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      Et maintenant, le confinement à titre préventif

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 29 January, 2021 - 04:30 · 7 minutes

    confinement

    Par Nathalie MP Meyer.

    Le porte-parole du gouvernement l’a confirmé hier 27 janvier 2021 à l’issue du Conseil de défense sanitaire, il est bel et bien question de confiner la France un peu, beaucoup, passionnément, à la folie – mais plutôt à la folie – pour la troisième fois depuis moins d’un an, le tout dans une cacophonie de « paroles d’experts » sur fond de variant anglais, de peur préventive et de principe de précaution qui n’éclaire pas vraiment la prise de décision.

    Le Président de la République a certes fait savoir qu’il attendait de disposer d’études sur les résultats de la mesure de couvre-feu avancé à 18 heures ainsi que sur l’impact des mutations du coronavirus avant de décider. Mais tout indique maintenant qu’à ce stade de la pandémie où la vaccination de la population est encore trop limitée pour contrarier son évolution, on s’avance à brève échéance vers des mesures restrictives supplémentaires qui pourraient même prendre la forme d’un « confinement très serré ».

    Confinement : faire le bilan, excellente idée

    Faire le bilan de ce qu’on a fait plutôt que de se lancer tête baissée dans une nouvelle couche de coercition sans savoir si c’est le moins du monde efficace : en voilà une bonne idée ! Car si vous vous rappelez, le couvre-feu à 18 heures a été appliqué dans certains départements à partir du 2 janvier 2021 puis étendu à quelques autres le 10 et le 12 et déployé sur la France entière le 16 sans aucune analyse préalable, si ce n’est par conformisme avec ce qui se faisait en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Israël au même moment. Confidence d’un proche d’Emmanuel Macron :

    On ne s’en sort pas si mal, mais on est à la merci d’un reconfinement : tout le monde ferme autour de nous.

    C’est l’un des drames du politicien – drame pour les citoyens, naturellement : il doit montrer qu’il « fait quelque chose », surtout si son concurrent s’agite de son côté, quitte à faire n’importe quoi, à l’aveuglette, à la va-vite et « quoi qu’il en coûte » . Avec l’argent des autres, cet argent des autres qui seul finance les idées géniales de nos dirigeants et fonctionnaires, rien de plus facile, rien de plus enivrant… et rien de plus illusoire et destructeur à terme.

    À quoi s’ajoute un second drame découlant du premier : à force de vouloir « faire quelque chose » pour ses concitoyens, à force de vouloir les aider, les protéger, bref, à force de vouloir baliser tous les instants de leur vie au nom de son sens tout personnel de ce que doit être la vie des autres, le voilà de plus en plus convaincu qu’il est investi d’une mission quasi divine qui ne souffre ni contestation ni exception.

    Si l’on applique ceci à la gestion du Covid-19, force est de constater que les décisions de confinement et autres couvre-feux sont loin de se limiter à répondre aux nécessités de la situation sanitaire. J’en veux pour preuve ce que déclarait la préfète des Hautes-Alpes, très professeur des écoles, alors que son département faisait partie du lot des quinze départements assignés à un couvre-feu dès 18 heures à partir du 2 janvier :

    Il s’agit d’une mesure permettant de freiner un peu plus la propagation virale, mais surtout de faire prendre conscience à chacun que ce sont nos comportements qui doivent faire inverser les courbes, en respectant le port du masque, les gestes barrière ou bien les consignes d’isolement qui, par leur non-respect, engendrent des contaminations multiples.

    Rétrospectivement, on s’aperçoit que dans les quinze départements concernés, la baisse des contaminations avait commencé avant la date où l’on pouvait espérer voir un effet de la mesure. On constate en outre, comme on pouvait le prévoir, que cette idée qui a consisté in fine à entasser les gens dans les magasins et les supermarchés entre 17 et 18 heures pour contrer ce que certains élus ont appelé de façon complètement hors-sol et méprisante « l’effet apéro » n’a finalement pas eu le résultat escompté.

    Mais peu importe puisque, comme le dit madame la Préfète, il s’agissait « surtout » d’enfoncer dans nos crânes de Gaulois réfractaires forcément irresponsables que notre santé est directement proportionnelle à notre obéissance aveugle à toute décision étatique, aussi absurde soit-elle. Et Dieu sait que si le monde entier applique des mesures de restrictions anti-Covid à plus ou moins grande échelle, le monde entier qualifie aussi la France d’Absurdistan en ce domaine.

    Gageons donc que dans le rapport qui sera remis à Emmanuel Macron, la mesure de couvre-feu à 18 heures sera jugée très insuffisante (le porte-parole du gouvernement l’a d’ailleurs déjà laissé entendre) alors qu’elle était surtout idiote. Mais qui dit « insuffisant » dit évidemment qu’il faut faire plus, plus haut, plus fort, d’où le « confinement très serré » qui nous pend au nez.

    Pourtant, on est loin du consensus médical

    On a d’abord l’inénarrable Delfraissy , alarmiste en chef et chef du Conseil scientifique. Qualifiant le variant britannique de « virus diabolique et plus intelligent qu’on ne le pense » , il préconise un confinement préventif séance tenante, autrement dit même si la situation à l’instant T ne le justifie pas. Oui, on est dans une situation de plateau avec une faible progression de l’épidémie, mais cette « impression de stabilité est trompeuse » , justifie-t-il. J’espère que vous voyez la force de l’argument.

    Devant l’agacement que ses propos ont réussi à susciter à l’Élysée, il a déclaré ensuite dans un entretien à Libération qu’on n’était pas « à une semaine près » . Mais cette idée du confinement préventif contre le variant anglais, confinement qui sera d’autant plus court qu’on le mettra en place rapidement, et éventuellement le « der des der » à condition que la vaccination suive, est néanmoins soutenue par de nombreux médecins. Par le professeur Philippe Juvin , chef de service des urgences de l’hôpital Georges Pompidou et par ailleurs maire LR de La Garennes-Colombes, par exemple.

    Il faut certes que la vaccination avance, d’autant que les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna semblent efficaces contre les nouveaux variants, et pendant ce temps les gestes barrières restent de mise si les circonstances l’exigent.

    Mais quant au reconfinement préventif, d’autres médecins comme l’urgentiste Gérald Kierzek (voir ici) ou l’épidémiologiste Martin Blachier s’en inquiètent.

    Ce dernier fait remarquer (vidéo, 10′) qu’on en sait encore peu sur la contagiosité réelle du variant anglais, qu’il n’est pas forcément le seul facteur explicatif de la hausse des contaminations que le Royaume-Uni a connue et surtout qu’on voit mal comment on pourrait sortir un jour du confinement si l’on décidait de confiner en dehors de toute accélération significative de la pandémie, sans critère médical spécifique, mais juste parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait :

    C’est tellement grave un confinement que ça doit être justifié par des chiffres épidémiologiques et pas uniquement par l’hypothétique présence d’un variant.

    J’avoue que je suis très sensible à cet argument. Car oui, c’est grave, un confinement. Les répercutions psychologiques, économiques, sociales et familiales sont immenses. Après deux confinements et une flopée de mesures intermédiaires, nous sommes bien placés pour le savoir.

    Il est certain que si l’on ne sort, ni ne bouge, ni ne rencontre plus jamais personne, on ne tombera jamais de vélo, on n’aura jamais d’accident de voiture et on ne croisera probablement pas de coronavirus. Mais on ne vivra pas non plus ; on mourra à petit feu sans avenir ni perspective. L’Homme n’est pas fait pour rester dans sa caverne, éternellement paralysé par des éventualités. Il est fait pour répondre intelligemment à des réalités.

    On peut toujours espérer que dans ses évaluations, Emmanuel Macron prendra en compte l’ensemble des destructions liées directement ou administrativement au Covid-19, pas seulement la peur d’avoir à faire face, peut-être, au déjà célèbre variant anglais qui agit sur nos esprits comme un épouvantail.

    Mais à entendre le porte-parole du gouvernement, cela semble assez peu probable, sauf à ce que la lassitude croissante d’une part croissante de Français vis-à-vis d’une vie masquée, enfermée, fossilisée et destructrice ne parvienne à réorienter quelque peu la gestion anti-Covid du gouvernement.

    Sur le web

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      Un troisième confinement politiquement risqué pour Emmanuel Macron

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 25 January, 2021 - 10:01 · 2 minutes

    confinement

    Par Frédéric Mas.

    Les Français seront-ils reconfinés cette semaine ? C’est la question à laquelle Emmanuel Macron répondra ce mercredi 27 janvier à l’issue d’un conseil de défense. Dimanche soir, le président du conseil scientifique Jean-François Delfraissy a sonné l’alarme : les variants du virus, en particulier celui britannique, pourrait être « l’équivalent d’une deuxième pandémie » . C’est au politique de décider, mais pour M. Delfraissy les indicateurs sont suffisamment inquiétants pour envisager de nouvelles mesures sanitaires.

    La pression sur le gouvernement est à son comble : les sondages montrent que les Français estiment que la gestion de la crise sanitaire est mauvaise, et que la communication du gouvernement n’a rien arrangé. Pire, l’élection présidentielle 2022 se profile à l’horizon, et dans tous les cas de figure, Emmanuel Macron serait devancé par Marine Le Pen au premier tour, selon un sondage CommStrat/L’opinion .

    La défiance grandit

    L’épisode catastrophique de la campagne vaccinale n’a rien arrangé. Après la lenteur et à la désorganisation de l’État pour vacciner les catégories de population à risque, c’est la pénurie de vaccins qui réapparaît. Elle rappelle pour beaucoup la pénurie de masques, de gel et tests du début de la crise sanitaire : les mêmes méthodes et la même organisation bureaucratique centralisée engendrent les mêmes résultats sur le terrain. Et la défiance grandit.

    Face au retour de la menace sanitaire, les Français semblent résignés à un nouveau confinement, même s’ils ne le souhaitent pas, toujours selon les sondages. Ils préfèrent même le confinement au couvre-feu , qui désorganise les vies et appauvrit les commerces autorisés à rouvrir pour des résultats totalement aléatoires.

    Faudra-t-il, à chaque fois qu’apparaît une nouvelle édition du virus, appliquer le principe de précaution en politique, et restreindre les libertés publiques jusqu’au collectivisme total ? Le gouvernement, réduit aujourd’hui à un dialogue entre conseil scientifique et conseil de défense, s’est enfermé dans une chambre d’écho totalement hermétique.

    Après avoir sacrifié la démocratie libérale sur l’autel de l’état d’urgence sanitaire éternel, l’avenir de la jeunesse sur celui de la protection des plus vulnérables « quoiqu’il en coûte », l’économie nationale sur celui des exigences de la bureaucratie sanitaire, peut-on espérer que l’État change de logiciel ? C’est aux citoyens de lui signifier maintenant que sa politique verticale, infantilisante et anxiogène doit changer.

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      Après l'affaire Duhamel, Macron salue la libération de la parole: "On vous croit"

      Le HuffPost avec AFP · news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 23 January, 2021 - 16:56 · 1 minute

    VIOLENCES SEXUELLES - “On est là. On vous écoute. On vous croit. Et vous ne serez plus jamais seules”, a déclaré ce samedi 23 janvier Emmanuel Macron aux victimes des violences sexuelles sur mineurs , dans une vidéo postée sur son compte.

    “La honte aujourd’hui change de camp”, a ajouté le chef de l’Etat en se félicitant que “la parole, partout en France, se libère” et que “le silence construit par les criminels et les lâchetés successives, enfin, explose”.

    Sans faire directement référence aux accusations qui visent Olivier Duhamel , Emmanuel Macron évoque dès le début de son message “le courage d’une soeur qui n’en pouvait plus de se taire”, avant de rendre également hommage “au courage de milliers d’autres”.

    Après la parution de son livre “La Familia grande”, dans lequel Camille Kouchner accuse Olivier Duhamel d’inceste sur son frère jumeau, de nombreux anonymes ont pris la parole sur les réseaux sociaux autour du hashtag “MeTooInceste” pour dénoncer les violences sexuelles dont ils ont été victimes enfant.

    Dans son message, Emmanuel Macron assure également que le gouvernement ne laissera ”aucun répit aux agresseurs” et dit vouloir “adapter notre droit”.

    “Il nous faut adapter notre droit pour mieux protéger les enfants victimes d’inceste et de violences sexuelles”, a précisé le chef de l’Etat, en indiquant avoir demandé au garde des sceaux Eric Dupont-Moretti et au secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles Adrien Taquet “de mener une consultation qui devra déboucher rapidement sur des propositions”.

    À voir également sur Le HuffPost: Inceste: Geneviève Garrigos milite sur un seuil d’âge pour le consentement

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      Macron est responsable de ses erreurs de gestion de crise

      Sébastien Leblet · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 23 January, 2021 - 03:30 · 4 minutes

    Macron

    Par Sébastien Leblet.

    Alors que le FMI vient manifestement de siffler pour la France la fin de la récréation et des chèques Covid sans provisions, les Français peuvent légitimement se demander comment leur pays se trouve désormais proche de la faillite, comme la Grèce en 2008 , alors qu’ en même temps , la France est l’un des pays qui connait le plus grand nombre de morts de la covid-19 par million d’habitants.

    D’ailleurs, dans une démocratie quasi-monarchique où tous les pouvoirs sont concentrés en une seule main, qui est responsable si ce n’est son président ?

    Mais non, Emmanuel Macron ne l’entend pas comme ça ! Dans son discours de présentation d’un plan d’investissement national de 1,8 milliard d’euros dans les technologies quantiques, par une incroyable inversion des rôles, il n’a pu s’empêcher de se plaindre une nouvelle fois des Français qui ne seraient pas assez bien pour lui, et non l’inverse.

    Il commence par « Nous sommes devenus une nation de 66 millions de procureurs » , oubliant que c’est à la seule faveur de son irresponsabilité pénale qu’il n’est pas actuellement poursuivi, par exemple pour la gestion de la crise sanitaire, à l’instar des ministres et anciens ministres perquisitionnés .

    Ensuite, il fustige la « traque incessante de l’erreur » de la part des Français qui sont simplement confrontés chaque jour à la stupidité ou à l’incohérence des mesures du gouvernement qu’il a choisi pour la France, Édouard Philippe puis Jean Castex ensuite : les fameux masques qui ne servent à rien, puis trop compliqués à mettre et commandés tardivement ; les fameux tests de dépistage longtemps introuvables ; ces confinements à répétition alors que l’OMS annonce qu’ils ne sont pas la bonne solution ; ces stations de ski ouvertes mais pas les remontées mécaniques , ces supermarchés bondés tandis que les petits commerces fermés n’accueillaient plus que quelques personnes en même temps ; ces restaurants fermés alors que les cantines d’école, les restaurants d’entreprise ou le restaurant de l’Assemblée nationale sont ouverts ; ces vaccins dont on parle sans cesse depuis le début de l’épidémie mais qui arrivent au compte-gouttes, etc.

    Si la gestion de l’épidémie de Covid 19 par Emmanuel Macron et ses gouvernements n’est qu’une suite d’erreurs, les Français ont-ils tort de le remarquer ?

    « C’est pas comme ça que l’on fait face aux crises et que l’on avance » dit ensuite le chef courageux à ses troupes qu’il a lui-même mises dans le pétrin.

    « Celui qui ne fait pas d’erreur, c’est celui qui ne cherche pas ou qui ne fait rien » ajoute encore ce président qui n’a justement rien fait – ou fait faire – et c’est bien cela que les Français lui reprochent : pas de commandes de masques ; pas de fabrication de masques ; pas de tests aux frontières, pas de tests massifs ; pas d’études sérieuses sur l’hydrochloroquine ou sur l’ivermectine ; pas d’ouverture de lits d’hôpitaux ; pas d’approvisionnement en vaccins…

    « Nous avons besoin d’avoir des femmes et des hommes qui cherchent, qui ont la capacité à inventer ce qui n’est pas encore perceptible et à se tromper » ajoute enfin celui qui, s’il est d’ores et déjà entouré de celles et ceux qui se trompent, n’a par contre rien inventé.

    En quoi a-t-il été innovant dans sa gestion de la crise sanitaire ? Les Français n’ont vu qu’un ancien inspecteur général des finances empêtré avec son administration dans de nouvelles lignes Maginot inopérantes pour contrer la propagation d’un virus. De quel toupet fait-il preuve pour tenter d’endosser à nouveau le costume trop grand de l’entrepreneur de la start-up Nation, lui qui n’a jamais créé de sa vie une entreprise qui fonctionne, une recette de cuisine qui plait, une équation de Schrödinger qui permette d’expliquer des phénomènes physiques jugés antinomiques ?

    Et il conclut que « l’un des problèmes de la France, c’est la défiance. »

    Alors, déni ou mépris ? Comment celui qui n’a cessé d’échouer et qui est toujours incapable de le reconnaitre voudrait-il qu’on lui fasse encore confiance ? Par quelle magie ? Il faudrait croire en son intelligence supérieure même quand la réalité la dénie ?

    La confiance ne se décrète pas, elle se mérite. Emmanuel Macron n’a aucune excuse car, enfin, il dispose de tous les pouvoirs : ceux que lui donne la Constitution et ceux qu’il s’octroie allègrement à la faveur de la crise sanitaire. Pouvons-nous imaginer le dictateur Kim Jong-un reprocher aux Nord-Coréens la pauvreté de leur pays ?

    Alors, quand il nous fait la morale après avoir géré de manière calamiteuse la crise sanitaire, Emmanuel Macron est-il simplement suffisant ou bien se moque-t-il ouvertement de nous ?

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      66 millions de procureurs ? Non, une demande de démocratie insatisfaite

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 22 January, 2021 - 10:09 · 6 minutes

    procureurs

    Par Frédéric Mas.

    Ce jeudi 21 janvier, Emmanuel Macron en déplacement à Saclay a fait état de son exaspération devant les critiques permanentes adressées à l’action publique concernant la gestion de la crise sanitaire . Réclamant un peu d’indulgence face aux tâtonnements d’un gouvernement confronté à une situation sans précédent, il a déploré que la France soit devenue une nation de « procureurs ».

    Plutôt que de traquer de manière incessante l’erreur, la France, selon les mots du président, aurait besoin d’hommes et de femmes qui apprennent de leurs erreurs.

    Célébrer la méthode rationnelle devant un parterre de scientifiques réunis à l’occasion du lancement d’un plan quantique à 1, 8 milliard d’euros paraissait acceptable sur le plan de la stratégie rhétorique.

    Seulement, Emmanuel Macron aurait dû penser, avant de s’exprimer, qu’il n’était pas seulement comptable devant ses pairs et ses experts, mais aussi devant les électeurs et les citoyens qui l’ont mandaté. Malheureusement pour lui, la critique des gouvernés aux gouvernants est non seulement légitime, mais nécessaire au bon fonctionnement du gouvernement démocratique.

    Les gouvernés en démocratie sont constamment sous surveillance

    Que le citoyen demande des comptes aux gouvernants en démocratie est normal. Il existe comme un paradoxe dans le fonctionnement de la démocratie moderne : il y a égalité politique entre gouvernants et gouvernés, ce qui suppose le contrôle des seconds sur les premiers, et la possibilité pour les premiers d’être remplacés par les seconds 1 .

    Seulement pour que la démocratie fonctionne de manière raisonnable, ses élites politiques sont élues, et doublées d’un personnel de bureaucrates dédiés au « service public » : la sélection des plus compétents, que ça soit par la compétition électorale ou le concours, est un principe aristocratique de sélection plus que de cooptation entre citoyens égaux, qui lui suppose le tirage au sort 2 .

    De ce fait, les « plus compétents » sont jugés par l’ensemble d’un corps politique majoritairement pas constitué de « non compétents ». Ces « plus compétents » tendent toutefois à oublier une fois aux manettes qu’il n’y a pas de citoyenneté passive, et que la surveillance de l’action publique tout comme la dénonciation des travers politiques des gouvernants fait partie du travail de citoyen tant qu’il est gouverné.

    Les « plus compétents » ne font pas face à de purs administrés formatés à obéir, mais à des individus compétents pour juger d’une politique qu’ils doivent adouber en termes acceptables.

    Juger des erreurs politiques des gouvernants

    Juger les gouvernants est donc normal. Ce qui n’est pas normal par contre, et qui provoque la défiance, c’est le décalage entre le discours public, qui crée certaines attentes, et les résultats sur le terrain.

    Depuis l’annonce de la création des vaccins contre la covid-19 , les pouvoirs publics n’ont eu de cesse d’en faire en parole une priorité nationale. Olivier Véran a même conditionné ce jeudi le retour à l’état de droit à la vaccination des personnes les plus vulnérables, ce qui devrait nous maintenir en état d’exception encore un bon moment.

    En plus de se faire changeante semaine après semaine, la communication au sommet de l’État s’est appuyée sur la peur pour asseoir son autoritarisme bureaucratique et ses restrictions aux libertés publiques.

    Suscitant la panique à la base, elle a créé une attente extrêmement forte des gouvernés en termes de campagne vaccinale. Sa réalisation s’est révélée à la fois catastrophique et humiliante comparée aux performances de nos voisins allemands et britanniques.

    Il fallait s’y attendre.

    Ajoutons que le décalage entre le coût enduré par les citoyens pour surmonter la crise et les résultats promis par l’équipe dirigeante n’est pas anecdotique, c’est une faute politique majeure.

    Que le citoyen, même le plus ordinaire, le relève, n’est pas une preuve de défiance mais plutôt de bon sens. Aujourd’hui, selon un sondage BVA-Orange-RTL , deux tiers des Français jugent mauiaise la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement ; 31 % la jugent même très mauvaise ; 70% considèrent par ailleurs que le gouvernement explique mal les choses.

    La faute des gouvernants

    Si les citoyens français se font critiques de Macron, c’est aussi que les gouvernants ont systématisé les stratégies d’évitement concernant leur responsabilité démocratique. Et que ça commence à se voir. Plutôt que de reconnaître ses erreurs, et particulièrement cette erreur d’appréciation, le gouvernement s’est employé à délégitimer toutes les critiques qui lui ont été adressées jusqu’à présent, entretenant par la défiance qu’il prétend voir dans les comportements des gouvernés.

    Face à la crise des Gilets jaunes , le gouvernement, après avoir tenté de réduire le mouvement à des émeutiers d’extrême droite, a finalement créé une consultation dont les résultats se sont perdus dans la nature.

    Plutôt que de s’appuyer sur les organes élus et les administrations déjà en place, le gouvernement Macron a préféré créer des entités pseudo-démocratiques pour légiférer en matière climatique et énergétique, s’est attaché à appliquer les mesures autoritaires d’un « conseil scientifique » non élu et à tenter de bâillonner l’opinion publique via la loi Avia (qu’il est en train de défendre au niveau européen, malgré son inconstitutionnalité).

    Plutôt que de faire vivre les lieux de critiques légitimes de l’action de l’exécutif, à savoir les contre-pouvoirs, le gouvernement a fait le choix de suspendre l’État de droit, et de prolonger l’état d’urgence sanitaire pour avoir les coudées franches afin d’appliquer ses solutions qui malgré tout, ne marchent pas.

    Pourtant, les « 66 millions de procureurs » dont se plaint le président de la République sont étonnamment dociles. Ils se plaignent mais endurent toutes les restrictions liberticides défendues par le gouvernement, toutes les stupidités de sa bureaucratie autoritaire, toutes les erreurs d’appréciation tragique de son État stratège à la fois myope et incompétent.

    L’État est en train d’achever le secteur indépendant, de socialiser l’ensemble de l’économie et de placer l’ensemble de sa société sous la tutelle politico-administrative d’experts qui ont démontré leur nullité. Et Emmanuel Macron se plaint que les Français soient un peu défiants ?

    1. La vertu du citoyen, on le sait depuis la Politique d’Aristote, se forme à partir de l’alternance entre commandement et obéissance.
    2. Bernard Manin, Les principes du gouvernement représentatif , Calmann Levy, 1995.
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      3 conseils à Macron pour changer de cap en 2021

      Claude Sicard · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 15 January, 2021 - 04:45 · 9 minutes

    Macron

    Par Claude Sicard.

    En pleine crise du coronavirus, Emmanuel Macron a réuni mercredi 13 janvier l’ensemble des membres du gouvernement, avec leurs secrétaires d’État respectifs, pour « dessiner le cap des mois à venir » . Il est à craindre qu’il ne sorte rien de constructif de ce nouveau séminaire car le programme d’action qui va être adopté va s’inscrire tout naturellement dans la ligne du programme électoral qui était celui de Macron.

    On peut penser, en effet, qu’Emmanuel Macron ne voudra pas se dédire à quelques mois de l’ouverture de la prochaine campagne électorale où les partis d’opposition ne manqueront pas de faire le bilan de son quinquennat.

    Pourtant, les effets de la crise du coronavirus sont là, et le gouvernement ne peut pas manquer d’en tirer des leçons. Cette crise aura eu au moins un effet positif : servir de révélateur des dysfonctionnements de notre machine administrative. Comme on le sait, le bilan est lourd.

    Il y a eu le problème des masques , puis celui des tests, et maintenant la difficulté de vacciner la population au même rythme que nos voisins. De cafouillage en cafouillage, il a fallu finalement avoir recours à des cabinets privés de consultants pour élaborer un plan de combat efficace.

    Et l’on aura découvert, avec cette pandémie, que l’on se berçait d’illusions en prétendant que notre système de santé était le plus performant du monde .

    Le premier souci du gouvernement devrait donc être, à l’évidence, de rendre notre machine administrative plus efficace. C’est le premier problème à régler pour redresser le pays. On loue les performances d’organisation des Allemands, et plus encore celles d’Israël qui manifeste une fois de plus son extraordinaire capacité à agir et/ou à réagir : ce pays est exemplaire en matière de capacité à s’organiser.

    Dans la situation où se trouve notre pays, il est facile de voir où sont les priorités et il semblerait que Macron ne soit plus à même d’aller à l’essentiel. Tout au long de son quinquennat il a voulu voulu s’occuper de tout, des moindres détails de la vie de la nation aux questions à régler au plan international pour assurer la paix dans le monde et sauvegarder, dans toute la mesure du possible, les grands intérêts de notre pays.

    Il est ainsi passé des débats avec les collectivités locales lorsqu’il s’est agi de mettre un terme à la crise des Gilets jaunes, ce qu’il a baptisé pompeusement le Grand débat , aux réunions du G7, en passant par les symposiums de Davos et les réunions de chefs d’État à Bruxelles.

    À trop embrasser de sujets « en même temps », il semblerait bien qu’Emmanuel Macron ne parvienne plus à distinguer où se trouve l’essentiel de sa fonction. À propos de ce séminaire nouveau, son porte-parole a fait savoir qu’il voulait que soient « dégagées les priorités d’action, car nos concitoyens attendent de nous, légitimement, que l’on fasse de 2021 une année utile ».

    Quelles sont donc les priorités auxquelles le président aurait dû se tenir, afin que cette nouvelle année soit « une année utile » ? De notre point de vue elles sont tout simplement au nombre de trois :

    • Décentraliser
    • Rendre notre système administratif plus efficace
    • Renforcer considérablement nos capacités en R&D, afin de préparer l’avenir

    Macron doit décentraliser

    La France est un pays beaucoup trop centralisé , et le système d’organisation de la puissance publique qui est le nôtre ne convient plus à un pays développé, avec le niveau d’éducation qui est aujourd’hui celui de la population, et avec la sociologie qui est celle des habitants.

    En régions, les citoyens ne veulent plus que toutes les décisions les concernant soient prises à Paris, et les régions veulent donc avoir beaucoup plus de libertés pour gérer leurs affaires. Notre système d’organisation résulte des siècles passés, et il serait temps d’en changer.

    L’Allemagne, les États-Unis, la Suisse…. sont des pays fédéraux. L’Allemagne, par exemple, est organisée en seize Bundesländer ; chacun possède sa Constitution, une assemblée élue, et un gouvernement.

    En Allemagne, ce sont par exemple les Länder qui gèrent les hôpitaux publics, et ils ont fait un grand ménage dans ce domaine, transférant bon nombre d’hôpitaux déficitaires au secteur privé , ce qui a amené une réduction extraordinaire du nombre des hôpitaux : 2207 hôpitaux et cliniques en 1990, et 1700 en 2005. Et il y a eu, de ce fait, une réduction très importante du secteur public.

    L’Allemagne dispose donc aujourd’hui de beaucoup moins d’hôpitaux que la France, mais ils sont beaucoup plus grands, très modernes, dotés des équipements les plus sophistiqués et emploient des personnels très compétents.

    Il en résulte que la gestion de ce réseau est beaucoup moins lourde et onéreuse que celle des hôpitaux français, beaucoup plus nombreux, soit 3044, et souvent très anciens.

    Selon un rapport récent de l’IFRI sur le système de santé allemand :

    L’élément le plus marquant par rapport à la France a été la gestion concertée avec les Lander qui ont des compétences importantes en matière de santé publique.

    Il faut donc transférer aux régions la gestion locale de nos hôpitaux et du système de santé, et ceci n’est qu’un exemple.

    La politique de décentralisation a grand besoin d’être accélérée : lois Deferre en mars 1982, loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, fusion des régions en 2015.

    La première urgence pour que notre pays se modernise et soit plus efficace consiste à procéder à une vraie régionalisation et déconcentrer fortement notre machine administrative.

    Rendre notre système administratif plus efficace

    L’effectif de la fonction publique française s’élève à 5,6 millions de personnes. Contrairement aux idées reçues, il n’est pas aussi surabondant qu’on le proclame ordinairement.

    Des comparaisons internationales convenablement faites, tenant compte du PIB/capita des pays, c’est-à-dire de la richesse des pays, indiquent que le sureffectif français s’élève à 265 000 personnes seulement, soit 4,7 % de trop.

    Ce n’est donc pas en licenciant ces personnes en surnombre que l’on redressera vraiment les comptes de la nation. Le problème, bien plus grave, est celui du taux extrêmement élevé de fonctionnarisation des agents du secteur public. Pour comparaison :

    • Suède : 10 %
    • Italie : 15 %
    • Allemagne : 30 %
    • France : 81 %

    Beaucoup trop de personnels jouissent du statut privilégié de la fonction publique , lequel nuit beaucoup à l’efficacité des actions menées. Les agents ne peuvent pas être jugés sur la qualité de leur travail, leurs effectifs ne peuvent pas être réduits lorsqu’ils sont en surnombre dans un secteur, leur mutation est difficile à mettre en œuvre, leur rémunération ne doit rien à leur mérite professionnel, leur efficacité, leurs initiatives.

    Il faut donc ne recruter dorénavant que sur la base du droit du travail ordinaire.

    Il convient également de réduire les double-emplois dans le cadre d’une décentralisation bien conduite. Dans son livre Leçons du pouvoir François Hollande écrit que notre système actuel est un « millefeuilles territorial assorti d’un enchevêtrement inextricable de compétences et de responsabilités » ; et qu’il serait temps « de passer à l’action et de simplifier cet édifice ».

    Mais lui-même n’a pas fait grand-chose lorsqu’il était en fonction, les mesures à prendre étant loin d’être populaires.

    Macron doit renforcer la recherche-développement, mieux coordonner recherche publique et recherche privée

    Notre pays souffre tout particulièrement de désindustrialisation . Il est aujourd’hui le plus désindustrialisé d’Europe, Grèce mise à part. Or, la production industrielle est la variable clé qui commande le niveau de richesse des pays.

    De ce fait, l’État s’est vu contraint de soutenir le niveau de vie de la population par des dépenses sociales de plus en plus élevées , lesquelles ont entraîné des ponctions fiscales de plus en plus importantes sur les agents économiques. Les prélèvements obligatoires se révélant chaque année insuffisants, l’État a dû recourir à l’endettement extérieur pour boucler ses budgets.

    En somme, un cercle vicieux dans lequel se sont trouvés piégés depuis quarante ans tous nos gouvernements. Ce mécanisme vient de se trouver aggravé encore un peu plus par la crise du coronavirus. L’endettement extérieur atteint maintenant un niveau considérable : 120 % du PIB, et cela va se poursuivre d’année en année.

    Il va donc falloir réindustrialiser le pays . La pandémie actuelle a fait prendre conscience de cette nécessité. Il était temps !

    L’État a dû acheter les masques en Chine, les hôpitaux ont manqué de respirateurs artificiels, le pays n’en fabriquant pas contrairement à l’Allemagne ou la Suisse. Il ne produit pas non plus les machines frigorifiques permettant de stocker les nouveaux vaccins, il faut les acheter en Allemagne ou au Japon.

    Notre avenir va se jouer sur nos capacités à innover demain, car la réindustrialisation du pays va se faire à partir de nouvelles technologies, et non par rapatriement d’usines parties à l’étranger.

    La Chine est montée en puissance ces dernières années dans le domaine des nouvelles technologies, et elle ambitionne de se placer en tête en matière d’intelligence artificielle.

    Il faut donc considérablement renforcer nos capacités de recherche, principalement dans le domaine de la recherche appliquée. Cela demande une articulation bien meilleure entre la recherche publique et celle des entreprises.

    La réforme des retraites pourra attendre. Pour remettre les régimes de retraite à l’équilibre il suffit de porter l’âge de départ à la retraite à 65 ans, comme cela se pratique partout ailleurs.

    Cette décision est simple à prendre, elle ne demande pas des mois de travaux de recherche. Il suffit de le décider, en expliquant aux Français qu’il s’agit de leur garantir des retraites non dégradées. Un problème de simple courage politique.

    Nous ne savons pas encore quelles décisions seront arrêtées suite au séminaire organisé par Emmanuel Macron le 13 janvier. Mais il y a fort peu de chances que le plan d’action coïncide avec celui que nous venons d’esquisser à grands traits.

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      Vaccination : la lenteur n’est pas un problème de logistique

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 14 January, 2021 - 03:50 · 16 minutes

    vaccination

    Par Aurélien Rouquet.
    Un article de The Conversation

    Est-ce que le début chaotique de la campagne de vaccination française contre la Covid-19 s’explique principalement par des problèmes logistiques ? Par le fait que le gouvernement n’aurait pas prévu les moyens et ressources logistiques nécessaires ? Pas vraiment.

    Les problèmes initiaux tiennent plutôt à la stratégie retenue, dont on va voir que mécaniquement, elle induisait une logistique complexe et une vaccination plus lente à démarrer.

    Ce qui est donc ici en cause, c’est ainsi le fait qu’en amont, le gouvernement n’a pas intégré suffisamment les contraintes logistiques, et qu’en aval, il n’a pas réussi à expliquer au grand public pourquoi la logistique vaccinale démarrait plus lentement que chez nos voisins, et notamment en Allemagne. Bref, ce n’est pas tant un problème logistique, qu’un problème de stratégie et de marketing !

    Premier temps : la conception de la stratégie de vaccination

    Pour le comprendre, il faut repartir du point de départ, qui est l’élaboration de la stratégie vaccinale. Au cours de la deuxième moitié de l’année 2020, la Haute Autorité de Santé charge un groupe de travail de formuler des recommandations. Composé de plusieurs médecins et d’un sociologue, celui-ci passe en revue la littérature médicale pour élaborer sa stratégie .

    Alors que l’on sait par définition que les quantités de doses seront initialement limitées, l’enjeu principal est de déterminer qui vacciner en priorité. Pour cela, les experts se fondent sur deux critères de priorisation : « le risque de faire une forme grave de la Covid-19 et le risque d’exposition au virus ». Cela les conduit à proposer une stratégie fondée sur cinq phases successives.

    La première doit selon eux cibler les résidents et personnels des Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ce qui représente environ un million de personnes. La seconde phase prévoit ensuite d’étendre la vaccination aux plus de 75 ans, aux personnes de 65 à 74 ans, ainsi qu’à certains soignants.

    Enfin, trois autres phases sont prévues afin d’étendre peu à peu la vaccination, qui devrait se conclure avec le public le moins à risque : les plus de 18 ans sans comorbidité. De manière générale, ce phasage répond à un objectif explicitement formulé par les experts, qui est de se servir de la vaccination d’abord pour diminuer les formes graves et faire baisser la pression sur les hospitalisations.

    À ce stade, on peut noter qu’aucune considération logistique ne semble avoir été prise en compte par les experts, qui s’appuient sur une stricte vision médicale. Le terme n’est ainsi mentionné qu’une fois, et encore, pour souligner que des clusters ont pu se développer dans des « services logistiques ». Les experts ont cependant intégré dans leur stratégie le rapport difficile des Français à la vaccination, et insistent sur la « nécessité d’une information claire et accessible ».

    Deuxième temps : la logistique après la stratégie

    Partant des recommandations de la Haute Autorité de Santé, le gouvernement va alors travailler à la mise en place de la logistique qui permet de soutenir la stratégie définie. Quel est ici l’enjeu ? Amener le vaccin dans les milliers d’Ehpad qui sont disséminés partout en France, car on ne peut évidemment pas demander aux résidents de se déplacer dans des centres de vaccination.

    Pour les approvisionner, deux flux sont alors prévus, qui s’appuient sur les circuits logistiques traditionnels. Environ 25 % des Ehpad sont approvisionnés par une centaine de pharmacies d’hôpitaux dont elles dépendent. Il est donc décidé de charger ces pharmacies hospitalières d’organiser la livraison des vaccins. Pour cela, il est prévu de doter celles-ci, quand elles n’en possèdent pas, de congélateurs pour stocker le seul vaccin disponible : celui de Pfizer/BioNtech qui doit être conservé à – 70 °C.

    Par ailleurs, 75 % des Ehpad sont approvisionnés par une pharmacie référente. Sachant qu’il est matériellement impossible de doter ces milliers de pharmacies des fameux congélateurs, l’État choisit alors logiquement de passer par des dépositaires. Six plateformes logistiques sont prévues pour centraliser les stocks et toucher toute la France.

    Ces plateformes, qui disposeront elles aussi de congélateurs en vue de stocker les vaccins de Pfizer/BioNtech, auront ensuite la charge dans un second temps d’approvisionner par le biais de tournées les pharmacies référentes situées dans leur zone, qui elles-mêmes pourront enfin approvisionner les Ehpad.

    vaccination Legifrance.gouv.fr

    Pour ce qui est du calendrier, le gouvernement, alors qu’une incertitude existe sur la date de validation par l’Agence européenne du médicament du vaccin Pfizer/BioNTech, qui doit intervenir entre fin décembre et début janvier, prévoit un démarrage réel de la campagne début janvier.

    Troisième temps : le lent déploiement de la logistique de vaccination

    Cependant, sous la pression de l’Allemagne, l’Europe autorise le déploiement de la vaccination avec une semaine d’avance, dès le 21 décembre, et la présidente de la Commission européenne lance officiellement la campagne européenne le 27 décembre. Ces annonces prennent alors un peu de court la France, qui n’est alors pas tout à fait prête : comme l’a révélé Mediapart , les congélateurs, s’ils ont été livrés avant Noël, ne sont pas encore tous installés et qualifiés.

    De plus, cette période des fêtes n’est évidemment pas très propice pour lancer les vaccinations dans les Ehpad. Entre Noël et le jour de l’An, alors que le nombre de vaccinés augmente rapidement chez la plupart de nos voisins européens, le compteur reste ainsi bloqué à quelques centaines en France. Alors qu’ils ont commencé en même temps que nous, ce retard sur nos voisins suscite l’incompréhension et conduit beaucoup de commentateurs à pointer du doigt la logistique.

    La cause de ce retard à l’allumage tient d’une part, comme on vient de le souligner, à l’accélération du calendrier européen, qui prend de court la France. Mais comme on va le voir, elle s’explique d’autre part aussi et surtout par le fait que nos voisins ont choisi d’autres stratégies vaccinales, qui ont induit des logistiques distinctes !

    vaccination Extrait d’un document de programmation du ministère de la Santé en date du 23 décembre.
    Document Mediapart

    Ainsi de l’Allemagne, qui dans une première phase, a prévu à la fois de toucher les résidents et personnels des Ehpad, comme la France, mais aussi le public à risque : les personnes très âgées, les personnels soignants et les personnes atteintes de pathologies à risque. Pour cela, au côté d’une logistique ciblant ses Ehpad, dont on peut supposer qu’elle suit peu ou prou les mêmes étapes que la logistique mise en place en France, l’Allemagne a dès l’origine prévu le déploiement de « vaccinodromes ». Par nature, ce second schéma logistique permet aux Allemands de très vite augmenter le nombre de personnes vaccinées.

    Avec ces vaccinodromes, on supprime d’abord certains maillons qui sont nécessaires pour atteindre les Ehpad. Ce sont en effet ici les personnes qui viennent au vaccin, et on comprend que le temps d’écoulement entre le moment où un vaccin entre dans la chaîne logistique, et le moment où il atteint le patient est ici plus court.

    Par ailleurs, pour vacciner en Ehpad, la difficulté est de déterminer avant l’expédition depuis les lieux de stockage, combien il faut exactement envoyer de doses de vaccins dans chaque Ehpad, ce qui est loin d’être simple.

    Il faut en effet obtenir en amont le consentement des résidents, ce qui suppose de se coordonner avec les médecins des Ehpad (sachant que tous les Ehpad n’en ont pas), d’interagir éventuellement avec la famille de ces résidents (cas des résidents ayant Alzheimer, pour lequel il faut parler à la tutelle, etc.), dans une période des fêtes qui est peu propice (absence éventuelle de certains soignants en vacances, difficulté à joindre les familles de certains résidents sous tutelle, etc.).

    L’enjeu est pourtant crucial, car il ne faut surtout pas décongeler trop de doses, au risque de les perdre et alors qu’on en possède un nombre limité ! À l’inverse, un tel problème ne se pose évidemment pas dans le cadre d’un vaccinodrome. En effet, s’il y a des anti-vaccins, il y a aussi de très nombreuses personnes désirant être vaccinées, et la demande dans ces lieux est pour l’instant très supérieure au nombre de doses disponibles, comme l’illustrent les queues que l’on peut constater un peu partout dans le monde.

    Il y a d’autant moins de risque de perdre des doses, que les vaccins sont soit stockés sur place dans les congélateurs, soit livrés plusieurs fois par semaine depuis un stock qui n’est pas très loin, et qu’on peut dans ces structures bien plus facilement ajuster la quantité nécessaire à la demande. Au bilan, la logistique qui sous-tend un vaccinodrome est donc bien plus rapide à démarrer !

    Quatrième temps : un déficit de pédagogie logistique

    Alors que ce retard au démarrage peut notamment s’expliquer par l’accélération du calendrier et le choix stratégique qui a été fait de cibler d’abord les seules Ehpad, face aux critiques qui se multiplient, le gouvernement tente entre Noël et le jour de l’An de défendre sa stratégie. Il explique que son objectif consistant à cibler en priorité les résidents des Ehpad se justifie par le fait que les résidents représentent 30 % des morts.

    Cependant, une telle explication ne peut pas suffire pour faire comprendre le retard au démarrage. Pour y parvenir, il faut entrer dans les détails logistiques, et suivre le long déroulé que je viens de présenter plus haut. Ce long déroulé reste peu compatible avec le temps médiatique, les critiques des différents partis politiques qui tous s’engouffrent dans la brèche, et surtout avec les cartes qui circulent sur Twitter et comparent le nombre de personnes vaccinées dans les différents pays avec la France qui n’aurait vacciné jusqu’à présent que Mauricette.

    La communication est d’autant plus difficile que dans les médias, personne ne connaît grand-chose à la logistique, et qu’au sein du gouvernement, nul n’est capable de venir donner de telles explications. Pire, le monsieur Vaccin du gouvernement a même reconnu dans une interview accordée à LCI qu’il ne connaissait rien à la logistique !

    Cinquième temps : une révision de la stratégie vaccinale

    Alors qu’à la suite du cas des masques, puis des tests, la logistique étatique derrière la gestion de l’épidémie a fait l’objet de nombreuses critiques, et que la confiance dans les capacités logistiques de l’État reste bien faible, la bataille de la communication apparaît comme clairement perdue. Le gouvernement n’a alors d’autre choix que de remettre en cause toute sa stratégie vaccinale et de chercher par tous les moyens à faire augmenter rapidement le nombre de personnes vaccinées.

    Pour cela, le ministre de la Santé Olivier Véran étend dès le 31 décembre la vaccination aux soignants de plus de 50 ans, puis le 5 janvier annonce qu’elle sera bientôt ouverte à toutes les personnes de plus de 75 ans. Alors qu’il avait exprimé ses réserves sur les vaccinodromes, au vu du désir fort de vaccin d’une partie de la population, il annonce également l’ouverture de centres de vaccinations.

    Sur le plan opérationnel, il est demandé aux hôpitaux pivots qui disposent de congélateurs de mettre rapidement sur pied des centres de vaccination pour pouvoir commencer à vacciner les soignants de plus de 50 ans. Progressivement, ces centres et d’autres qui sont mis en place en lien avec des collectivités locales se déploient un peu partout dans toute la France. Cela permet ainsi dès la première semaine de janvier de faire augmenter le nombre de personnes vaccinés. Le vendredi 8 janvier, ce sont ainsi selon le site Vaccin Tracker 34 305 personnes qui ont été vaccinées en une journée.

    Construire la stratégie de vaccination avec la logistique

    Que retenir finalement de cette séquence et quelles leçons le gouvernement doit-il en tirer ? Que dans cette crise, les éléments et contraintes logistiques sont déterminants et doivent être pris en compte en amont (formulation des stratégies) et en aval (communication).

    Ainsi, ce dont est coupable le gouvernement, c’est d’avoir pensé sa stratégie vaccinale d’abord, puis d’avoir organisé ensuite la logistique de cette stratégie. Cela a été une erreur car, comme je viens de l’expliquer, cela a conduit à opter pour la stratégie qui était la plus complexe logistiquement à mettre en place. Cette stratégie induisait nécessairement un démarrage lent, alors pourtant que de nombreux Français qui croient aux vaccins n’attendent qu’une chose : que cela aille vite. En termes d’image, un tel choix était ainsi mauvais politiquement.

    Covidtracker.fr

    L’erreur a été d’autant plus remarquée que le gouvernement, alors pourtant que la lenteur du départ était parfaitement prévisible, n’a pas réussi à communiquer sur le sujet. La faute au fait qu’en dépit du rôle clef de la logistique dans cette crise, le gouvernement n’a pas jugé bon de mettre en avant une personne chargée de la logistique capable d’en faire la pédagogie auprès du grand public (on peut cependant noter que le gouvernement a nommé à la suite de cette crise un nouveau responsable de la logistique de la vaccination ).

    La performance logistique, un impact sanitaire

    Mais sur le fond ce qui reste pour moi le principal problème de cette logique séquentielle (1) élaboration de la stratégie vaccinale puis 2) mise en place de la logistique, tient au fait qu’elle a conduit le gouvernement à ne pas considérer dans sa stratégie le critère de la « performance logistique », alors pourtant que ce critère me semble clef sur le plan sanitaire.

    Dans un contexte où les doses de vaccin sont reçues au compte-gouttes et au fil de l’eau, du fait des capacités de production limitées, l’enjeu sur le plan médical est non seulement de déterminer qui en priorité doit recevoir les vaccins, mais aussi d’être capable d’administrer le plus vite, sans perdre de doses, les vaccins dès qu’ils sont reçus !

    Plus vite on transforme les doses réceptionnées en personnes vaccinées, plus vite on pourra en effet évidemment faire reculer l’épidémie, diminuer les hospitalisations, les morts, etc., faire repartir l’économie et profiter enfin à nouveau des bars, restaurants, théâtres et cinémas !

    Pour cela, il s’agit d’une part sur le plan logistique de perdre le minimum de doses de vaccins, et d’avoir d’autre part une stratégie vaccinale en flux tendus qui permette que le temps d’écoulement entre le moment où l’on reçoit les doses et le moment où elles sont injectées soit le plus court possible. La stratégie développée par la Haute Autorité de Santé aurait ainsi clairement du prendre en compte ces aspects qui ont été totalement oubliés…

    S’ils avaient été intégrés, une conclusion logique aurait alors été qu’il fallait dès le départ, en plus du flux à destination des Ehpad, mettre en place des vaccinodromes pour pouvoir au plus vite utiliser les doses disponibles. Car au vu du temps nécessaire pour démarrer la campagne dans les Ehpad, il y avait bien suffisamment de doses en stock pour dans le même temps commencer à vacciner d’autres segments de la population. Ainsi, rien ne légitimait que les doses dorment dans les congélateurs sur des plateformes !

    De plus, s’appuyer d’entrée de jeu sur deux circuits logistiques aurait permis d’avoir plus d’agilité logistique. Or une telle agilité parait ici cruciale, au vu des incertitudes qui existent tant sur les approvisionnements (quels vaccins vont finalement être autorisés et quand ? Combien de doses les fabricants vont-ils pouvoir livrer ?), que sur les bonnes pratiques en termes de vaccination (faut-il deux doses espacées de 3 semaines ? De six semaines ? Une seule dose ? faut-il utiliser le flacon pour faire six doses au lieu des cinq prévues ?).

    Quelle évaluation ?

    Pour conclure, si l’on sort du temps présent et qu’on se projette dans les prochains mois, un enjeu va être d’évaluer collectivement et sereinement la stratégie vaccinale française. Pour cela, il est clair qu’il faut absolument aller au-delà du seul indicateur simple actuellement utilisé consistant à compter le nombre de personnes vaccinées.

    Précisément, un enjeu va être de regarder deux indicateurs qui sont familiers de tous les responsables logistiques et autres supply chain managers : les délais et la qualité. Combien de temps en moyenne met la France, une fois que des vaccins ont été livrés par les usines pharmaceutiques dans ses plateformes logistiques, pour vacciner la population ? Quelle est la proportion de doses reçues que l’on perd, parce que l’on n’a pas respecté la chaîne du froid, cassé un flacon, etc. ?

    Il serait dans cet esprit intéressant que les journalistes qui suivent le sujet demandent des comptes au gouvernement, et que les indicateurs correspondants puissent faire l’objet d’une communication. Dans le même ordre d’idée, l’État devrait aussi communiquer sur le nombre de personnes qu’il a vacciné au sein de chacune des tranches prioritaires de population qui avaient été identifiées dans sa stratégie vaccinale.

    Car l’urgence est bien sûr de vacciner d’abord certaines personnes en priorité, urgence qui semble elle aussi avoir été oubliée par la folie médiatique consistant simplement à compter le nombre de personnes vaccinées ! Quoi qu’il arrive, il est clair que l’on va continuer de parler de logistique dans les mois prochains…

    Aurélien Rouquet , Professeur de logistique et supply chain, Neoma Business School

    Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’ article original .

    The Conversation

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      Covid-19 : Macronus à Versailles, le retour de Molière

      Gérard-Michel Thermeau · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 03:50 · 6 minutes

    macronus

    Par Gérard-Michel Thermeau.

    La scène se passe à Versailles dans la salle du Bon Plaisir. Le roi Macronus est entouré à sa droite de Castanus, son Contrôleur général des Bourdes publiques et, à sa gauche, de Veranus, son secrétaire d’État aux Petites Maisons. Divers médecins sont installés de part et d’autre de la table.

    MACRONUS : Nous voilà assemblés en Conseil de guerre, cette guerre que nous menons depuis si longtemps contre un ennemi aussi impitoyable qu’invisible. Nous connaissons notre ennemi, l’abominable Coronavirus pandemicus . Il est de votre devoir de bons sujets de nous apporter les lumières de vos avis éclairés puisés à la source de la science la plus pure et de l’entendement le plus aiguisé. Savants docteurs, professeurs de médecine, chirurgiens et apothicaires, vous êtes les meilleurs, tirés au sort parmi tous les innombrables disciples d’Hippocrate. Voyons, quel est votre avis monsieur Théophraste ?

    THEOPHRASTE : Hippocrate nous enseigne que l’expérience est périlleuse et le jugement difficile. Parfois le mal est plus fort que l’art docte. Aussi…

    MACRONUS : Aussi nous en resterons là, merci de cette intervention. (Tout bas à Castanus) La peste soit de cet animal. Encore une de vos bourdes, Castanus. (Tout haut) Eh bien, votre avis, monsieur Bahys ?

    BAHYS : La pandémie résulte d’un excès d’activité économique. La saignée me paraît tout indiquée. Il faut saigner l’économie.

    MACRONUS : N’est-ce pas là une mesure un peu extrême ?

    BAHYS : Extrême, point du tout. Qu’est-ce qu’une pandémie ? Aristote nous dit qu’il s’agit d’une épidémie qui touche tout le monde. Et pourquoi je vous prie ? Par la circulation, les vapeurs malignes se propagent en toute liberté. Or qu’est-ce que l’économie ? Une circulation continue des biens, des services, des idées. Seule l’immobilité la plus absolue peut donc nous garantir de ce terrible fléau.

    L’idéal serait de ne plus respirer du tout. Certes, tout le monde mourrait mais du moins en bonne santé. La perfection n’étant pas de ce monde, je préconise pour le moins de suspendre tout mouvement économique. Une bonne médecine corroborative vaut mieux qu’une économie florissante. Devons-nous privilégier les profits de messieurs les financiers, gens d’affaires et autres négociants ? La santé n’est-elle pas le bien le plus précieux ?

    CASTANUS : (à part) Ce que c’est tout de même que la robe et le bonnet. L’on n’a qu’à parler avec ces attributs et toute sottise devient raison.

    DIAFOIRUS : Une saignée sera inutile. Les symptômes du mal qui nous frappe sont indicatifs d’une vapeur limpide et mordicante. M’est avis qu’une bonne purge conviendrait davantage. Purgeons, purgeons encore, purgeons toujours, il en restera bien quelque chose. Purgeons et pour cela masquons. Cette vapeur nous l’appelons en grec atmos , ce qui souligne combien elle flotte dans l’atmosphère. Aussi convient-il d’obliger vos sujets à porter un masque en toute circonstance, et plus particulièrement en extérieur.

    BAHYS : Une mascarade, cher confrère, est-ce bien sérieux ? Purgez et le mal prospérera.

    DIAFOIRUS : Saignez et la pandémie triomphera.

    MACRONUS : Qu’en pensez-vous, Veranus ?

    VERANUS : Saigner l’économie ne peut faire de mal. Purger serait un bien supplémentaire. J’ajouterais cependant un couvre-feu.

    MACRONUS : Un couvre-feu et pourquoi ?

    VERANUS : Aristote a démontré que les corps lourds retombent vers le sol et les corps légers s’élèvent vers le ciel. Comme chacun sait, le froid de la nuit favorise l’évaporation. Or qu’est-ce qu’une vapeur, sinon un corps léger. Les vapeurs malignes sont donc particulièrement dangereuses la nuit.

    MACRONUS : Voilà qui est fort bien raisonné. Mais quelle heure vous semble la plus propice ?

    BAHYS : La sixième heure assure Hippocrate.

    DIAFOIRUS : La huitième heure affirme Gallien.

    MACRONUS : Eh bien, nous fixerons en même temps le couvre-feu à la sixième heure pour les uns et à la huitième pour les autres.

    MACRONUS : Et vous, monsieur Sganarelle, opinez-vous à l’opinion de vos confrères ?

    SGANARELLE : Sire, aux grands rois, les grands remèdes.

    MACRONUS : (tout bas) Voilà un homme selon mon cœur.

    SGANARELLE : Sire, saignée et purgation ont leurs vertus reconnues mais ne sont rien sans le remède suprême, la raison ultime des rois, le confinement.

    MACRONUS : Le confinement ?

    SGANARELLE : Confinez, sire, confinez. La santé ne dépend ni des remèdes, ni du savoir des médecins. Elle relève du Prince. Qu’est-ce que la pandémie ? La manifestation du mal-être dans le corps social. Or le médecin du corps social est le Prince. Confiner est faire acte de majesté. C’est dire au mal : tu ne passeras pas. C’est manifester votre puissance. Sire, vos sujets se sont trop longtemps crus des hommes libres. Ils doivent comprendre qu’ils sont soumis à votre volonté bienfaisante, souveraine et solidaire.

    MACRONUS : Voilà la médecine comme je la comprends.

    SGANARELLE : Le confinement offre un autre avantage. Il rend les hommes tristes et moroses. Vous le remarquerez, la mélancolie est ennemie de la joie et la bile qui se répand dans le corps est le meilleur vaccin contre le mal qui nous frappe. Un homme de bonne humeur nous paraît bien-portant. Or que sont les gens bien-portants ?

    MACRONUS : Des malades qui s’ignorent ?

    SGANARELLE : Votre Majesté est trop savante.

    MACRONUS : Cela m’est venu tout seul, sans y penser.

    BAHYS : Votre Majesté serait digne de porter le bonnet et la robe.

    SGANARELLE : La bonne humeur est contagieuse. Or la bonne humeur est une humeur. Si nous laissons les humeurs s’accumuler, elles deviendront putrides, tenaces et malignes. Ne permettons pas à la bonne humeur de se répandre. Hippocrate dit, et Gallien par vives raisons persuade, qu’une personne qui se porte trop bien est malade. Or, quelles sont les foyers infectieux par essence ? Les lieux propices à la bonne humeur, tavernes, auberges et cabarets où la joie se communique trop aisément. Tout rassemblement festif doit ainsi être absolument prohibé. L’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. Vos sujets pourront ainsi méditer leurs malheurs.

    MACRONUS : Et votre conclusion, Doctissimae Facultatis ?

    Les médecins se concertent.

    SGANARELLE  : Après avoir bien consulté…

    BAHYS : Primo Saignare.

    DIAFOIRUS : Postea Purgare.

    SGANARELLE : Ensuitta Confinerare.

    MACRONUS : Et si le mal persiste, s’opiniâtre et ne veut point se laisser faire ?

    SGANARELLE : Re-Saignare, Re-Purgare, Re-confinerare !

    MACRONUS : Que voilà de savants médecins. Ce qui me plait surtout est de pouvoir faire tout cela en même temps .

    VERANUS : Et mon couvre-feu, Sire ?

    MACRONUS : Nous y songerons entre deux confinements.

    BALLET FINAL

    CHŒUR DES JOURNALISTES :

    Publions en tous lieux

    Du plus grand des héros la valeur triomphante.

    Que la terre et les Cieux

    Retentissent du bruit de sa gloire éclatante.

    EMMANUEL, par ses faits inouïs, exauce nos vœux

    Du récit de ses exploits assurons nos ventes.

    La comédie se termine par le ballet des Trivelins, Scaramouches, valets et autres journalistes.

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      L’État français de plus en plus brutal et autoritaire

      Claude Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Sunday, 27 December, 2020 - 04:40 · 5 minutes

    macron

    Par Claude Robert.

    Il est assez consternant qu’Emmanuel Macron déplore « la contestation de toute forme d’autorité, y compris de l’autorité académique et scientifique » ( L’Opinion , 22/12/20). La récente flambée protestataire est parfaitement concomitante des démonstrations d’autoritarisme de son gouvernement.

    Fidèle à ses tours de passe-passe rhétoriques, le président tente un parallèle avec la contestation de l’autorité académique et scientifique. Mais cette contestation semble dépendre de causes qui n’ont pas grand-chose à voir. Il s’agit bien sûr, pour le Président, de faire diversion de ses propres fautes.

    La présidence d’un quasi despote même pas éclairé

    La présidence de Macron est une longue et douloureuse succession d’atteintes aux libertés individuelles . Tout a commencé dès sa prise de pouvoir par la tentative de choisir les journalistes autorisés à suivre ses déplacements et son actualité présidentielle. Faut-il une solide inculture humaniste pour oser pareil coup, sans même s’en cacher ?

    La réaction des médias ne s’est pas fait attendre, avec une pétition intitulée « Monsieur le Président, il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes » . Pétition à laquelle, fidèle à ses acrobaties dialectiques, le président a répondu qu’il s’agissait au contraire d’une « démarche d’ouverture » de sa part ( Femmes Actuelles 19/05/17).

    L’anachronique limitation à 80 km/h fournit le second exemple patent du dirigisme compulsif de son gouvernement. Cette mesure a été le principal déclencheur d’un mouvement de révolte de très grande ampleur, les Gilets jaunes, contre lequel Macron déploiera sans la moindre honte un dispositif d’une violence inconsidérée .

    Ce qui amènera, excusez du peu, Amnesty International et le Conseil de l’Europe à émettre un avertissement, respectivement pour « usage de la violence » et « utilisation abusive des LBD » !

    Rien d’étonnant à ce que le mouvement se soit durci et ne poursuive qu’un seul objectif : obtenir la tête du président. N’est-ce pas une réaction naturelle après les cent-quarante blessés graves parmi lesquels quatorze qui ont perdu un œil ? L’arrêt du mouvement n’est bien évidemment que temporaire, simplement dû aux contraintes imposées par la pandémie de coronavirus.

    La première vague de cette pandémie fournit également une autre preuve de la violence du gouvernement, celui-ci décrétant le plus brutal des confinements du monde libre, tout simplement pour enrayer les conséquences de son inaction . L’obligation d’un formulaire de sortie, à remplir comme pendant les heures sombres de l’occupation, est révélatrice de cet autoritarisme centralisateur d’un autre âge.

    Tout aussi malodorante est l’incroyable directive émanant du ministère de l’Intérieur qui en mars 2020 interdisait aux gendarmes le port du masque , tout simplement parce qu’aucune commande n’avait été passée suffisamment tôt. Cette mesure liberticide et dangereuse a tout naturellement déclenché l’ire de plusieurs syndicats de policiers, ceux-ci menaçant le gouvernement de leur « droit de retrait ».

    À côté de ces violences gratuites et injustifiées vis-à-vis des Gilets jaunes et des policiers, la clémence dont ont bénéficié les manifestants de Notre-Dame-des- Landes , les Blackblocs ou encore les grévistes de la SNCF (qui ont pourtant pris en otage la population dans son ensemble) s’additionne au malaise général.

    Tout comme les multiples tentatives pour réglementer les échanges sur Internet et les réseaux sociaux. Elles procèdent de cette même pulsion dirigiste et centralisatrice de nature à soulever l’esprit de rébellion parmi les citoyens. Car le gouvernement n’apparait plus comme le garant de l’État de droit, capable de protéger les libertés individuelles, mais au contraire comme une espèce de Léviathan aussi partial que despotique !

    La science et la culture face à l’inculture et aux affects

    Dans l’essai Conditions de l’éducation , M. Gaucher, M.C. Blais et D. Ottavi abordent entre autres sujets le recul de l’autorité académique et scientifique. Celui-ci est analysé comme multi-causal. À la baisse lente et progressive du prestige de l’enseignant, induite par l’ affaissement des deux piliers : impératif du savoir et légitimité de l’institution , s’ajoutent aux excès d’autoritarisme scolaire d’antan des difficultés plus récentes liées à l’émergence des moyens numériques de connaissance, à la chute du niveau d’instruction ainsi qu’à un retour du religieux.

    Toutes ces raisons se cumulent. Il en résulte une société qui semble se détourner de l’esprit scientifique, des raisonnements logiques, en un mot, de l’esprit des Lumières. Une évolution que l’on pourrait qualifier de régressive, la secondarité d’une société nourrie d’objectivité scientifique et de culture humaniste cédant progressivement le pas à la primarité , c’est-à-dire aux instincts, aux impressions purement subjectives et émotionnelles, tout ce qui hélas la rapproche des sociétés dites primitives.

    Or, de ces tendances constatées dans de nombreuses régions du monde, seule la chute du prestige des institutions scolaires et universitaires semble commune à la contestation du pouvoir politique que dénonce Macron. Le reste apparaît bien spécifique à la France, et particulièrement lié à la tournure de démocrature violente qu’a subitement imprimé sur notre pays l’actuel président socialiste !

    Le plus triste dans cette histoire est qu’il déplore lui-même les conséquences de ses propres dérapages. Tel un pompier pyromane, il s’étonne ou feint de s’étonner de l’incendie. Et comme s’il s’adressait à un peuple de demeurés, il fait miroiter un « monde d’après » tout en imposant au pays une régression autoritariste digne d’une autre époque.

    Tout cela en dit long sur ses penchants totalitaires, et sur les révoltes qu’il est en train d’alimenter malgré lui contre l’État et ses institutions les plus représentatives. Institutions parmi lesquelles l’ENA, la matrice infernale capable d’enfanter des diplômés dénués du respect démocratique, la matrice à l’origine de la démocrature qu’est devenu notre pays.

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