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      Économie française : la grande glaciation

      Pierre Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 04:30 · 9 minutes

    Par Pierre Robert.

    Il n’y a pas que les doses de vaccin que l’on stocke dans des congélateurs. On y a aussi mis notre économie qui s’y engourdit dangereusement et, en France plus qu’ailleurs, risque d’avoir bien du mal à en sortir.

    Le 14 janvier 2021, les annonces de Jean Castex ont encore fait descendre la température de quelques degrés.

    Il n’y a pas que les personnes en surpoids qui sont affectées par la Covid. Elle frappe aussi nos administrations obèses en révélant une fois de plus leur prodigieuse inefficience. La crise a agi comme un scanner montrant que des pans entiers de l’action publique sont défaillants, minés par un excès de bureaucratie, « ce mécanisme par lequel une personne est confortablement coupée des conséquences de ces actes » selon la définition de Nassim Nicholas Taieb ( Jouer sa peau , éd. Les Belles Lettres, 2017).

    Ce qui est désormais en jeu, c’est la survie même de notre économie qu’un empilement de décisions administratives prises sur la base d’une erreur initiale d’appréciation a plongé dans un état de plus en plus préoccupant.

    Un étrange mimétisme

    À la fin de l’hiver dernier, une époque qui parait déjà si lointaine, le surgissement de l’épidémie a fait entrer le monde dans une période de radicale incertitude. L’avenir proche est devenu subitement illisible pour ceux qui doivent prendre des décisions. La théorie économique montre que dans ce cas le plus sûr est d’observer ce que font les autres et de les copier.

    Conformément à ce schéma la plupart des gouvernements ont adopté une stratégie de confinement, poussés par les conclusions alarmistes d’une étude menée au sein de l’Imperial College de Londres par l’équipe du professeur Neil Ferguson estimant que le virus pourrait infecter 80 % de la population et tuer entre 2 et 3 % des personnes contaminées

    À cela s’ajoute le fait qu’en France plus encore qu’ailleurs sévit le principe de précaution dont les retombées judiciaires poussent les décideurs à privilégier le scénario le plus pessimiste. C’est ce que s’est empressé de faire le Conseil scientifique mis en place par notre gouvernement pour éclairer ses décisions. Il craignait que le virus ne provoque une hécatombe hexagonale faisant en quelques mois de 300 000 à 500 000 morts.

    Une stratégie mortifère

    Toute la stratégie adoptée découle de cette analyse initiale. Elle n’est dictée que par un seul objectif, éviter l’engorgement de notre fragile système de soins, elle ne se réfère en dernier ressort qu’à un seul indicateur, le nombre de décès directement dus au virus.

    Tout a donc été subordonné aux impératifs sanitaires sans prendre en compte les dommages collatéraux engendrés. Or ceux-ci sont énormes, en France plus qu’ailleurs pour des raisons spécifiques à notre pays et tenant à l’inefficience de ses administrations et à la spécialisation de son économie dans des secteurs très vulnérables à la propagation du virus (tourisme, automobile, aéronautique).

    Ce qui rend la situation plus tragique encore est qu’on a réagi à l’excès sur la base de données erronées et qu’en dépit des dégâts provoqués par cette stratégie, la logique que suit le gouvernement le conduit à ne pas la remettre en question.

    Le maître du désastre

    C’est ainsi que certains de ses collègues épidémiologistes ont surnommé le professeur Neil Ferguson.

    En 2002, son modèle annonçait qu’au Royaume- Uni 150 000 personnes pourraient mourir de la maladie de la vache folle ; il y en a eu 177.

    En 2005, il prévoyait que la grippe aviaire pourrait faire jusqu’à 150 millions de morts dans le monde ; il y en a eu 282.

    Selon les spécialistes le modèle dont sont issues ses prévisions de 2020 est basé sur un code non divulgué de sorte que d’autres scientifiques n’ont pu à l’époque en vérifier les résultats.

    Pour la Suède il envisageait qu’en juin 2020 100 000 personnes seraient mortes du SARS-CoV-2 ; à ce jour on y a enregistré 9834 décès.

    Les limites manifestes de cette modélisation sont qu’elle se fonde sur des hypothèses exagérément alarmantes. Avant d’atteindre l’immunité collective qui limitera la transmission, ce sont entre 20 et 40 % de la population, et non 80 %, qui devraient être contaminés avec un taux moyen de mortalité par infection d’environ 0,25 %, dix fois inférieur à ce qui était annoncé.

    Dans une atmosphère de panique générale , cette étude n’en a pas moins eu un impact considérable sur les décisions prises. De fait, elle était en phase avec les angoisses et les peurs du moment et par effet de rétroaction les a puissamment catalysées. Au printemps dernier, c’est le scénario le plus pessimiste qui a paru le plus crédible et qui l’a emporté en provoquant d’énormes dommages collatéraux.

    Des dommages collatéraux très importants

    Par décisions administratives, nous ne pouvons plus depuis des mois aller ni au restaurant, ni au café, ni au cinéma, ni au théâtre, ni au concert, ni au musée, ni dans les salles de sports ; les voyages prévus ont dû être annulés, les mariages ont dû être reportés, les enterrements se font à la sauvette.

    Les fontaines à gel hydro alcoolique sont partout, les files d’attente s’allongent devant les magasins quand ils sont ouverts et nous ne croisons plus dans l’espace public que des personnes masquées. Dans cet environnement anxiogène on ne peut plus faire de projets, ce qui est un handicap majeur pour les chefs d’entreprise quand ils peuvent encore exercer leur activité.

    Outre le coût social très lourd qu’elle engendre la situation a un impact de plus en plus violent sur notre économie. Privée d’oxygène, elle fonctionne au ralenti avec des performances encore plus mauvaises en France qu’ailleurs.

    En 2020 le PIB est en recul de 4,2 % dans le monde, de 7,5 % dans la zone euro mais de plus de 9% en France selon l’OCDE. En 2021 des emplois y seront détruits en grand nombre, l’avenir des secteurs les plus touchés par les mesures de confinement et de couvre-feu paraitra de plus en plus incertain et les nuages s’accumuleront sur les étudiants en formation dont l’employabilité ne peut que se dégrader s’ils restent trop longtemps éloignés du marché du travail.

    En revanche, la victoire de l’économie de plateforme (celle que régissent Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft ou encore Zoom et autres Netflix,) est écrasante alors que les acteurs européens et singulièrement français en sont dramatiquement absents. De cette économie digitale dont les maîtres deviennent plus influents que les États nous ne détenons pas les clés.

    Nous devrons donc en subir la domination, faute d’avoir investi à temps dans les secteurs d’avenir. Reste seulement à espérer ne pas rater la prochaine révolution technologique, celle qui avec la 5G et les objets connectés devrait s’ordonner autour de la santé, de l’éducation, de la culture et de l’environnement. Mais pour y parvenir notre pays cumule des handicaps aggravés par la crise sanitaire.

    Quand on en verra la fin, son économie en sortira écrasée par la dette publique , une dette qui depuis 40 ans finance non des investissements porteurs d’avenir mais les dépenses courantes. En 2020 elle a servi à compenser les pertes de revenus des agents empêchés d’exercer par décision administrative. Elle a donc financé la chute du niveau de vie et l’appauvrissement du pays. Une fois l’épidémie jugulée, pour le malade le risque est désormais de mourir guéri.

    Réévaluer le dispositif

    Ce qui se passe depuis le printemps dernier est entièrement subordonné à des mécanismes politiques. La viabilité des firmes est directement conditionnée par des mesures administratives les autorisant ou non à fonctionner normalement. Leur multiplication a plongé notre économie dans une sorte de coma.

    Il est urgent de rectifier le tir en faisant quelque chose que nos administrations détestent faire par-dessus tout : évaluer l’efficacité des dispositifs qu’elles ont imposés à tous. Le bon sens voudrait pourtant que soit dressé le plus vite possible un bilan de leurs coûts et de leurs avantages. D’ores et déjà on peut en prédire la seule conclusion raisonnable : les dégâts de toute nature provoqués par cette stratégie de verrouillage sont infiniment supérieurs à ses avantages.

    Il ne s’agit pas pour autant de ne rien faire mais de cibler les mesures de protection, qui par définition ont un aspect coercitif, sur les 10 à 12 millions de personnes vulnérables face au virus en raison de leur âge, de leur poids ou de certaines pathologies. Cela permettrait de délivrer les 55 millions d’autres du carcan qui les étouffe sans pour autant les exposer à un risque significatif.

    Quant à la couverture vaccinale , il faut l’établir de la manière la plus large et la plus rapide que possible, ce que la France a les moyens de faire si on parvient à neutraliser les excès de sa bureaucratie.

    Remonter la pente ?

    Selon Robert Boyer se référant aux enseignements de l’histoire il faut beaucoup de temps pour effacer les traces d’une grande pandémie ( Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie , Ed. La Découverte, 2020). Mais ce délai varie selon les pays en fonction du degré plus ou moins élevé de réactivité de leur appareil industriel. À cet égard on retrouve le vieux clivage entre le nord et le sud de l’Europe. En passant du sixième au 26ème rang pour ce qui est du revenu par habitant, notre pays a depuis 40 ans dangereusement tendance à basculer du mauvais côté.

    La crise sanitaire peut être l’occasion de corriger le tir en rectifiant ce qui ne fonctionne pas ou mal.

    Cela veut dire réduire les dépenses publiques qui financent des administrations qui ont fait une fois de plus la preuve de leur inefficience. La France consacre à ses dépenses publiques l’équivalent de 56 % de son PIB, douze points de plus que l’Allemagne dont la population est pourtant plutôt mieux administrée, mieux soignée et mieux éduquée. Rien ne justifie un tel écart .

    Cela veut dire aussi stimuler l’investissement productif privé par des mesures fiscales d’allègement et non en les subordonnant aux oukases d’une superposition de comités Théodule qui tels le canard sans tête n’ont ni boussole ni direction.

    Le mieux que puisse faire aujourd’hui l’État c’est de favoriser et d’accélérer le plus tôt possible le retour du marché. Le danger fatal serait qu’il prétende réparer lui-même ce qu’il a détruit. Ce sont au contraire les forces du marché qu’il faut réactiver après qu’elles ont été trop longtemps étouffées.

    Pierre Robert est l’auteur de Fâché comme un Français avec l’économie , ed. Larousse, 2019.

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      Carrefour/Couche-Tard : Bruno Le Maire s’empêtre dans ses contradictions

      Michel Albouy · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 04:15 · 5 minutes

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    Par Michel Albouy.

    Suite à l’annonce le 13 janvier 2021 du groupe canadien Couche-Tard de son intérêt pour prendre le contrôle de Carrefour , le microcosme politico-économique français s’est enflammé. Notre ministre de l’Économie s’est même étranglé d’horreur et a vaillamment déclaré, comme un vrai résistant courageux face à l’envahisseur, lors de l’émission C à Vous : « A priori, je ne suis pas favorable à cette opération ».

    Pour lui, Carrefour est un « chaînon essentiel dans la sécurité alimentaire des Français, dans la souveraineté alimentaire ». « Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz, plus de biens essentiels, vous faites comment ? », a-t-il expliqué dans une belle envolée lyrique.

    Le jeudi matin suivant, l’action Carrefour, qui avait fortement progressé avec l’annonce de l’offre, refluait de plus de 5 % à l’ouverture de la Bourse. Chacun pourra apprécier la rigueur économique de notre ministre de l’Économie dont la formation littéraire ne l’a jamais préparé à de tels évènements.

    Carrefour : une entreprise encore française ?

    Qu’est-ce qu’une entreprise française ? La question hante les débats académiques en sciences de gestion. Mais deux indicateurs semblent s’imposer : le lieu de l’activité (chiffre d’affaires) et la composition du capital de la société.

    Selon les statistiques connues, Carrefour réalise moins de 50 % de son chiffre d’affaires en France (46,9 %) comme le tableau ci-dessous le montre. Au passage on note la forte présence du groupe au Brésil et en Espagne, deux pays qui n’ont jamais eu à se plaindre de la distribution de pâtes et de riz par Carrefour.

    La répartition très dispersée du capital de la société Carrefour ne témoigne pas également d’une prépondérance française. Certes, la famille Moulin 1 possède 9,74 % du capital de la société et associée aux familles Diniz et Arnault elles ne totalisent que 22,64 % du capital. Le reste est dispersé chez des investisseurs institutionnels étrangers et ou privés. Bref, pas de quoi considérer Carrefour comme un champion national.

    Clairement, au vu de ces chiffres (origine du chiffre d’affaires et répartition du capital), on peut légitimement s’interroger sur la nationalité du groupe Carrefour et sur la légitimité du ministre de l’Économie français Bruno Le Maire à s’opposer à la démarche du groupe canadien Couche-tard.

    Carrefour : un chaînon essentiel de la souveraineté nationale ?

    La question porterait à la dérision si ce n’était l’avis d’un ministre de la République française. On sait depuis longtemps qu’en France le patriotisme économique et la souveraineté économique sont des concepts à géométrie variable, sans véritable assise scientifique autre que celle du protectionnisme économique.

    D’une façon générale, nos dirigeants applaudissent lorsque nos entreprises prennent le contrôle d’entreprises étrangères mais sont farouchement opposés aux opérations inverses. C’est le « libéralisme » à sens unique. Une version édulcorée de celle de Lénine : « ce qui est à vous et à moi et ce qui est à moi est à moi » . Or, tous ceux qui connaissent le monde des affaires savent qu’il n’est pas possible de faire longtemps des affaires à sens unique.

    À supposer que Couche-Tard prenne le contrôle de Carrefour, qui peut raisonnablement penser (sauf Bruno Le Maire) que ses dirigeants voudraient priver les Français et les autres pays de pâtes, de riz et de yaourts ? Leur objectif sera sûrement, bien au contraire, de développer le chiffre d’affaires et peut-être d’améliorer la gestion de ce groupe de distribution.

    En réalité, Bruno Le Maire se trompe encore une fois de combat, comme dans le cas des dividendes. En prenant connaissances de ces déclarations, on ne peut que lui recommander de prendre un bon cours de gestion financière d’entreprise. En fait, le problème n’est pas le contrôle capitalistique d’un groupe de distribution, mais bel et bien la question des filières de production agricoles françaises. Mieux vaudrait s’intéresser, de façon intelligente, aux conditions de survie de nos producteurs agricoles, pour le coup bien français, eux.

    Carrefour : une entreprise responsable ?

    La mode est à la responsabilité sociale des entreprises . Dans le contexte exceptionnel de pandémie et dans une démarche d’entreprise responsable, Alexandre Bompard, le PDG, a fait part au Conseil d’administration de sa décision de renoncer à 25 % de sa rémunération fixe pour une période de deux mois (vous avez bien lu : deux mois sur douze que compte une année !).

    Et dans un souci de responsabilité sociale et sociétale, le Conseil d’administration a également décidé de réduire de 50 % le dividende proposé au titre de l’exercice 2019, qui s’élève ainsi à 0,23 euro par action. Chacun appréciera ce green washing à sa juste mesure qui est dans l’air du temps et qui devrait sanctuariser nos dirigeants bien-aimés, mais dont fâcheusement Couche-Tard, qui poursuit ses objectifs de croissance, avait l’air d’en avoir rien à faire de cette responsabilité sociale chère à Bruno Le Maire.

    Carrefour : épilogue trois jours après

    Est-ce la pression de nos autorités bien aimées, mais le 16 janvier 2021 Carrefour et le groupe canadien Alimentation Couche-Tard ont annoncé avoir interrompu leurs discussions préliminaires en vue d’un rapprochement entre les deux groupes. Dans un communiqué conjoint, Carrefour et Couche-Tard disent en revanche prolonger leurs discussions pour « examiner des opportunités de partenariats opérationnels ». Quand on connait le chevauchement géographique pratiquement inexistant entre les deux groupes, on devine ce qu’une telle déclaration signifie.

    Les dirigeants de la France, qui chaque année, accueillent à grands frais, à Versailles, de grands groupes internationaux pour les inciter à miser sur notre territoire et qui cherchent à attirer les investisseurs étrangers, ont un double discours.

    Dans la pratique, en repoussant les avances préliminaires d’un groupe québécois prêt à investir dans une entreprise française (sur le papier), Bruno Le Maire rappelle au reste de la planète que la France est un pays qui pratique le capitalisme à sens unique. Or, une telle pratique est incompatible avec les règles du jeu de l’économie de marché. Mais est-ce que Bruno Le Maire le sait ?

    1. Ginette Moulin est l’actionnaire majoritaire du groupe Galeries Lafayette. La fortune de la famille Moulin est estimée en 2018 à 3,9 milliard d’euros selon Wikipédia.
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      Carrefour racheté par un groupe canadien : Bruno Le Maire se fâche

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 16 January, 2021 - 10:29 · 10 minutes

    carrefour

    Par Jacques Garello.

    Couche-tard : un cauchemar pour Bruno Le Maire, il n’en a pas dormi. Il y a de quoi : la chaîne canadienne veut faire main basse sur Carrefour, pourtant « chaînon essentiel de la souveraineté et la sécurité alimentaire des Français ».

    Et, pour faire clair, le ministre de l’Économie nous fait toucher du doigt le danger : s’il le désire, le Canadien pourrait affamer le peuple français :

    « Carrefour est un chaînon essentiel de la souveraineté et la sécurité alimentaire des Français, qui est en jeu dans cette opération, a souligné Bruno Le Maire sur France 5. Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz, plus de biens essentiels, vous faites comment ? Je ne suis a priori pas favorable à l’idée que Carrefour se fasse racheter par un groupe étranger. » ( Le Figaro )

    Je crois qu’il faut d’abord mettre les choses au point.

    1. C’est Carrefour qui cherche à se vendre, et Couche-Tard n’a fait que répondre à l’offre de vente.
    2. Pour les actionnaires de Carrefour, la réponse de Couche-Tard serait une excellente affaire, le Canadien proposant une prime de 30 % sur la valeur actuelle du titre.
    3. À l’heure actuelle rien n’est arrêté .

    Et j’en arrive tout de suite à la conclusion : ou bien Bruno Le Maire est réellement nul en économie , ce qui serait étonnant pour un ministre de Bercy, et ce que je ne saurais imaginer, ou bien il a tenu une fois de plus un discours purement politique et électoraliste pour séduire l’électorat souverainiste de droite, ou de gauche, et l’électorat anti-mondialiste de gauche, ou de droite.

    En ma qualité d’économiste, je préfère m’intéresser à ma première hypothèse.

    Protectionnisme et richesse des nations

    Le protectionnisme est une vieille lune anti-économique, qui remonte au moins aux mercantilistes, qui ont fait croire aux rois et souverains que le commerce extérieur était un danger pour la nation : acheter à l’étranger c’est devoir puiser dans les réserves d’or et d’argent, symbole et source de la richesse nationale.

    Heureusement pour eux, les Anglais et les Hollandais, qui n’avaient aucune richesse ni en métaux précieux ni en labourages et pâturages ont misé sur les échanges internationaux. Ce faisant ils ont imité les Vénitiens et les Florentins qui dès le XIIe siècle avaient compris qu’il y avait un marché européen pour des produits venus du reste du monde.

    Ce pari sur la mondialisation s’explique facilement. Il n’est pas dû à la spécialisation internationale, comme l’a soutenu Ricardo (chaque pays aurait intérêt à se spécialiser dans les produits où il serait le plus compétitif, où il aurait l’avantage comparatif le plus important), il est dû à la circulation des idées, à la concurrence qui fait que les innovations se diffusent.

    Adam Smith avait expliqué que la richesse des Nations était liée à l’élargissement des espaces d’échange, en passant de la ville à la région, puis à la nation, puis au monde entier. Aujourd’hui 70 % des échanges mondiaux sont croisés, ils portent sur des biens et services produits dans les deux pays qui échangent : automobiles fabriquées et vendues en Allemagne aussi bien qu’en France, tourisme en Europe aussi bien qu’en Asie, etc.

    Une automobile française est construite avec des éléments et pièces en provenance de huit pays au moins, un appareil de mesure électrique doit son existence à 18 pays.

    En réalité le choix du protectionnisme est, comme son nom l’indique, de protéger les producteurs nationaux contre la concurrence étrangère, soit-elle loyale ou déloyale. Les intérêts des consommateurs nationaux sont rarement pris en compte, car les producteurs sont mieux organisés, mieux ciblés pour faire pression sur l’État qui met en place les tarifs, normes, réglementations, subventions et crédits nécessaires.

    Après un désarmement économique bienfaisant à la fin du XXe siècle, nous avons vécu une surenchère protectionniste généralisée, y compris de la part de l’État américain, le président Trump ayant choisi de réveiller les sentiments isolationnistes de la doctrine de Monroe.

    Sécurité alimentaire

    En dépit de la relance protectionniste, l’idée d’une soudaine pénurie alimentaire est assez surprenante.

    D’une part et en dépit de la préférence désormais affichée pour les produits alimentaires français, la population française est et sera dépendante des importations.

    Malgré le savoir et les efforts de nos paysans (2 % de la population active) 75 % des fruits et légumes que nous consommons proviennent du reste du monde. La Politique Agricole Commune a fait beaucoup pour tuer notre production, en renchérissant les prix et en stimulant une concurrence européenne qui n’existait pas (Allemagne, Pays-Bas). Le développement des cultures et du commerce en Afrique, en Amérique Latine a fait le reste : le tiers monde devait-il être condamné à l’autarcie ?

    D’autre part qu’est-ce qu’un produit alimentaire français ? Un vin français, me disait un grand vigneron de Bandol, c’est un plan espagnol, un tracteur italien, des cuves allemandes, des pompes suisses, des bouchons portugais, des vendangeurs espagnols ; seuls les impôts sont français.

    Enfin il est vraisemblable que si le Canadien venait à priver les Français de produits alimentaires, d’autres distributeurs prendraient le relais, car la distribution est plus facile et plus rapide à organiser que l’approvisionnement.

    Les autres grands distributeurs ont démontré à plusieurs reprises leur capacité d’adaptation, et de nombreux distributeurs sont apparus depuis quelques mois, la crise sanitaire aidant. Mais d’ailleurs on ne comprend pas pourquoi un repreneur ferait une offre appétissante avec l’idée de liquider l’entreprise qu’il rachète à un prix si élevé.

    Nature et propriété de l’entreprise

    La réaction du ministre de l’Économie est incompatible avec la nature de l’entreprise et la propriété de l’entreprise.

    L’entreprise n’est pas une machine de guerre destinée à tuer les concurrents ou les salariés. C’est une machine de service qui va au-devant des besoins des clients. Entreprendre ce n’est pas tenter des coups de spéculation, ni pratiquer la destruction créatrice imaginée par Schumpeter.

    Le profit n’est pas la rémunération du risque, mais de la connaissance de ce que désirent les individus et qu’ils n’ont pas encore à leur portée. L’entreprise ne détruit rien du tout, puisqu’elle crée une valeur qui n’existait pas. L’entreprise se situe entre les ressources productives (travail, capital) et les besoins.

    C’est l’observation du marché, à travers les signaux des prix et des profits actuels, traduisant pénuries ou excédents, qui indique les innovations à mettre en œuvre. L’art d’entreprendre c’est l’attention, la découverte, c’est être à l’affût : « alertness » dit Kirzner ; c’est avoir l’antériorité de l’information, comprendre avant les autres ce qui manque, ce dont les gens ont besoin.

    Depuis quelques décennies de savants intellectuels, mais aussi quelques grands chefs ou cadres d’entreprises, laissent croire que l’entreprise n’a pas pour objectif majeur la rentabilité, mais quelque devoir de redistribution, ou quelque responsabilité sociale , ou quelque vocation citoyenne.

    Libre aux dirigeants d’entreprises de prendre en compte, et volontairement, certains de ces objectifs – souvent pour se laver du complexe d’exploitation et de cupidité qu’on leur prête.

    Mais ils ne peuvent réaliser aucun de ces objectifs s’il n’y a pas de profit, c’est-à-dire l’aval de la clientèle. Et en aucun cas l’État n’a le droit de leur imposer d’autre objectif que le profit, révélateur et rémunérateur de la bonne gestion.

    « La raison sociale de l’entreprise est de faire des profits. » – Milton Friedman

    Mais l’État respecte-t-il la liberté d’entreprendre ? Il se substitue maintenant aux  propriétaires de l’entreprise, qu’ils soient entrepreneurs individuels ou actionnaires dans des sociétés de personnes ou de capitaux. Les actionnaires sont considérés comme de simples apporteurs de capitaux, comme les prêteurs bancaires ou financiers.

    On feint d’ignorer qu’ils assurent la gouvernance de l’entreprise, en particulier dans les sociétés ouvertes aux offres publiques d’achat ou d’échange. Si les actionnaires de Carrefour ont mis leur entreprise à la vente, c’est parce qu’ils estimaient que l’affaire avait été remise en ordre par son président Alexandre Bompard et qu’ils pouvaient en retirer un meilleur prix qu’en tentant d’aller plus loin.

    Parmi les gros actionnaires je remarque que figure Bernard Arnaud, qui a sans doute pesé les opportunités. Si les actionnaires de Couche-Tard ont répondu à l’offre des actionnaires de Carrefour, c’est qu’ils estimaient en effet que l’affaire était en bon état et qu’ils pouvaient la valoriser. Il n’y a donc eu ni trahison, ni agression.

    Donc rien n’autorise notre ministre de l’Économie à faire usage d’un droit de veto dont il ne dispose pas, et dont il ne saurait disposer dans la logique de la propriété privée ; Bruno Le Maire dit être couvert par le droit. Mais quel droit ? Il vise les décrets d’exception pris dans le cadre français de la crise sanitaire, et qui sont autant d’infractions à la propriété privée.

    Dans le cadre des traités européens, des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce, rien n’autorise Bruno Le Maire à s’opposer à l’opération, si elle se réalise. Couche-Tard pourra aisément démontrer qu’une telle initiative est contraire à tous les principes de la libre concurrence.

    Mais il est vrai que l’État, et particulièrement l’État français, se croit tout permis, et qu’il abuse de la « guerre » pour nationaliser et planifier l’économie

    Il ignore ou mieux encore il conteste les lois du marché, de l’échange, du contrat et de la propriété.

    Patriotisme économique à fins électorales

    Si le veto de Bruno Le Maire n’a rien à voir avec l’économie ni avec l’État de droit, j’en viens à ma deuxième hypothèse.

    Il s’agit d’un discours politique à vocation électorale. En cette année 2021 s’amorcera la campagne présidentielle, et peut-être au printemps celle des élections régionales et départementales (selon le calendrier de sortie de crise sanitaire et de vaccinations annoncé par Jean Castex, rien n’est moins sûr). Le pouvoir en place joue sur du velours en absence d’opposition aujourd’hui crédible. Les libéraux peuvent peut-être changer la donne .

    Alors il entonne les hymnes patriotiques, souverainistes. Il faut persuader les électeurs que la France peut à elle seule tenir tête aux Américains, au Canada, aux États-Unis ou au Brésil. La France pourrait le faire parce qu’elle aurait conquis le pouvoir à Bruxelles, Berlin s’alignerait désormais sur Paris.

    Nous mettons de l’ordre dans la démocratie mondiale, mais aussi dans la finance mondiale. Nous étions partis en croisade contre les GAFA , nous voici maintenant contre les Couche-Tard.

    Ce discours a le mérite électoral de séduire à droite, car le souverainisme est une tradition ( La France seule de Maurras, reprise par De Gaulle). Mais il plaît aussi à gauche car la mondialisation et le capitalisme leur sont doublement haïssables.

    D’autres électeurs trouveront encore chaussures à leurs pieds : âmes sensibles solidaires avec tous les artisans, paysans, commerçants français, écologistes avec le rejet de tous les transports internationaux, de tout ce qui n’est pas bio suivant les normes françaises, et de tous les dirigeants de pays capitalistes.

    Oui, vraiment, le discours du patriotisme économique est séduisant. Peu importe qu’il n’ait aucun sens économique. Ce qui compte, c’est l’arithmétique électorale.

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      Les conséquences involontaires du couvre-feu

      Marius-Joseph Marchetti · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 15 January, 2021 - 11:19 · 8 minutes

    Par Marius-Joseph Marchetti.

    J’écris aujourd’hui ce billet, non point pour me plaindre ou défendre le couvre-feu , étendu depuis vendredi soir minuit à de nouveaux départements, dont celui où je vis.

    Je souhaiterais simplement rappeler un fait très simple, d’un point de vue neutre en valeur , que toute action et surtout toute politique, a des conséquences inattendues ( unintended consequences ), qui pourraient aussi bien et mieux être traduit par conséquences involontaires .

    Toute personne ayant un peu étudié l’économie en sait quelque chose. Que le couvre-feu soit mis en place avec les meilleures intentions du monde, ou pas, n’y change guère grand-chose.

    Tout d’abord, est-ce que cela est étonnant ? Les règles édictées le sont car il existe une certaine croyance 1 sur les résultats que celles-ci peuvent engendrer 2 . De la même manière que chaque individu prend des décisions sous un voile d’ignorance, les hommes politiques et les bureaucrates souffrent des mêmes défauts, tant sur les règles à adopter que sur les schémas de résultats qui en découlent.

    Les bars ne sont peut-être pas les plus gros clusters, mais à cause de l’alcool, l’attention se relâche

    C’est très probablement l’un des arguments le plus souvent entendu pour justifier la fermeture des bars. A priori , il pourrait presque logiquement se tenir. Pour atteindre un objectif A (limiter la contagion), je mets en place une action (une politique visant à fermer les bars pour 6 semaines). Tout logiquement, on pourrait s’attendre à ce que celle-ci ait des effets positifs et que, ceteris paribus , rien ne change sur le reste des activités. Est-ce le cas ?

    D’un point de vue économique, la prohibition d’une activité entraîne toujours son lot de conséquences indésirables. Si l’activité prohibée ne l’est pas entièrement (ici seuls les bars connaissent une fermeture totale), mais seulement sectoriellement, la demande des consommateurs va s’orienter vers les autres secteurs où ladite demande peut être satisfaite.

    Nous devrions alors évaluer le fonctionnement d’une règle, de n’importe quelle règle, non pas en fonction de ses résultats dans une situation de choix particulière, mais plutôt en fonction de ses résultats sur toute une séquence de pièces distinctes, séparées à la fois de manière inter-catégorielle et intertemporelle. James M. Buchanan, The Economics and The Ethics of A Constitutional Order – page 46

    Si le petit bar de quartier est fermé, il y a de grandes chances que vous trouviez ses habitués traînant dans tous les autres lieux disponibles, comme les terrasses de boulangerie ou celles des restaurants, ou d’autres lieux encore, en faisant appel à leur ingéniosité.

    Et cette demande trouvera une réponse, car les entrepreneurs discerneront des poches de profits à exploiter artificiellement créées par la réglementation. Il devient d’un coup plus rentable pour eux d’élargir s’ils le peuvent leurs activités pour accueillir davantage de monde, puisque tout un ensemble d’activités se retrouve en sommeil.

    La demande des consommateurs, la somme des besoins individuels répartis sur des échelles de préférence, ne disparaît pas par décret. La nature a horreur du vide.

    Il est donc possible que l’une des premières conséquences inattendues du couvre-feu soit qu’un nombre quasi-similaire d’individus, sur une quantité restreinte de lieux et une plage horaire moins étalée, se retrouvent là où la demande s’est déversée du fait d’une prohibition partielle.

    Certes, je ne suis pas épidémiologiste, mais cela ne risque-t-il donc pas d’avoir l’effet inverse de celui souhaité, et d’engendrer un effet cobra ?

    Laissez-moi vous décrire rapidement l’origine de cette expression :

    L’Inde coloniale était infestée par les cobras, et les autorités locales décidèrent d’attribuer une prime pour chaque reptile tué. Au début, le nombre de serpents diminua effectivement.

    Cependant, au fur à mesure qu’il allait en diminuant, on s’aperçut que certains élevaient des cobras pour obtenir ladite prime. Les autorités payaient donc le même niveau de primes malgré l’absence de reptiles. La prime a donc été annulée. Autre conséquence inattendue : les éleveurs de cobras devenus inutiles les relâchèrent dans les rues, et Delhi en compta davantage qu’avant l’instauration de la prime.

    Le couvre-feu comme redistribution des droits

    Il est un effet qui a été brièvement mentionné au-dessus : c’est celui de la perception et captation des profits par les entrepreneurs, hors bars. Dans le cas du couvre-feu , celle-ci pourrait s’apparenter à une forme de privilège de monopole, résultant de l’intervention triangulaire de l’État :

    Au lieu de rendre l’interdiction des produits absolue, le gouvernement peut interdire la production et la vente sauf par une ou plusieurs entreprises déterminées. Ces entreprises sont alors spécialement privilégiées par le gouvernement pour s’engager dans une ligne de production, et ce type d’interdiction est donc un octroi de privilège spécial. Si la subvention est accordée à une seule personne ou entreprise, il s’agit d’une subvention de monopole ; si elle est accordée à plusieurs personnes ou entreprises, il s’agit d’une subvention de quasi-monopole ou d’oligopole. Ces deux types de subventions peuvent être qualifiés de monopolistiques. Il est évident que la subvention bénéficie au monopoleur ou au quasi-monopoleur parce que la violence empêche ses concurrents d’entrer sur le terrain ; il est également évident que les concurrents potentiels sont blessés et sont obligés d’accepter une rémunération inférieure dans des domaines moins efficaces et moins productifs. Les consommateurs sont également lésés, car ils sont empêchés d’acheter leurs produits à des concurrents qu’ils préféreraient librement. Et ce préjudice se produit indépendamment de tout effet de la subvention sur les prix. – Murray N. Rothbard, Power and Market – page 43

    Effectivement, dans le cas de l’édification du couvre-feu, il est difficile de discerner où l’intérêt de groupe aurait pu se manifester pour engendrer une telle réglementation, quoique l’histoire nous fournisse quelques exemples cocasses.

    Cependant, dans les faits, les conséquences économiques restent similaires. La structure de production est modifiée temporairement peut-être, voire intemporellement, en faveur de toutes les entreprises pouvant absorber la demande déviée.

    La deuxième conséquence inattendue du couvre-feu, quoique moins inattendue tout de même, est une redistribution des droits des individus.

    En plus d’une redistribution de ces droits, le couvre-feu lèse la préférence démontrée des consommateurs, qui se retrouvent servis par des entrepreneurs qui ne sont pas leur premier choix. Sans parler de celle des autres entrepreneurs, dépossédés purement et simplement de leur droit.

    Conclusion

    Je pourrais encore citer un certain nombre de conséquences inattendues, mais ce ne serait pas un exercice amusant. Ce que je souhaitais rappeler avant tout aux lecteurs et potentiels néophytes, c’est que toute action a des conséquences, attendues et inattendues, qui peuvent nous emmener sur un chemin inverse de celui souhaité.

    Vous pouvez critiquer les hommes de ne pas se comporter comme ils le devraient, d’être des égoïstes. Du point de vue de la praxéologie , qu’ils soient égoïstes ou altruistes ne changent pas grand-chose : pour toute fin que possède un Homme, il se servira des moyens laissés à sa disposition pour l’atteindre. Et pour toute mauvaise incitation que vous lui fournissez, il sera contraint d’y répondre.

    Malheureusement, ces conséquences inattendues engendrent elles-mêmes des conséquences inattendues. Il ne faut pas douter du fait que face à celles-ci le processus interventionniste aura tendance à se renforcer pour régler ces nouveaux problèmes.

    Par exemple, dans le cas du contrôle des loyers , et la pénurie de logements engendrée les multiples fois où il a été implémenté, les pouvoirs avaient tendance à accroître la réglementation et les impôts sur les logements vacants, engendrant ainsi d’autres problèmes. Dans le cas du couvre-feu et ces potentielles conséquences inattendues, devons-nous nous attendre à un confinement général ou plus localisé ? Seul l’avenir nous le dira.

    Un article publié initialement en octobre 2020.

    1. James M. Buchanan, The Economics and The Ethics of A Constitutional Order , page 46 Page 52-53 : « How a person chooses among potential alternatives in not only a matter of what he wants but also of what he believes, and for some kinds of choices an actor beliefs or theories may play a most crucial role. » Comment une personne choisit parmi les alternatives potentielles ne dépend pas seulement de ce qu’elle veut mais aussi de ce qu’elle croit, et pour certains types de choix, les croyances ou théories d’un acteur peuvent jouer un rôle très important.
    2. Ibid, page 54 : « Rules are typically not objects valued in themselves. Rules are valued because of the pattern of outcomes that they are expected to produce. » Les règles ne sont généralement pas des objets ayant une valeur en soi. Les règles sont valorisées en raison du modèle de résultats qu’elles sont censées produire.
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      3 conseils à Macron pour changer de cap en 2021

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 15 January, 2021 - 04:45 · 9 minutes

    Macron

    Par Claude Sicard.

    En pleine crise du coronavirus, Emmanuel Macron a réuni mercredi 13 janvier l’ensemble des membres du gouvernement, avec leurs secrétaires d’État respectifs, pour « dessiner le cap des mois à venir » . Il est à craindre qu’il ne sorte rien de constructif de ce nouveau séminaire car le programme d’action qui va être adopté va s’inscrire tout naturellement dans la ligne du programme électoral qui était celui de Macron.

    On peut penser, en effet, qu’Emmanuel Macron ne voudra pas se dédire à quelques mois de l’ouverture de la prochaine campagne électorale où les partis d’opposition ne manqueront pas de faire le bilan de son quinquennat.

    Pourtant, les effets de la crise du coronavirus sont là, et le gouvernement ne peut pas manquer d’en tirer des leçons. Cette crise aura eu au moins un effet positif : servir de révélateur des dysfonctionnements de notre machine administrative. Comme on le sait, le bilan est lourd.

    Il y a eu le problème des masques , puis celui des tests, et maintenant la difficulté de vacciner la population au même rythme que nos voisins. De cafouillage en cafouillage, il a fallu finalement avoir recours à des cabinets privés de consultants pour élaborer un plan de combat efficace.

    Et l’on aura découvert, avec cette pandémie, que l’on se berçait d’illusions en prétendant que notre système de santé était le plus performant du monde .

    Le premier souci du gouvernement devrait donc être, à l’évidence, de rendre notre machine administrative plus efficace. C’est le premier problème à régler pour redresser le pays. On loue les performances d’organisation des Allemands, et plus encore celles d’Israël qui manifeste une fois de plus son extraordinaire capacité à agir et/ou à réagir : ce pays est exemplaire en matière de capacité à s’organiser.

    Dans la situation où se trouve notre pays, il est facile de voir où sont les priorités et il semblerait que Macron ne soit plus à même d’aller à l’essentiel. Tout au long de son quinquennat il a voulu voulu s’occuper de tout, des moindres détails de la vie de la nation aux questions à régler au plan international pour assurer la paix dans le monde et sauvegarder, dans toute la mesure du possible, les grands intérêts de notre pays.

    Il est ainsi passé des débats avec les collectivités locales lorsqu’il s’est agi de mettre un terme à la crise des Gilets jaunes, ce qu’il a baptisé pompeusement le Grand débat , aux réunions du G7, en passant par les symposiums de Davos et les réunions de chefs d’État à Bruxelles.

    À trop embrasser de sujets « en même temps », il semblerait bien qu’Emmanuel Macron ne parvienne plus à distinguer où se trouve l’essentiel de sa fonction. À propos de ce séminaire nouveau, son porte-parole a fait savoir qu’il voulait que soient « dégagées les priorités d’action, car nos concitoyens attendent de nous, légitimement, que l’on fasse de 2021 une année utile ».

    Quelles sont donc les priorités auxquelles le président aurait dû se tenir, afin que cette nouvelle année soit « une année utile » ? De notre point de vue elles sont tout simplement au nombre de trois :

    • Décentraliser
    • Rendre notre système administratif plus efficace
    • Renforcer considérablement nos capacités en R&D, afin de préparer l’avenir

    Macron doit décentraliser

    La France est un pays beaucoup trop centralisé , et le système d’organisation de la puissance publique qui est le nôtre ne convient plus à un pays développé, avec le niveau d’éducation qui est aujourd’hui celui de la population, et avec la sociologie qui est celle des habitants.

    En régions, les citoyens ne veulent plus que toutes les décisions les concernant soient prises à Paris, et les régions veulent donc avoir beaucoup plus de libertés pour gérer leurs affaires. Notre système d’organisation résulte des siècles passés, et il serait temps d’en changer.

    L’Allemagne, les États-Unis, la Suisse…. sont des pays fédéraux. L’Allemagne, par exemple, est organisée en seize Bundesländer ; chacun possède sa Constitution, une assemblée élue, et un gouvernement.

    En Allemagne, ce sont par exemple les Länder qui gèrent les hôpitaux publics, et ils ont fait un grand ménage dans ce domaine, transférant bon nombre d’hôpitaux déficitaires au secteur privé , ce qui a amené une réduction extraordinaire du nombre des hôpitaux : 2207 hôpitaux et cliniques en 1990, et 1700 en 2005. Et il y a eu, de ce fait, une réduction très importante du secteur public.

    L’Allemagne dispose donc aujourd’hui de beaucoup moins d’hôpitaux que la France, mais ils sont beaucoup plus grands, très modernes, dotés des équipements les plus sophistiqués et emploient des personnels très compétents.

    Il en résulte que la gestion de ce réseau est beaucoup moins lourde et onéreuse que celle des hôpitaux français, beaucoup plus nombreux, soit 3044, et souvent très anciens.

    Selon un rapport récent de l’IFRI sur le système de santé allemand :

    L’élément le plus marquant par rapport à la France a été la gestion concertée avec les Lander qui ont des compétences importantes en matière de santé publique.

    Il faut donc transférer aux régions la gestion locale de nos hôpitaux et du système de santé, et ceci n’est qu’un exemple.

    La politique de décentralisation a grand besoin d’être accélérée : lois Deferre en mars 1982, loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, fusion des régions en 2015.

    La première urgence pour que notre pays se modernise et soit plus efficace consiste à procéder à une vraie régionalisation et déconcentrer fortement notre machine administrative.

    Rendre notre système administratif plus efficace

    L’effectif de la fonction publique française s’élève à 5,6 millions de personnes. Contrairement aux idées reçues, il n’est pas aussi surabondant qu’on le proclame ordinairement.

    Des comparaisons internationales convenablement faites, tenant compte du PIB/capita des pays, c’est-à-dire de la richesse des pays, indiquent que le sureffectif français s’élève à 265 000 personnes seulement, soit 4,7 % de trop.

    Ce n’est donc pas en licenciant ces personnes en surnombre que l’on redressera vraiment les comptes de la nation. Le problème, bien plus grave, est celui du taux extrêmement élevé de fonctionnarisation des agents du secteur public. Pour comparaison :

    • Suède : 10 %
    • Italie : 15 %
    • Allemagne : 30 %
    • France : 81 %

    Beaucoup trop de personnels jouissent du statut privilégié de la fonction publique , lequel nuit beaucoup à l’efficacité des actions menées. Les agents ne peuvent pas être jugés sur la qualité de leur travail, leurs effectifs ne peuvent pas être réduits lorsqu’ils sont en surnombre dans un secteur, leur mutation est difficile à mettre en œuvre, leur rémunération ne doit rien à leur mérite professionnel, leur efficacité, leurs initiatives.

    Il faut donc ne recruter dorénavant que sur la base du droit du travail ordinaire.

    Il convient également de réduire les double-emplois dans le cadre d’une décentralisation bien conduite. Dans son livre Leçons du pouvoir François Hollande écrit que notre système actuel est un « millefeuilles territorial assorti d’un enchevêtrement inextricable de compétences et de responsabilités » ; et qu’il serait temps « de passer à l’action et de simplifier cet édifice ».

    Mais lui-même n’a pas fait grand-chose lorsqu’il était en fonction, les mesures à prendre étant loin d’être populaires.

    Macron doit renforcer la recherche-développement, mieux coordonner recherche publique et recherche privée

    Notre pays souffre tout particulièrement de désindustrialisation . Il est aujourd’hui le plus désindustrialisé d’Europe, Grèce mise à part. Or, la production industrielle est la variable clé qui commande le niveau de richesse des pays.

    De ce fait, l’État s’est vu contraint de soutenir le niveau de vie de la population par des dépenses sociales de plus en plus élevées , lesquelles ont entraîné des ponctions fiscales de plus en plus importantes sur les agents économiques. Les prélèvements obligatoires se révélant chaque année insuffisants, l’État a dû recourir à l’endettement extérieur pour boucler ses budgets.

    En somme, un cercle vicieux dans lequel se sont trouvés piégés depuis quarante ans tous nos gouvernements. Ce mécanisme vient de se trouver aggravé encore un peu plus par la crise du coronavirus. L’endettement extérieur atteint maintenant un niveau considérable : 120 % du PIB, et cela va se poursuivre d’année en année.

    Il va donc falloir réindustrialiser le pays . La pandémie actuelle a fait prendre conscience de cette nécessité. Il était temps !

    L’État a dû acheter les masques en Chine, les hôpitaux ont manqué de respirateurs artificiels, le pays n’en fabriquant pas contrairement à l’Allemagne ou la Suisse. Il ne produit pas non plus les machines frigorifiques permettant de stocker les nouveaux vaccins, il faut les acheter en Allemagne ou au Japon.

    Notre avenir va se jouer sur nos capacités à innover demain, car la réindustrialisation du pays va se faire à partir de nouvelles technologies, et non par rapatriement d’usines parties à l’étranger.

    La Chine est montée en puissance ces dernières années dans le domaine des nouvelles technologies, et elle ambitionne de se placer en tête en matière d’intelligence artificielle.

    Il faut donc considérablement renforcer nos capacités de recherche, principalement dans le domaine de la recherche appliquée. Cela demande une articulation bien meilleure entre la recherche publique et celle des entreprises.

    La réforme des retraites pourra attendre. Pour remettre les régimes de retraite à l’équilibre il suffit de porter l’âge de départ à la retraite à 65 ans, comme cela se pratique partout ailleurs.

    Cette décision est simple à prendre, elle ne demande pas des mois de travaux de recherche. Il suffit de le décider, en expliquant aux Français qu’il s’agit de leur garantir des retraites non dégradées. Un problème de simple courage politique.

    Nous ne savons pas encore quelles décisions seront arrêtées suite au séminaire organisé par Emmanuel Macron le 13 janvier. Mais il y a fort peu de chances que le plan d’action coïncide avec celui que nous venons d’esquisser à grands traits.

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      Croissance : ce qu’en dit Bruno Le Maire n’est que littérature

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 14 January, 2021 - 04:15 · 7 minutes

    croissance

    Par Nathalie MP Meyer.

    Retour aux chiffres, retour aux dures réalités. Selon le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance qui donnait mardi 12 janvier 2021 une conférence de presse à distance, ce sera un vrai défi que d’atteindre la croissance de 6 % qu’il a prévue pour 2021 avec un indéniable « volontarisme » (façon énarco-technocratique de dire « au pif »).

    Loin de moi l’idée de remettre cette assertion en cause, bien au contraire. On sent gros comme une maison que Bruno Le Maire nous prépare à une nouvelle révision pessimiste de ses prévisions, mais il fallait s’y attendre car tout ce qu’il nous a raconté précédemment sur le rebond de la France dans l’enfer du Covid-19 était marqué au sceau d’un optimisme keynésien aussi béat que mal compris.

    Relance et croissance, quoi qu’il en coûte

    Relance par dizaines de milliards, « quoi qu’il en coûte » sans restriction et plongeon consécutif assumé dans un niveau d’endettement dangereusement élevé – tout ceci ne devait en aucun cas susciter l’inquiétude puisque la croissance serait au rendez-vous et aurait tôt fait d’éponger ces petits excès nécessaires. Sans compter que le « principe de responsabilité sur les finances publiques » dont on sait qu’il est comme une seconde nature chez nos fonctionnaires et nos élus ( ici , ici , ici et ici ) nous garantissait que pas un euro ne serait dépensé de travers !

    Mais voilà, la croissance ne se décrète pas et M. Le Maire est inquiet, d’autant que l’on parle maintenant d’ un troisième confinement possible – une mesure de ralentissement de l’activité économique dont il serait d’ailleurs co-décisionnaire si elle devait effectivement être prise.

    Ce qui pose un léger problème : son ministère est-il en charge de favoriser ou de décourager la reprise ? Il serait plutôt question de suivre une voie étroite entre découragement du virus et encouragement de l’activité, nous répond généralement Emmanuel Macron. Mais au point d’Absurdistan où en est arrivé le pays, se pose plus que jamais la question du bien-fondé des mesures d’interdiction qui émaillent notre vie depuis mars.

    Toujours est-il que dans le Projet de loi de finances pour 2021 présenté fin septembre dernier, Bercy avait d’abord fixé les évolutions du PIB en volume à -10 % en 2020 et +8 % en 2021 et voyait la dette publique s’établir à 117,5 % du PIB à fin 2020. Mais avec le second confinement, il a fallu bricoler à la hâte de nouveaux chiffres, d’où une prévision de recul du PIB aggravée à -11 % en 2020 puis un rebond réduit à +6 % en 2021 . Quant à la dette des administrations publiques, elle devrait atteindre aux alentours de 120 % du PIB en date du 31 décembre dernier (l’INSEE n’a pas encore donné sa première évaluation concernant l’année 2020).

    Croissance et vaccination

    Les inquiétudes de M. Le Maire quant à la possibilité d’obtenir ce 6 % de croissance sonneraient cependant plus juste si parallèlement, le gouvernement ne se déchargeait pas de ses responsabilités sur des boucs émissaires pratiques et s’il ne s’évertuait pas à freiner la reprise, voire à pousser ouvertement à la non reprise comme il le fait depuis le début de la pandémie avec des mesures qui deviennent de véritables incitations à rester chez soi au lieu d’aller travailler.

    Pour le ministre, l’essentiel va en effet dépendre de la rapidité de la campagne de vaccination en France et de la vigueur de la reprise chez nos partenaires européens, notamment l’Allemagne.

    On tombe quelque peu à la renverse devant ces raisons qui permettront lorsque l’échec sera venu de tout mettre sur le dos des Français qui manqueraient de rapidité à se faire vacciner ou sur le dos d’une conjoncture économique morose à laquelle nous n’aurions aucune part mais dont nous serions les malheureuses victimes éplorées.

    Car sur le premier point, qui est en charge de la vaccination ? Qui n’a commencé à y réfléchir qu’à la mi-décembre ? Qui s’est octroyé alors, et comme d’habitude , les services d’un cabinet de conseil extérieur , McKinsey en l’occurrence, au tarif coquet de deux millions d’euros par mois ? Et qui a amplement démontré ensuite que la France, incapable de s’organiser malgré sa pléthore d’élus, de fonctionnaires et de consultants, accusait, à nouveau comme d’habitude, un retard et une lenteur inexcusables par rapport aux autres pays ?

    Quant au second point sur les partenaires européens, que voilà des propos bien audacieux et tout plein de paille et de poutre mal dirigés. Il est vrai que l’Allemagne table sur un rebond de son économie compris entre 3,5 et 4,4 % en 2021 , soit moins que les 6 % français de Bruno Le Maire. Mais quand on sait que le recul du PIB allemand devrait se situer entre -5 et -6 % en 2020 quand nous autres Français seront entre -9 et -11 %, on voit la faible pertinence, pour ne pas dire l’impertinence satisfaite des remarques du ministre.

    Et puis, il ne faudrait pas oublier non plus que depuis qu’il est entendu de compenser les fermetures administratives sur le mode du « quoi qu’il en coûte » , le gouvernement s’ingénie à rendre les arrêts de travail les plus généreux possible. La prise en charge massive du chômage partiel, plus massive et plus avantageuse que dans tout autre pays, avait déjà joué contre une reprise dynamique du travail après le premier confinement, d’où un effondrement du PIB français plus radical qu’ailleurs au premier semestre 2020.

    Les bonnes recommandations de Castex

    Aujourd’hui, les mêmes craintes sont à nouveaux de mise en raison de la mesure annoncée par Jean Castex la semaine dernière avec effet au dimanche 10 janvier dernier qui permet à tout salarié non éligible au télétravail de se mettre en arrêt de maladie immédiat sans aucun jour de carence, pour peu qu’il pense être le siège d’un des nombreux symptômes du Covid-19.

    Pas de visite chez le médecin pour confirmer la chose, juste la consultation d’une liste de symptômes dont on sait qu’ils peuvent s’appliquer aussi à de multiples pathologies parfaitement bénignes (ou au contraire être éventuellement le signe difficile à reconnaître sans avis médical d’une maladie beaucoup plus grave) :

    Voici la liste des symptômes du Covid-19 délivrée par le ministère de la Santé : fièvre, toux sèche, fatigue, courbatures, maux de gorge, diarrhée, conjonctivite, maux de tête, perte de l’odorat ou du goût, éruption cutanée ou décoloration des doigts ou des orteils, difficultés à respirer ou essoufflement, sensation d’oppression ou douleur. (Site de France 3 )

    Le salarié considéré n’est tenu à rien d’autre que de faire un test de dépistage du Covid-19 dans les deux jours suivant sa déclaration sur le site Ameli de la Sécurité sociale puis attendre sagement le résultat. Il lui suffit donc dorénavant de se sentir un peu fatigué le matin (ou d’avoir un petit mal de gorge, etc.) et d’en conclure grâce aux bons soins du gouvernement : « Ça y est, j’ai le Covid », pour obtenir jusqu’à quatre jours d’arrêt maladie pas forcément justifiés.

    Inutile de dire que cette nouvelle disposition visant à « protéger au mieux nos compatriotes » comme dirait Emmanuel Macron, mais qui ressemble à s’y méprendre à une couche d’assistanat supplémentaire étalée sur notre système social déjà obèse, est la porte ouverte à une nouvelle forme d’absentéisme qui aura peu de chance d’aider la croissance à s’envoler.

    Mais ne soyons pas trop dur avec Bruno Le Maire et reconnaissons qu’il peut parfois faire preuve d’une grande lucidité. Malgré ses immenses responsabilités de ministre de l’Économie et malgré ce terrible Coronavirus qui bouscule méchamment tous ses plans sur la comète, il trouve encore le temps d’écrire… ses mémoires… provisoires ! Quelle sublime modestie !

    L’ouvrage, son troisième depuis qu’il est à Bercy (si, si, je vous assure), ne sera en librairies que demain (et sur Amazon également – si, si, je vous assure ), mais d’après le quotidien Le Figaro , voici le portrait qu’il y fait du responsable politique :

    Passer son temps en réunions interminables, discussions creuses, en déjeuners et dîners […] toujours à l’affût de ce qui pourra être dit sur lui, son attention engloutie par le flot continu des informations en ligne, par les rumeurs, par les images, prenant le monde pour son miroir, pérorant, vitupérant […] , jamais serein, jamais en paix, s’accablant lui-même de nouvelles obligations pour ne surtout pas voir que sa vie est vaine, son influence nulle. ( L’ange et la bête : Mémoires provisoires )

    Voilà, c’est officiel, Bruno Le Maire est un responsable politique… considérable !

    Sur le web

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      Associations : stop aux subventions à tout-va

      Jean-Philippe Feldman · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 13 January, 2021 - 04:15 · 3 minutes

    subventions

    Par Jean-Philippe Feldman.

    Mon dernier ouvrage, Exception française : Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron , entend démontrer que les Français n’ont jamais été libéraux , aussi loin que l’on remonte dans l’histoire. Et s’ils ne l’ont pas été, cela tient à un faisceau de facteurs que la dernière livraison du Canard Enchaîné (6 janvier 2021) permet en partie de vérifier.

    Le journal satyrique, qui justifie souvent son appellation, appartient cependant à la galaxie des journaux de gauche. Un pléonasme en France, relèverait un mauvais esprit. Voilà déjà une explication de l’antilibéralisme français : l’absence d’offre intellectuelle pluraliste et une pensée trop souvent unique dans la presse tant écrite que parlée.

    Clientélisme et subventions en Auvergne-Rhône-Alpes

    Un article de cet hebdomadaire intitulé « Laurent Wauquiez aggrave l’effet de cerf », peut être ainsi résumé : dans la perspective des élections régionales, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes arrose de subventions les fédérations de chasse ; la présidente du groupe d’opposition écologiste s’insurge en pointant le clientélisme de la droite ; le président des chasseurs de la région se défend en évoquant un rééquilibrage après le tombereau de subventions déversé sur les associations environnementales durant les deux mandats précédents du socialiste Jean-Jack Queyranne.

    Contre les associations lucratives sans but

    Comme souvent, nos hommes politiques embrouillent tout. En effet, la question n’est pas de savoir quelles associations, qui pour la chasse, qui contre la chasse, vont se voir accorder des subventions, mais de cesser d’octroyer des subventions .

    En effet, une association est, ou plutôt devrait être, un organisme de droit privé, et comme tel recevoir des cotisations de membres privés, et non pas des associations lucratives sans but recevant, selon une périphrase, de l’argent public. Nos amis de Contribuables associés entendent le démontrer à longueur d’année.

    Pourquoi le libéralisme n’existe pas en France

    On comprend aussi pour quelle raison les libéraux ont du mal à exister dans un pays perclus d’interventionnisme et de clientélisme. Le marché politique joue à plein car la sphère publique pompe la majorité des richesses produites. Les associations dignes de ce nom peuvent plus difficilement bénéficier de la générosité des individus dont les finances sont obérées par la lourdeur des prélèvements obligatoires .

    Dès lors, beaucoup en ont tiré pour conséquence qu’il fallait trouver l’argent perdu là où il se trouvait, c’est-à-dire dans les poches de l’État, cette grande fiction à travers laquelle tout le monde vit aux dépens d’autrui. Frédéric Bastiat l’avait brillamment relevé il y a déjà plus d’un siècle et demi.

    En France, tout est ou devient public, tout est citoyen car pollué par la sphère publique. Briser cette servitude volontaire relève de la gageure car chacun s’accroche à ses privilèges ou lambeaux de privilèges. On peut s’en lamenter, mais il faut reconnaître que cette attitude n’est pas dénuée de logique, tant en ce qui concerne certains responsables associatifs peu scrupuleux que certains hommes politiques démagogiques, au sein de l’État providence le plus développé au monde. Et faire comprendre à la grande masse des individus -argument utilitariste- qu’ils auraient davantage à gagner à vivre sous un régime de liberté et surtout -argument non utilitariste et autrement essentiel- qu’ils seraient plus dignes s’ils ne mendiaient pas de l’argent public qui est en réalité toujours d’origine privée, exige manifestement beaucoup de patience et de pédagogie.

    Mais quel candidat de premier plan aux prochaines élections régionales osera dire : « Je n’octroierai plus de subventions à quelque association que ce soit et l’argent ainsi économisé permettra soit de diminuer les impôts soit de baisser les dépenses publiques soit les deux » ?

    Soyons un peu naïf en cette période difficile…

    Jean-Philippe Feldman  vient de faire paraître Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron , Odile Jacob, 2020.

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      James M. Buchanan ou la politique sans fard

      Jasmin Guénette · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 30 December, 2020 - 03:30 · 4 minutes

    Par Jasmin Guénette, depuis le Canada.
    Un article de l’Institut économique de Montréal

    Parmi les économistes qui ont été nobélisés, James M. Buchanan est probablement l’un des plus singuliers. Né le 3 octobre 1919 (il aurait 97 ans aujourd’hui), Buchanan répudiait l’idée que les économistes devaient être des technocrates qui guidaient l’action gouvernementale.

    James M. Buchanan, la domination du politicien et du fonctionnaire

    Après la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale, les sociétés occidentales ont été dominées par des courants de pensée qui favorisaient un rôle très important de l’État dans l’économie. Ces courants de pensée concevaient le rôle du politicien et du fonctionnaire comme de fins mécaniciens de l’économie et de la société (d’autres diraient des technocrates — terme qui est justement né durant cette époque).

    De la même façon qu’ils avaient planifié l’économie en temps de guerre, ils allaient pouvoir planifier l’économie en temps de paix. Ces courants de pensée présentaient aussi ces acteurs publics comme étant infaillibles, insensibles aux pressions extérieures et sans préférences individuelles, en opposition à un être humain faillible dont les décisions individuelles pouvaient mener au désordre social ou aux crises.

    Buchanan, remettre l’homme politique à sa place

    Buchanan, avec son collègue Gordon Tullock, a décidé de remettre en question ces affirmations.

    Pour eux, les politiciens et les fonctionnaires sont aussi des êtres humains faillibles qui sont mus par leurs intérêts et leurs préférences. Ainsi, ils peuvent notamment se servir de l’État à des fins personnelles.

    Sur la base de cette intuition, Buchanan a publié une série d’études qui ont permis de fonder un nouveau courant de pensée appelé l’école des choix publics — l’étude des mécanismes de décisions gouvernementaux à partir de la science économique. À l’époque, c’est-à-dire dans les années 1960, cela a constitué une véritable révolution dans le monde des idées. L’objectif était scientifique : reconnaître que si les marchés peuvent être défaillants, les gouvernements peuvent l’être aussi.

    Les défaillances du Politique

    Ce raisonnement était effectivement révolutionnaire. Auparavant, si on voyait ou percevait une défaillance du marché, on concluait automatiquement qu’il fallait faire appel à l’action gouvernementale pour résoudre le problème, et que cette intervention serait nécessairement appropriée. La pensée de Buchanan revient à dire que la solution peut en fait être pire que le problème.

    La logique de Buchanan va plus loin qu’une simple critique de l’action gouvernementale a posteriori . Il a examiné comment certains problèmes sociétaux peuvent être causés par l’action gouvernementale. Dans son magnum opus The Calculus of Consent , Buchanan souligne les méfaits des politiques qui favorisent un groupe aux dépens des autres.

    Les groupes d’intérêts (comme les lobbies d’agriculteurs ou les syndicats d’employés municipaux) peuvent faire des gains importants en essayant d’influencer le pouvoir politique afin qu’il adopte des lois qui les favorisent.

    Coûts dispersés, bénéfices concentrés

    Ce qu’il faut comprendre, et ceci est un point essentiel de Buchanan, c’est que le coût des mesures que les groupes de pression favorisent sont payés par l’ensemble des contribuables. Par conséquent, le coût par personne est faible et dispersé au sein de la population en général, alors que le bénéfice pour les groupes favorisés est élevé et concentré.

    La gestion de l’offre au Canada est un exemple de ce phénomène. Pour les agriculteurs, qui sont peu nombreux, les bénéfices de ce système constituent plusieurs millions de dollars en rentes et privilèges.

    Pour les très nombreux consommateurs, le coût annuel de cette mesure représente un peu plus de 400 dollars annuellement. Ce n’est certainement pas un coût assez élevé pour inciter les consommateurs à manifester dans les rues. Par contre, du point de vue des agriculteurs, perdre des millions en privilèges est assez important pour bloquer les rues et amener son tracteur sur la colline parlementaire.

    Buchanan lauréat du « prix Nobel »

    Les contributions de Buchanan sont nombreuses et vont bien au-delà de celles discutées ici. Ses analyses étaient assez convaincantes pour lui valoir le « prix Nobel » de sciences économiques en 1986.

    Dans l’analyse que nous faisons de nos politiques publiques au Québec et au Canada, nous ne devrions jamais oublier ces enseignements importants. Au final, le processus politique est mené non pas par des êtres vertueux désincarnés, mais par des êtres humains normaux, c’est-à-dire qui ne sont pas dépourvus d’intérêts, qui ont des préférences individuelles et qui répondent aux incitations de leur milieu.

    Un article publié initialement en octobre 2016.

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      Comment le capitalisme a libéré les femmes

      Chelsea Follett · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 29 December, 2020 - 03:30 · 5 minutes

    capitalisme

    Par Chelsea Follett, depuis les États-Unis.

    Y a-t-il quelque chose qui a davantage transformé le monde qu’Internet ? L’économiste sud-coréen Ha-Joon Chang le pense. Il soutient l’idée qu’une invention, un vecteur de libération , a eu un impact bien plus important dans notre quotidien : la machine à laver ! Machine que le regretté Hans Rosling considérait comme la plus grande invention de la révolution industrielle. Parce qu’elle a libéré les femmes de la corvée du linge, ou du moins d’y consacrer une journée entière par semaine .

    Résultat : les Américaines perdent à présent moins de 2 heures par semaine en moyenne pour cette tâche, et, aujourd’hui aux États-Unis, une plus grande proportion des ménagères défavorisées possède des machines à laver que n’en possédait la classe moyenne durant les années 1970. Même si la machine à laver est loin d’être la seule cause de l’émancipation des femmes en Occident, elle y a contribué à sa manière. « Sans la machine à laver, l’ampleur de la transformation du rôle des femmes dans la société et dans les dynamiques familiales n’aurait pas eu autant d’importance » avance Chang.

    Temps consacré à la lessive (en nombre d’heures par semaine)

    Source : Econweb and BLS

    Et le changement se poursuit. Grâce à la croissance économique et à la rapide diminution de la pauvreté dans le monde, davantage de femmes possèdent ou ont accès à une machine à laver. Ainsi, une étude de 2013 estimait à 46,9 % le nombre de ménagères en possédant une à travers le monde en 2010. Cela signifie que le marché des machines à laver a des marges importantes de croissance – et qu’il existe là un grand potentiel humain, prêt à se déployer.

    Prenez la Chine, le pays qui a connu la plus spectaculaire sortie de pauvreté, depuis que la libéralisation économique a permis à des centaines de millions d’individus de s’extraire de la misère. L’activité économique a été multipliée par 31 entre 1978, quand le pays a abandonné ses politiques économiques communistes, et 2016.

    En 1981, moins de 10 % des Chinoises citadines possédaient une machine à laver, tandis qu’en 2011, le chiffre s’élevait à 97,05 % . En 1985, moins de 5 % des ménages ruraux possédaient une machine à laver, en partie à cause du coût, mais aussi parce qu’ils n’avaient pas accès à l’électricité. En 2011, le taux montait à 62,57 %. La possession d’une machine à laver est donc un indicateur utile pour apprécier les formidables progrès de la Chine ainsi que la réduction des écarts entre la ville et la campagne.

    Taux d’équipement en machine à laver des ménages chinois

    Source : Laili Wang, Xuemei Ding, Rui Huang and Xiongying Wu, “Choices and using of washing machines in Chinese households”, International Journal of Consumer Studies (38) 2014, pp. 104-109.

    C’est une situation quelque peu différente en Inde, où les réformes économiques libérales n’ont débuté qu’en 1992, bien plus tard qu’ en Chine . De 1992 à 2016, l’activité économique du pays a été multipliée par 4 . Seulement 11 % des ménages possédaient une machine à laver en 2016.

    Comme en Chine, c’est dans les zones urbaines que l’on compte le plus grand nombre de ménages possédant une machine à laver, jusqu’à 20 % dans les villes les plus peuplées. Cela signifie que beaucoup de femmes continuent de faire la lessive à la main, frottant et battant le linge des heures durant, parfois sans avoir accès à l’eau courante. Néanmoins, les choses s’orientent dans la bonne direction. À mesure que l’économie de l’Inde croît et que la pauvreté régresse, davantage de femmes pourront se libérer de cette sale corvée.

    Que de chemin parcouru depuis le brevet déposé en 1937 par l’entreprise Bendix pour la première machine à laver automatique à usage domestique. Comme l’indiquait leur publicité dans le magazine Life de 1950, « l’esclavage de la corvée de lessive a disparu en seulement 13 ans » pour les femmes américaines. En 2007, Panasonic a lancé une machine à laver avec système de stérilisation, conçu spécifiquement pour répondre aux attentes des ménagères chinoises, et a grandement augmenté sa part de marché dans le pays.

    Il est important de comprendre ce qui est à la racine de ce progrès. Non seulement la concurrence et la recherche du profit ont été nécessaires à l’invention de la machine à laver, mais c’est surtout l’élan capitaliste qui a favorisé le développement continu des marchés à destination de nouveaux clients dans les pays en voie de développement. Tandis que l’innovation marquait le pas dans les systèmes socialistes, le capitalisme a contribué à l’émergence d’innovations, bouleversant bien plus le quotidien des individus que n’importe quel autre système économique et permettant la plus forte hausse de niveau de vie de l’Histoire.

    L’Afrique est le continent qui enregistre les pires records en matière de liberté économique, de pauvreté ainsi que d’accès aux technologies permettant d’économiser du temps. Mais même sur ce continent, le cercle vicieux tend à se briser, et le capitalisme aide, petit à petit, à réduire la pauvreté . Le nombre de personnes possédant une machine à laver reste faible, mais la plupart des Africains restent optimistes quant à leur avenir et leurs opportunités économiques.

    Aujourd’hui, les machines à laver réalisent toujours les mêmes tâches qu’il y a 80 ans – tâches qui ne se limitent pas au nettoyage du linge. Ces machines ont transformé le quotidien des ménagères, permettant aux femmes d’utiliser leur temps et leurs ressources à des choses beaucoup plus constructives. Et via le taux d’équipement en machine à laver à travers le monde, on peut suivre les progrès des libertés économiques.

    Un article publié initialement en mai 2017.


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