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      Élèves transgenres discriminés ou violentés: l'école en France est en retard et doit s'adapter

      Arnaud Alessandrin · news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 6 February, 2021 - 02:36 · 7 minutes

    Les élèves et les membres de l

    Le suicide d’une lycéenne trans en décembre 2020 a suscité une vague d’émotion et d’indignation, interrogeant les failles de l’Éducation nationale quant à la prise en compte et la prise en charge des mineurs transgenres , gender fluid ou non binaires.

    Témoignages sur les réseaux sociaux, données chiffrées, comparaisons internationales: tout concourt à la mise en évidence d’un retard français.

    À travers ce texte, il s’agit de revenir sur ce que (ne) fait (pas) l’Éducation nationale en direction des jeunes personnes transgenres et celles qui ne respectent pas les normes de genre ainsi que sur les perspectives d’améliorations en la matière.

    Transphobie à l’école

    Si le sujet des transidentités à l’école semble juste émerger, la recherche (notamment française) s’est pourtant penchée sur cette question depuis quelques années. En 2014, la revue “Les cahiers de la transidentité” publient un numéro spécial intitulé Tableau noir: les transidentités et l’école . À cette époque, seules les associations –comme SOS Homophobie ou le MAG– parviennent à chiffrer les violences transphobes en milieu scolaire. Les enquêtes qualitatives et les témoignages viennent donc éclairer ce qui reste alors un impensé parmi les publics de l’Éducation nationale.

    Des recherches plus récentes stabilisent nos connaissances. En 2018, la recherche “Santé LGBTI” permet de mesurer le sentiment de bien-être scolaire des élèves LGBTI (Lesbiennes, Gays, Bi, Transgenres et Intersexes). Il en ressort qu’au collège, 73% des élèves LGBTI ont ressenti des difficultés scolaires ou relationnelles, qu’au lycée ce taux se maintient à 57%… et qu’il s’élève à 82% en ce qui concerne les élèves trans!

    Les données disponibles rejoignent donc les témoignages qui fleurissent sur les réseaux sociaux. Le système éducatif français, de la primaire à l’université, semble en incapacité d’avoir une politique inclusive à l’égard de minorités de genre (et de sexualité) auxquelles elle s’adresse pourtant.

    Concernant les élèves trans ou non binaires, les points d’échauffement sont nombreux: incompréhension ou déni face aux premières interpellations par l’élève, programmes scolaires (en Sciences et Vie de la Terre ou en éducation physique) non adaptés ou clairement discriminatoires, accueils et accompagnements scolaires défaillants, dispositifs pédagogiques (notamment en matière d’éducation à la sexualité) excluants, non prise en charge des cas de transphobie…

    Des avancées trop timides

    La réponse des pouvoirs publics tient pour ainsi dire à quelques personnes. En 2012, le gouvernement installe une délégation interministérielle de lutte contre la violence scolaire, sous la direction d’Éric Debarbieux. La transphobie n’est pas dans la feuille de route de cette délégation, mais certains membres, comme la chercheuse Johanna Dagorn ou Éric Debarbieux lui-même, vont s’engager à l’inscrire dans les outils créés par la délégation.

    Ainsi naîtra une campagne contre le harcèlement à l’école qui, jusqu’à très récemment, offrira aux professionnel·le·s de l’enseignement la seule trace officielle du mot “transphobie” . C’est dire le retard de l’Éducation nationale sur ces questions.

    Les référent·e·s filles/garçons et lutte contre les discriminations sont alors bien démunie·e·s lorsqu’il s’agit de répondre à des établissements ou à des enseignant·e·s qui font face à des demandes d’élèves ou de parents en transition… Si tant est que ces professionnel·le·s soient formé·e·s sur ces questions, ce qui est loin d’être le cas étant donné la place accordée aux questions LGBTIQ au sein des formations initiales des enseignantes et des enseignants!

    Dans un même temps, les controverses autour de la question du genre n’ont pas permis à l’Éducation nationale d’être pleinement à l’écoute des besoins de ces élèves et de leurs proches. Critiquée pour diffuser la “théorie du genre” ou pour favoriser un “prosélytisme LGBT”, l’Éducation nationale a largement préféré la politique de l’autruche à l’action (et dont les ABCD de l’égalité ont largement fait les frais).

    Il faudra attendre 2018, et la campagne de sensibilisation aux LGBTphobies (intitulée ”ça suffit!”) pour que réapparaisse le terme de transphobie. Le dispositif mis en œuvre (affichage, formations) reste néanmoins très confidentiel et les professionnel·le·s de l’enseignement misent alors sur les IMS (les Interventions en Milieu Scolaire) et sur le secteur associatif pour animer cette dimension nouvelle dans la politique de lutte contre les discriminations au sein des établissements.

    En 2019, deux autres événements viennent marquer un engagement des rectorats et du gouvernement en faveur des minorités de genre et de sexualité à l’école:

    • la création d’un observatoire des LGBT-phobies au sein du rectorat de Paris

    • la diffusion d’un Vadémécum pour défendre les droits des personnes trans (notamment à l’école) par la DILCRAH (Délégation Interministérielle de Lutte contre les discriminations).

    L’ensemble de ces outils, bien que nécessaires, sonnent néanmoins comme un aveu d’échec au regard des données disponibles en matière de transphobie dans les établissements scolaires aujourd’hui en France.

    Perspectives d’améliorations

    Alors comment faire face à ce constat d’inclusion ratée des personnes trans et non binaires dans les écoles françaises? Plusieurs pistes peuvent être explorées avec, bien souvent, des exemples locaux ou internationaux qui seraient en mesure d’inspirer le ministère de l’Éducation nationale.

    Du côté des tranches d’âges concernées par les mesures de formations et de sensibilisation aux questions de genre (c’est-à-dire non seulement d’égalité filles-garçons mais plus encore d’inclusion des questions LGBT), l’école primaire est la grande oubliée. Or, des films comme Petite fille de Sébastien Lifshitz montrent bien que les interrogations propres aux identités de genre de chacun et chacune apparaissent tôt dans le développement psychosexuel normal des enfants.

    Du côté programmes d’une part, et notamment des cours d’éducation à la sexualité, une chercheuse comme Gabrielle Richard a su montrer combien des pédagogies anti-oppressives , féministes et inclusives permettent une diminution de l’ostracisme vécu ou subi par les minorités de genre et de sexualité et, parallèlement, un plus grand épanouissement des élèves LGBTIQ. À cet égard, les campagnes de sensibilisation, de prévention, et de rappel à la loi doivent être accentuées.

    D’autre part, les formations initiales et continues des professionnel·le·s de l’Éducation nationale laissent une place trop marginale aux questions de sexualité, d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Or, l’actualité médiatique comme celle des établissements montrent l’urgence de prendre en compte ces dimensions éducatives.

    Des formations inscrites au PAF (Plan académique de formation) des rectorats, ou déployées dans les INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) ou à l’IH2EF (Institut des hautes études de l’éducation et de la formation) sont à préconiser. CPE, infirmier·e·s scolaires, encadrement ou chargé·e·s de mission égalité filles-garçons sont des cibles privilégiées de ces formations, qui visent notamment à maîtriser l’environnement social et associatif qui œuvre sur ces questions au plus près des territoires des professionnel·le·s.

    Mais il est une autre dimension à prendre en compte: l’architecture scolaire (les toilettes, les cours de récréation) et la maîtrise collégiales des “bonnes pratiques” d’accueil et d’inclusion des mineurs trans. Les établissements scolaires français sont actuellement seuls lorsqu’il s’agit de répondre à des sollicitations de personnes trans. Les inégalités de traitement à l’échelle du territoire en sont donc d’autant plus marquées.

    La création rapide d’un protocole d’accueil et d’accompagnement, élaboré en concertation avec les associations concernées, est alors à encourager (respect du prénom d’usage, modalités administratives d’échange avec le/la jeune scolarisé, formation interne des professionnel·le·s, adaptation des cours d’EPS, modalités d’accompagnement des jeunes et de leurs entourages…).

    Comme nous venons de le constater les retards français en la matière sont considérables. La place des parents dans la triangulation “enfants”/”école”/“parents” est aussi à interroger: comment accompagner au mieux les parents dans l’intérêt de l’enfant, sans mettre en danger ni en conflit de loyauté ce dernier, et en favorisant sa bonne participation scolaire?

    Il est à espérer que les cas malheureux de discriminations et de suicides qui ont parsemé l’actualité récente fassent réagir le ministère. Dans l’attente de mesures volontaristes, de nombreux autres élèves trans et non binaires continuent d’être discriminés, violentés et ostracisés.

    Cette tribune a été initialement publiée sur The Conversation .

    The Conversation

    À voir également sur Le HuffPost : Notre enfant est trans et nous avons réussi à l’accompagner

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      Stratégie vaccinale française: la priorité donnée aux personnes très âgées en Ehpad plutôt qu'aux soignants interroge

      Jean Carlet · news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 4 February, 2021 - 17:16 · 6 minutes

    Un soignant en charge de la vaccination contre le covid-19 des personnes de plus de 75 ans à Strasbourg, le 18 janvier 2021. (Photo Elyxandro Cegarra/Anadolu Agency via Getty Images)

    Organiser une vaste campagne de vaccination pendant une pandémie si grave pose des problèmes éthiques très importants, qui ont été peu abordés par les professionnels de santé , les responsables politiques ainsi que les médias , en tout cas pour le moment. Certains aspects sont discutés dans l’excellente tribune publiée le 29 janvier dans le journal Le Monde par François Bourdillon.

    Il a été décidé par la Haute Autorité de Santé (HAS) et le gouvernement, avec l’accord semble-t-il quasi unanime de la population française, de vacciner en tout premier les personnes âgées vivant en Ehpad . Ces résidents sont clairement les plus à risque, ce qui a motivé la stratégie vaccinale décidée en France, fondée sur le concept de “risque”. Ensuite seulement ont été prévus les soignants de plus de 50 ans, ce qui représente une minorité des soignants, en particulier chez les infirmières et les aides-soignantes. Outre les infirmières, le personnel médical en contact étroit avec les patients infectés par la Covid-19 , c’est-à-dire les externes, internes, chefs de clinique, jeunes assistants, et d’autres professionnels appelés au lit des patients, comme les kinésithérapeutes, n’ont ainsi pas encore été vaccinés, (car ils sont trop “jeunes”) et ne le seront que dans une période lointaine et indéterminée. L’APHP semble avoir décidé récemment de tenter de vacciner les soignants de moins de 50 ans. D’autres populations auraient dû également être vaccinées très précocement, comme les ambulanciers, les pompiers, certains policiers, ainsi que les personnes porteuses de très graves facteurs de risque (diabète grave, immunodépression, obésité importante).

    Cette stratégie de priorisation pose des problèmes éthiques très complexes, mais bien réels.

    Les personnes extrêmement âgées, et/ou porteuses d’une maladie d’Alzheimer très avancée, très souvent incapables de comprendre et signer un consentement, ont très probablement été vaccinées après un avis favorable des familles, pendant ces deux premières vagues. On ne sait pas si certaines personnes très âgées ont été récusées par les soignants , en particulier les médecins coordonnateurs en Ehpad, ou les médecins traitants, mais cela paraît peu probable.

    À une période ou les vaccins étaient encore bien rares, et sont en train de le redevenir, il me semble que vacciner en toute priorité des personnes très âgées, victimes d’une grave encéphalopathie et ayant une espérance de vie active pratiquement nulle, plutôt que de le faire chez tous les soignants en contact direct, et quotidien avec les malades, pose des problèmes éthiques très complexes, mais bien réels. Sans le plus souvent invoquer un problème éthique, de nombreux citoyens, en particulier bien sûr bon nombre de soignants, se sont élevés contre les décisions de la Haute Autorité de Santé et du gouvernement. Il me semble qu’ils ne remettaient pas en cause le choix de vacciner en priorité les personnes les plus à risque en Ehpad, mais souhaitaient rajouter tous les soignants dans la liste des personnes prioritaires. Cette position ne tenait en fait pas la route, puisqu’il n’y avait pas assez de vaccins pour le faire. Il fallait ainsi, en tout cas en France, faire un choix.

    De nombreux pays ont décidé de ne pas recourir à ce type de priorisation, et ont mis en place deux filières parallèles, l’une pour les personnes âgées ou à haut risque, l’autre pour les soignants. Certains ont d’emblée priorisé la vaccination des soignants quel que soit leur âge. Les Français et leurs dirigeants ont manifesté beaucoup de fierté pour la décision de vacciner en toute priorité les personnes très âgées, et donc les plus à risque. Certains, dont moi, ne partagent pas vraiment ce sentiment, mais ressentent plutôt un grand malaise face aux séquences de vaccination mises en place en France. Le choix des personnes à ne pas vacciner est extrêmement difficile et angoissant à faire pour les soignants, comme l’est d’ailleurs par exemple la décision de ne pas admettre un malade en réanimation. Cependant, c’est bien aux soignants de prendre ces décisions, et de “sélectionner” avec un consensus de l’équipe professionnelle, les personnes pour lesquelles il ne leur semble vraiment pas raisonnable d’effectuer cette vaccination. Il ne serait pas éthique de définir un âge limite pour la vaccination des personnes très âgées. C’est une décision qui doit tenir compte de beaucoup de facteurs, en particulier l’autonomie, les capacités de communication, et la présence ou non de graves co-morbidités. Ainsi, ce type de décisions doivent rester individuelles. Il est cependant indispensable de tout faire pour tenter de parvenir à un consensus sur ces questions affreusement difficiles, au sein des soignants, avec l’aide des psychologues et des éthiciens.

    Le choix des personnes à ne pas vacciner est extrêmement difficile et angoissant à faire pour les soignants, comme l’est d’ailleurs la décision de ne pas admettre un malade en réanimation.

    On ne sait pas précisément la proportion de membres de la famille des résidents en Ehpad ou restés à leur domicile, qui ont pris la décision, leur parent n’étant pas capable de le faire, de ne pas recourir à la vaccination, pour préserver les réserves de ces vaccins si précieux. Je connais quelques médecins qui l’ont fait, mais ce type de décision a dû rester très rare. C’est une responsabilité très angoissante que beaucoup de citoyens ne seraient pas capables de prendre, car elle est très culpabilisante. On parle beaucoup de l’acharnement thérapeutique, mais paradoxalement, ce sont souvent les personnes, quand elles sont encore en bonne santé, qui souhaitent vivement que l’on évite cet acharnement dans leur propre cas. Les citoyens français rédigent manifestent encore rarement leurs “living wills”, à l’inverse d’autres pays comme les USA, et, quand ils l’ont fait, les soignants souvent ne les connaissent pas, ou ne les appliquent pas.

    Bien sûr, une vaccination ne rentre pas dans les “définitions” de l’acharnement thérapeutique, surtout si les vaccins sont parfaitement accessibles, comme celui de la grippe. Par contre, il faut certainement réfléchir à cette problématique quand très peu de ceux-ci sont disponibles, comme actuellement c’est le cas pour la Covid-19. Cette pénurie nous impose de rediscuter les priorités pour cette vaccination, et de l’éviter pour les patients très âgés, et dont l’espérance d’une vie un peu active est nulle.

    Comme le disait Sempé dans ses livres: “Rien n’est simple… tout se complique”… en éthique!

    À voir également sur Le HuffPost : Chez Pfizer, ces élus demandent de “libérer les brevets” sur les vaccins anti-Covid-19

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      Covid-19: les enfants atteints de cancers subissent de graves dommages collatéraux - BLOG

      Corinne et Stéphane Vedrenne · news.movim.eu / HuffingtonPost · Thursday, 4 February, 2021 - 09:25 · 7 minutes

    À ce jour, moins de 2 projets de recherche sur 10 portant sur les cancers pédiatriques sont financés par l’Institut National du Cancer. Pourtant, nos chercheurs sont d’un excellent niveau, plus motivés par la science que par l’argent : ils sont, comme les enseignants, parmi les plus mal payés d’Europe. (Photo: Corinne et sa fille, Eva, décédée en janvier 2011 des suites d

    CANCER — Lorsqu’on évoque la pandémie de Covid-19, nos premières pensées se tournent vers les personnes âgées dans les hôpitaux, dans les EHPADs, qui ont été nombreuses à succomber à cette maladie . On pense aussi au courage des soignants, aux difficultés économiques qui touchent un certain nombre de commerçants et d’entreprises. Quant aux enfants, les principaux débats concernent l’ouverture ou non des écoles. Pourtant, certains d’entre eux se retrouvent dans des situations bien plus lourdes à supporter: il s’agit des enfants gravement malades ou handicapés.

    Un seul parent à l’hôpital

    En raison de l’épidémie Covid-19, l’accès à l’hôpital est devenu bien plus limité. On ne compte plus le nombre de scandales concernant les personnes âgées, décédées seules à l’hôpital faute d’autorisation donnée aux familles de les accompagner. Les enfants n’échappent pas à certaines restrictions, y compris lorsqu’ils sont atteints de cancers et de maladies graves. D’une façon générale, l’accès à l’hôpital est limité à 1 seul parent, et les fratries ne sont pas autorisées. Y compris en soins palliatifs. Des assouplissements des conditions d’accès des parents existent parfois, mais elles dépendent du chef de service. Plusieurs parents nous ont fait part de situations difficiles, sources de souffrances morales pour les enfants et pour eux-mêmes.

    Un logement près de l’hôpital des enfants difficilement abordable

    À cela s’ajoute une autre inégalité, d’ordre territorial. Le nombre d’établissements autorisés à soigner des enfants atteints de cancers étant relativement limité, notamment dans les cas de chirurgies ou d’essais cliniques spécifiques, il n’est pas rare que les familles parcourent plus de 200 km pour se rendre au service d’oncologie pédiatrique. Or, si les frais de déplacement pour se rendre en consultation sont remboursés par la sécurité sociale, aucune aide n’est prévue pour aider les familles à se loger près de l’hôpital durant les soins de leur enfant.

    Le Covid-19 a empiré les choses. Durant le premier confinement, plusieurs maisons de parents — abordables, mais souvent pleines — ont fermé. Idem pour plusieurs hôtels et chambres d’hôtes. Ceux qui sont restés ouverts se sont parfois montrés sans scrupule: Éva pour la vie ( Association de défense
    des enfants victimes de cancer, NDLR ) a été sollicitée par une famille nantaise qui s’était vue proposer de louer un petit logement pour près de 2000 euros pour un mois de traitement. Un autre loueur proposait la location d’un véritable taudis, près de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif, pour près de 1500 euros. Certains hôtels situés près des hôpitaux ont profité de cet “effet d’aubaine”. Depuis, les maisons des parents ne sont plus fermées, mais elles ont réduit leur capacité pour respecter le protocole sanitaire. Par exemple, celle de Toulouse Purpan n’ouvre que 21 de ses 32 chambres. Plusieurs familles, parfois très modestes, se retrouvent sur le carreau. Au point de dormir la nuit dans leur voiture, au pied de l’hôpital des enfants. Inhumain.

    La scolarité fragilisée

    Le débat sur l’obligation de scolariser ses enfants à partir de 3 ans, et la restriction de l’enseignement à la maison a occulté une situation bien plus grave: celles d’enfants gravement malades, handicapés, qui eux, rêveraient de se rendre à l’école, mais ne le peuvent pas de par leur état de santé. La situation était, avant même le Covid-19, très difficile pour eux, le maintien de la scolarité à domicile dépendant de la bonne volonté de l’inspection d’académie ainsi que… des enseignants.

    Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, tout repose sur le volontariat. En 2019, Corinne — elle-même devenue enseignante par vocation, après plusieurs années passées dans le journalisme et la communication — avait alerté le ministre de l’Éducation de la situation d’un enfant atteint de cancer qui attendait, depuis plus de 6 mois, de bénéficier de l’enseignement à domicile. Le papa, seul, ne savait que faire. Le ministère avait réagi très rapidement et résolu le cas de cet enfant: mais combien d’autres sont dans la même situation? En novembre 2020, à la suite du 2 d confinement, les écoles sont restées ouvertes. Pourtant, une circulaire étonnante — diffusée sur le site du ministère de l’Éducation — imposait le distanciel pour les familles d’enfants malades. L’ APADHE ( Accompagnement Pédagogique A Domicile à l’Hôpital et à l’École, NDLR ) était suspendu. Là encore, Corinne a saisi le ministère de l’Éducation, ainsi que l’ensemble des députés. La circulaire été modifiée, mais le problème de fond reste entier. Certains parents, découragés, font appel aux cours privés: encore faut-il en avoir les moyens.

    La recherche ralentie, des moyens en berne

    Fin 2018, nous avons obtenu, avec nos camarades de la fédération Grandir Sans Cancer, une première avancée après 6 années de combat: la mise en place d’un fonds de millions d’euros par an dédiés à la recherche sur les cancers de l’enfant. Une victoire en demi-teinte: il faudrait 15 à 20 millions d’euros par an, en plus des moyens existants, pour financer l’ensemble des bons projets de recherche (c’est à dire, ceux qui sont favorablement évalués par les experts internationaux), mettre en place un appel à projets “starters” (pour permettre le démarrage de projets) et pour financer l’ensemble des besoins de recherche sur les causes et origines des cancers pédiatriques.

    À ce jour, moins de 2 projets de recherche sur 10 portant sur les cancers pédiatriques sont financés par l’Institut National du Cancer. Pourtant, nos chercheurs sont d’un excellent niveau, plus motivés par la science que par l’argent: ils sont, comme les enseignants, parmi les plus mal payés d’Europe.

    La situation du Covid-19 a compliqué la recherche, pour des raisons logistiques, mais aussi, de moyens: les associations — souvent créés par des parents qui ont perdu leur enfant — ont vu leurs dons chuter — parfois, jusqu’à 80% — à cause des annulations d’événements, de donateurs inquiets. Or, elles demeurent souvent la première source de financements des projets des chercheurs.

    Avec Grandir Sans Cancer , que nous avons co-fondée, nous faisons une proposition simple au gouvernement : qu’il mette les moyens nécessaires afin que l’ensemble des bons projets de recherche portant sur les cancers de l’enfant puissent être financés. Nous souhaitons qu’il crée une forme “d’exception positive” pour accélérer la recherche dans un domaine où la force publique est essentielle, la plupart des industriels du médicament jugeant cette recherche peu rentable…

    Nous sommes très loin du “quoi qu’il en coûte” adopté à juste titre depuis la crise du Covid-19. Il s’agirait de flécher, 15 à 20 millions d’euros supplémentaires par an pour pouvoir développer toutes les actions de recherche nécessaires, ou plutôt vitales, pour tenter de préserver la vie d’enfants atteints de cancers. Chaque année en Europe, plus de 6000 d’entre eux décèderont de cette maladie. Soit 240 classes d’écoles.

    À Monsieur le président de la République

    Monsieur Macron, contrairement à votre prédécesseur, vous n’avez pas employé un slogan “ Je ferais la jeunesse ma priorité ” pour vous faire élire. Nous reconnaissons certaines avancées, pour l’école, pour l’aide aux familles d’enfants décédés, pour lutter contre la maltraitance des femmes et des enfants, contre l’autisme. Nous faisons le vœu que vous “mettiez le paquet” en créant un budget d’exception dédié à la recherche sur les cancers de l’enfant, afin de soutenir l’ensemble des bons projets en la matière. Nous faisons le vœu que vous preniez des mesures courageuses en ce qui concerne la prévention. Nous faisons le vœu que vous preniez une mesure forte — autoritaire si besoin — pour garantir à tout enfant qui ne peut aller à l’école, et qui souvent, en souffre — que l’école vienne à lui rapidement. Nous faisons le vœu que vous mettiez en place la création d’un “statut de parent protégé” face à l’emploi, aux crédits, aux dettes fiscales, afin que plus un seul parent ne se retrouve en situation de grave précarité durant la maladie de son enfant.

    Ces promesses ont un coût moindre lorsqu’on sait qu’il permettrait de protéger les 16 millions d’enfants et d’adolescents que compte notre pays, chacun pouvant être concerné. Nous vous proposons de devenir un grand Président, qui marquera l’histoire de notre pays, en vous mettant à la hauteur de nos enfants. Il faut agir vite, il ne reste que 14 mois.

    ″(Les enfants) veulent choisir d’être amoureux ou amoureuses de qui ils veulent. Ils veulent pouvoir avoir un travail, mener des études. Simplement vivre. C’est ça dont nous parlons. Alors nous y serons.” Emmanuel Macron, Lyon, 10 octobre 2019.

    À voir également sur Le HuffPost : Un garçon de 6 ans survit au cancer et fait un retour touchant à l’école