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      Pour les vacances d'hiver, les Outre-mer doivent faire une croix sur les touristes

      Claire Tervé · news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 6 February, 2021 - 02:35 · 5 minutes

    Dans les Outre-mer, le tourisme signe déjà

    TOURISME - Après le soleil, la grisaille. La haute saison a beau battre son plein en Martinique et en Guadeloupe, le moral des territoires ultramarins est au plus bas. En cause, les nouvelles restrictions de voyages pour les territoires Outre-mer afin de limiter la propagation des variants du coronavirus. “Coup de massue”, “hécatombe économique”... Alors que ces territoires avaient été particulièrement prisés lors des vacances de fin d’année, le contrecoup est aujourd’hui très rude.

    En effet, depuis mardi 2 février, de nouvelles conditions de vol à destination des territoires ultramarins sont en vigueur. Ces dernières restrictions imposent des “motifs impérieux” aux voyageurs, en plus des tests PCR négatifs de moins de 72h (les tests antigéniques ne sont plus acceptés) et la septaine obligatoire à l’arrivée .

    En Polynésie française par exemple, les voyages touristiques sont suspendus depuis mercredi 3 février. Cette décision devrait porter un nouveau coup dur à l’économie polynésienne dont le tourisme, en grande difficulté, est le premier secteur d’activité, note l’AFP. Le tourisme figurait jusqu’à présent parmi les motifs impérieux qui permettaient de se rendre en Polynésie, afin de préserver son économie. Mais seuls désormais seront acceptés les motifs d’ordre familial, sanitaire ou professionnel, accompagnés de justificatifs.

    Les Outre-mer destinations prisées de Noël 2020

    Il faut dire que jusqu’ici, certaines îles avaient réussi à tirer leur épingle du jeu. Faute d’avoir pu voyager à l’étranger, les Français en recherche de soleil se sont rabattus vers les territoires français d’Outre-mer pour les fêtes de fin d’année. Le niveau de réservation des compagnies aériennes y “est presque similaire à l’année dernière”, assurait à la mi-décembre Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage, le syndicat représentant les voyagistes français.

    “On a un léger frémissement”, confirmait Susan Soba, directrice générale de l’Ile de la Réunion Tourisme, qui affirmait que son île faisait “partie depuis quelques semaines des destinations les plus recherchées” sur internet.

    Selon La 1ere , du 15 au 31 décembre 2020, l’archipel guadeloupéen a accueilli plus de 3600 passagers, avec un regain de touristes de moins de 30 ans (plus 10% par rapport à 2019). D’ailleurs, Air France avait renforcé ses offres avec le retour des liaisons Paris Charles de Gaulle /Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France en plus des départs depuis Orly, notait le média.

    Après une augmentation des réservations de plus 200% à Noël, la destination continuait de progresser avec + 108,4 % de réservations en janvier selon une étude* de PAP Vacances, site de locations saisonnières entre particuliers, repéré par Le Figaro . Dans le détail, La Réunion et la Guadeloupe enregistraient respectivement une hausse 270,0 % et 175,0 % de réservations. La Martinique arrivait après avec + 25,2 %.  Des voyages qu’il faut donc désormais annuler pour les prochaines semaines.

    “Les départements d’Outre-mer se présentaient comme une bonne destination de report pour les Français, car ils ne pensaient pas que les frontières allaient être fermées”, explique au Figaro Corine Joly, présidente de Pap.fr.

    “C’est déjà la fin de la haute saison”

    Après avoir cru pouvoir sauver les meubles pendant la haute saison , les professionnels du tourisme des territoires ultramarins accusent désormais le coup.

    “La situation est très préoccupante, c’est une catastrophe, se désole auprès du HuffPost François Baltus Languedoc, directeur général du comité martiniquais du Tourisme. Ce dernier nous explique que cette mise en place des “motifs impérieux” est un “deuxième coup de massue”, après celui encaissé à l’annonce des septaines . Des décisions qu’il a dû mal à comprendre alors que le taux d’incidence en Martinique est “l’un des plus bas de France” malgré l’afflux de touristes en décembre et janvier.

    “L’annonce de l’autoconfinement pendant sept jours a été le point de départ d’énormément d’annulations de voyage. Mais les ‘motifs impérieux’ ont carrément signé l’arrêt total de la haute saison”, nous explique François Baltus Languedoc. Une saison primordiale, censée durer 5 mois et qui n’aura finalement duré que quatre semaines entre la fin du confinement en décembre et ces nouvelles restrictions de février.

    “Aujourd’hui nous n’avons plus que 10% de voyageurs venant de l’Hexagone par rapport à décembre (200 ou 300 par jour contre 2000). Et les projections sont vraiment inquiétantes”, nous assure-t-il. Le directeur du CMT prend pour illustration des estimations qu’il avait fait faire le 1er février pour le mois de février. Le nombre de réservations de billets et d’hôtel était estimé à -69% par rapport à février 2019. Il a redemandé une estimation le 3 février après la mise en place des nouvelles restrictions : elles étaient tombées à -78%.

    Impossibilité de se projeter

    Selon François Baltus Languedoc, le plus dur est de ne pas pouvoir se projeter, puisqu’aucune date de fin de ces mesures n’a été donnée. “Le préfet de la Martinique a annoncé que cette date de fin serait corrélée avec le nombre de personnes vaccinées sur l’île. Mais d’une part les vaccinations ici se font de façon assez lente et d’autre part il n’y a pas eu de pédagogie sur les vaccins auprès des Martiniquais, ce qui maintient une certaine méfiance sur ce sujet”, regrette notre interlocuteur.

    L’ambiance est également morose en Guadeloupe, où l’annonce de la septaine avait abattu les professionnels du tourisme. “Les dernières mesures arrivent comme un coup de massue au moment où les choses commençaient à repartir”, regrette Olivia Ramoutard, 1re vice-présidente de la Fédération du tourisme de proximité en Guadeloupe, auprès du site Outremers360 .

    “On est complètement abasourdi. On va avoir beaucoup d’annulations et la prise de commande s’est nettement stoppée”, témoigne de son côté Patrick Vial-Collet, président de la CCI de Guadeloupe.

    “C’est un manque à gagner pour nous qui étions déjà dans l’attente de reprendre une activité normale, confie à FranceInfo une commerçante du marché du Diamant en Martinique. Me concernant, c’est vécu comme une hécatombe économique”.

    (*) L’étude repose sur 8712 demandes de réservations effectuées entre le 4 janvier et le 31 janvier 2021 via le site PAP Vacances pour la période du samedi 6 février 2021 au 6 mars 2021, comparée à la même période de l’année 2020.

    À voir également sur Le HuffPost: Les touristes sans masque à Bali se font réprimander d’une surprenante façon

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      Office Dépôt annonce son placement en redressement judiciaire

      AFP · news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 5 February, 2021 - 18:29 · 1 minute

    Un magasin Office Depot à Paris, alors que l

    CRISE ÉCONOMIQUE - L’annonce a été faite ce vendredi 5 février. La société Office Depot France, qui emploie dans le pays quelque 1.750 salariés, a été placée en redressement judiciaire . ”À l’issue d’une audience au Tribunal de commerce de Lille-Métropole et à la demande de l’entreprise, la société Office Depot France annonce avoir été placée en redressement judiciaire, a fait savoir l’entreprise dans un communiqué de presse .

    L’enseigne assure que cette décision a été prise “afin de faire face aux difficultés majeures liées notamment à la crise Covid-19 qui a directement impacté le plan de transformation initié par la nouvelle direction à son arrivée en mars 2019”.

    Ce plan de transformation, qui devait permettre à l’entreprise de relever la tête après des difficultés ces dernières années, visait le retour à la rentabilité dès 2021 et “commençait à produire ses effets lorsque la crise sanitaire et économique est intervenue”, assure Office Depot France.

    Une baisse du chiffre d’affaires de 20% en 2020

    Mais “cette crise sans précédent a marqué un coup d’arrêt dans le déploiement de ce plan de transformation, engendrant un besoin de financement conséquent”, explique la société, qui dit avoir subi une baisse de chiffre d’affaires de près de 20% en 2020 avec pour effet d’accroître ses difficultés économiques.

    Cette mise en redressement judiciaire “permettra à la direction, avec le soutien des organes de la procédure, de poursuivre l’exploitation de l’entreprise, de se donner du temps pour faire émerger toutes solutions de nature à pérenniser ses activités mais également d’accélérer l’achèvement de son plan de transformation”, poursuit le communiqué.

    Spécialisée dans les matériels et fournitures de bureau, Office Depot France exploite actuellement 60 magasins, des sites de commerce en ligne ainsi qu’un centre de logistique intégré avec trois entrepôts et 22 plates-formes de distribution, selon les chiffres donnés dans le communiqué.

    À voir également sur Le HuffPost: Castex estime que la France peut encore ”éviter le confinement”

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      Sanofi va gâter ses actionnaires après l'envolée de son bénéfice, la CGT indignée

      Le HuffPost avec AFP · news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 5 February, 2021 - 11:07 · 4 minutes

    ÉCONOMIE - Le revers sur son vaccin anti-Covid n’a pas entamé les résultats de Sanofi: fort d’une envolée de son bénéfice net l’an dernier, certes liée à une opération ponctuelle, le géant pharmaceutique français va gâter ses actionnaires, au risque de relancer la polémique.

    Dopé principalement par la vente d’une grande partie de ses actions Regeneron, la biotech américaine qui a développé le traitement anti-Covid utilisé par Donald Trump, Sanofi a gagné 12,3 milliards d’euros de bénéfice net en 2020, contre 2,8 milliards un an auparavant, soit une progression de près de 340%.

    Dans la foulée, il a annoncé ce vendredi 5 février qu’il proposerait un dividende de 3,20 euros par action - contre 3,15 euros pour l’exercice précédent -, ce qui représentera au total plus de 4 milliards d’euros pour ses actionnaires.

    Le géant pharmaceutique publie ces résultats après plusieurs journées d’action syndicale contre sa stratégie, à l’appel de la CGT notamment. Le 19 janvier déjà, les syndicats dénonçaient cette augmentation prévisible , comme le montre notre vidéo en tête d’article .

    “Trop c’est trop: ces résultats sont la preuve que Sanofi s’apprête encore à détruire 1700 postes pour rien”, s’est indignée la CGT dans un communiqué après l’officialisation des résultats par le laboratoire. Et de dénoncer au passage un ”État complice, impuissant volontaire face à la multinationale”.

    L’an dernier, le laboratoire avait en effet annoncé 1700 suppressions de postes, dont environ un millier en France. Selon les syndicats, près de 400 de ces suppressions auront lieu dans la recherche, ce qui lui a valu d’être vivement interpellé par des élus, dont François Ruffin (LFI).

    La pilule passe mal alors que Sanofi, l’un des leaders mondiaux dans le monde des vaccins, a enregistré un retard de plusieurs mois dans le développement de son principal candidat face au Covid-19. Celui-ci est désormais attendu fin 2021 , soit quasiment un an après les premiers vaccins autorisés en Europe, ceux de Pfizer/BioNtech et Moderna.

    2021 s’annonce rentable

    À l’instar d’autres laboratoires internationaux avant lui, Sanofi a décidé fin 2019, sous l’impulsion de son nouveau directeur général Paul Hudson, de se désengager de certains secteurs, comme le diabète, au profit de domaines plus porteurs et rémunérateurs, comme l’immunothérapie. Mais le groupe n’a eu de cesse d’affirmer que les vaccins n’étaient pas concernés par les coupes dans la recherche.

    D’ailleurs, la division vaccins (grippe...) a été particulièrement dynamique l’an dernier, avec quasiment 6 milliards d’euros de ventes, en progression de près de 9%. Au regard de ces résultats positifs, il est donc logique de verser un dividende aux actionnaires, fait valoir la société.

    “Sanofi évoluant dans un environnement international très concurrentiel, suspendre le dividende ou le réduire en raison de la pandémie actuelle viendrait à fragiliser l’entreprise, réduire son attractivité et altérer ainsi sa capacité à innover sur le long terme pour les patients”, a-t-il ainsi défendu dans un courriel à l’AFP, vendredi matin.

    Quant aux dividendes, ils profiteront également aux salariés français de Sanofi, selon une note de la direction diffusée en interne vendredi, qui rappelle que 90% d’entre eux sont actionnaires du groupe. En outre, la rémunération variable collective qui leur est versée devrait être supérieure à 2019, selon cette même note.

    L’an passé, la société a enregistré un chiffre d’affaires de 36 milliards d’euros, en hausse de quelque 3% à taux de changes constants, soutenu par les vaccins mais aussi la croissance de son produit vedette Dupixent.

    Développé en collaboration avec Regeneron, ce médicament, utilisé notamment dans le traitement de l’asthme ou de la dermatite atopique, pourrait rapporter, à terme, plus de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, contre 3,5 milliards aujourd’hui.

    S’appuyant sur ces deux piliers, Sanofi anticipe d’ailleurs pour 2021 un bénéfice net par action des activités (BNPA), l’un de ses indicateurs financiers privilégiés, en nette progression, sans donner toutefois d’objectif de chiffre d’affaires.

    Le groupe n’est pas le seul à tabler sur une bonne année 2021. Le géant américain Pfizer a ainsi, il y a quelques jours, estimé que les seules ventes de son vaccin anti-Covid atteindraient environ 15 milliards de dollars d’ici la fin de l’année.

    À voir également sur Le HuffPost: Macron veut relocaliser “certaines productions critiques” de santé en France

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      Ski: l'aide Covid pour les saisonniers jugée "insuffisante" et trop "restrictive"

      Lucie Oriol · news.movim.eu / HuffingtonPost · Friday, 5 February, 2021 - 02:49 · 5 minutes

    Des magasins de ski fermés dans la station de Villard-de-Lans près de Grenbole le 5 janvier 2021  (Photo Philippe DESMAZES / AFP)

    EMPLOI - De la poudreuse aux yeux. Ce vendredi 5 février, plusieurs milliers de travailleurs précaires devraient recevoir une aide de 900 euros , annoncée en novembre dernier par le Premier ministre Jean Castex. Alors que les remontées mécaniques resteront fermées dans les stations de ski pendant tout le mois de février, le gouvernement entend notamment adresser un geste aux saisonniers de la montagne avec cette aide. En parallèle, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, encourage régulièrement les entreprises du secteur à embaucher à des saisonniers quitte à les faire passer en chômage partiel.

    Un dispositif néanmoins insuffisant et qui rate sa cible, alertent plusieurs représentants syndicaux contactés par Le HuffPost. “C’est une catastrophe sociale en devenir. Je m’inquiète énormément. Il ne faut pas s’y tromper: quand on prend en compte l’ensemble des saisonniers en France leur nombre est proche de 2 millions, tous sont loin d’êtres concernés par les dispositifs de l’État et il y a des trous dans la raquette”, pointe du doigt Antoine Fatiga, représentant CGT de la branche saisonniers. Depuis près de trois semaines il a recueilli plusieurs centaines de témoignages sur une adresse mail dédiée au soutien des saisonniers (sos.saisonniers@gmail.com).

    Une aide trop difficile à obtenir

    Alors que la ministre du Travail Élisabeth Borne assure que 400.000 personnes, dont 70.000 jeunes devraient toucher cette aide, Éric Becker, secrétaire général FO des transports en charge des remontées mécaniques et des saisonniers, pointe comme Antoine Fatiga un coup de pouce qui arrive trop tardivement et dont les critères sont trop restrictifs. Selon le décret paru le 31 décembre au Journal officiel, les 900 euros seront versés dès le 5 février au titre du mois des mois de novembre et décembre. “Cela veut dire que des gens attendent de manger depuis novembre!”, s’énerve Éric Becker. Ce lundi, il a bloqué avec une centaine de saisonniers l’entrée du tunnel de Fréjus dans les Alpes pour réclamer plus de soutien économique.

    De fait, bénéficier de ces 900 euros nécessite de remplir un cahier des charges assez spécifique: pour être inscrit sur les listes de Pôle emploi, sur un ou plusieurs mois entre novembre 2020 et février 2021, il faut justifier d’une durée d’activité salariée d’au moins 138 jours entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019 (cette activité doit avoir été effectuée à 70% en CDD ou en intérim), avoir des revenus inférieurs à 900 euros au cours du mois écoulé. Et si vous êtes indemnisé par Pôle emploi, l’indemnité journalière de ne doit pas dépasser 33 euros.

    La mention de Pôle emploi est particulièrement problématique, explique Antoine Fatiga puisque de nombreux saisonniers ne s’inscrivent pas à Pôle emploi après des contrats. “Entre les heures supplémentaires et les congés payés, il y a une période de carence assez longue. Résultat, pour une grande majorité de saisonniers, ce n’est pas intéressant de s’inscrire à Pôle emploi”.

    Enfin, les deux représentants syndicaux estiment que cette liste de critères exclut toute une partie de l’écosystème saisonnier: ceux qui étaient en fin de droit quand les décrets ont été signés, les primo-saisonniers, mais pas que. Si la plupart des saisonniers des remontées mécaniques vont bénéficier du chômage partiel, c’est loin de s’appliquer à l’ensemble des salariés temporaires de la montagne.

    “Les remontées mécaniques, ce sont de grosses machines. Mais il y a aussi plein de saisonniers qui sont embauchés par des petites entreprises. On peut compter environ 120.000 saisonniers employés dans l’hôtellerie-restauration en station dans les Alpes, or près de 70% d’entre eux n’ont pas eu la chance d’être embauchés au chômage partiel et pour une grande partie n’ont pas droit à la prime de 900 euros”, assure Éric Becker.

    Activité partielle ineffective

    Si le gouvernement martèle aux entreprises du secteur que l’État prendra en charge 100% de la rémunération du saisonnier jusqu’au 15 avril, selon les deux représentants syndicaux, nombreuses sont celles qui n’ont pas joué le jeu. Antoine Fatiga estime à 40% le nombre de saisonniers qui n’ont finalement pas été embauchés.

    C’est notamment le cas de Sophie, contactée par le HuffPost. Elle devait comme chaque année être embauchée en tant que secrétaire d’une école de ski. Mais son entreprise a finalement coupé court en expliquant qu’elle ne pouvait pas avancer le chômage partiel en attendant l’aide du gouvernement. “Du coup je suis inscrite au chômage, je touche des indemnités de 1000 euros donc je n’ai pas le droit à l’aide de 900 euros. Évidemment je ne suis pas dans le pire des cas, mais que va-t-il se passer au printemps et cet été quand je vais arriver en fin de droit et qu’on sera des dizaines à chercher des offres? C’est frustrant parce que je n’y suis pour rien si je ne peux pas travailler”, déplore-t-elle.

    Pour Éric Becker et Antoine Fatiga, il est difficile pour des salariés précaires d’entamer les démarches contre un employeur qui n’aurait pas respecté une promesse d’embauche , encore plus quand ces dernières sont faites verbalement et sous réserve d’ouverture.

    Les deux représentants syndicaux demandent également au gouvernement d’ouvrir le dialogue. “L’État a mis 400 millions pour le tourisme, sans rien demander en retour aux entreprises. Et maintenant la colère monte”, déplore Antoine Fatiga qui rappelle que les saisonniers ont plutôt “une moyenne d’âge autour de 30/35 ans et peuvent être sédentarisés avec des traites”. Lundi, en confirmant que les stations de ski ne rouvriraient pas de tout février, Jean Castex a annoncé un renforcement du plan d’aide aux acteurs de la montagne. Les premières pistes concernent essentiellement les entreprises.

    À voir également sur Le HuffPost: Il échappe indemne à une avalanche en activant son airbag

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      Pour ces conseillers Pôle emploi, le meurtre de leur collègue n'arrive pas par hasard

      Hortense de Montalivet · news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 4 February, 2021 - 18:08 · 3 minutes

    MANIFESTATION - Un service public à destination des humains les plus fragiles économiquement transformé en machine à broyer. C’est peu ou prou ce que ces employés de Pôle Emploi ont dénoncé au micro du HuffPost , jeudi 4 février, lors d’une manifestation interprofessionnelle qui s’est déroulée à Paris de la place de la République à la place de la Nation.

    Comme vous pouvez le voir dans notre reportage ci-dessus , derrière une banderole “Hommage à toi Patricia, on ne t’oublie pas”, ces fonctionnaires ont regretté un système où l’humain est oublié au profit de l’argent, quelques jours après le meurtre d’une de leurs collègues , à Valence, le 28 janvier dernier.

    “Les gens se retrouvent face à des répondeurs, des serveurs téléphoniques...Ils ne comprennent plus rien”, déplore Luis, un conseiller Pôle Emploi pour qui l’agressivité grandissante des visiteurs en précarité économique envers les agences est compréhensible. “Avec la crise, ça ne va pas s’améliorer, il y a ceux qui vont perdre leur travail avec la fermeture prochaine des entreprises. On est beaucoup à penser que la situation va s’aggraver”, prévient Dalila, travailleuse elle aussi pour l’établissement public.

    Danièle, à côté de ses collègues s’inquiète également et a dû mal à comprendre les choix de son entreprise. La veille de cette marche, Pôle Emploi a annoncé le renforcement des équipes de sécurité de ses agences. “On supprime des effectifs, mais on rajoute des agents de sécurité...Vous voyez où le problème?” interroge-t-elle rhétoriquement.

    Aujourd’hui, rien dans l’avancement de l’enquête sur le double meurtre d’une DRH et d’une employée de Pôle Emploi dans la Drôme et en Ardèche n’indique que les motivations du suspect, Gabriel Fortin, était lié à l’organisation des agences, ce dernier étant toujours muet face au juge d’instruction.

    Le déconfinement des colères

    Cette manifestation organisée par la CGT , la FSU, Solidaires et des organisations de jeunesse avait pour mot d’ordre: la défense de l’emploi et des services publics, alors que “pas une journée ne se passe sans une nouvelle annonce de plan de suppressions d’emplois, de fermetures d’entreprises ou restructurations et réductions de services”, ont souligné les organisateurs dans un communiqué.

    La CGT et ses partenaires demandent notamment une politique de “relocalisation industrielle”, le partage du temps de travail, le “développement des services publics”, l’interdiction des licenciements dans les entreprises bénéficiant d’aides publiques “surtout lorsqu’elles continuent à dégager des profits”, a détaillé auprès de l’AFP Céline Verzeletti, dirigeante confédérale de la CGT.

    Le mois de janvier a été ponctué de plusieurs mobilisations sectorielles, avec un certain succès selon les syndicats: professionnels de santé le 21, de l’Éducation nationale le 26, du secteur de l’énergie le 28. Après la “sidération” des derniers mois, Céline Verzeletti se dit “persuadée  qu’il y aura de fortes mobilisations” quand on aura retrouvé “la liberté d’agir et de circuler”. “Ce qu’on peut gagner [avec la journée de jeudi, ndlr ] c’est un déconfinement des colères”, jugeait un peu plus tôt dans le journal Libération Simon Duteil, porte-parole de Solidaires.

    À voir également sur Le HuffPost: Ces étudiants au bout du rouleau racontent leur solitude et leur précarité

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      Y aura-t-il des voitures volantes aux Jeux Olympiques de Paris 2024?

      Matthieu Balu · news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 21 January, 2021 - 06:00 · 3 minutes

    TRANSPORT - La voiture volante, c’est l’avenir? Mais non, c’est le passé! Ou plutôt, la voiture volante comme l’Humanité la fantasme depuis un siècle. La révolution des drones est passée là, et le véhicule individuel du futur s’appelle Evtol, pour Electrical vertical takeoff and landing (décollage et atterrissage vertical et électrique, en français). Ces engins sont désormais l’attraction des salons dédiés à l’innovation, et nombreux sont ceux qui parient sur leur arrivée sur le marché dans la décennie qui vient. Certains visent même les Jeux olympiques de Paris...en 2024.

    Comme vous pouvez le découvrir dans la vidéo en tête de cet article, le choix de cet événement sportif si attendu n’a rien de farfelu.

    Les concepts se multiplient, et avec eux les levées de fonds. Ce secteur d’activité naissant, la France ne veut pas en rater les emplois. C’est pourquoi, à la rentrée 2020, la région Île-de-France s’est engagée dans un programme pour attirer les fabricants, avec comme partenaire rutilant la start-up allemande Volocopter . L’objectif pour la région parisienne, c’est de créer les conditions du développement d’une industrie dédiée aux Evtol dans les années qui viennent: “Le jour où on aura des véhicules aériens qui se déplaceront sur les toits de la RATP, ce sera une partie de ma réussite”, s’amuse ainsi Franck Margain, conseiller régional et président de Choose Paris Region, l’agence pour l’attractivité de l’Île-de-France.

    La sécurité, le critère souverain

    Il faut dire que l’appétit est là. Une analyse du cabinet BIS research estime ainsi que le marché représentera déjà 430 millions d’euros en 2025...pour continuer sur une croissance exponentielle et atteindre 1,7 milliard d’euros d’ici à 2035. Pas mal pour un secteur qui se résume aujourd’hui à des attentes et des projets expérimentaux, comme ceux menés par les protégés de François Chopard, business angel de l’aéronautique avec l’incubateur Starburst . Pour lui, pas de doute, les Evtol commerciaux sont presque une réalité: “On parle de premiers vols certifiés aux alentours de 2023”, assure-t-il.

    Qu’est-ce qui pourrait alors freiner l’arrivée des Evtol dans le ciel urbain, avec des lignes de taxis aériens reliant par exemple les aéroports de Paris au centre-ville en une vingtaine de minutes? Plusieurs obstacles techniques, comme la durée des batteries, doivent être réglés d’ici là pour répondre aux critères de vols commerciaux. Le principal obstacle pourtant, celui qui pourrait non seulement retarder les premiers vols après 2024: l’impératif de sécurité.

    Au niveau européen, les exigences sont extrêmement élevées: “autant que pour un avion de ligne” explique David Solar, chef du département Evtol à l’agence européenne pour la sécurité de l’aviation. Assurer une absence quasi totale d’accident en vol est une nécessité: sans cela, c’est toute l’aventure des voitures volantes qui risque de capoter avant même d’avoir vraiment commencé.

    Cette vidéo fait partie de notre nouvelle série de vidéos “En Transit.ion”. Comment se déplacera-t-on (mieux) demain? Retrouvez nos futurs sujets et reportages sur cette page . Cette série de vidéos est soutenue par Toyota. Vous pouvez consulter notre charte des partenariats ici. Une idée, une information à partager pour cette série de reportages? Vous pouvez nous écrire à l’adresse entransition@huffpost.fr

    À voir également sur Le HuffPost: En Écosse, le spectacle magique de centaines de drones

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      Flux financiers illicites : Afrique première créancière au monde

      Milan Rivié · news.movim.eu / LeVentSeLeve · Monday, 18 January, 2021 - 19:14 · 15 minutes

    Dans son dernier rapport actualisant les données sur les flux financiers illicites (FFI) en Afrique, la CNUCED (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement) nous informe que 88,6 milliards de dollars se volatilisent chaque année du continent. Outre les sommes en jeu, il convient de se demander comment cela est rendu possible.


    Des pertes colossales

    D’après le rapport, « Les flux financiers illicites (FFI) sont des mouvements transfrontaliers d’argent et d’actifs dont la source, le transfert ou l’utilisation sont illégaux » [1] . Y sont distinguées 4 grandes catégories. D’abord, « les pratiques fiscales et commerciales » consistant essentiellement à de fausses facturations pour les produits destinés à l’import ou à l’export, environ 40 milliards de dollars par an. Ensuite « les marchés illégaux » , relevant notamment du trafic d’êtres humains ou encore de déchets toxiques. De même « les activités relevant du vol et le financement de la criminalité et du terrorisme » . Enfin, les FFI liés à la « corruption » .

    Pour l’Afrique, les pertes enregistrées sont colossales. 89 milliards de dollars par an selon les estimations les plus basses, soit 3,7 % du PIB du continent, ou 25 % du PIB de l’Egypte, une des trois principales économies africaines aux côtés de l’Afrique du Sud et du Nigeria. C’est également « presque aussi important que le total des flux entrants de l’aide publique au développement, évalués à 48 milliards de dollars, combinés aux investissements directs étrangers, estimés à 54 milliards $US, reçus par les pays africains » .

    Contrairement à la narration dominante, les 54 Etats africains financeraient les pays dit développés et non l’inverse ? Comme le CADTM, c’est ce qu’affirme le rapport. Avec des FFI estimés à 836 milliards $US entre 2010 et 2015, et une dette extérieure de 770 milliards $US en 2018, « l’Afrique est un créancier net du reste du monde » .

    Graphique 1 : Comparaison entre le stock de la dette extérieure (publique et totale – échelle de gauche), le service de la dette extérieure (publique et totale) et les FFI (échelle de droite) – en milliards de $US [2]

    Alors que 13 pays africains sont placés sur la liste du FMI des pays en situation de surendettement et qu’une dizaine sont en suspension de paiement [3] , la comparaison détonne. Sur la période courant de 2011 à 2018, (voir graphique 1), les FFI sont toujours largement supérieurs au service de la dette extérieure publique ou totale. En somme, si les pays africains venaient à récupérer les FFI, ils pourraient se libérer totalement de l’endettement extérieur. Plus encore, sans FFI, les populations africaines n’auraient pas subi les différents mécanismes de domination inhérents au système-dette. Mais alors qui sont les responsables ?

    Des responsabilités partagées ?

    Lorsqu’il est question de l’Afrique et des raisons pour lesquelles les pays rencontrent des difficultés de développement, très vite la corruption intérieure est pointée du doigt comme principale responsable. Elle est indéniable :  environ 148 milliards $US par an selon la Banque africaine de développement. Il faut néanmoins distinguer la « petite » de la « grande » corruption.

    Dans un environnement où les classes capitalistes et dirigeantes sont perçues comme corrompues, la petite corruption se développe d’autant plus. Puisque dans les plus hautes sphères de l’Etat et des organisations (publiques et privées) les obligations fondamentales sont transgressées par ses plus hauts représentants, il deviendrait normal, rationnel voire nécessaire d’agir de la sorte à des niveaux subalternes, notamment chez les fonctionnaires sous-payés ou laissés sans salaire pendant des mois. La « petite » se présente alors comme une excroissance de la « grande » corruption. L’obtention forcée ou accélérée de documents administratifs, de ristournes fiscales, d’un terrain à bâtir, etc., se monnaye alors entre des individus et des agents appartenant tous deux à la classe moyenne. De fait, le « petit corrupteur » obtient par le paiement d’un dessous de table ce qu’il aurait dû obtenir tout à fait normalement si le service public et ses employés étaient suffisamment financés par l’État. Quant au « petit corrompu », il obtient un revenu de subsistance complémentaire souvent rendu nécessaire en raison de salaires faibles voire impayés, le tout dans une structure dysfonctionnant et qu’il sait parasitée en son sommet. En bout de chaîne, ces agissements, délictueux mais compréhensibles, se répercutent malheureusement doublement aux dépens des plus pauvres. Proportionnellement à leurs revenus, ils doivent payer davantage pour espérer bénéficier de services publics ou privés, tout en sachant qu’en l’état, ces mêmes services, censés accessibles à tou-te-s, continueront à se déliter. Pour autant, s’il faut incontestablement lutter contre la « petite corruption », il faut avant tout considérer qu’elle est le produit d’appareils d’État rendus défaillants par des décennies d’ingérences extérieures néocoloniales, et dans laquelle se complaisent des classes capitalistes autochtones et dirigeantes complices.

    Ainsi, « dans de nombreux pays africains, 20 à 30 % de la fortune privée est placée dans des paradis fiscaux » et « 5 000 particuliers de 41 pays africains déten [aient] un total cumulé d’environ 6,5 milliards $US d’actifs » dans des comptes bancaires offshores en 2015. Dans les deux cas, cette forme de grande corruption est rendue possible par l’(in)action des dites grandes puissances. Si l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), dont le siège est à Paris, est censée lutter contre les paradis fiscaux, aucun des 38 pays membres n’est africain [4] . Concernant les comptes bancaires offshores , le réseau Tax Justice Network nous apprend que les 10 pays les plus opaques financièrement et luttant pour le maintien du secret bancaire, sont tous des grandes puissances. On y retrouve notamment les Îles Caïmans, les Etats-Unis, la Suisse, Hong-Kong ou encore le Luxembourg, le Japon et les Pays-Bas [5] . Comme l’attestent les nombreux scandales de ces dernières années, parmi lesquels les Offshore Leaks , Luxembourg Leaks , Swiss Leaks , Mauritius Leaks [6] , ou les Luanda Leaks , (impliquant Isabel dos Santos, fille de l’ex-président d’Angola de 1979 à 2017) [7] , les FFI et la « grande » corruption sont organisés « par le haut » et leurs quartiers généraux se trouvent dans les pays les plus riches à New-York, à Londres, à Paris, à Berlin, à Tokyo.

    Institutions financières internationales (IFI) et puissances dominantes alimentent également à leurs fins la grande corruption. Malgré les révélations du rapport Blumenthal sur la destination réelle des fonds prêtés au dictateur Mobutu au Zaïre de l’époque, Banque mondiale et FMI ont perpétué leur financement à des fins géopolitiques. La récente affaire des #Papergate en février 2020 [8] à la Banque mondiale ne fait que confirmer ces pratiques quasi-généralisées [9] . Du côté des ingérences bilatérales, pour ne citer que cet exemple impliquant la France, Loïk Le Floch-Prigent, ex-PDF d’Elf (entreprise parapublique avant d’être absorbée par Total), indiquait récemment « que l’argent du pétrole a permis de financer personnellement des présidents africains, notamment au Gabon et au Congo-Brazzaville. Et assuré que le système perdure aujourd’hui, sous d’autres formes » [10] . En guise de remerciement pour leur soutien infaillible, plusieurs partis politiques français, que ce soit le Parti socialiste ou des partis de droite, ont profité de financements occultes pour leurs campagnes présidentielles [11] . Ce type d’opérations au détriment des populations ne se limitent ni à la Françafrique, ni même à l’Afrique seule.

    Les grandes entreprises et multinationales sont également un rouage essentiel des FFI et maintiennent volontairement le continent comme un fournisseur de matières premières afin d’en tirer un profit maximal. Comme l’indique le rapport, « jusqu’à 50 % des flux illicites en provenance d’Afrique ont pour source la fausse facturation dans le commerce international et plus de la moitié des FFI qui y sont liés ont pour source le secteur extractif » . Ainsi, 40 milliards des FFI proviennent de l’activité destructrice de l’industrie extractive (l’or 77 %, le diamant 12 %, et la platine 6 %). Avant de poursuivre, « Les entreprises multinationales actives dans l’exploitation minière centralisent toujours plus leurs activités de négoce, ce qui accentue le risque de fausse facturation […] Singapour et la Suisse figurent parmi les pays les plus attrayants pour la centralisation de ces activités de négoce grâce aux avantages fiscaux qu’ils accordent aux entreprises multinationales de négoce » . Or, quels en sont les principaux bénéficiaires ? Canadiennes, étasuniennes, françaises, suisses, etc., toutes les principales multinationales extractivistes actives en Afrique (Anglo American, De Beers, Glencore , BHP , Rio Tinto , Umicore [anciennement Union minière du Haut Katanga , Vieille-Montagne ], etc.) sont principalement aux mains de grands actionnaires occidentaux.

    Plus loin, le rapport précise que « les principaux mécanismes d’évasion fiscale et de fraude fiscale sont la fausse facturation dans le commerce international, la manipulation des prix de transfert, le transfert de bénéfices et l’arbitrage fiscal » . Pour compléter le tableau, il faut également tenir compte de l’action des « Big Four » (KPMG, Ernst & Young, Deloitte et PwC), ces cabinets d’audit – à qui l’on doit de nombreux plans de licenciement dits « plans sociaux » dans le jargon néolibéral – sont spécialisés dans le conseil aux entreprises pour leur faciliter « l’évitement » fiscal [12] . Dans cette architecture poreuse, on comprend mieux qu’ « au niveau mondial de 30 % à 50 % des investissements directs étrangers transitent par des sociétés-écrans offshore » , avec pour conséquences directes une volatilité accrue des capitaux investis, une part croissante des bénéfices réalisés déclarée dans des paradis fiscaux et une instabilité chronique des Etats de se développer.

    Une question de justice sociale

    Avec ce rapport de la CNUCED, l’Organisation des Nations unies (ONU) aurait intérêt à reconsidérer la promotion systématique des financements privés pour la réalisation de ses objectifs de développement durable (ODD) [13] et, à s’attaquer par exemple aux « pratiques fiscales et commerciales » des FFI. Ceci permettrait à l’Afrique de récupérer la moitié des financements nécessaires à la réalisation des ODD, devant être atteints d’ici 2030.  Ce serait une bouffée d’oxygène considérable pour les finances publiques des pays africains. D’autant plus dans une période de crise de la dette conjuguée à des besoins de financement accrus avec les conséquences sanitaires et économiques de la Covid-19.

    D’autres progrès doivent également être réalisés, parmi lesquels une meilleure captation de l’impôt. Si « les recettes fiscales » sont en progrès et « représentent [aujourd’hui] 16 % du PIB africain » , elles restent nettement en-deçà de leur potentiel et souffrent de la comparaison avec les autres pays du Nord et Sud confondus. Il faut néanmoins souligner qu’ « elles n’ont toujours pas retrouvé leurs niveaux d’avant les années 1980 et 1990, pendant lesquelles les politiques d’ajustement structurel ont entrainé une chute des recettes issues du commerce international » Autrement dit, en mettant l’accent sur la libéralisation de l’économie, l’instauration de la TVA, la suppression des barrières douanières, du contrôle des changes et des mouvements de capitaux, la Banque mondiale et le FMI ont et participent encore au maintien d’une situation de grande précarité pour la majorité des populations, dont profitent allègrement les classes dirigeantes et capitalistes dans et hors du continent.

    Pour juguler les FFI, la CNUCED présente à la fin de son rapport une série de conclusions et recommandations mitigées.

    Nous pouvons certes partager l’affirmation selon laquelle « les pays développés et les pays en développement partagent la responsabilité des FFI » , mais on peut regretter ensuite que l’affirmation ne soit pas suivie d’une nuance sur les degrés d’implication. Si les populations du Nord sont tout autant victimes que celles du Sud de l’austérité résultant en partie des FFI, on ne peut faire une comparaison analogue à une échelle étatique. Les intérêts financiers et industriels se situent très majoritairement dans les pays du Nord. Ce sont eux qui influent directement sur l’architecture internationale et sur les cadres réglementaires internationaux, multilatéraux ou nationaux qui s(er)ont adoptés. Les principales bourses, banques et multinationales se situent dans les pays qui dominent les grandes instances de décision (G7, G20, OCDE, Banque mondiale, FMI, IIF, Club de Paris , BEI, BID, OMC, etc.) et en Chine, laquelle commence à conquérir de nombreux marchés dans les pays émergents et en développement. Sans nier que les intérêts d’Aliko Dangote, africain et entrepreneur le plus riche du continent ne soient les mêmes que ceux de ces confrères extracontinentaux, le rapport de force est sans commune mesure. Avec des actifs estimés à 8,3 milliards $US, il ne se situe qu’au 162 e rang d’un classement dont les 20 premières places sont trustées par 14 Etasuniens, 2 Chinois, 2 Français, 1 Espagnol et 1 Mexicain [14] . Au plan national, le Nigeria est le leader africain en termes de PIB et occupe « seulement » le 29 ème rang mondial. Surtout, il se trouve au 133 ème rang dès lors que le PIB est rapporté au nombre d’habitants [15] . Si l’on prend en compte le poids institutionnel, politique, économique ou même militaire des pays africains face aux grandes puissances, on constate qu’ils ne sont pas en mesure de s’opposer à leurs diktats (mise à part l’Afrique du Sud, pays qui dispose d’une certaine autonomie et domine économiquement ses voisins d’Afrique australe). Dans ce contexte, la CNUCED a beau appeler à « renforcer la participation de l’Afrique à la réforme de la fiscalité internationale » , ou à « intensifier la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent » , on doute qu’elle puisse en tirer un réel bénéfice, d’autant plus qu’une éventuelle collaboration multilatérale serait notamment « le fruit de la collaboration du FMI, de la Banque mondiale, de l’OCDE » . On en doute d’autant plus que la CNUCED accueille positivement la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pour y parvenir. Les accords de libre-échange conduisent davantage à un affaiblissement des Etats face aux intérêts des multinationales et participent largement à un nivellement vers le bas des réglementations nationales. On peut certes espérer une union forte des dirigeants africains pour bâtir un espace économique solidaire entre les peuples africains, mais comme indiqué précédemment, ces dirigeants ne semblent disposer ni de la force nécessaire, ni de la volonté.

    Finalement, pour parvenir à lutter contre les FFI, seule une recommandation semble être en mesure de pouvoir transformer l’essai. Elle vise à « protéger et appuyer les organisations de la société civile, les dénonciateurs d’abus et les journalistes d’investigation ». Comme l’ont démontré des organisations à l’instar d’Open Ownership, Financial Transparency Coalition, Tax Justice Network ou encore Action Aid, seules des actions de terrain et des campagnes internationales menées par les populations locales avec le soutien et la solidarité internationale ont permis d’obtenir des avancées sur le plan de la transparence, de la fiscalité, etc. en exerçant une pression constante sur les dirigeants. S’il ne faut malheureusement guère attendre un « progrès naturel » du côté des institutions et des classes dirigeantes, les populations africaines continuent d’agir collectivement pour leurs droits et leurs libertés. De Balai Citoyen au Burkina Faso (renversement de Blaise Compaoré) à La Lucha en RDC (défense des droits humains et politisation des populations), en passant par le Front Anti-FCA (changement de nom du F-CFA) et tant d’autres, tous ces mouvements ont su par la mobilisation populaire parvenir à des avancées, bien que fragiles, dans l’espoir de construite une authentique lutte panafricaine.

    L’auteur remercie Jean Nanga, Claude Quémar, Eric Toussaint pour leurs relectures et suggestions.

    Notes :

    [1] CNUCED, « L’Afrique pourrait gagner 89 milliards de dollars par an en réduisant les flux financiers illicites, selon l’ONU », Communiqué de presse, 28 septembre 2020. Disponible à : https://unctad.org/fr/Pages/PressRelease.aspx?OriginalVersionID=573

    Sauf mention contraire, toutes les citations en italique sont tirées du rapport de la CNUCED.

    [2] Sources : Pour la dette, base de données de la Banque mondiale. Pour les FFI, le présent rapport.

    [3] Voir Éric Toussaint et Milan Rivié, « Les pays en développement pris dans l’étau de la dette », 6 octobre 2020. Disponible à : https://cadtm.org/Les-pays-en-developpement-pris-dans-l-etau-de-la-dette

    [4] Liste des pays membres : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chili, Colombie, Corée du Sud, Danemark, Espagne, Estonie, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Japon, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, République slovaque, République tchèque, Slovénie, Suisse, Suède, Turquie.

    [5] Voir le site internet de Tax Justice Network . Disponible à : https://fsi.taxjustice.net/fr/

    [6] Fergus Shiel et Will Fitzgibbon, “About the Mauritius Leaks Investigation”, ICIJ , 23 juillet 2019. Disponible à : https://www.icij.org/investigations/mauritius-leaks/about-the-mauritius-leaks-investigation/

    [7] Voir le dossier d’ICIJ consacré au sujet : https://www.icij.org/investigations/luanda-leaks/ ou Marlène Panara, « Luanda Leaks, ou l’effondrement de l’empire dos Santos », 21 janvier 2020, Le Point Afrique . Disponible à :

    [8] Renaud Vivien, “#Papergate : vers un nouveau scandale de corruption classé sans suite ?”, Le Soir, 27 janvier 2020. Disponible à : https://plus.lesoir.be/283145/article/2020-02-27/papergate-vers-un-nouveau-scandale-de-corruption-classe-sans-suite

    [9] Éric Toussaint, « Le soutien de la Banque mondiale et du FMI aux dictatures », 9 avril 2020. Disponible à : https://www.cadtm.org/Le-soutien-de-la-Banque-mondiale-et-du-FMI-aux-dictatures

    [10] Voir Fabrice Arfi, « Corruption : le testament judiciaire d’un ancien patron d’Elf », 30 septembre 2020, Mediapart . Disponible à : https://www.mediapart.fr/journal/france/300920/corruption-le-testament-judiciaire-d-un-ancien-patron-d-elf .

    [11] Voir notamment Antoine Dulin et Jean Merckaert, « Biens mal acquis, A qui profite le crime ? », CCFD, juin 2009. Disponible à : https://ccfd-terresolidaire.org/IMG/pdf/BMA_totalBD.pdf ou encore « Chirac, Villepin et Le Pen accusés de financements occultes », Le Monde , 12 septembre 2011. Disponible à : https://www.lemonde.fr/politique/article/2011/09/12/chirac-et-villepin-accuses-de-financements-occultes_1570938_823448.html

    [12] Voir notamment, Corporate Europe Observatory, « Comment les “Big Four” inspirent les politiques de l’Union européenne sur l’évitement fiscal », juillet 2018. Disponible à : https://corporateeurope.org/sites/default/files/attachments/tax-avoidance-industry-lobby-summary-fr_final.pdf et le dossier de Kairos Europe WB “Les Big Four… ces fisco-trafiquants”, juillet 2018. Disponible à : http://www.cadtm.org/Les-Big-Four-ces-fisco-trafiquants-A-quoi-les-comparer

    [13] Voir https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

    [14] https://www.journaldunet.com/patrimoine/guide-des-finances-personnelles/1209268-classement-pib/

    [15] Données de la Banque mondiale.

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      Laissez-faire français : Turgot, le réformateur (19)

      Benoit Malbranque · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 17 January, 2021 - 04:20

    Par Benoît Malbranque.

    « Point de banqueroute. Point d’augmentation d’impôts. Point d’emprunts. » Voilà les exigences très claires de Turgot nouveau ministre de l’Économie et des finances de Louis XVI, à son Roi. Turgot tentera de libéraliser, sans succès, le prix du blé pour régler le problème récurrent des disettes. De même sa cible sera les privilèges – position politiquement dangereuse… On le sait moins mais en Limousin, il supprime la corvée, l’impôt en nature. Bref, un grand économiste qui aura tenté de réformer un pays décidément irréformable…

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      Julia Cagé : La demande populaire de référendum d’initiative citoyenne est essentielle.

      Simon Woillet · news.movim.eu / LeVentSeLeve · Monday, 26 October, 2020 - 13:02 · 19 minutes

    A l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage Libres et égaux en voix (Fayard, 2020) et de son projet de financement citoyen des grands titres de presse Un bout du Monde, nous avons rencontré l’économiste Julia Cagé, spécialiste des structures économiques des institutions démocratiques et médiatiques . Nous l’avons interrogée sur sa vision de l’indépendance des médias en France, ainsi que sur le désir d’émancipation démocratique porté par le mouvement populaire pour le RIC. Entretien réalisé par Simon Woillet. Crédits photographiques Ulysse Guttmann-Faure. Retranscription Dany Meniel.


    LVSL : Merci Julia Cagé de nous accorder un peu de temps pour Le Vent se Lève. Nous allons parler évidemment de votre recherche d’économiste, de citoyenne engagée, nous allons parler de votre dernier ouvrage et de votre projet récent en tant que présidente de l’association des lecteurs d’ Un Bout du Monde. Ma première question est en rapport avec la notion de Robert Boyer économiste de l’école de régulation qu’il a posée dans son dernier entretien au Monde « d’économie anthropogénétique », c’est à dire de déplacer la définition traditionnelle qu’on se donne de l’économie comme finalement science des marchés ou science des échanges monétaires pour repenser l’économie comme la science d’organisation des échanges sociaux et de la qualité de vie et cela à l’aune du covid. Il me semble que votre travail correspond à cette démarche depuis des années par rapport à la démocratie et à l’indépendance des médias : est-ce que vous pensez que la crise du covid et la crise sociale qu’elle amène vont obliger vos collègues à se ressaisir sur ces questions ?

    Julia Cagé : Ce serait bien mais n’en suis pas certaine… J’ai toujours vu l’économie comme une science sociale et le problème c’est qu’on l’enseigne souvent comme une science à part. Pour moi, l’économie on devrait l’enseigner au même titre que la sociologie, que la science politique ou l’histoire. On devrait apprendre toutes ces disciplines en même temps et finalement mener des recherches selon ces différents points de vue. Et de fait, quand j’ai commencé à travailler sur les médias, commencé à travailler sur la démocratie, parfois il y avait des réactions de la part de mes collègues qui me disaient « ce n’est pas de l’économie » peu importe – à partir du moment où l’objet  est intéressant et important  – qu’on dise que c’est de l’économie ou de l’économie politique ou de la science politique. Ça ne devrait pas nous préoccuper comme chercheurs et malheureusement nous nous sommes un peu trop enfermés dans nos frontières disciplinaires en économie par opposition aux autres sciences sociales en voulant nous définir comme une science dure. Cette tendance est notamment liée au nombre important d’économistes qui proviennent des mathématiques et qui imposent cet arbitrage méthodologique entre la théorie de l’économie mathématique et le reste des sciences sociales et je pense qu’il est un peu urgent de sortir de cette opposition-là ce que Robert Boyer et l’école de la Régulation font depuis des décennies.

    Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.

    LVSL : Dans votre dernier ouvrage Libres et égaux en voix vous désignez un impensé : celui de la relation historique entre argent et démocratie en soulignant la continuité à travers le temps du réflexe censitaire et ploutocratique des élites économico-politiques. Quels sont, selon vous, les tendances et les grands modèles qui s’opposent dans l’Histoire à cette inconscience ploutocratique de nos sociétés et quelles mesures institutionnelles centrales permettraient, en quelques mots, d’en sortir ?

    J.C. : En fait ce qui est surprenant c’est qu’on a inventé la démocratie dans des régimes censitaires. Dès le départ on a mis en place la démocratie sans le droit de vote pour les femmes et parmi les hommes qui avaient le droit de voter il n’y avait que ceux, en fonction des pays, qui disposaient d’un revenu ou d’un patrimoine suffisant… Ce n’est que petit à petit qu’on a fait tomber les conditions du cens… Je commence le livre avec une citation de Arendt en 1956 qui dit que « L’urgence c’est de penser l’entrée des femmes et des classes populaires dans le débat public. » et ce qu’elle dit est encore vrai aujourd’hui, à savoir que nous avons très peu pensé l’entrée des femmes et des classes populaires dans la vie politique. Alors il y a des règles qui ont été introduites, parfois de manière un peu trop partielle, à l’encadrement du financement des partis politiques, cela s’est fait très tôt aux Etats-Unis dans les années 70 et puis ça s’est complètement effondré, en France ça s’est fait beaucoup plus tard fin des années 80, début des années 90 mais de manière imparfaite. De même par rapport à la problématique des médias, on a un peu régulé la concentration mais ce sont des règles qui datent des années 80 et que nous n’avons jamais repensées avec internet.

    D’autres aspects qui m’intéressent beaucoup, c’est ceux des partis politiques, de la démocratie, des médias et de la philanthropie. Pour celle-ci on va même dans un sens contraire à l’idéal démocratique. C’est à dire qu’à la place de se dire que nous sommes dans un régime plutôt ploutocratique ou censitaire, donc qu’il faudrait faire en sorte de le rendre plus démocratique, on persiste à encourager la philanthropie et ce faisant, on affaiblit encore plus la démocratie par les effets de contrôle économique sur les institutions qu’elle impose.

    Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.

    LVSL : La ploutocratie, le gouvernement des riches, continue selon vous d’être valorisé sous la forme de sa générosité perverse…

    J.C. : … exactement et de plus, non seulement on ne s’interroge pas sur les conséquences que ça génère d’être dans des régimes où quelques milliardaires vont financer les musées, financer la santé, l’éducation… Mais pire, on l’encourage financièrement : quand vous êtes en France et que vous créez la fondation LVMH, non seulement vous faites de la publicité pour LVMH mais vous recevez plusieurs millions d’euros de soutien public chaque année pour cette démarche-là.

    LVSL : Vous répondez au désir d’émancipation démocratique exprimé notamment dans le mouvement social des gilets jaunes à travers le RIC que vous intitulez le Référendum délibératif d’initiative Citoyenne, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

    J.C. : Cette demande populaire de référendum d’initiative citoyenne est essentielle, elle doit être entendue politiquement. Cependant quel problème de fond se pose avec les référendums et qui n’est pas propre qu’au RIC ? Le problème principal est que l’on se retrouve souvent avec des questions binaires ; si vous prenez le cas du Brexit par exemple, on a dit aux britanniques : « est-ce que vous voulez, oui ou non, le Brexit ? » ils ont dit oui mais ce n’était pas ça la vraie question on le voit encore deux après, ils ont voté oui mais on ne sait toujours pas dans quel nouveau traité ils vont rentrer, de fait on ne sait toujours pas pourquoi ils ont voté oui, est-ce qu’ils voulaient plus ou moins d’échanges de capital, plus ou moins d’échanges de marchandises ? Finalement, on a posé une question extrêmement binaire pour un problème extrêmement complexe. Ce que je dis c’est qu’avec le RIC nous allons avoir des demandes citoyennes qui vont être très intéressantes et qui méritent un débat public et des institutions de débat à hauteur des enjeux convoqués. On pourrait par exemple avoir un RIC sur la question de l’opportunité d’une sixième République, l’opportunité de l’annulation des dettes ? Cependant, il n’est pas pertinent de formuler la question soumise à référendum d’une façon binaire, simpliste : “oui ou non la sixième République”, parce qu’une fois que vous l’avez fait et que les gens disent oui et bien la question est : c’est quoi la sixième République ?

    Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.

    Ma proposition est la suivante : les citoyens soumettent ces questions à référendum quand ils obtiennent suffisamment de signatures, par exemple 5 % du corps électoral. En fonction des types de problèmes ce pourcentage de légitimité varie entre 1 et 10 % du corps électoral. Puis, on va prendre le temps de tirer 150 ou 200 citoyens au sort à qui on va  donner quelques mois pour définir la question qui est véritablement posée, dans le cadre de débats démocratiques, avec des délibérations et des consultations d’experts si besoin. Les questions qui vont ressortir de cette délibération seront soumises au référendum sous la forme de problèmes analysés clairement et en détail, de façon à éviter l’ambiguïté des réponses binaires, et d’accentuer la légitimité de la réponse populaire à un problème politique complexe et engageant le destin collectif de façon lourde.

    LVSL : Vous faites de l’indépendance de la presse et ses conditions économiques, un enjeu politique et démocratique et vous incitez les citoyens à y prendre la plus grande part à travers l’idée de « bons pour l’indépendance des médias », pouvez-vous définir cette mesure ?

    J.C : Mon idée est de définir l’information comme un bien public. Ce bien public ne peut pas être laissé seulement entre les mains du marché. Conséquence : il faut un soutien financier public aux médias. La question est donc de penser la nature de ce soutien financier aux médias. En France on a accumulé au cours des dernières décennies des couches d’aides à la presse dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont inefficaces, n’ont pas été re-pensées à l’aune des situations présentes (numérique, défiance civique à l’égard de la presse…). Vous avez ainsi de l’aide au portage, de l’aide au postage, de l’aide à la SNCF, vous avez des aides directes, indirectes, vous avez des possibilités d’intervention de l’Etat… Mais tout cela ne répond en aucun cas à la crise de confiance profonde de nos démocraties quant au statut de l’information aujourd’hui. On sait qu’il faut de l’argent public mais on l’alloue très mal, ce qui nous oblige à repenser le financement public des médias et de faire en sorte que ce soient les citoyens, à la place de l’Etat, qui allouent cet argent public.

    Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.

    Comment procéder concrètement ? Je propose de donner chaque année un bon à chaque citoyen pour l’indépendance des médias qu’il pourrait allouer au moment de sa déclaration des impôts à un ou plusieurs médias. L’idée c’est vraiment de soutenir de manière démocratique, avec les fonds publics, les médias réellement portés par les citoyens. C’est aussi une manière de re-responsabiliser ces derniers et de les faire passer de la critique aux actes… Cette proposition, je l’avais développée dans un cadre états-unien : de fait, aux Etats-Unis il y a aujourd’hui une réflexion très forte sur la nécessité d’un soutien public aux médias mais dans le contexte culturel d’une crainte énorme par rapport à l’Etat fédéral. Les Américains ont vraiment cette idée que l’Etat est interventionniste et va vouloir capturer et contrôler les médias, qu’on ne peut pas mélanger les médias et l’Etat. Ma proposition est une manière d’avoir de l’argent public tout en décentralisant entièrement l’allocation puisqu’il n’y a pas d’intervention directe de l’Etat sur le capital des titres de presse, sauf dans le fait de créer et mettre en circulation ces bons.

    LVSL : Au modèle philanthropique d’évitement de l’impôt, vous opposez le bon pour l’égalité démocratique et les bons pour la vie culturelle et associative, c’est la même logique que vous venez de décrire, décentralisation, responsabilité citoyenne d’allocation de la ressource publique  ?

    J.C. : Oui, exactement. Il y a cet aspect, et d’autre part on passe notre temps, et c’est très bien dans le principe, à vouloir faire davantage de démocratie participative, à vouloir impliquer davantage les citoyens, à avoir des budgets participatifs par exemple. Or dans les faits on constate que ces mesures-là sont capturées par un public encore plus élitiste et encore plus étroit que pour le vote. Déjà on voit qu’il y a toute une partie du corps électoral qui ne va plus voter, mais alors vous si vous prenez les budgets participatifs vous allez encore voir les gens les plus éduqués, aux revenus les plus élevés qui vont y participer. Donc finalement on fait ça pour qu’il y ait plus de démocratie, mais plus on le fait, plus on augmente l’inégalité politique. Il nous faut saisir pourquoi les gens qui ont moins de moyens, moins de revenus, moins d’éducation ne participent pas à ces budgets-là. En réalité la raison est relativement simple : c’est qu’ils n’en ont pas le temps. De fait quand vous êtes professeur d’université avec un salaire correct et vivant dans le centre de Paris et bien oui à la fin de la journée à 18 heures vous avez deux heures et vous pouvez aller participer à telle réunion de la Mairie de Paris ; maintenant vous êtes femme de ménage, déjà vous ne pouvez pas habiter Paris, ce n’est pas possible, vous ne pouvez pas vous loger dans les grandes villes car les loyers sont trop élevés, vous habitez loin de votre lieu de travail et donc vous avez une heure ou une heure et demie pour venir le matin et idem le soir ; on vous fait aussi travailler très tôt le matin avant que n’arrivent les personnes qui travaillent dans les bureaux pour ne pas les déranger  – je pense qu’il faut vraiment s’interroger moralement sur ce modèle économique des sociétés de nettoyage où souvent on fait re-bosser ces personnes un peu le soir, tard. En plus vous n’avez pas d’argent pour faire garder vos enfants le soir parce que vous êtes mal payé(e) ce qui implique en définitive que vous n’avez pas le temps de participer à cette espèce de démocratie participative qu’on met en place. De fait, je voulais penser un système simple qui permette à tout le monde de participer indépendamment de son éducation, de son temps et de ses moyens et les bons, ça le permet. S’il y a bien un truc que les citoyens font tous chaque année, parce qu’on n’a pas le choix, c’est la déclaration d’impôts. Le fait de passer par cette déclaration, ça ne fait pas forcément rêver, ce n’est pas très sexy, en réalité cela relève d’une mesure ultra égalitaire : parce qu’il y a toujours ce moment tous les ans où chacun va passer son quart d’heure à remplir sa déclaration d’impôts et pouvoir soutenir une association, un parti politique ou un média de son choix.

    LVSL : Vous revendiquez la lecture de certaines théoriciennes contemporaines importantes comme Michelle Perrot, Anne Philips, Chantal Mouffe, Barbara Stiegler. L’aventure Le Vent se Lève revendique beaucoup ses racines de Chantal Mouffe et de Barbara Stiegler, pouvez-vous en quelques mots nous dire ce que vous avez trouvé chez ces théoriciennes ?

    J.C. : Barbara Stiegler, je l’ai découverte très tard l’an dernier quand elle a publié « Il faut s’adapter ». J’ai ouvert son livre et l’ai lu d’une traite et j’ai découvert toute l’articulation qu’elle fait entre John Dewey d’une part et Walter Lippmann de l’autre et je trouve que la manière dont elle relie Dewey et Lippmann et les met en opposition m’a vraiment éclairée sur ce qui est en train de se passer aujourd’hui. A savoir la manière dont on veut articuler une société entre l’expertise d’une part et ce qu’on appelle le populisme d’autre part. Déjà, Lippmann je le connaissais pour toute sa théorisation de la propagande par mon aspect média, je ne connaissais pas en revanche sa philosophie politique et Dewey je ne l’avais jamais lu donc en fait Stiegler m’a ouvert une porte, elle m’a permise de me plonger dans des auteurs que je ne connaissais pas du tout, qu’on ne m’avait jamais enseignés. Chantal Mouffe, c’est à la fois une auteure que j’apprécie beaucoup, extrêmement enrichissante et en même temps je me suis aussi construite ainsi que mes propositions en opposition à son approche.

    Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.

    Je pense que si elle lisait mon livre, elle me reprocherait d’être trop solutionniste et de vouloir aborder des modifications aux institutions pour changer telle ou telle chose là où elle voudrait être beaucoup plus conflictuelle. Et je pense qu’il faut sortir la philosophie politique de sa tour d’argent, un peu à la manière de Dewey qui participait aux grandes réunions sociales-libérales dans les années 30 ou 40 : c’était des gens qui mettaient la main à la pâte, Lippmann également d’un autre point de vue. Ils essayaient de penser la construction de l’Union Européenne et ainsi de suite… Chantal Mouffe se refuse à ça d’une certaine manière, ce que je trouve dommage, ce qui fait qu’intellectuellement elle m’apporte beaucoup, mais que pour le coup je m’inscris en opposition à cette volonté de ne pas apporter des solutions institutionnelles. Encore une fois, il n’y a pas si longtemps que ça, lorsque les gens faisaient de la philosophie politique, ils écrivaient des constitutions clef en main.

    LVSL : Et pour conclure, pouvez-vous présenter « Un Bout du Monde » et nous expliquer en quoi ce projet s’inscrit dans la continuité de votre modèle de la société de médias à but non lucratif et votre réflexion sur les structures de gouvernance médiatique.

    J.C. : Je crois profondément que pour garantir l’indépendance des médias, il faut des actionnaires qui soient principalement les salariés, les journalistes et les lecteurs et que les meilleurs garants de l’indépendance des médias sont ceux qui produisent et consomment l’information. On s’est trop habitué ces dernières décennies à consommer une information sous perfusion de mécènes… Si vous regardez ce qu’il se passe aujourd’hui, les gens ne font plus du tout confiance aux médias, moins d’un quart des français leur font confiance. Il y a un tout petit nombre de médias ultra-indépendants qui échappent à ça : Le Vent se Lève, Mediapart, Médiacités qui n’ont pas pris d’actionnaires extérieurs… Mais en réalité on ne peut pas se concentrer uniquement sur ces initiatives car sinon on abandonne tout le reste des médias déjà existants, et ces derniers sont des organes de légitimation des contenus d’information essentiels dans les débats publics (notamment par leur poids historique). Qui plus est ce sont des médias consommés par énormément de citoyens et qui amènent aussi avec leur approche en termes d’information généraliste et d’actualité, une vision importante de mon point de vue, relativement à la situation internationale et au pluralisme idéologique. Une fois encore, mon idée, c’était de se demander comment fait-on pour réconcilier les citoyens avec ces médias-là ? Et bien la meilleure manière de répondre c’est selon moi de proposer aux citoyens de devenir partie prenante de l’indépendance des médias en rentrant dans l’actionnariat et la gouvernance de ces médias. C’est pour cette raison que je me suis présentée pour être élue à la présidence de la société des lecteurs du Monde parce que de ce point de vue-là, le Monde a été précurseur pendant des années. Le Monde a créé une société des rédacteurs en 1951, une société des lecteurs en 1985. Les lecteurs, les rédacteurs et les salariés étaient vraiment les référents du journal. Cela a disparu en 2010 (avec l’arrivée des actionnaires Bergé, Niel, Pigasse), bien que les salariés et les lecteurs aient gardé des droits politiques très forts. Je pense néanmoins qu’on devrait les renforcer encore davantage aujourd’hui.

    Crédit photo : Ulysse GUTTMANN-FAURE pour LVSL.

    Cela fait des années que les lecteurs n’ont pas contribué financièrement à la gouvernance et à l’actionnariat du journal et cela on peut le recréer. C’est ce que permet l’association Un Bout du Monde et la première campagne de financement participatif qui s’appelle « Entrez dans le monde ». Un autre-élément clef, c’est qu’on ne dispose pas d’outil aujourd’hui pour accompagner des médias et notamment les salariés de ces titres de presse, qui changeraient de main du jour au lendemain ou qui seraient en crise financière. Cela touche des journaux historiques : on parle des Cahiers du Cinéma, du Nouveau-Magazine-Littéraire mais aussi des nouveaux médias comme Konbini qui sont véritablement en crise. Nous n’avons pas d’outil pour permettre l’actionnariat des salariés de ces médias… Un Bout du Monde permettrait aussi de s’adresser à eux et je pense que la société des lecteurs du Monde a toute légitimité pour mener ce combat puisque ce journal et ses lecteurs ont été précurseurs à un moment donné de l’histoire du journalisme, et le fait qu’un tel projet soit porté par une structure historiquement et médiatiquement importante donne un poids particulier à la démarche.

    L’article Julia Cagé : La demande populaire de référendum d’initiative citoyenne est essentielle. est apparu en premier sur Le Vent Se Lève .