible de la réglementation. En fait, une étude a montré qu’il existe une relation significative entre l’octroi d’une licence professionnelle et le nombre de décès accidentels par électrocution : plus l’examen d’État pour l’obtention d’une licence d’électricien est rigoureux, moins il y a d’électriciens et plus les services d’un électricien sont chers ; par conséquent, plus les amateurs sont disposés à entreprendre des travaux de câblage électrique et à risquer l’électrocution au cours du processus. Les licences professionnelles produisent également ce que les auteurs Sidney Carroll et Robert Gaston appellent « l’effet Cadillac ». En insistant sur des conditions d’entrée strictes, la délivrance de licences permet d’offrir des services de haute qualité aux personnes à revenus élevés. Mais les personnes à faibles revenus, qui ne peuvent pas se permettre de payer les prix plus élevés, sont obligées de se passer de ce service, de faire le travail elles-mêmes ou de s’en remettre à des charlatans peu coûteux et sans licence. » Williams, Walter E. Race & Economics: How Much Can Be Blamed on Discrimination ? – page 79 – Hoover Institution Press Publication.

    (2). « Il est prouvé que la licence professionnelle est utilisée d’autres manières qui handicapent les minorités, par exemple lorsque les praticiens en place tentent de protéger leurs revenus face à un marché atone pour leurs services. Le professeur Alex Maurizi a étudié les relations entre un tel marché des professions réglementées et le taux de réussite aux examens, et il a constaté que la demande excédentaire expliquait une partie substantielle et statistiquement significative du taux de réussite. Lorsque le taux de chômage était élevé dans le secteur des professions réglementées, le niveau de difficulté de l’examen augmentait afin de réduire le nombre de nouveaux arrivants. Il est évident qu’une telle technique visant à protéger les revenus des titulaires aura son impact discriminatoire le plus important sur les groupes de la population qui ont eu une éducation de moindre qualité. Les minorités sont représentées de manière disproportionnée dans une telle population. » Walter Williams, ibid.

    (3). Walter Williams, ibid, page 3.

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      Consommation de drogue : si on sortait du tout répressif ?

      Frédéric Mas • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 24 December, 2020 • 3 minutes

    Consommation de drogue

    Par Frédéric Mas.

    Depuis ce mardi 1er septembre, les fumeurs de cannabis pris sur le fait seront passibles d’une amende forfaitaire de 200 euros. Si l’amende est réglée dans les 15 jours, elle est ramenée à 150 euros. Si, au contraire, le consommateur attend au-delà de 45 jours, son amende s’envole à 450 euros.

    La décision a été prise par Jean Castex courant juillet pour lutter « contre les points de revente qui gangrènent les quartiers » . L’exécutif a donc adopté la législation la plus répressive d’Europe afin de décourager la consommation de stupéfiants, après avoir testé la méthode dans plusieurs grandes villes comme Rennes ou Créteil.

    Une politique conservatrice

    Rien de révolutionnaire dans ce nouveau geste du gouvernement, qui ne fait au final que suivre la voie tracée par Nicolas Sarkozy depuis 2002, reprise par Gérard Collomb quelques années après. Pour combattre la consommation de drogue en France, il ne faut rien laisser passer. Seulement, jusqu’à présent, cette politique s’est révélée inefficace, et la France se situe en tête des pays les plus consommateurs de cannabis de l’Union européenne.

    Une autre politique est toutefois possible, même si elle est moins populaire chez nos édiles, car assez contre-intuitive. Plutôt que de réprimer et pénaliser les consommateurs, la légalisation du cannabis pourrait participer à assécher le marché, l’assainir et surtout le retirer des mains des mafias qui en vivent.

    La politique de répression en matière de drogue est extrêmement élevée en termes d’argent public comme de capital humain. L’État multiplie les interventions pour en rendre l’activité prohibée, que ce soit en mobilisant les agences de santé publique, les administrations et les forces de l’ordre, le tout sans que son efficacité puisse être évaluée.

    Aux États-Unis, la « guerre contre la drogue » a même participé à la militarisation de la police et la transformation de l’État-providence en une immense machine répressive 1 . Si d’aventure les multiples interdictions touchant à la drogue disparaissaient, l’appareil répressif pourrait se concentrer sur ses missions essentielles, à savoir maintenir l’ordre public et protéger les droits des individus. L’argent public pourrait être réinvesti ailleurs, par exemple dans l’amélioration du fonctionnement de la justice ou l’alourdissement des peines touchant aux atteintes à la propriété et aux personnes.

    Sortir des cartels mafieux

    En cantonnant la vente de drogue au marché noir, l’interdiction rend l’accès à l’information sur le sujet plus difficile 2 , y compris pour combattre ses aspects les plus dommageables en termes de santé. Elle transforme le marché en rentes que se partagent des mafias que la répression arrange. Celles-ci peuvent imposer leurs prix au consommateur tout comme la médiocre qualité de leurs produits.

    La légalisation de la vente et de la consommation de cannabis permettrait l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs permettant une amélioration de l’offre et un meilleur contrôle légal des produits mis sur le marché. Même en matière de santé publique, la légalisation permettrait donc d’avoir une vision globale de l’activité plutôt qu’un suivi purement répressif.

    Plus fondamentalement, c’est l’esprit paternaliste des politiques publiques répressives qui pose problème, au-delà de l’inefficacité de l’appareil bureaucratique. Dans le domaine, c’est l’intégralité du logiciel étatique français qui est à revoir pour le rendre plus favorable à la liberté individuelle.

    Article publié initialement le 1er septembre.

    1. Sur le sujet, voire notamment Christopher Caldwell, The Age of Entitlement. America since the Sixties , Simon & Schulster, 2020.
    2. Mark Thornton, The Economics of Prohibition , Univ. of Utah Press, 1991.
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      Comme prévu, l’état d’urgence sanitaire entre dans le droit commun

      Jonathan Frickert • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 24 December, 2020 • 6 minutes

    l’état d’urgence

    Par Jonathan Frickert.

    Ce lundi 21 décembre ne sera malheureusement pas à marquer d’une pierre blanche. À moins d’une semaine du début de la vaccination et alors que le président de la République fêtait ses 43 printemps, le dernier Conseil des ministres de l’année a fait un étrange cadeau de Noël aux Français.

    En vue de préparer la sortie de l’état d’urgence sanitaire le 1er avril prochain, l’exécutif a présenté le projet de loi n°3714 instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires .

    Comme nous l’anticipions depuis plusieurs mois, le gouvernement tente aujourd’hui d’introduire dans le droit commun plusieurs mesures de l’état d’urgence sanitaire, réduisant encore davantage le sort des libertés publiques dans ce pays.

    Le texte part pourtant d’une bonne intention, privilégiant l’incitation et l’anticipation à l’oppression et à la précipitation qui auront marqué cette année 2020.

    Pour pallier cette situation, il pêche toutefois par la rencontre de deux logiques : d’une part, d’un texte global ressort une mesure particulièrement liberticide ; d’autre part, l’entrée dans le droit commun de mesures initialement destinées à rester ponctuelles.

    Des mesures isolées

    Ce texte s’inscrit dans une série de trois lois suivant la même logique et que nous avons dénoncé ici même.

    Début octobre, le projet de loi contre le séparatisme a montré une volonté de l’exécutif de s’attaquer à la liberté scolaire via son article 21, relançant une nouvelle fois la guerre scolaire.

    Un mois plus tard, c’était au tour de la liberté d’information d’être attaquée par le gouvernement avec le projet de loi « sécurité globale », débattu au milieu du mois de novembre, toujours selon la procédure accélérée, introduisant un article 24 objet de nombreuses manifestations depuis un mois.

    Aujourd’hui, c’est bien cet article 1er du texte qui fait polémique.

    L’incitation plutôt que l’obligation

    Pour cause, cet article reprend la promesse élyséenne de non-obligation vaccinale , engagement sans doute destiné à ménager la méfiance des Français envers les vaccins.

    Chose rare pour être saluée, l’incitation a été ainsi été préférée à l’obligation. Elle souffre toutefois d’un problème d’échelle.

    En effet, s’il serait moralement légitime pour une entreprise privée d’accepter ou refuser qui elle souhaite, l’article 1er du texte vise à donner la possibilité au Premier ministre de décider si une personne non vaccinée ou dépistée peut ou non prendre les transports en commun, mais également se rendre dans un établissement privé comme un restaurant, élargissant ainsi les obligations vaccinales déjà en place dans la santé et l’éducation.

    La mesure rappelle fortement la proposition de la députée UDI du Nord Valérie Six de mettre en place un « passeport vert » permettant aux personnes vaccinées de se déplacer librement et qui risque de créer deux classes de citoyens.

    En d’autres termes, vous n’êtes pas obligé légalement de vous vacciner, mais si vous ne le faites pas, vos libertés seront largement restreintes, notamment au regard d’établissements publics pour lesquels vous êtes contraint de fiscalement contribuer.

    La polémique a contraint Olivier Véran à reculer sur cette mesure moins de 24 heures après le début des hostilités.

    Or, comme le notait Margot Arold dès mardi dans nos colonnes, c’est bien la globalité du texte qui vise à étendre les prérogatives gouvernementales.

    L’art de l’anticipation

    La crise sanitaire aura été un incroyable effet de loupe sur le mal français où le gouvernement, pénalisé par son appareil administratif, encadrait et réquisitionnait au mépris du bon sens, entraînant une suite de conséquences économiques, sociales et sanitaires encore mal mesurées.

    Face à son impréparation, le gouvernement a également répondu par la restriction de nos libertés les plus élémentaires : liberté de circulation, liberté de travailler, liberté d’enseignement et liberté de culte en tête.

    Ce projet de loi clôt donc une année où les mesures liberticides ont succédé aux réglementations bureaucratiques.

    Dans ce sens, le projet de loi propose de répondre au manque d’anticipation.

    Toutefois, il souffre d’une absence de bilan de ce qui s’est passé permettant de tirer des conséquences. Le projet de loi répond à chaud à quelque chose qu’il aurait fallu analyser à froid.

    Mieux encore, il pêche par une logique bien connue d’entrée dans le droit commun de mesures initialement ponctuelles.

    L’état d’urgence sanitaire : des atteintes pérennes

    C’est donc bien la pérennisation d’un régime liberticide qui est en jeu ici. Une logique que nous anticipions et dénoncions depuis plusieurs mois sur Contrepoints .

    Difficile en effet de ne pas penser à plusieurs mesures destinées elles aussi à être ponctuelles, mais qui finirent dans le droit commun, que ce soit la CRDS dont la durée de vie a été rallongée en mai dernier jusqu’en 2033 , ou encore la loi de sécurité intérieure de 2017 introduisant dans le droit commun plusieurs mesures controversées de l’état d’urgence antiterroriste dont le texte devait permettre de sortir.

    Dans cette logique, le projet de loi présenté lundi propose l’entrée dans le droit commun de plusieurs mesures ayant essaimé durant cette année. Liberté de circuler soumise à obligation de test et de traitement, extension des procédures d’isolement et de quarantaine ainsi que l‘élargissement des cas de violation du secret médical sont ainsi au rendez-vous.

    Comme dans le cas de l’état d’urgence antiterroriste, la France est désormais vouée à vivre dans un état d’urgence sanitaire permanent.

    Un espoir nommé Montpensier

    Si le libéralisme est, comme toutes les pensées, mouvant sur l’échiquier politique, les libéraux occidentaux sont généralement situés au centre de ce dernier, là où les idéologies les plus autoritaires sont aux marges.

    Il est ainsi étonnant, pour ne pas dire insolite, de voir l’inversion qui s’est opérée cette année. Les plus autoritaires sont désormais au centre, LREM et UDI en tête, tandis que les ailes plus radicales apparaissent, par pur opportunisme, plus libérales, à la manière des populistes, montés au créneau dès lundi soir, mais qui n’auraient sans doute guère fait mieux sinon pire.

    Reste à espérer une censure au moins partielle du texte. Le Conseil constitutionnel ne devrait en effet pas manquer d’être saisi, que ce soit par l’opposition ou par le chef de l’État dans un geste d’apaisement d’une gronde qui ne fait que croître.

    Le siège du Conseil constitutionnel est situé rue de Montpensier, qui doit son nom à un frère de Louis-Philippe, un des rois les plus libéraux qu’ait connu la France.

    Reste donc à espérer que l’institution garante de notre état de droit lui redonne enfin ses lettres de noblesse.

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      C’est gratuit, c’est le père Noël qui paye

      Marius-Joseph Marchetti • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 24 December, 2020 • 7 minutes

    Père Noël

    Par Marius-Joseph Marchetti.

    Le père Noël existe-t-il vraiment ? C’est une réflexion dont nous nous dispensons fort heureusement une fois adulte. Bien sûr que non ! Pourtant, il arrive que, parfois, nous agissons et pensons comme si des phénomènes similaires à la distribution de cadeaux de Noël étaient possibles.

    Le père Noël n’a pas disparu, il a changé de forme

    Lorsqu’on demande un service à l’une de nos connaissances, on ne s’aperçoit pas nécessairement que cet acte n’est pas gratuit. Or, il lui a coûté du temps. Notre ami nous a en réalité offert le temps dont il aurait pu disposer autrement. Il supporte un coût d’opportunité pour ce service.

    Ce coût d’opportunité représente le renoncement d’un individu pour un autre acte, moins préféré que celui actuellement accompli. Prenons donc ce service pour ce qu’il est, une preuve d’affection et de préférence pour votre bonheur.

    Ce n’est bien évidemment pas une critique, une invitation à ne pas faire plaisir à nos proches et à autrui. Par le don que nous faisons à autrui, nous obtenons et espérons aussi obtenir la satisfaction de voir l’autre satisfait, heureux du cadeau qu’on lui a offert. Nous tenons cependant à rappeler que ce don de soi (littéralement) n’est jamais gratuit, loin de l’opulence du jardin d’Éden.

    C’est pareil pour un cadeau matériel. Quand nous recevons un bien, il ne nous a rien coûté mais il a été une peine supplémentaire pour celui qui nous l’a offert. Cette peine n’est pourtant pas visible pour celui qui en profite. Il souffre d’une illusion. Il y a toujours ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas. Lorsqu’on voit le chèque tombé du ciel, on ne voit pas nécessairement le travail et le sacrifice endurés pour celui-ci, car nous ne l’avons pas supporté nous-mêmes.

    Première leçon d’économie

    La première leçon de l’économie est celle de la rareté : nous n’avons jamais assez de tout pour satisfaire entièrement les besoins de chacun. Et en politique, la première leçon est de ne pas tenir compte de la première leçon de l’économie – Thomas Sowell

    Certains économistes, notamment ceux de l’école du choix public, pensent que les contribuables sont dans une situation qui ressemble à la réception d’un cadeau. Ils souffrent d’illusion fiscale , car ils ne s’aperçoivent pas réellement du coût des politiques publiques, par exemple à cause de la création monétaire ou du déficit public.

    Lorsqu’un homme politique écrit « Nous allons embaucher 600 000 fonctionnaires, valoriser tel ou tel secteur » , il n’écrit jamais : « Ces dépenses supplémentaires seront couvertes par tel nouvel impôt, ou par telle suppression de dépense ». Il y aurait une levée de boucliers, ou un moins grand consensus.

    Pourtant, c’est comme cela que cela doit se faire dans un monde de ressources rares, qui n’est pas le jardin d’Éden. Et si ce n’est pas le cas, cela doit se faire par l’inflation ou le déficit. Mais quelqu’un a-t-il déjà entendu un politicien dire : « Votre monnaie aura moins de valeur et ce seront vos enfants qui rembourseront » ? Je pense que vous avez déjà la réponse.

    Ou alors, certains diront « C’est la croissance future qui couvrira ces dépenses » . Prévision de croissance qui sera bien sûr surestimée en vue de garantir des dépenses supplémentaires, ce que John Burton nomme le hump effect 1 .

    Père Noël, toujours plus de cadeaux

    En l’absence d’une réelle transparence, les contribuables sont incités à demander toujours plus de cadeaux au père Noël, cadeaux qu’ils n’apprécieront peut-être pas, puisqu’ils ne les ont pas choisis, le politique ne disposant d’aucun moyen pour connaître l’échelle de valeurs du contribuable, c’est-à-dire de l’évaluation subjective de sa politique et ce d’autant plus qu’il lui en masque volontairement le coût. Le pompon réside dans le fait que, dans ce cas-là, ce sont véritablement les contribuables qui financent leurs propres cadeaux. Il n’y a pas de cadeau gratuit.

    Sans contrepartie visible et directe de l’accroissement du pouvoir, les contribuables n’ayant pas tous les mêmes intérêts se retrouvent coincés dans un dilemme du prisonnier, à cause d’une double incitation :

    • ils voient la dépense de l’État qui leur apporte un surplus de revenu ;
    • ils ne voient pas le coût différé et masqué que leur fait subir l’État, qui tronque leur revenu.

    Comme nous le rappelle Pascal Salin, dans La tyrannie fiscale , c’est ce que fait par exemple l’État en disant taxer les entreprises, entités abstraites, plutôt que les individus qui les composent. Les représentants politiques militent pour leur programme politique de dépense, le plus souvent en jouant sur l’ignorance de ce que certains économistes nomment l’incidence fiscale, c’est-à-dire le groupe d’individus sur lesquel les nouvelles charges se répercutent. Par exemple, pour certains économistes la TVA est véritablement une taxe sur la valeur ajoutée, et non pas une taxe sur la consommation.

    Ainsi, les contribuables sont incités à demander davantage à l’État car ils savent que d’autres groupes de contribuables feront de même. Il en est de même des groupes de pression, incités à tout faire pour conserver leurs privilèges, car si ceux-ci viennent à disparaître, ils devront supporter le poids de tous les autres privilèges protégeant les autres corporations de la concurrence. 2 En agissant dans leur propre intérêt, certains finissent par dégrader la situation de tous.

    C’est ce que décrit la tragédie des communs ; lorsqu’un État est incité à dilapider les richesses des agents productifs du pays, et que celui-ci ouvre les vannes de la fonction publique.

    C’est ce genre de dilemme, récurrent à la théorie des jeux , qui a poussé certains économistes, tel le prix Nobel James Buchanan, à formuler la nécessité d’une règle budgétaire empêchant tout déficit public afin de réduire l’incitation des groupes de pression à rechercher des privilèges auprès du pouvoir politique.

    On pourrait intituler cela le théorème du pommier : plus un pommier est garni et accessible, et plus les gens seront tentés de s’approprier ses fruits. Dans cet ordre de pensée, Niskasen soulève le fait que c’est la taille de l’État qui entraîne une augmentation de la corruption, puisqu’il y a une quantité d’État plus importante à capturer.

    « Les politiciens seront des politiciens, pourrait-on dire. Et les bureaucrates seront des bureaucrates, pourrait-on ajouter. Ensemble, en l’absence de contraintes constitutionnelles, ils possèdent un énorme potentiel de destruction économique. Une grande partie des activités d’achat de votes des hommes politiques ont été considérées comme nécessaires pour promouvoir une économie plus efficace. Et qui voudrait promouvoir une économie qui fonctionne moins bien ? Mais de telles actions politiques incontrôlées conduisent à l’instabilité économique, qui est ensuite utilisée pour justifier de nouveaux efforts politiques visant à « stabiliser » l’économie. Ainsi navigue le navire de l’État. Il serait logique de demander aux pilotes qui ont aggravé nos problèmes de continuer à tenir la barre, mais ce n’est pas un « remède » que beaucoup d’entre nous attendent avec beaucoup d’enthousiasme. « James M.Buchanan, Richard Wagner, et John Burton, The Consequences of Mr Keynes , page 80

    L’État aime jouer au père Noël. Souvenez-vous juste que sa besace, c’est votre porte-monnaie, et en dépit de vos droits.

    1. The Consequences of Mr Keynes
    2. C’est un détail d’ailleurs largement soulevé dans La Route de la Servitude de Hayek, comme le rappelle Peter J. Boettke dans Calculation and Coordination .
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      Macron offre un état d’urgence sanitaire éternel pour Noël !

      Nathalie MP Meyer • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 24 December, 2020 • 6 minutes

    Macron

    Par Nathalie MP Meyer.

    Chers lecteurs, voici venu pour moi le moment d’afficher ma traditionnelle crèche de blog et de vous souhaiter du fond du cœur un très Joyeux Noël 2020. Malgré les restrictions et la morosité ambiante, j’espère que ce sera pour vous l’occasion d’échanges joyeux et chaleureux en famille !

    Pour ma part, je compte faire le vide politique dans ma tête et oublier pour un temps les nombreux tourments de notre actualité. Mais au moment où j’écris ceci, j’ai cependant le cœur lourd car pour Noël, Emmanuel Macron a décidé de nous offrir un état d’urgence sanitaire éternel. Quelle immonde trahison !

    On commençait à se dire qu’avec l’apparition de plusieurs vaccins anti-Covid prometteurs, l’année 2021 signifierait peut-être le retour très attendu à une vie sanitaire, politique, économique et sociale à peu près normale. Mais tout montre hélas que ce sera une vie à peu près normale au sens où on l’entend dans la France d’Emmanuel Macron.

    Souvenez-vous, il y a un an…

    Il y a un an, en décembre 2019, il n’était pas encore question de Coronavirus, ni de masques, ni de gel, ni de confinement, ni de couvre-feux, ni d’état urgence sanitaire, ni de mise à l’arrêt administrative de l’économie, ni d’installation de la grande roue de Lille… sans public .

    Mais le pays était déjà sens dessus dessous et la SNCF était une fois de plus en grève à la veille des vacances de Noël pour protester contre la réforme des retraites concoctée par le gouvernement.

    Quant au gouvernement de l’époque, au-delà de la mesure de fin des régimes spéciaux qui avait motivé le grève – et qui était effectivement souhaitable – il cherchait alors à parachever la collectivisation complète de notre système de retraite en faisant main basse sur les réserves excédentaires des régimes autonomes des pharmaciens, des avocats, etc.

    Le président de la République Emmanuel Macron avait d’ailleurs déjà prouvé mille fois auparavant qu’il n’avait rien d’un grand libéral sur le plan économique – sauf dans la vision hallucinée d’un Jean-Luc Mélenchon ou d’un syndicaliste de la CGT. Et il avait prouvé mille fois de plus qu’il méprisait les libertés civiles tout en se gargarisant de discours sur la France des Lumières qui ne renoncera jamais aux caricatures.

    Belle hypocrisie.

    Macron et les restrictions de libertés en cascades

    Que vaut l’hommage à Samuel Paty , cet enseignant décapité pour avoir utilisé des caricatures du prophète Mahomet dans un cours sur la liberté d’expression, si par ailleurs tout est organisé pour réduire petit à petit et bien souvent sans trop le dire, les degrés de liberté des citoyens dans l’ensemble de leur vie quotidienne ? Il ne vaut rien.

    Or dès octobre 2017, soit quelques mois à peine après son accession au pouvoir, Emmanuel Macron « mettait fin » à l’état d’urgence instauré par François Hollande en novembre 2015 après les attentats terroristes du Bataclan… en intégrant ses dispositions les plus caractéristiques dans le droit commun !

    Dès ce moment, l’orientation du quinquennat était claire : l’État d’abord, les citoyens ensuite.

    Nous avons donc eu droit à une véritable déferlante de restrictions des libertés individuelles : d’abord la loi contre les fake news (2018), puis la loi anti-casseurs  (2019) heureusement censurée par le Conseil constitutionnel, puis la création du Conseil de déontologie journalistique (2019), puis la loi Avia contre la haine en ligne (avril 2020), heureusement retoquée elle aussi par le Conseil constitutionnel, puis le vote contrarié sur la prolongation de l’état d’urgence sanitaire (4 novembre 2020).

    Avec les textes en préparation tels que le projet de loi contre les séparatismes, il est question de réduire la liberté scolaire et de réintroduire des éléments de la loi Avia contre la haine en ligne, et avec le projet de loi de sécurité globale, il est question d’interdire la diffusion d’images des forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions au mépris de la liberté de la presse et de la liberté d’informer (le fameux article 24 ).

    Macron, un pas de plus vers toujours moins de libertés

    Et maintenant, Emmanuel Macron fait un pas de plus, un pas de trop, dans sa conception liberticide des libertés : via son Premier ministre Jean Castex, il a déposé avant-hier en fin de journée un projet de loi en procédure accélérée « instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires ». Autrement dit, comme pour l’état d’urgence tout court, il est question d’intégrer l’état d’urgence sanitaire dans le droit commun. Il fallait s’y attendre, c’est la méthode Macron.

    Dans un État libéral comme celui qu’Emmanuel Macron prétend défendre contre les pulsions illibérales de certains pays, la maîtrise médicale prévisible de la pandémie grâce aux vaccins commanderait une seule action : la fin pure et simple de l’état d’urgence sanitaire qui autorise le gouvernement à prendre pratiquement toutes les mesures de restriction qu’il souhaite en matière de déplacements des personnes, activités des entreprises, réquisitions de biens et services et fixation des prix.

    Mais comme l’écrivait Margot Arold hier dans Contrepoints , ce ne sera pas le cas :

    Vous aviez apprécié les mesures mises en place par la Chine ? Vous allez adorer celles prévues par la France !

    Le stade du « libérer-protéger » autour duquel s’articulait la théorie politique d’Emmanuel Macron à ses débuts est largement dépassé. Il s’agit dorénavant de tout fossiliser – les individus, les idées, les initiatives, pour accroître le pouvoir des hommes de gouvernement de « faire notre bien » malgré nous, alors même qu’on sait par expérience historique que ce genre de pouvoir ne génère que malheur, pauvreté, corruption et coercition.

    On peut se moquer des leaders populistes friands d’autoritarisme inlassablement dénoncés par notre Président – dénoncés à raison d’ailleurs – nous avons clairement le même à la maison.  À notre tour maintenant de dénoncer sa dérive liberticide de plus en plus voyante et systémique et d’affirmer que rien, ni la gestion de la pandémie, ni la gestion du terrorisme, ni aucune gestion de quoi que ce soit, n’exige de soumettre nos vies quotidiennes à un état d’exception perpétuel.

    La recherche du bonheur est notre affaire, pas celle de nos gouvernants. Au lieu d’inscrire le climat dans l’article I de la Constitution par pur racolage démagogique, c’est cela qu’il faudrait réaffirmer au fronton de nos institutions politiques.

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      Voitures électriques : attention à la taxe qui se profile !

      IREF Europe • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 24 December, 2020 • 6 minutes

    Voitures électriques

    Par Philbert Carbon.
    Un article de l’ Iref-Europe

    L’Australie a déjà sauté le pas. Il serait surprenant que la France ne l’imite pas.

    Jusqu’à 12 000 euros d’aides pour l’achat des voitures électriques

    Le gouvernement veut chasser les moteurs thermiques de nos routes. Ceux-ci sont en effet considérés comme les principaux responsables de l’émission de CO2, nouvel ennemi public numéro un. Le ministère de la Transition écologique estime que les voitures individuelles sont responsables d’environ 60 % des émissions totales de CO2 du transport routier en Europe. Il s’agit donc de développer « une mobilité propre en encourageant l’acquisition de véhicules peu polluants […] , levier essentiel pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et réduire la pollution atmosphérique. »

    Afin d’encourager les Français à adopter cette mobilité propre, des aides ont été mises en place au niveau national : la prime à la conversion et le bonus écologique.

    La prime à la conversion s’adresse à ceux qui achètent un véhicule neuf ou d’occasion en échange de la mise au rebut d’un ancien véhicule. Elle peut monter jusqu’à 5000 euros si le nouveau véhicule est électrique ou hybride. Le bonus écologique est une aide à l’achat d’un véhicule neuf, électrique ou hybride rechargeable émettant moins de 50 grammes de CO2 par kilomètre. Le bonus est au maximum de 7000 euros ; il baissera à partir du 1er juillet 2021.

    Les deux dispositifs sont cumulables et l’aide de l’État peut donc atteindre 12 000 euros pour l’achat d’une voiture particulière électrique neuve. Ils sont également cumulables avec les aides des collectivités locales. En Ile-de-France par exemple, la métropole du grand Paris soutient les particuliers achetant un véhicule électrique, hydrogène et hybride essence rechargeable neuf ou d’occasion de moins de 5 ans à hauteur de 50 % du prix d’achat du véhicule dans la limite de 6000 euros ; et la ville de Drancy alloue 1500 euros pour l’achat d’une voiture électrique neuve. En région Rhône-Alpes-Auvergne, la métropole de Grenoble distribue aux particuliers mettant à la casse un utilitaire avec vignette Crit’Air 3, 4, 5 de 1500 à 12 500 euros pour l’acquisition, la location ou l’adaptation d’un utilitaire électrique, hydrogène, GNV ou GPL.

    La pénalisation des véhicules à moteur thermique

    Parallèlement, les Français peuvent être pénalisés s’ils achètent des véhicules à moteur thermique classique. Nous le savons tous, après avoir délibérément soutenu les véhicules diesel, les pouvoirs publics ont décidé de les éliminer. Cela passe par un alignement de la fiscalité du gasoil sur celle de l’essence entre 2018 et 2021, provisoirement suspendue suite au mouvement des Gilets jaunes. Mais l’essence n’est pas oubliée puisque la taxe carbone (ou contribution climat énergie) visant à pénaliser les énergies fossiles va également s’envoler dans les années à venir.

    Il existe, par ailleurs, un malus écologique frappant l’achat de véhicules neufs émettant plus de 138 gCO2/km, et qui peut atteindre 30 000 euros (à partir de 219 gCO2/km).

    Enfin, sans prétendre à l’exhaustivité, il nous faut mentionner les politiques anti-voitures qui fleurissent dans la plupart des agglomérations, et qui peuvent se traduire par la réduction de l’espace réservé à la voiture, ou l’interdiction des véhicules diesel comme le prévoit Paris en 2024.

    Voitures électriques : des recettes fiscales compromises

    Cette politique en faveur des véhicules alternatifs fragilise l’industrie automobile française qui, jusqu’à présent, n’était que peu présente sur ce créneau de marché. Bernard Jullien , maître de conférences à l’université de Bordeaux et expert du secteur, estime que 67 % des voitures électriques et 83 % des hybrides rechargeables sont importés. En mai 2020, Emmanuel Macron a présenté un plan de relance pour la filière automobile et annoncé que les constructeurs français produiraient ainsi un million de voitures électrifiées en 2025. Nous en sommes encore loin puisque la production ne s’élevait qu’à 250 000 véhicules en 2019. Par conséquent, en favorisant l’achat de véhicules produits à l’étranger, l’État se prive des recettes fiscales que la production en France lui aurait données.

    Surtout que, dans le même temps, la production de véhicules classiques chute. Selon le cabinet Inovev , elle aurait baissé de 43 % sur les dix premiers mois de l’année 2020. La crise de la Covid-19 a bien évidemment joué un rôle dans cette situation, mais la raison principale en est la délocalisation de la fabrication à l’étranger par les constructeurs français eux-mêmes du fait de politiques publiques inadaptées comme nous l’avons expliqué dans un article précédent . Résultat : l’automobile a accusé un déficit de 15 milliards d’euros en 2019 alors qu’elle contribuait positivement à la balance du commerce extérieur jusqu’en 2007.

    Mais si les moteurs thermiques sont de moins en moins nombreux, la consommation de carburants devrait baisser et amoindrir les recettes tirées de leur taxation. Or celle-ci a rapporté plus de 31 milliards d’euros en 2019, dont une vingtaine de milliards pour l’État, le reste allant principalement aux régions et aux départements. Et ce sans compter la TVA.

    C’est dire si l’État ne peut se passer de cette rente, tout comme il ne peut se passer, par exemple, des taxes sur le tabac qui rapportent, bon an mal an, 5,5 % des recettes fiscales avec 16 milliards d’euros annuels. Par conséquent, si la lutte contre le tabagisme était vraiment efficace, elle priverait l’État d’une manne considérable. De même, si la politique anti-carbone produit ses effets, il faudra trouver d’autres recettes fiscales puisque la réduction des dépenses publiques n’est pas à l’ordre du jour.

    La solution ? La taxation des voitures électriques

    En matière fiscale, nos gouvernants savent anticiper. En 2011, conscients des conséquences de la politique anti-pétrole, ils ont transformé la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TICPP) en taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui s’applique désormais aussi sur des sources d’énergie qui ne sont pas d’origine pétrolière, comme les biocarburants. Il serait aisé d’étendre la taxe au kWh électrique destiné à un usage routier. Les nouveaux compteurs Linky permettent facilement de tracer les sources de consommation de l’électricité.

    Par ailleurs, e gouvernement a choisi d’augmenter la taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE) en 2021, prétendument pour harmoniser les taux qui diffèrent selon les communes et les départements. Une harmonisation qui se fait, bien évidemment, à la hausse. Ce n’est sans doute qu’un début et l’électricité laisse, en ce domaine, le choix puisqu’elle subit, outre la TCFE et la TVA, la CSPE (contribution au service public de l’électricité) et la CTA (contribution tarifaire d’acheminement).

    Deux États australiens (Victoria et Australie méridionale) viennent de mettre en place une taxe sur les voitures électriques et hybrides rechargeables, respectivement de 2,5 et 2 cents (environ 0,12 et 0,15 euro) par kilomètre parcouru. Les autres États australiens regardent cette initiative avec intérêt. Nul doute que les fonctionnaires de Bercy aussi.

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