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      États-Unis : « La liberté n’éclaire plus le monde »

      Jacques Garello · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 23 January, 2021 - 04:00 · 9 minutes

    États-Unis

    Par Jacques Garello.

    Le peuple américain doit s’unir autour du nouveau Président : c’est le commentaire le plus entendu après l’investiture de Joe Biden et son premier discours. La démocratie américaine doit être garantie, la paix et la justice doivent régner dans ce pays – ce qui s’est produit au Capitole ne doit plus jamais se répéter ( not ever ).

    Je ne crois pas que ce soit le plus important de ce qui nous attend, nous Français et nous Européens. Car le discours présidentiel, dans ses silences, peut être compris comme « La liberté n’éclaire plus le monde ».

    Je n’ai pas entendu une phrase concernant la présence des États-Unis sur l’échiquier mondial, même si le mur sur la frontière mexicaine cesse d’être construit, si le regroupement familial est instauré ; et même encore si les États-Unis rejoignent l’accord de Paris et l’OMS, instances sans développement durable.

    Les États-Unis divisés

    Je reviens un instant à l’union domestique autour du Président. Pour rappeler d’abord que s’il existe une tension actuelle entre citoyens américains de toutes sortes et de toutes races, elle n’est pas due aux extrémistes du Capitole dûment mis sous les feux de la rampe, mais aux progrès de l’État-providence sous la présidence Obama .

    En Amérique comme ailleurs, il creuse un fossé entre l’activité et l’assistance, entre le parasitisme et la responsabilité, entre ceux qui payent et ceux qui vivent à leurs dépens. Pour rappeler encore qu’au sein même de la majorité qui a élu Biden se trouvent des extrémistes de gauche décidés à renverser le système tant économique que politique.

    Ce sont d’authentiques révolutionnaires, anarchistes ou marxistes, tous désireux de dynamiter l’ordre public, police et armée en tête. Ils ont le soutien des universités naguère remarquables, mais devenues aujourd’hui les foyers des idées progressistes hostiles au droit, à la famille, à la diversité – on dit que ce sont les intellectuels français qui ont inspiré ce dramatique changement.

    Pour rappeler enfin que l’union voulue par Biden se veut jacobine. Elle va se heurter à un sentiment très profond dans la population américaine : le souci de l’indépendance des États membres de la fédération. Elle a été très menacée dans les débats sur l’avortement, la peine de mort, le port d’armes , mais elle a résisté à ce jour.

    C’est la diversité et la concurrence institutionnelle, réglementaire, fiscale, sociale, qui a fait à ce jour le succès des États-Unis, et le domaine réservé à Washington n’est que celui du respect de la Constitution et de la protection de la sécurité extérieure.

    Les États-Unis absents

    Je reviens ainsi à la sécurité extérieure : pas une phrase significative sur les relations entre les États-Unis et le reste du monde.

    Or, dans ce domaine, le mérite de Trump avait été de rompre avec l’insouciance et l’inconsistance de la diplomatie Obama. Trump avait alerté les nations libres sur les dangers représentés par le terrorisme islamique organisé par l’Iran et la vision hégémonique des communistes chinois.

    Les Israéliens s’inquiètent à juste titre de l’avenir des accords passés avec les Arabes et garantis par les États-Unis. Tous les peuples libres ont à redouter que la Chine domine prochainement le monde entier. Avec Biden à la Maison Blanche la question est désormais de savoir quelle sera la première puissance mondiale dans quatre ans, que restera-t-il de la liberté ?

    La Chine bien présente

    Économiquement les États-Unis ont encore la première place : 22 % du PIB mondial contre 17 % pour la Chine. Ces deux pays cumulent donc quelque 40 % du PIB mondial et exercent de ce fait une domination dans les règles et les mœurs des échanges internationaux.

    Cependant, les raisons de la réussite chinoise ne sont pas secrètes : espionnage industriel, embauche d’ingénieurs et techniciens étrangers avec des contrats très attractifs, personnel salarié « motivé » malgré l’absence de tout droit du travail, investissements massifs et choisis dans les pays cibles, en particulier en Europe et au Moyen Orient, tout au long de la « route de la soie ».

    Les Chinois se disent capitalistes et concurrentiels , mais la propriété du capital n’est possible que pour les personnes agréées par le pouvoir, et la concurrence est déloyale. C’est l’exemple le plus éclatant de ce « capitalisme de connivence », alliance de la classe politique et des milieux d’affaires, hélas bien trop fréquente dans les pays dits libres – à cela près qu’en Chine classe politique et milieu d’affaires sont confondus.

    La dictature du Parti

    Politiquement, la dictature du Parti communiste chinois ne s’est jamais desserrée. Il n’existe aucune possibilité d’opposition, aucune liberté de la presse tant écrite que télévisée que numérique.

    Il existe des camps de concentration, notamment un million de Ouïgours en rééducation . Hong-Kong a été repris et les défenseurs de la liberté sont en prison . Taïwan est l’objet d’ attaques incessantes , les eaux de la mer de Chine sont sillonnées par une flotte de guerre équivalente à celle des États-Unis, et qui doit doubler dans les cinq ans à venir.

    Enfin et non le moindre, la Chine a créé un réseau d’amis et correspondants dans le monde entier, dont la mission est de tempérer les critiques de la dictature. Ces réseaux, particulièrement actifs en France, sont pour beaucoup dans l’indulgence et la désinformation dont bénéficie le PCC dans notre pays et en Europe.

    Choix stratégiques des démocraties

    Il est vrai que les pays dits démocratiques hésitent entre trois stratégies : l’amitié, c’est-à-dire les yeux fermés sur la dictature, la contenance, c’est-à-dire neutraliser les méfaits de la dictature, et l’agression, c’est-à-dire la lutte contre le PCC.

    L’hésitation, en dehors de la corruption bien rentable, provient du poids déjà acquis par la Chine dans la croissance mondiale. La Chine détient le monopole ou une position dominante pour plusieurs produits (l’industrie pharmaceutique, comme l’a révélé l’histoire du Covid), la Chine est un marché intérieur lucratif pour beaucoup d’exportateurs européens ou américains, les exportations chinoises accroissent le pouvoir d’achat des consommateurs du monde entier. Par l’importance de ses avoirs et de ses dettes en dollar, la Chine pèse sur la finance mondiale.

    Mais la crainte de voir la Chine coloniser totalement le reste du monde, à commencer par l’Europe, peut au contraire justifier une politique de contenance, comme celle que les États-Unis avaient adoptée du temps de Kissinger – en vain, car l’URSS avait compris la non-intervention comme un passeport pour l’extension du communisme.

    Reste l’agression, à la manière de Reagan et de la Star wars contre « l’Empire du mal ». Elle suppose une capacité de riposte armée considérable, dont seuls les Américains disposent encore, sans doute pour peu de temps. Donald Trump a été à la limite de la contenance et de l’agression. Durant ses tout derniers jours de présidence il a pris un décret pour interdire sur le sol américain l’application vidéo chinoise TikTok accusée à juste titre d’espionnage technique et militaire.

    États-Unis : quel choix pour la France et l’Europe ?

    Dans les silences profonds de Joe Biden sur ces questions, il est légitime de s’interroger sur ce que fera la nouvelle administration américaine. Mais il va de soi que la France et l’Europe sont directement concernées par l’orientation de Washington.

    La position américaine est d’autant plus déterminante et attendue que l’Europe a déjà fait un premier pas dans la direction de l’amitié. Le 30 décembre dernier, le Président Xi Jinping a signé avec Ursula Von der Leyen, et Charles Michel, dirigeants de l’Union européenne, un accord sur les investissements chinois en Europe et européens en Chine.

    Angela Merkel, présidente actuelle de l’Union, a poussé pour la signature de cet accord. Ce qui signifie que les Chinois ont porte ouverte sur les pays de l’Union, tandis que les investisseurs européens sont bienvenus en Chine ; mais sous surveillance des dictateurs naturellement.

    La balance stratégique va-t-elle pencher d’un côté ou de l’autre avec la politique américaine à venir ? Je ne connais évidemment pas la réponse puisque Joe Biden a parlé de la démocratie aux États-Unis, mais pas du tout de la démocratie dans le monde, actuellement menacée par la Chine et l’Iran.

    Se mobiliser pour la liberté

    J’entends aussi deux discours qui me semblent dangereux, voire stupides.

    L’un soutient que la démocratie ne peut pas lutter contre la dictature, il faut donc un pouvoir fort installé dans les pays démocrates (ce qui est un oxymore).

    L’autre garantit que les démocraties occidentales, scellées par un accord entre USA et Union européenne, pourront se hisser au niveau chinois si un effort d’équipement et de formation était consenti dans tous les pays à l’initiative des États concernés et avec l’appui de la Banque centrale.

    David a évidemment toutes les chances de battre Goliath, mais David n’a même pas une fronde. Il faut donc être naïf pour remettre à plus tard les réformes indispensables pour relever le défi chinois.

    Je conclus que nous sommes aujourd’hui désinformés et endormis par l’idée que tout va s’arranger dans un avenir plus ou moins proche, puisque nous pouvons jouer sur la dette publique et la clairvoyance des investisseurs publics qui vont sérieusement prendre en mains l’abondante épargne privée.

    Que les États-Unis soient toujours les combattants de la liberté dans le monde, comme ils l’ont été contre les nazis, contre les communistes, c’est évidemment ce que nous pouvons tous souhaiter. Mais de toute façon les États-Unis ne pourront pas assurer cette mission si la France et l’Europe, elles aussi, ne se mobilisent pas pour la démocratie, et ne se libèrent pas de l’État-providence. Elles doivent au contraire miser sur l’énergie et la foi que donne le retour à la liberté, à la responsabilité, à la propriété et à la dignité.

    Cet article a été également publié dans la Nouvelle Lettre en date du 21 janvier 2021.

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      L’élection de Joe Biden, c’est le retour du parti de la guerre

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 20 January, 2021 - 10:12 · 5 minutes

    Joe Biden

    Par Frédéric Mas.

    Joe Biden devient ce mercredi le 46e président des États-Unis, et prépare son arrivée comme une rupture spectaculaire avec son prédécesseur Donald Trump . L’ancien candidat démocrate n’a-t-il pas prévu de signer des dizaines de décrets pour que les États-Unis rejoignent les Accords de Paris sur le climat, se dotent d’une économie 100% écolo ou encore reprenne en main une gestion de crise sanitaire négligée jusqu’à présent ?

    En politique étrangère, on assiste plus à un retour à la normale qu’à une rupture franche. Ce retour à la normale, aux États-Unis, consiste à remettre en selle le parti de la guerre permanente qui fait consensus au sein d’une certaine droite et d’une certaine gauche, des néoconservateurs aux néoprogressistes ( neoliberals ), de George Bush Jr à Obama.

    Joe Biden : la fin des guerres sans fins

    La main sur le cœur, Joe Biden avait pourtant promis lors de sa campagne d’en finir avec les « guerres sans fins ». Il a même exprimé son opposition à la guerre désastreuse au Yémen, dans laquelle les États-Unis jouent un rôle extrêmement contestable en soutenant sans réserve l’Arabie saoudite. Mais la mémoire semble faire défaut au vainqueur du jour.

    Joe Biden en tant que responsable du parti démocrate, sénateur puis vice-président a soutenu sans réserve toutes les interventions militaires de ces 20 dernières années que ce soit le bombardement de la Serbie en 1999, l’intervention en Irak en 2003… et au Yémen quand le président s’appelait Barack Obama. En d’autres termes, pour résoudre le problème des « guerres sans fins », Biden fait appel à ceux qui ont créé le problème.

    Aujourd’hui, Biden réintègre dans son équipe les pires faucons de l’administration Obama pour représenter les États-Unis dans le monde. Prenons quelques exemples.

    Le futur secrétaire d’État des États-Unis, Antony Blinken , a constamment soutenu les interventions militaires et les guerres humanitaires menées par Washington. Il était parmi les plus proches collaborateurs de Biden quand celui-ci a voté en tant que sénateur l’invasion de l’Irak et a soutenu sa partition en zones régionales ethniques.

    En tant que conseiller adjoint à la sécurité nationale, Blinken a soutenu l’intervention militaire en Lybie en 2011. En 2018, il lance avec d’anciens membres de l’administration Obama WestExec Advisors, une entreprise de « conseil stratégique » particulièrement discrète sur ses clients, qui compterait parmi eux certains géants de la tech.

    Sous la direction du secrétaire d’État aux affaires politiques, on retrouve en troisième position Victoria Nuland , qui s’est fait connaître dans le landernau politique en 2014 pour une conversation téléphonique qu’elle a eu avec l’ambassadeur américain en Ukraine sur le meilleur moyen de déstabiliser le président d’alors Viktor Ianoukovytch.

    Suscitant l’indignation dans une partie de l’opinion publique mondiale, la conversation a non seulement révélé l’ingérence des États-Unis dans la politique ukrainienne, et cela malgré ses dénégations publiques, et a poussé Vladimir Poutine déclencher l’offensive contre l’Otan qui s’est traduite par l’annexion de la Crimée.

    « J’emmerde l’Union européenne »

    Comme le rappelle Connor Echols sur Nonzero.org , la lettre de Robert Wright :

    « À un moment de la conversation téléphonique, Nuland a dit « j’emmerde l’UE », apparemment par exaspération devant la réponse limitée de l’Europe à la crise ukrainienne. En un coup de fil, elle avait réussi à mettre en colère la moitié des chefs d’État de Lisbonne à Moscou. »

    En matière de diplomatie, les diplomates de Biden promettent le pire.

    Samantha Power devrait se retrouver à la tête de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Connue pour son soutien sans faille aux politiques de guerres humanitaires, elle est l’auteure d’un livre récompensé par le prix Pulitzer A Problem from Hell: America and the Age of Genocide , dans lequel elle explique que les États-Unis, en s’impliquant plus dans la gouvernance du monde aurait pu empêcher un certain nombre de génocides et de nettoyages ethniques.

    C’est cette position « idéaliste » qui l’a poussé à soutenir la guerre en Lybie en 2011, et qui semble la rendre aveugle au désastre humanitaire que le conflit a provoqué.

    La liste pourrait s’allonger à l’infini : la nouvelle directrice du renseignement national Avril Haines est surnommée la « reine des drones » pour son implication dans la politique étrangère d’Obama qui a tué autant de civils que de militaires ; Neera Tanden , qui devrait rejoindre le Bureau de la gestion du budget, a soutenu en tant que directrice du Center for American Progress la nécessité de bombarder la Lybie pour s’approprier son pétrole ; Jake Sullivan , qui devrait trouver un poste comme conseiller à la sécurité nationale et qui lui aussi a fait ses classes dans l’administration Obama, etc. La politique de Joe Biden risque donc fort de ressembler à celle de ses prédécesseurs démocrates et républicains.

    Comme le rappelle José Nino sur le site du Ludwig von Mises Institute , la politique étrangère des États-Unis, en plus du coût humain incalculable, représente 6 000 milliards de dollars, de quoi constituer une machinerie politico-industrielle particulièrement puissante et assez peu portée sur le pacifisme.

    Ce fameux complexe « militaro-industriel » n’est sans doute pas étranger au fait que la classe politique américaine rejoue à l’infini la Seconde Guerre mondiale, puis la guerre froide, devenue ensuite guerre contre le terrorisme. La spirale des « guerres sans fins » n’est pas prête de s’interrompre.

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      La destitution de Trump ne doit pas devenir un procès politique

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 14 January, 2021 - 09:46 · 6 minutes

    Trump fraudes

    Par Frédéric Mas.

    Pour la seconde fois de son mandat de président des Etats-Unis, Donald Trump fait face à une procédure de destitution (impeachment) portée par la majorité de la chambre des représentants réunie ce mercredi 13 janvier.

    Les démocrates ont été rejoints par une partie de la droite républicaine pour condamner les messages ambigus du président en exercice après l’assaut contre le Capitole et demander sa condamnation, et cela à moins d’une semaine de la prise de poste de son successeur Joe Biden .

    Si la faute de Donald Trump est très réelle, l’organisation d’un procès postérieur à son mandat risque fort de se transformer en procès moral de l’héritage politique de Trump en général.

    Plutôt que d’apaiser les tensions idéologiques et culturelles qui traversent le pays, il risque de charrier son lot de purges idéologiques au nom de la « détrumpification » et de facto mettre en péril l’esprit de la démocratie américaine. Il se pourrait cependant que le premier amendement sur la liberté d’expression lui sauve la mise, au grand dam de ceux qui veulent faire de sa punition un exemple politique.

    Le fait accuse, le résultat n’excuse rien

    Donald Trump a fait face à une première tentative de destitution qui n’avait pas abouti en 2019 pour abus de pouvoir et obstruction du Congrès. Accusé de collusion avec une puissance étrangère afin d’interférer dans le bon déroulement de l’élection présidentielle, le sénat l’avait acquitté en février 2020.

    Trump avait été accusé de chercher à impliquer l’Ukraine dans la campagne afin de salir la réputation de son adversaire démocrate d’alors, devenu entre temps le 46e président des Etats-Unis.

    La seconde procédure de destitution initiée mercredi se fait cette fois-ci pour « incitation à l’insurrection ». Alors qu’aucun représentant républicain n’avait voté en faveur de la destitution de Trump la première fois, 10 membres du parti de droite ont rejoint le camp démocrate, unanime pour initier la procédure judiciaire. La remise en cause de la régularité de l’élection présidentielle par Donald Trump s’est vite transformée en un procès violent adressé à la légitimité des institutions.

    Les positions publiques de l’ancien président au moment de l’émeute de Washington ont motivé la décision des élus. Dans une réunion publique, Donald Trump a ainsi déclaré : « Je sais que tout le monde ici va bientôt marcher vers le bâtiment du Capitole pour faire entendre vos voix pacifiquement et patriotiquement » . Il a ensuite ajouté : « Si vous ne vous battez pas comme un diable, vous n’aurez plus de pays. »

    A plusieurs reprises, il a encouragé ses supporters à ne pas laisser faire les choses et à s’opposer à une élection « volée ». Au moment de la prise d’assaut du Capitole, Trump a même Twitter : « Ce sont les choses et les événements qui se produisent lorsqu’une victoire électorale sacrée est dépouillée de façon si peu cérémonieuse et si vicieuse. »

    Ça sera maintenant aux membres du Congrès de déterminer si ces propos plus qu’ambigus ont joué un rôle dans la désacralisation du temple de la démocratie qu’est le Capitole.

    Une procédure inédite

    Donald Trump n’est pas seulement le premier président à faire face à deux tentatives de destitution. Si la seconde procédure aboutit, alors elle pourrait se dérouler après son mandat, ce qui serait du jamais vu. Les spécialistes débattent encore sur la possibilité d’un tel scénario.

    Le risque d’un procès post-mandature est de voir le nouveau pouvoir politique s’instituer en procureur de tout le bilan politique de Trump, et par extension d’une droite américaine qu’ils ont intérêt à voir divisée et surtout loin des affaires publiques, et cela pour longtemps.

    En d’autres termes, le risque est fort d’étendre la faute de Trump pour en faire une tache morale collective destinée à diaboliser l’ensemble des adversaires du nouveau progressisme dominant, et cela sans nuance aucune, au détriment de la liberté de conscience, d’expression et du pluralisme démocratique. Déjà, les médias , les éditorialistes et les réseaux sociaux appellent à l’invisibilisation de tout ce qui se rapporte de près ou de loin à Trump et à ses idées.

    La procédure judiciaire, en se transformant en un Barnum politique anti-Trump, risque ainsi de fragiliser une démocratie américaine dont le bon fonctionnement repose sur le dialogue et le consensus portés populaires sur ses institutions libérales.

    Pour reprendre une distinction inspirée du philosophe John Rawls , s’il peut être rationnel de chercher à destituer Trump, c’est-à-dire ici conforme aux intérêts de l’équipe nouvellement élue, cela pourrait ne pas être raisonnable, c’est-à-dire acceptable publiquement par la droite défaite.

    Et si la droite n’accepte pas la défaite dans les mêmes termes politiques et constitutionnelles que la gauche, la guerre civile dans les têtes n’est pas près de s’éteindre, et le fonctionnement régulier des institutions entravé. C’est le retour au fameux esprit de « factions » que les Fondateurs de la République américaine ont cherché à conjurer en adoptant les principes du gouvernement représentatif.

    Trump protégé par le premier amendement ?

    Le premier amendement de la constitution pourrait toutefois dédouaner Donald Trump et renvoyer l’ensemble du problème à la case départ.

    Comme le rappelle Jacob Sullum dans Reason , même le discours incitant à l’action illégale est protégé comme participant de la liberté d’expression depuis un arrêt de la Cour Suprême de 1969 Brandeburg v. Ohio :

    « Contrairement à Clarence Brandenburg, le membre du Klan dont la Cour suprême a jugé les poursuites anticonstitutionnelles, Trump ne préconisait pas d’enfreindre la loi, même en termes généraux. À première vue, son discours n’appelait qu’à une protestation pacifique. ».

    Sullum ajoute :

    « Lorsque Trump a envoyé ses partisans en colère au Capitole dans le cadre d’une mission vouée à l’échec pour empêcher Biden de prendre ses fonctions en exprimant leur mécontentement face à cette perspective, la violence était prévisible. Mais cela ne suffit pas pour satisfaire les standards posés par la juridsprudence Brandeburg ».

    Si c’est le cas, l’ouverture de la procédure de destitution du président sortant est vouée à l’échec, et sa disparition du paysage politique tant désirée par le camp démocrate peu probable.

    La procédure de destitution de Donald Trump risque fort de se transformer en stress test pour la démocratie américaine. Sera-t-elle assez solide pour éviter que l’exigence démocratique de justice ne dégénère en guerre ouverte contre la liberté d’expression ?

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      Google, Facebook, Twitter : la tentation du « safe space »

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 09:51 · 5 minutes

    Google Facebook Twitter

    Par Frédéric Mas.

    Ron Paul , ancien député et ancien candidat à la présidentielle, figure de proue du mouvement libertarien aux États-Unis, a signalé avoir été bloqué par Facebook. La publication d’un article critique à l’endroit de la décision de bannir Donald Trump de Twitter pourrait être à l’origine de ce blâme virtuel, ce qui inquiète à juste titre les amis de la liberté.

    Pour les géants du net, défendre la liberté d’expression ne semble plus de saison face à une extrême droite qui a fait le lit du trumpisme et fait trembler la démocratie américaine sur ses bases.

    Peu importe si les contours de cette menace sont assez flous, elle est suffisamment réelle à leurs yeux pour avoir la main lourde en matière de modération. Le risque politique mais aussi commercial d’une modération précipitée est de transformer les réseaux sociaux en safe space , c’est-à-dire en lieux virtuels préservés de toute confrontation d’idées différentes que celles professées par leurs éditeurs. Cela risque fort d’affadir l’offre proposée par les réseaux sociaux dominants.

    La responsabilité des géants du Net

    Après les événements violents de Washington de la semaine dernière, il se pourrait que les GAFAM aient pris conscience de leurs responsabilités. L’élection de Donald Trump leur est imputable en partie, la polarisation du débat public n’existerait pas sans eux, et la circulation des fake news en vogue dans une partie de l’opinion publique est boostée par leur présence.

    L’éviction numérique de Donald Trump ne serait finalement que le point final d’une longue et coupable histoire d’hésitation de la part des réseaux, tiraillés entre le besoin de satisfaire leurs clients et la nécessité de protéger la démocratie de ses ennemis.

    Il est assez probable que la menace de régulation par les États soit à l’origine de cette prise de conscience. Jusqu’à présent, ceux-ci se contentaient de faire pression sur les réseaux pour qu’ils modèrent eux-mêmes leurs contenus. La censure était en quelque sorte externalisée .

    Avec la déconvenue spectaculaire de Trump et le climat insurrectionnel qu’elle charrie, la pression sur les GAFAM est au maximum : accusée à gauche d’avoir fait élire Trump, elles sont aussi accusées à droite de l’avoir censuré injustement. Dans les deux cas, la demande pour briser l’oligopole par des lois anti-trust ou des mesures d’encadrement contre les fake news réapparait, et oblige les réseaux à donner des gages au pouvoir politique en serrant la vis.

    Une stratégie commerciale risquée

    Seulement, la chasse au trumpisme, qu’elle soit volontaire ou forcée, n’est pas une stratégie commerciale très prudente. Si les GAFAM entendent redorer leur réputation par le bannissement des comptes et des sites jugés indignes d’apparaître sur leurs plateformes, ses clients droitiers pourraient ne pas apprécier d’être catalogués parmi les ennemis du genre humain.

    D’ailleurs, Twitter et Facebook dévissent en bourse depuis le bannissement de Donald Trump.

    Les marchés anticipent la grogne des conservateurs contre les nouveaux médias, et la disparition de Parler ou de Gab ne va pas améliorer les choses.

    Chasser le trumpisme des médias sociaux se fait au nom de la lutte contre les discours porteurs de violence. Certains critiquent déjà le deux poids deux mesures entre la parole de Trump et celle des dirigeants de l’Iran ou de la Turquie. D’autres font remarquer qu’au nom de la protection des utilisateurs des différents médias, on élimine au fur et à mesure les discours déviants.

    Aujourd’hui on élimine l’alt-right et les trumpistes, demain ce sera les libéraux et les conservateurs classiques, qui deviendront la nouvelle extrême droite dangereuse à proscrire. Ou les trop gauchistes ou trop populistes aux yeux des dominants. C’est déjà ce qui arrive dans l’édition ou les médias plus traditionnels ; qu’on pense aux procès en sorcellerie adressés à Jordan Peterson ou à Bari Weiss .

    Si demain, sous la pression politique ou idéologique des nouveaux maîtres de Washington, les réseaux sociaux en venaient à se transformer en pure vitrine pour vendre l’idéologie all inclusive et woke poussée par une gauche culturelle radicalisée, il y a fort à parier qu’ils perdraient beaucoup de leur attrait auprès d’une grande partie de leurs utilisateurs.

    La liberté d’expression n’est pas seulement une nécessité pour faire vivre la démocratie et un principe libéral fondamental. Elle reste aussi le meilleur argument de vente pour des entreprises qui, historiquement, n’existeraient pas sans elle.

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      Julian Assange : le refus de l’extrader ne le sauvera pas

      Pierre Farge · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 04:15 · 3 minutes

    Julian Assange

    Par Pierre Farge.

    Saisie par les autorités américaines, la justice britannique a refusé la demande d’extradition de Julian Assange, le lanceur d’alerte des Wikileaks. Si ce refus semble heureux à l’opinion, il ne permet pas pour autant sa libération. Pierre Farge, avocat de lanceurs d’alerte, témoigne ici comment, en réalité, la situation s’aggrave.

    Début janvier 2021, onze ans après les premières révélations dites Wikileaks , un énième chapitre s’écrit pour Julian Assange, le lanceur d’alerte détenu dans une prison londonienne depuis deux ans et encourant 175 ans d’emprisonnement s’il est extradé.

    Ce n’est qu’à la faveur de fragilités psychiatriques que le refus d’extradition lui a été accordé ; le magistrat appréciant un risque de suicide élevé, plutôt qu’assumant la liberté d’expression ou encore le droit à l’information.

    Il est en effet malheureux que le refus d’extradition d’ un lanceur d’alerte ayant permis de révéler des pratiques gouvernementales nuisant à l’intérêt général, voire diplomatiquement scandaleuses, se fonde essentiellement sur un état mental fragilisé, plutôt que les droits à l’origine de ces troubles. C’est parce que Julian Assange s’est battu pour la liberté d’expression et le droit à l’information dans le cadre de son alerte (la cause) qu’il est aujourd’hui fragilisé physiquement et moralement (la conséquence), et pas l’inverse.

    Il est également malheureux que le magistrat ne se soit pas inspiré des travaux effectués pour la transposition de la directive relative à la protection des lanceurs d’alerte en droit interne, qui aurait dû être transposée au plus tard le 17 décembre prochain, s’il n’y avait pas eu le Brexit. Ce postulat va aux antipodes de pays comme le Danemark ayant annoncé ces jours-ci que cette transposition chez eux interviendrait largement pour s’appliquer à davantage de délits que ceux prévus par le texte européen.

    Cet état de fait pose donc quelques questions au regard de la protection des lanceurs d’alerte, leur laissant certes une possibilité théorique d’alerte, mais d’encourir toujours de lourdes peines ou un harcèlement procédural sur des décennies.

    Dès lors, comparaison n’est pas raison. Toutefois, le cas de Snowden mérite d’être rappelé pour témoigner de la différence de traitement avec Julian Assange. L’un et l’autre font l’objet de poursuites des autorités américaines pour avoir divulgué des informations confidentielles. L’un et l’autre se sont réfugiés dans un État différent de celui dont ils sont originaires. L’un et l’autre font l’objet d’une demande d’extradition des États-Unis.

    Pourtant, la Russie, accueillant Snowden, a refusé de l’extrader, sans jamais le placer en détention ; il a même successivement obtenu l’asile temporaire, un permis de séjour, un droit d’asile, et peut aujourd’hui librement se déplacer sur ce territoire.

    Julian Assange, quant à lui, limite ses déplacements depuis bientôt deux ans à 9 m2. Quand bien même son extradition a été refusée, cet atlantisme britannique fait donc honte à l’État de droit, et une protection mondialisée du droit d’alerte.

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      États-Unis : après Trump, faut-il réformer la démocratie américaine ?

      Philippe Lacoude · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 04:00 · 15 minutes

    Trump

    Philippe Lacoude , un des contributeurs de Contrepoints , réside aux États-Unis. Il a travaillé plusieurs années pour le Center for Data Analysis de la Heritage Foundation, un think tank libéral et conservateur de Washington DC, dont il a souvent présenté les travaux aux membres du Congrès et leurs collaborateurs. Soucieuse de la défense des institutions laissées par les Pères fondateurs, la Heritage Foundation accorde un budget substantiel aux questions constitutionnelles et électorales, dont la fraude.

    Contrepoints : y-a-t-il eu de la fraude électorale ?

    Il existe de nombreux cas de fraude électorale avérée aux États-Unis. Mes anciens collègues de la Heritage Foundation ont fait une recherche exhaustive de tous les cas qu’ils ont pu trouver et leur base de données publique dénombre 1302 cas qui s’étalent de 1979 à 2020.

    Certains de ces cas ont pu changer les résultats d’élections locales lorsque le nombre d’électeurs était faible.

    Mais à part dans la tête de marginaux mal ajustés, il n’existe aucun cas reconnu de fraude ayant entraîné un basculement d’un candidat à un autre dans une élection fédérale ou générale au niveau d’un État, comme celle des gouverneurs, sénateurs, auditeurs, procureurs généraux, etc.

    Dans toute l’histoire des vingt dernières années, le nombre de cas est minime et, en proportion, minuscule par rapport au total énorme des voix exprimées.

    Il manque 38 votes au président Trump dans le collège électoral pour être réélu. Les quatre États où les scores étaient les plus serrés – les États de l’Arizona, de Géorgie, du Nevada et du Wisconsin – représentent 43 voix dans le collège électoral.

    Mais, dans ces États, il manquait 76 508 votes au président Trump pour y faire basculer l’élection en sa faveur. C’est un chiffre bien plus élevé que toutes les fraudes avérées de 1979 à 2020 de la base de données de la Heritage Foundation. Et encore eut-il fallu que ces 76 508 votes se répartissent dans des proportions exactes au vote près.

    Je fais remarquer au passage qu’en 2016, 70 000 voix séparaient le président Trump et la secrétaire d’État Clinton, et que le résultat final a été de 306-232 dans le collège électoral.

    Est-il facile de frauder ?

    On vote en même temps pour le président, le ou les sénateurs, le représentant fédéral, le gouverneur, le lieutenant-gouverneur, le procureur général, le sénateur d’État, le représentant d’État, le commissaire aux comptes, les juges d’État, le conseiller général, le shérif, le commissaire aux comptes, le médecin légiste, le représentant de la compagnie des eaux, le représentant au conseil d’administration des écoles, les juges, les procureurs (comté), le maire, le procureur (ville) et aussi tous les référendums. J’en oublie…

    Les bulletins font parfois deux pages. On remplit les cases. Ou plutôt, on les peinturlure. Retour au cours élémentaire. On s’applique. Faut pas dépasser !

    Après Bush-Gore, les États-Unis ont investi des milliards de dollars dans des machines électroniques. Elles lisent les bulletins par procédé optique. Elles sont calibrées à l’avance pour chaque type de bulletin, différents dans tous les comtés à cause des référendums. La machine lit le bulletin et il tombe dans « l’urne », une immense poubelle dont le couvercle est la machine.

    Pour frauder, il faut donc ajouter un chiffre dans le software de la machine – qui, contrairement aux âneries que j’ai lues, n’est pas reliée à internet [au moment du vote] – et un bulletin dans la poubelle. Il faut donc être un hacker et avoir un accès physique aux bulletins.

    Les bulletins physiques sont sous clef. La « poubelle » est cadenassée. Les bulletins sont pris de la « poubelle » à la fin de la journée de vote. On les sécurise sous contrôle des assesseurs et des observateurs des deux partis qui sont choisis des mois à l’avance par les partis.

    On lit le chiffre sur la machine. C’est le compte officiel pour le bureau de vote. En pratique, ce sont les chiffres, du fait que les bulletins portent sur une douzaine de questions.

    Si on doit recompter, on sort les bulletins papier et on s’y met à la main.

    Vient la question du vote par correspondance. Là, c’est tout aussi simple. Pour voter par correspondance, on demande un bulletin. Il vient dans une enveloppe spéciale prépayée qui identifie le votant. Son nom et sa signature sont vérifiés dans les listes électorales dont le votant est temporairement radié pour le vote en personne.

    Vote par courrier, vote en personne, il faut choisir.

    Le votant remplit son bulletin et le met dans l’enveloppe qu’il doit signer. Quand l’enveloppe arrive au bureau des élections du comté, elle est vérifiée contre les listes une deuxième fois. La signature est également vérifiée. Et le votant est déclaré comme ayant voté.

    Certains États se mettent en quatre pour autoriser les gens à changer d’avis et tiennent une comptabilité intermédiaire des bulletins au cas où le votant décide de se montrer en personne le jour du vote. Mais ceci est plutôt l’exception que la règle.

    On enlève les décédés de la liste des votants avant le jour du vote. Dans certains États, mais pas tous, la liste des décès récents est comparée à celle des votes par correspondance.

    Le jour de l’élection, ces bulletins par correspondance sont dépouillés par les machines. Même processus qu’en personne. On prend le nom de chaque votant sur l’enveloppe extérieure et on le marque comme ayant voté. Et on met le bulletin physique dans la machine qui le lit et le jette au fond de la « poubelle ».

    Contrairement à ce que disent les génies Facebook et les francophones monolingues YouTube, on ne vote par définition qu’au plus une fois par personne inscrite sur les listes électorales, qui sont dans le domaine public, soit dit en passant.

    Ainsi, toute personne qui évoque des taux de participation supérieurs à 100 % est par définition incompétente en matière de vote aux États-Unis puisqu’il ne peut pas y avoir plus de votes que d’inscrits.

    La seule chance de frauder est de s’inscrire sur les listes électorales frauduleusement ou d’usurper l’identité de quelqu’un qui s’y trouve et qui ne vote pas !

    Personne (ou presque) ne vote deux fois mais des millions de gens votent zéro fois.

    Quelle est la légitimité du président élu ?

    S’il y avait une légitimité dérivée du vote, elle tiendrait compte non seulement des fraudes potentielles mais aussi de ce que les Américains appellent la « suppression des électeurs », c’est-à-dire les bâtons mis dans les roues de ceux qui veulent voter.

    Les règles qui entourent la liberté de voter sont sujettes à d’interminables débats.

    En général, les États font des efforts incroyables pour laisser voter tout le monde.

    Un exemple, bizarre pour un immigrant fraîchement arrivé, est l’existence des « bulletins provisoires ». Si je me pointe au bureau de vote sans pièce d’identité, ou dans le mauvais bureau de vote, ou si je ne suis pas sur les listes, je suis autorisé à voter dans certains de ces cas (en fonction de la loi de l’État).

    Mon vote n’est pas ajouté dans la machine. Je le mets dans une enveloppe qui est mise de côté. J’ai alors le droit d’aller régulariser ma situation dans les jours qui suivent s’il me manquait ma pièce d’identité ou si je n’étais pas sur les listes !

    Si j’étais dans le mauvais bureau de vote, je n’ai rien à faire : le bureau des élections vérifie que je n’ai pas voté dans mon bureau de vote et ajoute mon « bulletin provisoire » aux votes par correspondance.

    L a légitimité du président élu n’est-elle pas liée au système électoral américain lui-même ?

    Non, pas vraiment car ils devraient être incarcérés tous les deux.

    Si un citoyen lambda avait fait la moitié de ce qu’ils ont fait, il le serait.

    La perte de légitimité vient des accusations de molestations de jeunes femmes, de l’utilisation de l’État à des fins d’enrichissement personnel, des problèmes fiscaux qui confinent à la fraude, du népotisme, etc.

    Le système électoral américain est-il archaïque ?

    Dès que l’on dépasse 100 millions de votants, c’est compliqué à gérer.

    La Constitution fédérale américaine donne expressément à chaque État le devoir de faire ses propres lois électorales sous contrainte de certains grands principes constitutionnels fédéraux.

    Si on y pense, cela fonctionne pareillement en Europe à l’échelle du continent, non ?

    Est-ce qu’il n’y a pas un problème de démocratie représentative avec un tel système ?

    Non dans le sens où les États-Unis ne sont pas une démocratie mais une république.

    Le dernier jour de la Convention constitutionnelle de 1787, lorsque notre Constitution a été adoptée, des habitants de Philadelphie rassemblés sur les marches de l’Independence Hall pour attendre les nouvelles auraient demandé à Benjamin Franklin quelle forme de gouvernement les pères fondateurs avaient élaboré : « Qu’avons-nous, une république ou une monarchie ? » Franklin aurait répondu : « Une république, si vous pouvez la conserver » (« A Republic if you can keep it »).

    Les Pères fondateurs ne cherchaient pas du tout à créer une démocratie représentative. Ils cherchaient au contraire à construire une séparation des pouvoirs de telle sorte que la majorité soit constamment freinée dans ses ardeurs.

    De ceci découle la profonde séparation des pouvoirs exécutifs, judiciaires et législatifs mais aussi la séparation des pouvoirs entre le niveau fédéral et les États. La Constitution limite expressément les prérogatives de l’État fédéral à quelques sujets seulement dans la section 8 de l’article I. La Constitution limite également les pouvoirs législatifs et exécutifs sur les questions de libertés individuelles limitant sévèrement – au moins dans les textes sinon dans les faits – les diktats de la majorité en matière de liberté d’expression, de port d’arme, de religion, ou de rassemblement.

    Une autre division fondamentale s’exprime dans la composition du Congrès fédéral. Il y a deux assemblées, une chambre dont les membres représentent le peuple, et un Sénat qui représente les États.

    Contrairement à ce que pensent beaucoup d’Américains, leurs Sénateurs ne sont pas là pour les représenter. Ils sont à Washington pour représenter leur gouverneur et sa législature.

    Le collège électoral – qui élit le président des États-Unis – est donc simplement la somme des deux assemblées – la chambre du peuple et celle des États – et c’est pourquoi il y a un vote par membre de chaque entité. C’est parfaitement logique.

    Le président n’est pas le président du peuple américain. Il représente à la fois les électeurs et les 50 États. On l’appelle d’ailleurs président des États Unis d’Amérique en anglais, sans le tiret. Il n’est pas le président des Américains.

    N’y-a-t-il pas un problème d’échelle avec plus de 300 millions d’habitants ?

    Oui et c’est le problème de l’Europe, aussi.

    Les Pères fondateurs faisaient face à de plus petites populations.

    Cependant, le collège électoral n’est pas né d’un souci de géographie. Les Pères fondateurs ne se sont pas dit qu’il vaudrait mieux organiser des élections locales et agréger les résultats plus tard.

    Le collège électoral répond à une angoisse d’alors toujours bien présente aujourd’hui qui est le risque de voir le pouvoir central fédéral usurper le pouvoir local des 50 États.

    Ceci est clair lorsqu’on lit la procédure d’élection présidentielle : si le collège électoral échoue à dégager une majorité de grands électeurs, l’élection est renvoyée à la Chambre des représentants selon les termes du douzième amendement.

    Dans ce cas, la Chambre des représentants se limite à choisir parmi les trois candidats ayant obtenu le plus de voix à la présidence dans le collège électoral.

    Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, la Chambre du peuple ne représente pas vraiment le peuple : bien qu’il y ait 435 représentants, chaque État n’y reçoit une seule voix et le District de Columbia, c’est-à-dire la ville de Washington, n’a pas le droit de voter.

    Chaque délégation d’État vote en bloc – chaque délégation ayant donc une seule voix – et un candidat doit recevoir la majorité absolue des voix des délégations des États, actuellement, un minimum de 25+1 voix, puisqu’il y a 50 États, pour que ce candidat devienne le président-élu.

    En outre, les délégations d’au moins deux tiers de tous les États doivent être présentes pour que le vote ait lieu. La Chambre continue de voter jusqu’à ce qu’elle élise un président.

    La Chambre des représentants n’a choisi le président que deux fois : en 1801, selon les termes originaux de l’article II, section 1 de la Constitution fédérale et en 1825, selon les termes du douzième amendement.

    Le système de l’élection présidentielle est-il à rénover ?

    Non !

    En fait, l’élection des Sénateurs au suffrage universel direct par le peuple est une rénovation idiote du dix-septième amendement. C’est un dévoiement de l’idée que le Sénat représentait les États. Originalement, les Sénateurs étaient sélectionnés par les chambres et les gouverneurs des États et donc moins soumis aux pressions bassement politiques.

    Une intention centrale de la Constitution américaine était de ralentir le flot législatif grâce au Sénat qui est la pièce maîtresse de la Constitution.

    Les Pères fondateurs étaient complètement immergés dans la culture classique. Pour comprendre la Constitution américaine, il faut lire Cicéron, Tite-Live et, surtout, Polybe, qui a au moins autant inspiré les Pères fondateurs que Montesquieu.

    Le modèle était donc le Senatus Populusque Romanus (SPQR) de la Rome antique. Le Sénat et le peuple.

    Une anecdote raconte que Thomas Jefferson – l’auteur de la déclaration d’indépendance et troisième président – avait prêté les œuvres de Polybe à James Madison – l’auteur de la Constitution et quatrième président – pour qu’il s’inspire de ses idées sur la séparation des pouvoirs.

    C’est la raison de la complexe séparation des pouvoirs et, aussi de l’existence de droits qui sont presque immodifiables par la majorité, ce qui est profondément anti-démocratique, mais à dessein.

    À l’origine, le pouvoir présidentiel était très limité. Il l’est toujours dans les textes même s’il ne l’est plus dans les faits et son pouvoir n’a grossi que par dévoiement de l’esprit des lois.

    S’il y a quelque chose à faire, ce serait de remettre l’exécutif dans les clous. Il a complètement métastasé, bien avant Trump d’ailleurs, pour des raisons législatives.

    Pour des raisons de facilité politique, les deux chambres ont délégué à l’exécutif le détail de l’écriture des lois sous forme des décrets d’application. Ceci donne la possibilité à l’exécutif de quasiment inverser dans les décrets ce qui est écrit dans les lois.

    Depuis les années 1960, les tribunaux cèdent ou soumettent leurs jugements à celui de l’exécutif au nom d’un anti-concept juridique appelé déférence judiciaire. L’idée est que les décrets écrits par les hauts fonctionnaires priment sur les lois des législateurs, sauf dans les cas les plus patents de violation de la loi.

    Cette idée saugrenue qui érige la fainéantise législative et l’usurpation administrative en principes moraux fait partie de la jurisprudence de la Cour suprême décidée à une époque où elle était plus étatiste.

    En pratique, une série de décisions judiciaires qui culminent dans l’ignominie avec la décision connue sous le nom de « déférence Chevron » considèrent que si un individu ou une entreprise est en conflit avec l’administration fédérale sur une question de réglementation, cette dernière a raison sur les points qui ne sont pas explicitement adressés par la loi.

    D’à peine plus de 10 000 pages par an a la fin des années 1960, le journal officiel américain est passé à presque 100 000 pages dans la dernière année de la présidence Obama. Les administrations pondent des textes, de nature législative dans les faits, avec fébrilité.

    L’amour immodéré des cours de justice pour la stare decisis , y compris dans les cas absurdes, empêche de mettre une fin à cet affront constitutionnel.

    Le constitutionnaliste libertarien Randy E. Barnett a proposé une série d’amendements à la Constitution pour remettre la présidence dans les clous. Passer au suffrage universel direct n’en fait pas partie et me paraît la plus mauvaise façon de diminuer le pouvoir exécutif.

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      Les géants du Net contre Trump : la guerre culturelle devient partition

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 11 January, 2021 - 13:00 · 8 minutes

    Par Frédéric Mas.

    Durant la première décennie après l’établissement de la République romaine en 509 avant Jésus-Christ, le petit peuple opprimé et méprisé par une aristocratie patricienne majoritaire au Sénat décide de déserter Rome et de se retirer sur le Mont Sacré.

    Là, il célèbre ses propres Dieux et finit par créer ses propres institutions, les tribuns, que les patriciens seront bien obligés d’accepter pour éviter la disparition définitive de la République. Pour Machiavel , de cette tension entre patriciens et plébéiens est née la liberté politique 1 .

    En 2021, à l’ère de l’économie de l’information et des médias numériques, une partie des électeurs et sympathisants de Donald Trump , mais aussi des conservateurs plus classiques ou des libéraux, menacent de quitter les réseaux sociaux dominants pour se réfugier sur d’autres réseaux alternatifs.

    Pour eux, il s’agit de trouver un nouvel espace plus propice à une liberté d’expression qu’ils jugent menacée par des GAFAM plus soucieuses d’éliminer des fake news qu’elles trouvent toujours du même côté. Toujours selon eux, les géants de la tech ne font plus mystère de leur agenda politique progressiste agressif.

    Les nouveaux plébéiens

    Comme les plébéiens, ils se sentent opprimés et méprisés par les nouveaux patriciens que sont les élites progressistes, qui cumulent capital économique, politique et culturel. Celles-ci sont aux commandes à Washington, dans les médias et dans la Silicon Valley, elles sortent des meilleures universités et se sentent investies de la mission sacrée d’éclairer un peuple américain ignorant, idiot et voué à disparaître de toute façon.

    Comme les plébéiens, la réponse conservatrice à ce sentiment de mépris se traduit par la volonté d’investir dans des institutions parallèles, plus libres, moins attentatoires à la vie privée et surtout à la liberté de s’exprimer sous toutes ses formes. Parler, Mewe ou Gab sont en quelque sorte leur Mont Sacré, où ils peuvent s’adonner à leurs Dieux et célébrer leurs propres héros.

    C’est que la suppression du compte Twitter du président Donald Trump a donné le ton de la nouvelle ère numérique qui s’ouvrait devant nous. Certains se sont scandalisés de cette atteinte à la liberté d’expression, ou encore du double standard observé entre le compte du président des États-Unis et d’autres chefs d’État de régimes dictatoriaux qui n’ont jamais été inquiétés pour leurs positions violentes et liberticides.

    D’autres ont applaudi à l’initiative morale de Twitter.

    Entreprise privée modérant sa propre plateforme en fonction de sa propre charte éthique, Twitter a fait sauter le compte de l’une des plus grandes menaces existantes pour la démocratie américaine, comme l’a démontré le pitoyable assaut des ultras du président la semaine dernière à Washington.

    On imagine que le geste éthique des entreprises du net est aussi motivé par le souci de ne pas trop vexer les nouveaux maîtres de Washington. Le régulateur aurait tôt fait de pondre une nouvelle taxe ou des lois anti-trust pour domestiquer les récalcitrants.

    Dans tous les cas, la place des GAFAM comme la nouvelle forme de capitalisme qu’elles représentent dans le fonctionnement de la démocratie américaine pose question. Assisterions-nous à la décorrélation définitive entre une nouvelle forme de capitalisme de surveillance et les vieilles institutions démocratiques et libérales ? La question reste pour le moment ouverte.

    Punition des déplorables et rejet des élites progressistes

    L’affaire ne s’arrête pas là : la gauche veut punir la droite, et la droite s’enferme dans sa colère et le rejet des élites. La montée aux extrêmes est en train de réduire toute position intermédiaire ou nuancée en miettes.

    Parler , le réseau social favori de la droite américaine, devenue le refuge non seulement des trumpistes, mais aussi de tous ceux fatigués de la modération jugée biaisée des Twitter ou Facebook, a été banni par Google, Apple et Amazon. Ce matin, il était hors ligne. Les géants de la tech s’engagent contre Donald Trump, mais aussi pour faire disparaître le trumpisme. Ou tout ce qui peut lui ressembler de près ou de loin.

    Forbes , le célèbre magazine économique new-yorkais, a mis en garde solennellement les entreprises qui chercheraient à embaucher les anciens collaborateurs de Trump. En novembre dernier, un cacique du parti démocrate s’interrogeait déjà gravement : comment va-t-on faire pour « déprogrammer » des dizaines de millions d’Américains qui ont choisi Donald Trump ? À ses yeux la situation était similaire à la dénazification de l’Allemagne d’après-guerre ou de démocratisation du Japon à la même période. Rien que ça.

    Les défections au sein du Parti républicain se multiplient depuis que le président a totalement perdu sa crédibilité après les événements de Capitol Hill. L’ancien gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, a même brandi son épée de Conan le Barbare devant les caméras pour condamner les excès du trumpisme insurrectionnel. À la parodie lugubre de coup d’État répondent les fanfaronnades d’un vieil acteur fatigué.

    Les trumpistes ne doivent pas seulement être ostracisés sur la toile, mais aussi dans leurs carrières professionnelles. La cancel culture doit battre son plein pour faire disparaître les vestiges d’une présidence vécue comme un affront pour l’ensemble de l’ establishment progressiste qui domine le pays.

    Le débat public n’est plus une conversation entre citoyens, mais un club privé entre gens bien éduqués et conscients des vrais enjeux qui mènent le monde : l’écologie, la justice sociale, la défense des minorités, et éventuellement la guerre contre ceux qui ne sont pas d’accord.

    Le sentiment d’injustice s’intensifie

    À droite, le sentiment d’écœurement et d’injustice n’a fait que s’intensifier. Les derniers événements visant à invisibiliser en masse tout ce qui peut s’apparenter au clan du Président sortant ne fait qu’apporter de l’eau au moulin complotiste, nihiliste et quasi-insurrectionnel d’une partie d’entre eux.

    Pourquoi les médias et les élites condamnent des méthodes qu’ils approuvaient ou excusaient pendant tout le mandat de Trump ? Les manifestations violentes, qu’elles soient antifas ou inspirées par Black Lives Matter, la campagne contre des statues considérées comme des symboles d’oppression , qui s’est fini en procès en règle contre toute l’histoire des États-Unis, tout cela n’apparaît jamais dans les propos des nouvelles élites progressistes. Qui se souvient de la campagne de dénigrement de Brett Kavanaugh ? Des menaces d’invasion faites contre le Capitole s’il était investi à la Cour suprême ?

    Tout ceci les fait relativiser l’intrusion du dernier carré trumpiste au sein du Capitole. Ils ont oublié que le monde entier les regardait, et qu’en affaiblissant le symbole, ils avaient affaibli la démocratie américaine elle-même, et cela au plus grand bénéfice d’ennemis qu’ils s’étaient jurés de combattre.

    La lutte pour la reconnaissance

    Comme au moment de la sécession de la plèbe, ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la lutte pour la reconnaissance entre deux factions identitaires qui ne se reconnaissent aucune légitimité morale. L’existence même du trumpisme est vécue par une partie de la population américaine, celle des minorités, comme une oppression systémique et la preuve vivante de la perpétuation d’un système qui en font des citoyens de seconde zone.

    L’existence même du progressisme anti-Trump diffus qui innerve médias, universités et états-majors politiques, est vécue par une partie de la droite toutes tendances confondues comme une guerre ouverte contre ce qu’elle est et ses valeurs.
    Tous s’accusent d’avoir perdu la raison.

    Choix moral et liberté politique

    Dans un cas comme dans l’autre, c’est l’individu porteur de choix moral qui est nié et dont on demande l’exclusion de la communauté, réelle ou virtuelle. L’anti-trumpiste ne reconnait plus le trumpiste comme faisant partie de la même communauté de citoyens raisonnables, et vice-versa. C’est pourtant cette reconnaissance mutuelle entre citoyens qui est au cœur de la société libérale.

    Pour Francis Fukuyama, qui se place dans le sillage de Hegel plutôt que de celui de Hobbes ou Locke , le libéralisme est interprété comme « la poursuite de la reconnaissance rationnelle, c’est-à-dire la reconnaissance sur une base universelle selon laquelle la dignité de chaque personne comme être humain libre et autonome est reconnue par tous 2 . » Là où la société se morcelle en clans et en factions, l’irrationalité réapparaît et le libéralisme s’évapore. Le risque est aujourd’hui plus grand que jamais en Occident, et pas seulement sur le net.

    Comme le disait Machiavel, c’est de la tension permanente entre patriciens et plébéiens que sont nées les institutions libres de la République romaine.

    Il ajoutait cependant que les aspirations des peuples libres pouvaient se révéler fausses : « Si ces idées sont fausses, il y a le recours aux assemblées, où peut apparaître un homme de bien qui, par son discours, leur fait sentir leur erreur. Comme le dit Cicéron, les peuples, quoique ignorants, sont capables d’apprécier la vérité et ils s’y rendent aisément quand elle leur est présentée par un homme qu’ils estiment digne de foi. »

    Qui aujourd’hui, au sein de la République américaine, sera suffisamment digne de foi pour convaincre les frères ennemis de protéger la liberté contre leurs propres passions destructrices ?

    1. Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live , IV.
    2. Francis Fukuyama, La fin de l’Histoire et le dernier homme , Flammarion, 1992, p234.
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      Donald Trump n’est pas victime de censure

      Pierre-Guy Veer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 11 January, 2021 - 12:21 · 3 minutes

    Par Pierre-Guy Veer.

    Depuis environ 2016 aux États-Unis, on s’époumone à qui mieux-mieux à crier à la censure. Les nombreuses restrictions/épreuves des faits sur les publications de Donald Trump – et maintenant son ban complet – sur les médias sociaux font enrager les conservateurs. Bien que l’on puisse se questionner sur leurs standards, qui laissent Nicolas Maduro et le dirigeant de l’Iran sévir sans vergogne, leurs actions ne relèvent pas de la censure.

    En effet, même le Larousse définit la censure comme un « examen préalable fait par l’autorité compétente sur les publications […] qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle. »

    Chez les Anglo-Saxons, le Merriam-Webster présente une idée similaire.

    Ayn Rand a abondamment écrit sur le sujet de la censure . Ses idées rejoignent les définitions dites officielles. Elle affirme qu’un acte de censure ne peut provenir que d’une autorité gouvernementale qui empêche la libre expression d’un individu.

    C’est de là que découle la liberté d’expression : la liberté d’exprimer une idée sous toute forme sans que le gouvernement ne puisse la taire. À moins que ladite idée soit une menace directe et crédible à la vie/la propriété d’autrui, aucune autorité qui se prétend démocratique n’a le droit de la censurer.

    Car une fois qu’un gouvernement s’arroge ce droit, la pente devient très vite glissante. Pensons seulement à la criminalisation du négationnisme, pour laquelle la France gaspille ses ressources judiciaires à poursuivre et emprisonner ceux qui affirment que l’Holocauste n’a pas existé ou dont l’ampleur a été grandement exagérée.

    Si l’État doit gérer la justice, ne devrait-il pas se concentrer sur les vrais crimes ?

    Pas de droit inhérent à Twitter ou Facebook

    Ainsi, ce dont Donald Trump aurait été victime sur les médias sociaux n’est pas de la censure. Facebook, Twitter, Instagram, etc., sont des plateformes privées avec des règles de publications. Oui, leurs standards semblent à deux vitesses quand vient le temps de corriger des personnes de gauche.

    Mais c’est sans importance. Il existe d’autres plateformes où il est possible de s’exprimer : Parler , Gab , Steem , etc. Ces plateformes aussi ont leurs standards de publications – Gab interdit toute forme de nudité, que les créateurs ne considèrent pas comme de la libre expression – et peuvent ainsi expulser quiconque ne respecte pas ces règles.

    Forcer les plateformes privées de médias à publier tout et rien est en soi une forme de collectivisme, tant dénoncé par Ayn Rand . En effet, pourquoi devrait-on forcer des individus privés à diffuser ou sponsoriser des idées qu’ils trouvent répugnantes ? Comme elle l’a si bien dit : « La liberté d’expression des individus inclut la liberté d’être en désaccord, de ne pas écouter et de ne pas financer ses antagonistes. »

    À ce sujet, et n’en déplaise au sénateur Josh Hawley du Missouri, un éditeur privé refusant de publier un livre n’exerce non plus de la censure. Il en va de même pour des annonceurs refusant de s’exposer lorsqu’un animateur tient des propos controversés à leurs yeux.

    Bref, à moins que les médias sociaux ne soient nationalisés, l’expulsion de Donald Trump n’est pas un acte de censure. Ce sont des plateformes privées, et elles ont le droit de faire ce qu’elles veulent avec le contenu généré sur leurs plateformes – du moment que la vie ou la propriété d’autrui n’est pas en danger. La liberté d’expression est une protection contre la censure du gouvernement ; elle ne donne pas droit à une quelconque plateforme.

    Et ce n’est pas en abolissant la section 230 de la Loi sur les télécommunications que la censure va cesser. En fait, annuler cette protection contre les plateformes Internet l’augmenterait puisque les médias sociaux feraient face à exponentiellement davantage de poursuites.