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      La France du « tout gratuit », quoi qu’il en coûte

      Didier Cozin · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 January, 2021 - 04:40 · 9 minutes

    rente

    Par Didier Cozin.

    Toujours en quête de gadgets sociaux, souhaitant baisser les charges tout en maintenant les coûts, les pouvoirs publics auraient trouvé la solution pour dégager un consensus en France : tout offrir, ne plus rien faire payer, subventionner tous les secteurs, toutes les entreprises, toutes les activités, quoi qu’il en coûte, en attendant de se refaire, que la reprise fasse le travail et rembourse.

    Payer pour des services devient en France incongru, grotesque souvent inaudible. La décence voudrait que tout devienne gratuit (le logement, la nourriture, les soins, l’éducation, les transports , les loisirs…)

    Les citoyens pourraient ainsi épargner leurs revenus quand ils en ont, et les tensions sociales disparaîtraient par enchantement ; pourquoi je travaillerais alors que l’autre ne fiche rien ?

    La rente devient la norme en France

    Tout fier de son capital historique, architectural, culturel, économique, financier accumulé au fil des siècles, le pays a décidé de vivre de ses rentes, de consommer progressivement et définitivement son capital et ses richesses passés.

    L’économie du gratuit

    Au-delà de ce mirage d’une gratuité généralisée et donc de l’absence de nécessité de travailler pour financer son existence ou celle de ses proches, cette absence de contrepartie économique présente de nombreux inconvénients que nous n’avons pas fini de payer.

    « Quand c’est gratuit c’est vous le produit » : rien n’est jamais offert sans contrepartie.

    La gratuité n’est jamais réelle et totale. Notre ancien président a eu beau déclarer « c’est gratuit, c’est l’État qui paie » la gratuité n’existe pas, comme le démontrent quotidiennement les services prétendument gratuits des géants américains du numérique.

    La gratuité entretient l’illusion que le travail se ferait seul, sans le concours de chacun. Les transports en commun que certains veulent rendre gratuits pourraient fonctionner sans coûts, ni investissements, ni consommation d’énergie…

    La gratuité dévalorise et dévalue les services soi disant offerts. On le constate depuis 50 ans avec l’école gratuite de 3 à 25 ou 30 ans, qui est largement devenue une planque pour la jeunesse , un asile ou une couverture.

    La gratuité entretient la défiance du citoyen. Sous le prétexte souvent vérifié qu’il faut bien un retour aux cadeaux reçus (on rend une invitation) sous une forme ou une autre (des impôts et taxes élevés, des contraintes règlementaires, des injonctions sanitaires…) les citoyens se méfient à la fois des institutions, de leur administration ou de la gratuité du vaccin contre la Covid-19 car si c’est gratuit c’est pour nous injecter du poison ou une puce pour nous contrôler.

    La gratuité serait la première marche du revenu universel ou d’ une dotation à la naissance (entre 30 et 100 000 euros pour chaque nouveau-né) qui serait la contrepartie à la disparition du travail (en fait des emplois salariés), un antidote à la pauvreté ou une substitution à la lourde et inefficace redistribution , laquelle depuis 50 ans ne crée plus ni richesses ni équité.

    Une illustration des méfaits de la gratuité : la formation des adultes

    Alors qu’un adulte doit apprendre tout au long de sa vie, qu’à la différence d’un enfant il dispose en principe des revenus de son travail, l’État et les partenaires sociaux ont décrété dès 1971 que les travailleurs, salariés notamment, ne paieraient jamais pour leur formation.

    Non seulement l’employeur devait financer la formation mais tous les frais annexes seraient à sa charge : le transport du stagiaire, sa restauration, son éventuel hébergement et surtout le temps de la formation, accordé forcément sur le temps travaillé alors que les 35 heures n’ont jamais été envisagées pour libérer du temps pour apprendre.

    L’absence de résultats de la formation gratuite est une évidence dans le monde du travail.

    • Seule une minorité de travailleurs se forme ou est formée, soit entre 5 et 10 % des salariés les plus qualifiés.
    • Le système qui se veut assurantiel (on cotise tous et on attend pour bénéficier d’une formation) vise à monter d’un seul niveau de qualification tout au long d’une vie professionnelle (une seule formation sur plus de quarante années).
    • Le système paritaire a conçu vers 2014 un second leurre social en plus de la mutualisation : le compte formation (CPF), calibré pour ne former qu’un million de bénéficiaires chaque année. Il organise donc la rareté sur une sorte de livret de caisse d’épargne où chacun pourrait puiser une seule fois (deux au maximum pour des formations longues) dans sa vie professionnelle.

    L’école laïque, gratuite et obligatoire jusqu’à 14 ans, puis 16 ans, et désormais quasiment 18 ans, a constitué une avancée sociale et a permis d’industrialiser le pays au prix de l’abandon des campagnes.

    Mais aujourd’hui la formation gratuite et prétendument universelle joue à contre-emploi et retient/empêche les Français d’apprendre, de changer, de s’adapter à un travail qui évolue plus vite qu’eux bien souvent.

    Nos rentes sociales, ou acquis sociaux

    Selon le dictionnaire Larousse, la rente se définit comme étant « l’assurance de percevoir un revenu régulier sans travail » . Elle s’oppose par là-même au travail qui est à la fois :

    • un risque (de perdre son travail, son entreprise, son activité)
    • un effort (se lever le matin, prendre des responsabilités, diriger ou être dirigé)
    • une mobilisation des ressources internes et externes pour produire des richesses
    • une collaboration et une interaction avec les autres (on perçoit individuellement dans son coin sa rente ou ses allocations alors qu’on travaille toujours avec et pour les autres).

    Cette rente qui entre en conflit avec le travail est installée partout en France

    Les retraités sont évidemment les premiers et les plus nombreux des rentiers. On peut estimer qu’ils perçoivent ce que l’assurance vieillesse leur assure en échange de leur travail passé.

    Mais c’est oublier que le travail salarié a tendance à disparaître au XXIe siècle car trop peu flexible, trop cher, trop compliqué et trop conflictuel.

    Confrontées à l’automatisation et à la concurrence mondialisée les entreprises sont très nombreuses à réduire leur masse salariale et donc leurs cotisations sociales. La méthode la plus simple étant les départs naturels et les pré-retraites.

    De nombreux jeunes n’ont ni l’envie ni souvent l’opportunité de travailler régulièrement et durablement, ce qui permettrait alors d’entretenir aujourd’hui 12 millions de retraités.

    Les salaires des jeunes sont souvent bien inférieurs aux pensions des retraités. Il sera bientôt impossible d’avoir autant de retraités que de salariés ou d’actifs. Après-guerre il y avait cinq actifs pour un retraité !

    Les retraites de la fonction publique pourraient nous ruiner car elles représentent un engagement financier supérieur au montant de la dette française. Elles ne sont pas provisionnées par l’État qui est son propre assureur. À part en baisser le niveau ou payer en monnaie de singe on ne voit pas comment elles pourront être maintenues à leur niveau élevé actuel, soit 75 % du dernier traitement.

    Le social représente une activité quasi industrielle en France

    15 % des dépenses sociales mondiales sont reversées aux Français qui représentent moins de 1 % de cette population mondiale. En 2020, la part des dépenses de protection sociale représentait 33 % du PIB, près de 700 milliards…

    Elles sont à la fois le principal poste de dépenses publiques en France (source vie publique) et le record du monde de la redistribution malgré les dénégations de ceux qui voient des ultra-libéraux à chaque coin de rue.

    La rente est une bulle

    La rente, dont nous avons fait une industrie, enferme les Français dans une bulle qui ne protègera que peu de temps encore nos concitoyens sur cette planète Terre qui comptera bientôt dix milliards d’habitants en compétition pour des ressources rares : travail, alimentation, eau potable, énergies fossiles…

    La rente est partout en France, à gauche comme à droite

    Nous avons vu qu’une rente est un revenu régulier obtenu sans travail. Elle n’est évidemment pas l’apanage de la gauche car à droite aussi on a ses rentes.

    L’immobilier

    Il permet de gagner virtuellement de l’argent en ne faisant rien car il suffit de s’endetter en achetant un bien dans une ville comme Paris. La conséquence de la hausse de l’immobilier dans les grandes villes est la paupérisation des jeunes, les loyers étant exorbitants, le sentiment factice d’enrichissement de tous ou presque, puisqu’il est possible de s’enrichir en dormant (pas d’impôts, de taxes ni même de CSG sur la revente de la résidence principale).

    Le commerce et l’activité économique en général

    En luttant contre la concurrence « libre et non faussée », droite et gauche se rejoignent pour empêcher l’arrivée de nouveaux compétiteurs, protéger pour les uns leurs marchés et pour les autres leurs acquis sociaux.

    L’exploitation du pays

    La plupart des héritiers ne savent pas faire fructifier le patrimoine ou le capital dont ils héritent. Nous pourrions ainsi rapidement dilapider le capital financier, culturel, environnemental accumulé par nos ancêtres au cours des siècles.

    Depuis la fin des Trente glorieuses nous vivons au-dessus de nos moyens grâce à des rentes et à notre endettement croissant.

    Ces vérités que les citoyens préfèrent ne pas entendre

    Tout l’art de chaque gouvernement a consisté depuis des décennies à cacher certains faits douloureux car remettant en cause les fondements de nos XIX et XXème siècles sociaux.

    La productivité de l’Occident s’affaisse depuis la première crise de l’énergie de 1973. Ce que nous produisons encore l’est grâce à des artifices financiers, comptables, monétaires (l’inflation jadis, puis les délocalisations et enfin l’endettement généralisé).

    Sans travail, aucun développement économique ni social ne nous sera plus permis dans un avenir proche. Mais le travail devenant trop cher, trop complexe, trop conflictuel nous l’avons laissé en grande partie quitter nos pays, l’activité est presque partout subventionnée, sinon devenue non rentable en France.

    Sans apprentissage, sans efforts éducatifs importants, sans formation tout au long de la vie, la France et l’Occident sont condamnés à régresser et à s’effondrer un jour comme la défunte URSS.

    La France ne doit pas devenir un pays de rentiers

    La gratuité partout, pour tous, les subventions et l’endettement généralisés n’éduquent ni ne forment personne. Pour apprendre il faut travailler, s’adapter, comprendre.

    Comme l’a récemment déclaré notre ministre du Travail « la France n’a pas un problème de demande mais d’offre » . C’est bien en augmentant la qualité et la quantité de travail que nous pourrons nous redresser, pas en augmentant sans fin le nombre d’ayants-droit du pays.

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      Bitcoin, cryptomonnaies : quel est le prix de votre liberté ?

      Auteur invité · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 January, 2021 - 04:35 · 8 minutes

    bitcoin

    Par Rémi Pagès 1 .

    Ce n’est pas gratuit mais c’est utile…

    L’adoption d’internet (le web 1.0), puis des réseaux sociaux (le web 2.0) a permis la mise en relation des hommes depuis n’importe quel endroit de la Terre. Les hommes ont adopté les technologies car elles leur sont utiles : échanges épistolaires, échanges d’informations, discussions en direct, chats vidéos, commerce etc.

    Cela s’est développé parce que c’était également gratuit. Mais rien n’est gratuit. Vous payez votre fournisseur d’accès pour accéder au réseau car ce dernier vous fournit la box ainsi que l’entretien du réseau pour vos communications. Vous pouvez chatter sur un réseau social gratuitement. Mais pour cela vous avez signé un « contrat de licence utilisateur final » qui n’est autre qu’un contrat entre vous et l’entreprise. Cette dernière n’aurait aucun intérêt à investir dans d’énormes serveurs ou en développement si elle ne gagnait pas d’argent. Elle monétise donc vos habitudes de surf pour les revendre ensuite a des entreprises de marketing digital pour ensuite cibler les publicités.

    Cela n’a rien d’immoral.

    Ce qui choque l’utilisateur c’est la revente de données personnelles : il doit faire un choix entre utilité et vie privée.

    Utilité ou vie privée ?

    Une étude récente parue dans PLOS ONE , montre qu’en moyenne (sur un petit échantillon d’utilisateurs), les utilisateurs proposeraient de se déconnecter de Facebook pendant un an contre 1000 dollars. Bien qu’anecdotique, cette étude a au moins le mérite de mettre en exergue la notion de valeur.

    Dans le chapitre V d’ Harmonies économiques , Bastiat écrit :

    « … il faut que je fasse comprendre deux choses, savoir :

    1° Que l’utilité tend à devenir de plus en plus gratuite, commune, en sortant progressivement du domaine de l’appropriation individuelle.

    2° Que la valeur, au contraire, seule appropriable, seule constituant la propriété de droit et de fait, tend à diminuer de plus en plus relativement à l’utilité à laquelle elle est attachée. »

    Il faut aussi se rappeler le concept d’antifragilité développé par Nassim Taleb :

    « Est fragile tout ce qui ne résiste pas à l’épreuve.
    Est solide tout ce qui résiste à un grand nombre d’épreuves.
    Est antifragile tout ce qui se bonifie avec les épreuves. »

    Or au cours de la courte histoire humaine, le seul qui ait prouvé son anti-fragilité est l’Homme lui même.

    Nous sommes donc dans une période de basculement ou l’Homme a deux chemins possibles :

    • soit il poursuit dans la voie de la fragilité en continuant de déprécier sa vie privée contre de l’utilité jusqu’à ne plus s’appartenir,
    • soit il choisit la voie de l’antifragilité : il choisit de ne dévoiler que ce qu’il désire de sa vie privée, en échange de monnaie dont la valeur est reconnue par l’ensemble des utilisateurs du réseau.

    Échanger de la valeur sans qu’elle soit dépréciée, et de façon privée

    En 1993 Éric Huges écrit dans Le Manifeste Cypherpunk :

    « La vie privée est nécessaire pour une société ouverte dans l’ère électronique. La vie privée n’est pas un secret. Une affaire privée est ce qu’un individu ne veut pas que le monde entier sache, mais une affaire secrète est ce qu’un individu ne veut pas que quiconque sache. La vie privée est le pouvoir de se révéler sélectivement au monde. »

    Pour cela la monnaie est la pierre angulaire du changement : quelle est la meilleure façon d’échanger de la valeur dans un réseau, sans que cette valeur soit dépréciée ? Le bitcoin est une monnaie qui, sur une courte échelle (10 ans), et contrairement aux monnaies fiat a montré son anti fragilité.

    Ces notions ont été développées par Satoshi Nakamoto dans son White Paper que l’on peut rapidement résumer ainsi :

    • Il faut que les échanges soient structurellement pseudo-anonymes . On entend par pseudo anonymes le fait que les porte-monnaies sont anonymes et cryptés (ne sont pas liés à une identité définie, comme le cash, et ne sont pas dérobables sauf si on vous vole votre clef privée que vous seul détenez, comme si on vous volait votre porte-monnaie), mais également que les échanges entre ces porte-monnaies soient tous traçables de façon à ce que l’ensemble des utilisateurs du réseau puisse vérifier qu’il n’y ait pas de triche.
    • Il faut également éviter que d’autres entités puissent s’emparer de la valeur en « imprimant de l’argent » et en développant un système de dette qu’ils contrôlent au détriment des utilisateurs du réseau. Pour cela, il existe un nombre prédéfini de bitcoins minables soit 21 millions, la monnaie n’est pas inflationniste c’est-à-dire qu’elle est de quantité limitée tout comme l’or. Par ailleurs les échanges monétaires ne sont pas possibles en dehors de la chaine bitcoin. Quand on commence à parler de chaîne parallèle ( side chain ), on peut craindre qu’une entité tierce essaie de prendre en otage les échanges.

    Ce qui la différencie de l’or c’est justement son côté pratique (on peut facilement faire des échanges en millième de bitcoin donc une mise à l’échelle est possible pour l’ensemble du réseau).

    • Ensuite la preuve de travail qui est réalisée par les fameux mineurs qui investissent de l’argent et se font la compétition en résolvant une équation mathématique dont la complexité est variable, pour valider l’ensemble des transactions. Le mineur qui a le plus de puissance de calcul, donc qui a le plus investi, a plus de chance de valider les transactions.

    L’ensemble des transactions depuis le début du bitcoin est contenu dans un sytème d’horodatage des transactions qui est distribué aux différents nœuds du système (la fameuse blockchain , distribuée en peer to peer à la facon de bittorent par exemple). On pourrait comparer la blockchain à un livre de comptes. Le mineur qui a la plus grande puissance de calcul sera celui qui validera ce qu’on appelle un block (en fait il rajoute une page validée et vérifiée au livre de comptes). Une page, ou block , de ce livre de comptes est ajoutée toutes les 10 minutes.

    La cupidité qui ferait qu’un pirate ou qu’un mineur essaie de modifier les transactions pour son compte et vole ainsi les utilisateurs n’est pas rentable car il faudrait modifier toutes les pages précédentes des transactions de celle qu’on veut modifier pour truquer les comptes, ce qui demanderait une puissance énorme de calcul donc un investissement non rentable pour le tricheur.

    • La peur de la centralisation du minage est une peur véhiculée même par les meilleurs défenseurs du bitcoin. C’est un glissement conceptuel entre la centralisation des échanges qui existe actuellement avec les gros nœuds internet des GAFA et la centralisation des échanges monétaires par les banques centrales. Le mineur ne maitrise pas la monnaie et il a seulement le même intérêt que vous que sa valeur soit reconnue. Il ne vous vole pas, il a ses intérêts, vous les vôtres. Si des mineurs s’associaient en corporation pour changer les paramètres de la chaine, la confiance serait alors perdue et la monnaie serait dévaluée, mais comme le sytème bitcoin est adaptable, une nouvelle fork apparaitrait.

    Qui « risque sa peau » ?

    Il existe de nombreuses cryptomonnaies : certaines sont de réelles arnaques.
    D’autres se veulent complètement anonymes, mais n’ont pas réalisé qu’en effaçant des transactions dans le registre pour en anonymiser complètement certaines, on trompe inéluctablement les autres utilisateurs qui ne peuvent plus les vérifier : la confiance chute et la valeur de ces monnaies chutera probablement.

    D’autres essaient de socialiser le concept comme Ethereum qui a créé le proof of stake (la preuve d’enjeu) : ce ne sont plus ceux qui risquent leur peau en investissant dans le minage quitte à tout perdre, mais ceux qui ont le plus de monnaie qui valident les transactions. Ils s’approprient la valeur morale de l’échange. C’est une vision keynésienne des cryptos. Avec les risques inhérents au keynésianisme (crises, guerres, perte de cette fameuse propriété privée tant désirée).

    Où se situe la France ?

    Où se situe la France ? Pionnière dans la bulle blockchain qui n’est finalement qu’une base de registre ou dans l’économie mondiale ?

    • Taxation de l’échange cryptommonaie vers le fiat à 30 % minimum. Sachant que la TVA est a 20 %, un commerçant n’a pas intérêt à échanger ses produits en cryptomonnaies.
    • Validation des fameux organismes de sécurité boursière pour l’échange entre cryptomonnaies, ce dont tous les fervents défenseurs des crypto monnaies s’enorgueillissent : ils y voient une étape supplémentaire vers l’adoption de ces cryptomonnaies. Or cela aboutira inexorablement à la désanonymisation des transactions et donc au vol par la taxation.

    Le système Bitcoin retire aux autorités centrales monétaires le pouvoir de régulation, mais n’empêche en rien l’existence d’un État, de lois ou de voleurs.

    Le système Bitcoin ne juge pas moralement l’échange entre deux individus, il est fungible . Il redonne juste à l’Homme la possibilité de reprendre le pouvoir sur sa propriété privée tout en choisissant de monnayer une partie de celle-ci contre de l’utilité s’il l’estime nécessaire.

    Vous avez le choix , bienvenue sur le web 3.0…

    Article initialement publié en janvier 2019.

    1. Rémi Pagès, entrepreneur, est passionné par les cryptomonnaies depuis 2011.
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      Gauche et droite : la fin ?

      Patrick Aulnas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 January, 2021 - 04:30 · 5 minutes

    Par Patrick Aulnas.

    Êtes-vous de gauche ou de droite ? Nombreux sont ceux qui peuvent répondre sans hésiter à cette question. Ils votent d’un côté ou de l’autre avec constance. Mais il existe aussi des personnes, sans doute de plus en plus nombreuses, qui ne se sentent ni de gauche ni de droite. Elles sont « en même temps » de gauche et de droite. Cela dépend des sujets.

    Comment évolue l’opinion en France sur l’axe gauche-droite ? Quel est le contenu idéologique de leur positionnement ?

    Combien pèsent la gauche et la droite aujourd’hui ?

    Un sondage de l’IFOP pour Le Point , de juillet 2020, permet de conclure que le positionnement gauche-droite subsiste dans l’esprit des Français. Interrogés sur leur appartenance politique, ils se positionnent à 13 % à gauche, à 32 % au centre et à 39 % à droite. 16 % d’entre eux refusent de se prononcer.

    Par rapport aux sondages des années précédentes, la gauche recule, le centre également. La droite progresse. Mais ces faibles évolutions ne portent que sur quelques points.

    C’est le refus de se positionner sur l’axe gauche-droite qui progresse le plus : de 11 % en 2017 à 16 % en 2020. En additionnant les centristes et ceux qui ne se prononcent pas, on obtient environ la moitié des sondés.

    En définitive, la moitié des Français accepte donc de jouer le jeu du clivage gauche-droite et l’autre moitié ne l’accepte pas. Pourquoi ?

    La première réponse est liée à la radicalisation croissante des positionnements, avec en particulier le Rassemblement national à droite et La France insoumise à gauche. Beaucoup refusent un tel choix.

    Les partis traditionnels plus modérés (LR et PS) sont en recul. Emmanuel Macron étant parvenu à synthétiser gauche modérée et droite modérée, il séduit l’électorat de sensibilité centriste.

    La seconde réponse, la plus importante historiquement, suppose une analyse des contenus idéologiques gauche-droite. Ils sont en voie d’obsolescence.

    La perte des repères traditionnels

    Les clivages politiques doivent s’ancrer dans leur époque. Aussi sont-ils très évolutifs. Le XIX e siècle a vu s’opposer monarchistes et républicains. Le clivage comportait aussi une opposition entre autoritarisme et libéralisme. Les monarchistes observaient avec inquiétude le développement des libertés quand les républicains militaient pour leur extension.

    Au XX e siècle, le libéralisme économique et le marxisme s’affrontent. Communistes et socialistes veulent étendre largement le rôle de l’État au motif de réduire les inégalités. Les libéraux, bien évidemment, privilégient la liberté individuelle. L’égalité par la contrainte étatique leur apparaît antidémocratique.

    La gauche plus ou moins marxisante considère au contraire que la démocratie suppose une égalisation rapide des niveaux de vie par les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques.

    Si on examine aujourd’hui le résultat de cette opposition d’un siècle entre libéraux et socialistes, il est évident que les socialistes ont largement réalisé le programme qu’ils s’étaient fixés. Les économies occidentales sont devenues structurellement sociales-démocrates. Lorsqu’elle gouverne, la droite ne réduit jamais significativement les prélèvements obligatoires.

    La gauche a donc accompli sa mission historique. De son côté, la droite a renoncé au libéralisme économique. Même si une petite résistance s’est fait jour à la fin du XX e siècle dans les pays anglo-saxons avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan , elle n’a été qu’un feu de paille.

    Que sont la droite et la gauche désormais, au-delà des incantations sur le libéralisme et le socialisme ?

    La réponse est toute simple : rien. Certes, l’ écologisme politique a fait son apparition. Mais chacun picore un peu dans l’assiette écologiste, considérée comme porteuse électoralement.

    Anywhere et somewhere

    Certains analystes ont fait émerger d’autres clivages. Mais ils sont un constat sociologique et non un corpus idéologique comme l’ancienne opposition gauche-droite.

    Le britannique David Goodhart a opposé les anywhere , élite intégrée, mobile et progressiste, aux somewhere , populations ancrées dans un territoire et dans un système de valeurs traditionnelles. Les manifestations socio-politiques de ce nouveau clivage apparaissent au grand jour depuis plusieurs années.

    Il s’agit de révoltes populaires , sortes de jacqueries modernes : Gilets jaunes en France, trumpisme, refus de la défaite électorale et invasion du Capitole aux États-Unis. Ce sont donc les somewhere qui manifestent bruyamment, et parfois violemment, leur désarroi face à un monde qu’ils ne comprennent plus.

    Mais, en vérité, leur agitation révèle leur faiblesse. L’humanité étant une aventure spatio-temporelle (l’évolution des Homo sapiens sur notre petite planète), l’immobilisme n’existe jamais à l’échelle historique. Le vent de l’Histoire nous porte inéluctablement vers la destruction créatrice et celle-ci induit les changements sociaux et politiques.

    Marx n’avait pas tout à fait tort lorsqu’il affirmait que les infrastructures technico-économiques déterminent les superstructures juridiques et politiques. Encore faut-il raisonner de ce point de vue sur plusieurs siècles. Les NBIC auront infiniment plus d’importance que les manifestations des trumpistes ou des Gilets jaunes ou que les divagations de l’ultra-gauche sur le racialisme, le décolonialisme et la théorie du genre.

    Si, par exemple, le genre supplante le sexe, ce ne sera pas par le droit et la politique mais par les biotechnologies. Autrement dit, l’indifférenciation des genres résultera d’une évolution technologique des modalités de la procréation humaine.

    Les somewhere n’ont donc aucune chance de gagner. Ils représentent le passé et craignent l’avenir. Ils constituent le conservatisme actuel, la droite si l’on veut maintenir ce vocabulaire. Ils pourront avoir ici ou là une influence politique de court terme. Mais le conservatisme, par définition, est appelé à être rapidement dépassé.

    Le désespoir des vaincus de l’évolution historique n’en reste pas moins émouvant, surtout lorsqu’il se manifeste avec la candeur enfantine d’un porteur de cornes de bison dans les couloirs du Capitole. Les plus lucides des conservateurs ont toujours eu une conscience aiguë du tragique de leur situation. Car c’est l’Histoire qui les abandonne. Ainsi, Chateaubriand commençait-il ses Mémoires d’Outre-tombe avec cette phrase célèbre :

    « Le 4 septembre prochain, j’aurai atteint ma soixante-dix-huitième année : il est bien temps que je quitte un monde qui me quitte et que je ne regrette pas. »

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      Les éléments du progrès : le tungstène (3)

      HumanProgress · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 January, 2021 - 04:25 · 5 minutes

    Par Tony Morley.
    Un article de HumanProgress

    Isolé pour la première fois en tant que métal en 1783, le tungstène a eu un impact considérable sur le progrès humain. À partir de 1904, il a fourni un matériau métallique à l’éclairage à incandescence. L’intérêt de son utilisation dans les ampoules électriques était tel qu’il n’est supplanté que maintenant par des moyens d’éclairage plus efficaces.

    On ne peut guère exagérer la valeur d’un éclairage propre et peu coûteux. En 1900, quatre ans avant l’avènement de l’éclairage au tungstène, le coût d’un million de lumens/heure de lumière artificielle tournait autour des 285 dollars d’aujourd’hui. Au milieu des années 2000, il était tombé à moins de 3 dollars.

    Les propriétés uniques du tungstène en font un métal d’une immense utilité pratique aussi bien en tant qu’outil que comme matériau incorporé.

    Le tungstène (ou wolfram, d’où son symbole chimique W) a un point de fusion étonnamment élevé de 3414°C. Il est aussi extrêmement dense.

    Ces propriétés lui ont permis d’être utilisé dans un large éventail d’applications industrielles et commerciales notamment dans le domaine aérospatial ainsi que dans les équipements de laboratoires et militaires.

    Les inserts renforcés en carbure de tungstène (un composé chimique contenant à parts égales des atomes de tungstène et de carbone) sont essentiels dans le forage et le broyage par rotation et percussion, contribuant ainsi à fournir à la civilisation humaine du pétrole, du gaz, et des métaux et minéraux d’extraction minière.

    Mais c’est probablement dans l’outillage que le tungstène se montre le plus utile.

    L’histoire des produits manufacturés est celle des machines et de la recherche de procédés de fabrication plus précis et efficaces. Depuis longtemps, nous avons des capacités en génie mathématique et théorique avancés. Malheureusement, il nous manque la faculté de donner corps à beaucoup de nos concepts avant-gardistes.

    L’ère de l’usinage de précision a vraiment commencé en 1776 quand l’industriel anglais John Wilkinson a aidé James Watt à développer un cylindre pour machine à vapeur . Wilkinson avait des connaissances sans équivalent en matière de production d’objets en fer, en particulier les canons.

    Avec un outil de coupe en acier trempé, il a pu tirer d’un énorme bloc de fer un cylindre d’une précision suffisante pour retenir la vapeur sur le piston du moteur.

    Ainsi, Watt a pu considérablement augmenter l’efficacité de sa machine, contribuant ainsi à donner naissance à la révolution industrielle.

    À mesure que celle-ci avançait, progressait notre capacité à produire du fer, de l’acier et autres métaux et alliages très solides, de meilleure qualité et résistants à l’usure. Ces avancées ont créé à la fois des opportunités et des défis techniques.

    Des matériaux plus durs et plus abrasifs, ainsi que des procédés de production et des vitesses de coupe plus rapides, exigeaient des machines-outils d’une dureté, d’une résistance et d’une durabilité maximales

    Les premiers composés de carbure de tungstène ont été développés vers la fin du XIXe siècle et on a continué à les perfectionner tout au long des XXe et XXIe siècles. Les outils au carbure de tungstène permettent de couper plus rapidement des matériaux plus durs tout en réduisant leur remplacement, les temps morts et les coûts associés.

    Les inserts au carbure de tungstène des outils et machines sont créés en combinant du carbure de tungstène et, souvent, du cobalt, réduits en poudre fine avec un liant organique exclusif, le tout finalement fritté, un procédé qui consiste à faire durcir cette poudre sous une température élevée pendant un long moment.

    Les outils de coupe modernes sont fabriqués en compactant sous une pression énorme du tungstène, du cobalt et d’autres matériaux à l’état de traces. Les ébauches compactées sont ensuite portées à une température telle que le liant organique est fondu, laissant alors un outil de coupe ultra dur.

    Après une rectification au diamant pour obtenir les cotes appropriées, les outils de coupe finis servent à de l’usinage à grande vitesse et à la fabrication de pièces de fonctionnement dans des usines et des laboratoires du monde entier.

    Combinées à la Commande Numérique par Calculateur (c’est-à-dire la commande automatisée des outils d’usinage tels que les perceuses, les aléseuses et les tours), les plaquettes de coupe en carbure de tungstène constituent la base mécanique de presque toutes les fabrications de précision du monde – des moteurs à combustion interne aux moteurs électriques des véhicules, des trains d’atterrissage des avions aux turbines électriques qui font marcher notre civilisation.

    En fait, aucun autre métal n’a eu un impact aussi important sur les procédés de fabrication en général.

    De nos jours, les outils de coupe au carbure de tungstène sont utilisés dans la production de pointe des métaux dans tous les pays développés du monde. Les systèmes d’usinage CNC les plus élaborés peuvent régulièrement reproduire des pièces avec des tolérances de précision de seulement +/- 2 microns.

    Si le tungstène n’a pas engendré l’ère de la fabrication mécanique de précision, il lui a néanmoins permis d’atteindre son apogée.

    Sur le web – Traduction par Joel Sagnes pour Contrepoints

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      Laissez-faire français : Turgot, le réformateur (19)

      Benoit Malbranque · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 January, 2021 - 04:20

    Par Benoît Malbranque.

    « Point de banqueroute. Point d’augmentation d’impôts. Point d’emprunts. » Voilà les exigences très claires de Turgot nouveau ministre de l’Économie et des finances de Louis XVI, à son Roi. Turgot tentera de libéraliser, sans succès, le prix du blé pour régler le problème récurrent des disettes. De même sa cible sera les privilèges – position politiquement dangereuse… On le sait moins mais en Limousin, il supprime la corvée, l’impôt en nature. Bref, un grand économiste qui aura tenté de réformer un pays décidément irréformable…

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      Carrefour racheté par un groupe canadien : Bruno Le Maire se fâche

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 16 January, 2021 - 10:29 · 10 minutes

    carrefour

    Par Jacques Garello.

    Couche-tard : un cauchemar pour Bruno Le Maire, il n’en a pas dormi. Il y a de quoi : la chaîne canadienne veut faire main basse sur Carrefour, pourtant « chaînon essentiel de la souveraineté et la sécurité alimentaire des Français ».

    Et, pour faire clair, le ministre de l’Économie nous fait toucher du doigt le danger : s’il le désire, le Canadien pourrait affamer le peuple français :

    « Carrefour est un chaînon essentiel de la souveraineté et la sécurité alimentaire des Français, qui est en jeu dans cette opération, a souligné Bruno Le Maire sur France 5. Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz, plus de biens essentiels, vous faites comment ? Je ne suis a priori pas favorable à l’idée que Carrefour se fasse racheter par un groupe étranger. » ( Le Figaro )

    Je crois qu’il faut d’abord mettre les choses au point.

    1. C’est Carrefour qui cherche à se vendre, et Couche-Tard n’a fait que répondre à l’offre de vente.
    2. Pour les actionnaires de Carrefour, la réponse de Couche-Tard serait une excellente affaire, le Canadien proposant une prime de 30 % sur la valeur actuelle du titre.
    3. À l’heure actuelle rien n’est arrêté .

    Et j’en arrive tout de suite à la conclusion : ou bien Bruno Le Maire est réellement nul en économie , ce qui serait étonnant pour un ministre de Bercy, et ce que je ne saurais imaginer, ou bien il a tenu une fois de plus un discours purement politique et électoraliste pour séduire l’électorat souverainiste de droite, ou de gauche, et l’électorat anti-mondialiste de gauche, ou de droite.

    En ma qualité d’économiste, je préfère m’intéresser à ma première hypothèse.

    Protectionnisme et richesse des nations

    Le protectionnisme est une vieille lune anti-économique, qui remonte au moins aux mercantilistes, qui ont fait croire aux rois et souverains que le commerce extérieur était un danger pour la nation : acheter à l’étranger c’est devoir puiser dans les réserves d’or et d’argent, symbole et source de la richesse nationale.

    Heureusement pour eux, les Anglais et les Hollandais, qui n’avaient aucune richesse ni en métaux précieux ni en labourages et pâturages ont misé sur les échanges internationaux. Ce faisant ils ont imité les Vénitiens et les Florentins qui dès le XIIe siècle avaient compris qu’il y avait un marché européen pour des produits venus du reste du monde.

    Ce pari sur la mondialisation s’explique facilement. Il n’est pas dû à la spécialisation internationale, comme l’a soutenu Ricardo (chaque pays aurait intérêt à se spécialiser dans les produits où il serait le plus compétitif, où il aurait l’avantage comparatif le plus important), il est dû à la circulation des idées, à la concurrence qui fait que les innovations se diffusent.

    Adam Smith avait expliqué que la richesse des Nations était liée à l’élargissement des espaces d’échange, en passant de la ville à la région, puis à la nation, puis au monde entier. Aujourd’hui 70 % des échanges mondiaux sont croisés, ils portent sur des biens et services produits dans les deux pays qui échangent : automobiles fabriquées et vendues en Allemagne aussi bien qu’en France, tourisme en Europe aussi bien qu’en Asie, etc.

    Une automobile française est construite avec des éléments et pièces en provenance de huit pays au moins, un appareil de mesure électrique doit son existence à 18 pays.

    En réalité le choix du protectionnisme est, comme son nom l’indique, de protéger les producteurs nationaux contre la concurrence étrangère, soit-elle loyale ou déloyale. Les intérêts des consommateurs nationaux sont rarement pris en compte, car les producteurs sont mieux organisés, mieux ciblés pour faire pression sur l’État qui met en place les tarifs, normes, réglementations, subventions et crédits nécessaires.

    Après un désarmement économique bienfaisant à la fin du XXe siècle, nous avons vécu une surenchère protectionniste généralisée, y compris de la part de l’État américain, le président Trump ayant choisi de réveiller les sentiments isolationnistes de la doctrine de Monroe.

    Sécurité alimentaire

    En dépit de la relance protectionniste, l’idée d’une soudaine pénurie alimentaire est assez surprenante.

    D’une part et en dépit de la préférence désormais affichée pour les produits alimentaires français, la population française est et sera dépendante des importations.

    Malgré le savoir et les efforts de nos paysans (2 % de la population active) 75 % des fruits et légumes que nous consommons proviennent du reste du monde. La Politique Agricole Commune a fait beaucoup pour tuer notre production, en renchérissant les prix et en stimulant une concurrence européenne qui n’existait pas (Allemagne, Pays-Bas). Le développement des cultures et du commerce en Afrique, en Amérique Latine a fait le reste : le tiers monde devait-il être condamné à l’autarcie ?

    D’autre part qu’est-ce qu’un produit alimentaire français ? Un vin français, me disait un grand vigneron de Bandol, c’est un plan espagnol, un tracteur italien, des cuves allemandes, des pompes suisses, des bouchons portugais, des vendangeurs espagnols ; seuls les impôts sont français.

    Enfin il est vraisemblable que si le Canadien venait à priver les Français de produits alimentaires, d’autres distributeurs prendraient le relais, car la distribution est plus facile et plus rapide à organiser que l’approvisionnement.

    Les autres grands distributeurs ont démontré à plusieurs reprises leur capacité d’adaptation, et de nombreux distributeurs sont apparus depuis quelques mois, la crise sanitaire aidant. Mais d’ailleurs on ne comprend pas pourquoi un repreneur ferait une offre appétissante avec l’idée de liquider l’entreprise qu’il rachète à un prix si élevé.

    Nature et propriété de l’entreprise

    La réaction du ministre de l’Économie est incompatible avec la nature de l’entreprise et la propriété de l’entreprise.

    L’entreprise n’est pas une machine de guerre destinée à tuer les concurrents ou les salariés. C’est une machine de service qui va au-devant des besoins des clients. Entreprendre ce n’est pas tenter des coups de spéculation, ni pratiquer la destruction créatrice imaginée par Schumpeter.

    Le profit n’est pas la rémunération du risque, mais de la connaissance de ce que désirent les individus et qu’ils n’ont pas encore à leur portée. L’entreprise ne détruit rien du tout, puisqu’elle crée une valeur qui n’existait pas. L’entreprise se situe entre les ressources productives (travail, capital) et les besoins.

    C’est l’observation du marché, à travers les signaux des prix et des profits actuels, traduisant pénuries ou excédents, qui indique les innovations à mettre en œuvre. L’art d’entreprendre c’est l’attention, la découverte, c’est être à l’affût : « alertness » dit Kirzner ; c’est avoir l’antériorité de l’information, comprendre avant les autres ce qui manque, ce dont les gens ont besoin.

    Depuis quelques décennies de savants intellectuels, mais aussi quelques grands chefs ou cadres d’entreprises, laissent croire que l’entreprise n’a pas pour objectif majeur la rentabilité, mais quelque devoir de redistribution, ou quelque responsabilité sociale , ou quelque vocation citoyenne.

    Libre aux dirigeants d’entreprises de prendre en compte, et volontairement, certains de ces objectifs – souvent pour se laver du complexe d’exploitation et de cupidité qu’on leur prête.

    Mais ils ne peuvent réaliser aucun de ces objectifs s’il n’y a pas de profit, c’est-à-dire l’aval de la clientèle. Et en aucun cas l’État n’a le droit de leur imposer d’autre objectif que le profit, révélateur et rémunérateur de la bonne gestion.

    « La raison sociale de l’entreprise est de faire des profits. » – Milton Friedman

    Mais l’État respecte-t-il la liberté d’entreprendre ? Il se substitue maintenant aux  propriétaires de l’entreprise, qu’ils soient entrepreneurs individuels ou actionnaires dans des sociétés de personnes ou de capitaux. Les actionnaires sont considérés comme de simples apporteurs de capitaux, comme les prêteurs bancaires ou financiers.

    On feint d’ignorer qu’ils assurent la gouvernance de l’entreprise, en particulier dans les sociétés ouvertes aux offres publiques d’achat ou d’échange. Si les actionnaires de Carrefour ont mis leur entreprise à la vente, c’est parce qu’ils estimaient que l’affaire avait été remise en ordre par son président Alexandre Bompard et qu’ils pouvaient en retirer un meilleur prix qu’en tentant d’aller plus loin.

    Parmi les gros actionnaires je remarque que figure Bernard Arnaud, qui a sans doute pesé les opportunités. Si les actionnaires de Couche-Tard ont répondu à l’offre des actionnaires de Carrefour, c’est qu’ils estimaient en effet que l’affaire était en bon état et qu’ils pouvaient la valoriser. Il n’y a donc eu ni trahison, ni agression.

    Donc rien n’autorise notre ministre de l’Économie à faire usage d’un droit de veto dont il ne dispose pas, et dont il ne saurait disposer dans la logique de la propriété privée ; Bruno Le Maire dit être couvert par le droit. Mais quel droit ? Il vise les décrets d’exception pris dans le cadre français de la crise sanitaire, et qui sont autant d’infractions à la propriété privée.

    Dans le cadre des traités européens, des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce, rien n’autorise Bruno Le Maire à s’opposer à l’opération, si elle se réalise. Couche-Tard pourra aisément démontrer qu’une telle initiative est contraire à tous les principes de la libre concurrence.

    Mais il est vrai que l’État, et particulièrement l’État français, se croit tout permis, et qu’il abuse de la « guerre » pour nationaliser et planifier l’économie

    Il ignore ou mieux encore il conteste les lois du marché, de l’échange, du contrat et de la propriété.

    Patriotisme économique à fins électorales

    Si le veto de Bruno Le Maire n’a rien à voir avec l’économie ni avec l’État de droit, j’en viens à ma deuxième hypothèse.

    Il s’agit d’un discours politique à vocation électorale. En cette année 2021 s’amorcera la campagne présidentielle, et peut-être au printemps celle des élections régionales et départementales (selon le calendrier de sortie de crise sanitaire et de vaccinations annoncé par Jean Castex, rien n’est moins sûr). Le pouvoir en place joue sur du velours en absence d’opposition aujourd’hui crédible. Les libéraux peuvent peut-être changer la donne .

    Alors il entonne les hymnes patriotiques, souverainistes. Il faut persuader les électeurs que la France peut à elle seule tenir tête aux Américains, au Canada, aux États-Unis ou au Brésil. La France pourrait le faire parce qu’elle aurait conquis le pouvoir à Bruxelles, Berlin s’alignerait désormais sur Paris.

    Nous mettons de l’ordre dans la démocratie mondiale, mais aussi dans la finance mondiale. Nous étions partis en croisade contre les GAFA , nous voici maintenant contre les Couche-Tard.

    Ce discours a le mérite électoral de séduire à droite, car le souverainisme est une tradition ( La France seule de Maurras, reprise par De Gaulle). Mais il plaît aussi à gauche car la mondialisation et le capitalisme leur sont doublement haïssables.

    D’autres électeurs trouveront encore chaussures à leurs pieds : âmes sensibles solidaires avec tous les artisans, paysans, commerçants français, écologistes avec le rejet de tous les transports internationaux, de tout ce qui n’est pas bio suivant les normes françaises, et de tous les dirigeants de pays capitalistes.

    Oui, vraiment, le discours du patriotisme économique est séduisant. Peu importe qu’il n’ait aucun sens économique. Ce qui compte, c’est l’arithmétique électorale.

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      Interdire la location des « passoires thermiques », une fausse bonne idée

      Vincent Benard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 16 January, 2021 - 04:45 · 6 minutes

    passoires thermiques

    Par Vincent Benard.

    Le gouvernement vient d’annoncer qu’à partir de 2023, les propriétaires ne seraient plus autorisés à louer des appartements ou maisons considérés comme des passoires énergétiques, soit la catégorie G des diagnostics de performance énergétique.

    Cette décision semble pétrie de bons sentiments et conforme à la pensée écologiquement correcte du moment, mais comme toute politique restrictive, elle n’ira pas sans effets pervers.

    Des bonnes intentions affichées aux effets pervers prévisibles

    70 000 logements privés et 20 000 logements publics seraient donc, à ce jour, concernés par cette décision, ce chiffre apparaissant faible, puisque 6 % des logements français, soit 1,8 million, sont concernés par ce classement en catégorie G, et plus de 20 % sont loués dans le parc privé ( source ).

    Le raisonnement du gouvernement est simple : ces logements généralement anciens et vétustes sont loués à des familles modestes, qui sont précisément celles n’ayant pas les moyens de payer leur surconsommation énergétique.

    De plus, qui dit consommation d’énergie dit au moins en partie émissions de gaz à effets de serre, et le gouvernement s’est fixé des objectifs ambitieux, voire irréalistes , de réduction de ces émissions.

    Le gouvernement en déduit donc qu’il faut soit contraindre les propriétaires à entreprendre des travaux de rénovation, soit leur interdire de louer ces logements. Ce simplisme interpelle.

    Tout d’abord, selon le CEREN (cf tableau ci-dessous, source ), malgré une augmentation notable de la population métropolitaine (+14 %), la consommation énergétique des Français pour leur chauffage a chuté de 23 % en 30 ans, preuve que le cadre législatif actuel, pour imparfait qu’il soit, permet déjà une amélioration de nos consommations énergétiques à un rythme soutenu.

    Il n’y a donc pas de « situation de crise de la consommation d’énergie résidentielle » qui justifierait cette soudaine agitation gouvernementale.

    En revanche, on ne peut que s’interroger sur les risques d’effets secondaires pervers d’une telle décision.

    Avant d’introduire une discussion économique, notons parallèlement que depuis 2012, soit l’arrivée au pouvoir de deux présidents (Hollande puis Macron) qui ont augmenté les interventions étatiques et les contraintes sur les bailleurs (Loi ALUR, renforcement du blocage des loyers dans certaines villes, etc.), le nombre de SDF a été multiplié par deux , selon la fondation Abbé Pierre, passant de 160 000 personnes à plus de 300 000.

    Bien que corrélation ne soit pas causalité, à l’évidence, les interventions de l’État ne s’accompagnent pas d’une amélioration de la situation du logement des ménages, en tout cas des plus modestes d’entre eux, en France. Il est donc permis de s’interroger sur la pertinence d’en ajouter de nouvelles.

    Et, comme le souligne un éminent influenceur sur Twitter , « la rue n’est pas mieux isolée que ces logements » . Ces logements sont peut-être très imparfaits, mais 70 000 logements de moins (grand minimum), sur le marché locatif risquent de manquer cruellement aux plus précaires des ménages, alors qu’ils auraient pu constituer un parc social de secours utile, à défaut d’être économe en énergie.

    Pourquoi reste-t-il des passoires thermiques ?

    Certes, ces logements cumulent souvent d’autres problèmes de vétusté : plomberie, humidité, etc., et certains particulièrement insalubres devraient disparaître du marché. La question que le gouvernement devrait se poser est : « pourquoi ne disparaissent-ils pas » ?

    D’une part, les travaux de rénovation énergétique sont chers, et leur rentabilité n’est pas assurée. Selon des sources officielles ( DREAL grand est ), le coût moyen de ces travaux, permettant de gagner 2 à 3 rangs sur l’échelle de classification des logements, sont élevés, de 180 à 300 euros par m2, et des sources de presse indiquent des coûts plus élevés encore pour les logements classés G, la pire catégorie.

    Dans les villes où les loyers sont faibles, les propriétaires auront du mal à répercuter ces investissements sur les loyers. Dans celles où ils sont élevés, une augmentation de 1 euro/m2 des loyers mensuels est envisageable (300 euros à 4 % annuels bruts), mais un nombre croissant de grandes métropoles envisage de plafonner arbitrairement les loyers -Paris et Lille l’ont déjà fait-, ce qui n’encouragera guère les propriétaires concernés à se lancer dans des travaux lourds.

    Ce manque d’appétit pour l’investissement de rénovation est renforcé par le risque de rencontrer un mauvais payeur, risque d’autant plus important que la clientèle de ces logements se trouve généralement chez les familles modestes.

    D’autre part, une construction neuve suffisante permettrait d’offrir à des loyers raisonnables des logements récents, les ménages les plus aisés abandonnant des logements de qualité moyenne mais suffisante à des ménages plus modestes, permettant d’assainir progressivement le marché des offres les plus scabreuses.

    Hélas, notre politique foncière malthusienne rend le terrain hors de prix et limite la construction neuve qui est insuffisante dans les métropoles dynamiques pour faire face à la fois à l’accroissement du nombre de ménages, aux migrations intérieures et extérieures, et à la nécessité de renouveler la part la plus vétuste du parc de logements.

    De surcroît, un foncier cher conduit les promoteurs à privilégier une offre luxueuse, et la loi SRU les oblige à vendre à perte 25 à 30 % de leur production à des bailleurs sociaux, ce qui augmente encore le prix de vente des logements neufs construits pour le secteur privé. Le résultat est que l’offre destinée aux familles modestes, mais pas suffisamment pour accéder prioritairement au logement social, est insuffisante. Ces ménages se rabattent donc sur le locatif privé d’entrée de gamme, où figurent entre autres la plupart des passoires thermiques.

    Logement : début d’un désastre annoncé ?

    Restreindre la possibilité de louer ces logements sans par ailleurs libéraliser la possibilité d’en construire des neufs, ou sans donner aux propriétaires l’assurance législative qu’ils pourront rentrer dans leurs frais de rénovation, conduira à restreindre encore un peu plus l’offre locative, ce qui au final plongera encore plus de ménages dans l’extrême précarité.

    Malheureusement, ce gouvernement, pas plus que les précédents, ne semble se rendre compte de l’impasse vers laquelle il dirige les ménages français. En effet, la ministre E. Wargon a annoncé que d’ici 2028, tous les logements classés F et G, soit 4,8 millions (dont 30 % actuellement loués, soit près d’un million et demi) seront concernés par l’interdiction, si le projet de loi préparé en ce sens venait à être adopté.

    Dans le même temps, le président de la République a déclaré vouloir renforcer la politique de malthusianisme foncier en promouvant des concepts à la mode, et scientifiquement très discutables, tels que le zéro artificialisation nette , au nom de la sauvegarde de la biodiversité.

    Si l’on ajoute à cela l’engouement de nombreux maires pour le blocage des loyers , et l’absence de réponse satisfaisante des pouvoirs publics au problème des locataires mauvais payeurs, alors il est à craindre qu’un effondrement sans précédent de l’offre locative ne se produise dans les dix prochaines années.

    Laisser ces logements sur le marché, en informant correctement les candidats loueurs de leur condition énergétique moyenne, permettrait à ces derniers de négocier de fortes baisses de loyer, si par ailleurs une offre suffisante de renouvellement du parc de logement pouvait voir le jour.

    En matière de logement comme ailleurs, laisser l’offre et la demande jouer pleinement leur rôle serait bien plus bénéfique aux ménages que l’accumulation de réglementations incohérentes dont les effets cumulés promettent un véritable désastre économique et social à moyen terme.

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      Comment l’État s’apprête à faire les poches des retraités

      Thierry Benne · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 16 January, 2021 - 04:40 · 8 minutes

    retraités

    Par Thierry Benne.
    Un article de l’Iref-Europe

    Tel la cigale de la fable , une fois de plus fort pris au dépourvu après avoir dépensé sans compter pour faire face à la pandémie, il semble que l’État s’apprête, notamment sur les conseils du Comité de Suivi des Retraites, à faire une nouvelle fois la poche des retraités.

    Deux raisons sont avancées :

    • leurs pensions de retraite font partie des rémunérations qui n’ont pas été affectées par les diverses mesures de restriction ou de fermetures prises au titre de l’épidémie et pour rétablir l’équité il faut donc exiger des retraités une sorte de contribution de solidarité sous une forme ou sous une autre ;
    • leur niveau de vie dépasse encore légèrement aujourd’hui le niveau de vie moyen de l’ensemble des ménages.

    En réalité, et comme nous allons le démontrer, ces deux raisons sont tout autant dénuées de fondement l’une que l’autre.

    Le maintien du montant des pensions de retraite

    Le chœur des censeurs, qui ne brille pas davantage par sa clairvoyance que par son sens de la justice sociale, dénonce l’injustice insoutenable qui fait, qu’à l’écart de la pandémie, les pensions des retraités ont continué à être versées dans leur intégralité, alors que d’autres catégories sociales, telles les chômeurs partiellement indemnisés ou les indépendants contraints de cesser leur activité, ont vu chuter leurs rémunérations en dépit des indemnisations mises en place.

    Ils estiment donc que les retraités ainsi privilégiés doivent en retour à la solidarité nationale un sacrifice particulier sur leurs pensions.

    Assurément, c’est aller un peu vite en besogne.

    En termes de vies humaines, les retraités sont ceux qui ont payé le plus lourd tribut à la pandémie, aggravé encore par le comportement erratique des pouvoirs publics qui ont confiné nombre d’EHPAD, en les interdisant pratiquement de soins et dans des conditions qui s’apparentent davantage à une forme larvée d’euthanasie qu’à une approche curative.

    En dehors des indépendants de nombreuses catégories sociales, la plupart des employés des services publics n’ont rien perdu à l’occasion de la pandémie, tout simplement parce que leurs salaires et avantages ont été intégralement maintenus, même pendant les périodes de confinement les plus strictes.

    On observe même que certains actifs ont fait mieux que tirer leur épingle du jeu, soit que le télétravail mis en place ait considérablement réduit leurs frais d’emploi et de garde, soit que le maintien intégral de leur rémunération antérieure se soit accompagné de substantielles réductions de service, voire parfois de quasi- suppressions de service ; notamment poste, justice, enseignement, guichets de Sécurité sociale et comme de juste, RATP et SNCF.

    Pourtant, entre un retraité ayant perçu l’intégralité de sa pension après avoir dûment acquitté ses cotisations et un salarié dont tout le salaire a été maintenu pendant les périodes de confinement sans plus accomplir son service, quel a été le mieux traité ?

    Il n’existe donc aucune raison que les retraités les plus durement touchés par la pandémie soient les seuls à acquitter sous une forme ou sous une autre une sorte de nouvelle contribution de solidarité nationale, alors que de nombreuses catégories sociales davantage épargnées et mieux soignées et d’autres plus chanceuses encore ont réussi jusqu’ici à traverser la crise sans dommage pécuniaire ou sanitaire apparent et même parfois avec profit.

    Et si vraiment nos censeurs tiennent à leur contribution, qu’ils la proposent donc en priorité à tous les corps de la fonction publique dont le salaire a été intégralement maintenu sans que le service le soit également ! Mais ce n’est sans doute pas un hasard si la plupart des bonnes âmes qui veulent taxer les retraités appartiennent précisément à la fonction publique.

    La référence fallacieuse au niveau de vie des retraités

    Dans les milieux gouvernementaux, comme dans certaines publications statistiques ou encore dans la haute fonction publique il est de bon ton de substituer la référence du niveau de vie à celle du montant des pensions pour piloter l’indexation de ces dernières, en en profitant pour réduire au pain sec les retraités qui assistent impuissant au gel répété de leurs pensions ou à l’ augmentation non compensée de leur CSG .

    Cela permet de faire des retraités des privilégiés puisqu’en 2018, leur niveau de vie mensuel par unité de consommation s’établit à 2100 euros contre 2041 euros pour la moyenne de l’ensemble de la population. Or dans tous les cas, ce calcul est intellectuellement malhonnête et moralement inadmissible.

    En effet le niveau de vie ajoute au montant des pensions de retraite d’éventuelles rémunérations accessoires, divers transferts et surtout le montant des revenus du patrimoine des retraités.

    Or, le patrimoine, qui s’acquiert par accumulation, croît normalement avec l’âge de son détenteur et toutes conditions égales par ailleurs un septuagénaire ayant gravi tous les échelons de sa carrière, dégagé au surplus des charges de famille et d’emprunts dispose inévitablement d’un patrimoine plus important qu’une jeune quadragénaire au milieu de sa carrière et supportant à la fois des charges de famille et d’emprunt.

    On ne peut donc statistiquement comparer les revenus du patrimoine d’un retraité avec ceux nécessairement très inférieurs de la moyenne des Français développant une moyenne d’âge inférieure de moitié ou presque à celle des retraités. Les premiers sont inévitablement plus importants que les seconds. Et ce sont essentiellement les écarts enregistrés sur ces revenus du patrimoine qui permettent aux retraités, malgré des pensions inévitablement inférieures aux salaires, d’obtenir in fine un niveau de vie légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population, en sachant toutefois que cette situation n’est que provisoire, car les salaires augmentent plus vite que les pensions.

    Inversement, et cette évidence semble curieusement échapper au Comité de Suivi des Retraites, tous les retraités n’ont pas nécessairement un patrimoine important et on ne peut pas régler de manière uniforme, aveugle et a minima la revalorisation uniforme des pensions de tous les retraités en se référant aux revenus moyens d’un patrimoine moyen, dont beaucoup de retraités ne disposent pas.

    Enfin, si malgré tout on tient à ce que l’indexation des retraites puisse être plafonnée en fonction du niveau de vie moyen des retraités, il n’y a aucune raison qu’une telle restriction ne pèse pas également sur les revenus de toutes les autres catégories sociales, dont la hausse des rémunérations devrait être aussi individuellement pilotée en fonction de l’importance de leur niveau de vie.

    On voit la suite… et certains des plus hauts corps de la fonction publique non dépourvus en patrimoine risqueraient fort de devoir prendre à leur compte l’inflation et plus si nécessaire. À défaut, les principes constitutionnels d’égalité entre les citoyens et d’égalité devant la contribution aux charges de la Nation seraient donc une nouvelle fois bafoués, à moins que le Conseil constitutionnel ne se décide enfin à appliquer le texte même de la Constitution au lieu de l’interpréter et de l’infléchir au gré de ses humeurs.

    Conclusion

    Il est donc clair que, quelque soit le bout par lequel on aborde la question, elle ne reçoit jamais une réponse logiquement satisfaisante, juridiquement fondée, ni économiquement juste.

    Contrairement à ce que l’on tente de nous expliquer, l’institution d’une nouvelle mesure attentatoire au pouvoir d’achat des retraités ne correspond à aucun souci de solidarité, mais à une nouvelle manifestation de cette hargne anti-générationnelle que l’on voit poindre et s’épanouir librement contre les retraités considérés par certains comme autant de bouches inutiles à nourrir, par d’autres comme des parasites pour les générations plus jeunes, les derniers y voyant des nantis insouciants passant le plus clair de leur temps dans de luxueuses croisières vers des pays lointains.

    Quand en plus on s’aperçoit qu’en violation de toutes les déclarations internationales protectrices des droits de l’Homme, ces retraités sont abusivement exclus de toutes les institutions consultatives et de la plupart des caisses de retraite du pays, quand on sait qu’ils ne manifestent guère qu’exceptionnellement et alors toujours ou presque pacifiquement, on dispose de tous les éléments de réponse à la revendication de nos censeurs.

    On sait maintenant qu’elle ne doit rien à l’intérêt général, mais bien plutôt à une volonté prédatrice et malsaine d’imposer une nouvelle mortification aux aînés, sans même s’apercevoir que ce sont leurs propres parents que nos justiciers s’apprêtent à appauvrir une nouvelle fois.

    Et puis, il n’est pas besoin d’être un politologue avisé pour craindre qu’en 2022 lors des prochaines échéances électorales nationales, les plus de 17 millions de retraités ainsi matraqués ne manifestent plus tout à fait la même fidélité à un pouvoir qui, durant cinq ans, n’aura cessé de se moquer d’eux, de les mépriser et de les châtier. Tous ceux qui leur doivent leur élection feraient bien d’y penser dès maintenant.

    Sur le web

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      La Loi Ma Santé 2022 ne résoudra pas la crise hospitalière mais l’aggravera

      Bernard Kron · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 16 January, 2021 - 04:35 · 4 minutes

    ma santé 2022

    Par Bernard Kron.

    « Que peut-il ? Tout ! Qu’a-t-il fait ? Rien ! »

    Jugeant très insuffisante la réponse du gouvernement à la crise de l’hôpital, 1200 médecins hospitaliers dont 600 chefs de services avaient décidé de démissionner avant la pandémie en 2019. Leur lettre de démission collective avait été rendue publique en conférence de presse. Ces médecins dénonçaient la crise de gouvernance et le manque de personnels. Ils rejoignaient ainsi les mouvements de grèves lancés par les services d’urgences et les internes.

    Le collectif inter-hôpital s’était mobilisé avec les internes pour une grande manifestation le 14 février 2020. La Covid a tout stoppé mais rien n’est réglé et la contestation est repartie avec la grève des praticiens hospitaliers.

    La restructuration des CHU est devenue une urgence

    Les hôpitaux sont sur-administrés et ce budget empêche une réelle revalorisation des carrières. Malheureusement aucune simplification administrative n’est envisagée par le Ségur de la santé.

    Avec le plan 2022 ce sera pire car il ne change pas de cap avec le nouveau Premier ministre Jean Castex responsable de cette situation. Il était aux affaires dès 1996 en inventant la T2A qui imposa aux hôpitaux de travailler à flux tendu.

    Rien n’est prévu pour simplifier l’organisation administrative des régions et des hôpitaux. On renforce au contraire le rôle des ARS (Agences régionales de santé) et des GHT (Groupements hospitaliers de territoire) avec les CPTS ( communautés professionnelles territoriales de santé ).

    L’exemple le plus criant est celui de l’AP-HP, l’Assistance publique de Paris avec onze strates administratives : le nombre d’échelons augmente à chacune des réformes qui vient s’ajouter à la précédente. Elles viennent s’empiler les unes sur les autres sans annuler la précédente et en multipliant encore les agences et instituts de santé qui ont été incapables de gérer la Covid et la vaccination.

    Nombre de chirurgiens devront travailler sur deux établissements. Les urgences chirurgicales vont se disperser un peu plus entre les mains des urgentistes. Si on suit les propositions du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM), influencées par notre collègue Guy Vallancien, cela pourrait se traduire par la création d’établissements de santé communautaires.

    Le nouveau scénario du Ségur pour aller plus vite plus loin et plus fort est un mirage

    « Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu’il a été créé » disait Albert Einstein.

    Le Ségur de la santé va malheureusement vers le renforcement de la gouvernance, ce qui est un très mauvais choix. Elle consistait déjà ces dernières années à faire évoluer vers les systèmes nordiques notre modèle de système de santé solidaire sans le bouleverser.

    Cette stratégie nous a déjà amenés au bord du gouffre . Trop de postes hospitaliers resteront toujours vacants ou feront l’objet de nouvelles démissions car les primes promises ne régleront pas les problèmes de fond, les salaires trop bas et les plans de carrières obscurs. Nombre de postes resteront pourvus par des médecins n’ayant pas nos diplômes et par des vacataires !

    Cette détérioration aggravera les listes d’attente car de nombreuses pathologies sont en souffrance et vont submerger les services après la crise. La démotivation des équipes entraînait déjà suicides, arrêts de travail, démissions, insatisfaction des usagers, burn-out des soignants et des situations de harcèlement.

    Épuisés ou malades, les personnels sont à bout. En cas de doute, il suffisait pour s’en convaincre d’écouter avant la pandémie mes collègues raconter leur CME ( Commission médicale d’établissement ) ou lire les appels et lettres aux pouvoirs publics pour avoir des moyens de protection.

    Le Ségur de la Santé avec des revalorisations salariales misérables ne calmera pas les esprits. Ce scénario risque d’aboutir à la désintégration.

    « Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France… » (Victor Hugo, Napoléon le Petit )

    Les contraintes administratives, la multiplication des agences et le poids technocratique vont aggraver le développement des déserts médicaux paralysant un peu plus l’hôpital de plus en plus en situation de monopole.

    Avec le retard apporté à la prise en charge des pathologies lourdes depuis le confinement, la perte de chance va alourdir la durée et le coût des traitements.

    Alors oui, les demandes des médecins hospitaliers sont totalement justifiées 1

    1. Mon livre sur les blouses blanches à paraitre en mars expliquera comment sortir de cette situation.