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      Larry Flynt : l’antidote contre la sexophobie

      Daniel Borrillo · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 13 February, 2021 - 04:40 · 4 minutes

    larry flynt

    Par Daniel Borillo.

    Larry Flynt nous a quittés et avec son départ l’Amérique perd l’un des plus grands défenseurs de la liberté d’expression mais aussi un redoutable homme d’affaires qui a fait fortune grâce à sa capacité de travail, son talent et son sens aigu du commerce.

    Connu surtout comme pornographe , il a combattu l’hypocrisie de la société américaine en engageant une lutte politique pour la liberté de caricaturer. Celle-ci l’a notamment mené en 1988 devant la Cour suprême contre le pasteur ultraconservateur Jerry Falwell pour l’avoir montré comme un ivrogne incestueux ou encore en critiquant fortement les médias américains qui ont refusé de publier les caricatures de Mahomet après les attentats de Paris en 2015.

    En France, le combat contre la liberté d’expression était jusqu’à récemment le monopole des associations religieuses. Il suffit pour ce faire de se souvenir de certaines affaires : la tentative de censure du film Je vous salue Marie de Godard en 1985, de La dernière tentation du Christ de Scorsese en 1988 ; ou les attaques à l’affiche du film Larry Flynt ; ou encore lorsque le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à l’association Croyances et libertés (instrument de l’épiscopat) en ordonnant l’interdiction d’affichage d’une publicité pour une marque de vêtements mettant en scène sensuelle un groupe de femmes représentant La Cène de Léonard de Vinci.

    Une nouvelle forme de conservatisme contre la liberté d’expression

    Aujourd’hui, une nouvelle forme de conservatisme met en danger la liberté d’expression. En effet, depuis la fin des années 1970, le collectif américain Women Against Pornography demande l’interdiction de la pornographie au nom de la dignité et de l’égalité des femmes et quelques années plus tard, les principales figures féministes du collectif n’hésiteront pas à s’associer avec Ronald Reagan dans une croisade contre la pornographie en considérant cette pratique à l’origine des crimes sexuels et des comportements asociaux 1 .

    En France, à l’exception notable du Planning Familial, la majorité des associations féministes s’est mobilisée pour l’ abolition de la prostitution et la pénalisation des clients , cristallisée dans la loi de 2016.

    Les arguments du féminisme anti-libéral arrivent ainsi avec force en France également contre la pornographie. L’entreprise est d’autant plus redoutable que ce féminisme radical a permis de sortir les questions sexuelles du registre de la morale en fournissant des arguments considérés comme plus raisonnables surtout dans un État laïc. On est ainsi passé du harcèlement sexuel au harcèlement à la sexualité.

    C’est justement la sexualité telle qu’elle est et non pas telle elle devrait être qu’a voulu montrer Larry Flynt et, partant, il s’est attaqué au pouvoir au sens foucaldien du terme, c’est-à-dire non comme un instrument ou une propriété détenus par un appareil d’État ou par certains individus mais comme l’ensemble des relations stratégiques dont le but serait les actions sur les autres permettant ainsi de diriger et de modifier leurs conduites, ou encore de structurer leur champ d’actions possibles.

    Le pouvoir qui réprime la sexualité

    Pour cela, le pouvoir politique va s’imbriquer étroitement avec le savoir. Certes, le propre du pouvoir est de réprimer. Dans le domaine de la sexualité, il réprime le plaisir, les énergies inutiles, l’intensité des plaisirs, les conduites irrégulières.

    La pornographie est menacée et avec elle non seulement la liberté d’expression mais aussi le respect de la vie privée. Et cette menace provient non seulement des ennemis traditionnels tel le discours religieux, le conservatisme moral des bonnes mœurs ou l’hygiénisme sexuel (la psychiatrisation du désir pervers) mais aussi et surtout des ennemis émergents tels que la panique morale, le discours psychanalytique et le féminisme radical.

    Contre ces nouvelles formes de puritanisme et de sexophobie, les garants de la liberté sexuelle demeurent à la fois la protection de la privacy et de la liberté d’expression. Rappelons ce que la CEDH affirme dans le célèbre arrêt Handyside c./Royaume-Uni :

    « La liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population ».

    En montrant la sexualité dans sa dimension inquiétante, Larry Flynt a rompu avec le sens univoque que les conservatismes de toute sorte souhaitent donner à la sexualité. Par son combat il a dit haut et fort que l’individu adulte dans ses relations librement consenties demeure le seul juge de sa sexualité et de ses fantasmes érotiques.

    1. Rapport Meese du nom du procureur général des USA sous la présidence Reagan.
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      Larry Flynt, l’insoumis

      Mitch Menet · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 12 February, 2021 - 07:44 · 8 minutes

    Larry Flynt

    Par Mitch Menet.

    La mort à 78 ans d’un des barons américain du porn réjouit probablement les pontes de la « pornographie morale ». Et pourtant, Larry Flynt était plus qu’un marchand de viande chaude comme certains se complaisent à le décrire.

    Le combat de Larry Flynt est celui d’un homme qui ne tolérait pas la coercition, qu’elle soit pointée à l’entrejambe, au mouvements de la plume, ou la musique des paroles.

    Il y a de nombreuses facettes à la personnalité de Mr. Flynt. Il fut connu comme un entrepreneur à succès dans l’industrie du divertissement pour adultes, mais son histoire passe par de nombreuses péripéties bien plus passionnantes qu’une diffusion sur Canal un premier Samedi du mois.

    En commençant dans la vie active en 1965 par racheter le bar de sa mère puis en ouvrant d’autres, ce tycoon du porn fut tout d’abord un tenancier d’établissements tout à fait banals de débits de boissons. Mais rapidement il ouvra des clubs pour adultes avec des spectacles de femmes dénudées et acheta un petit organe de presse (Bachelor’s beat) qu’il fit prospérer.

    Mais Larry Flynt a connu l’échec.  Il s’est essayé sans succès au business des distributeurs automatiques et y a perdu de l’argent. Ses clubs n’ont pas survécu à la crise du choc pétrolier en 1973, et ce n’est qu’en obtenant un différé sur son paiement de « sales tax » (une espèce TVA à l’américaine), qu’il a pu financer la création de son magazine érotique (disons-le : pornographique) à succès : Hustler.

    De là à dire que la pornographie fut financée sur un prêt d’argent public, il n’y a qu’un pas, que pourtant je ne franchirai pas : s’il avait pu vendre ses magazines sans taxe il aurait quand même vendu au prix le plus élevé possible (Larry Flynt c’était pas un Abbé Pierre de l’érotisme) et aurait tout simplement été le propriétaire légitime de cette somme. J’y vois donc plutôt une belle démonstration du fait que l’impôt a tendance tuer l’entrepreneuriat et la création d’entreprises rentable, mais que des fois l’administration laisse un peu d’air à l’économie, pour ne pas achever la poule aux œuf d’or, et aussi peut être, en espérant récolter plus de « grisbi » ultérieurement.

    Pourquoi a t-il eu autant de succès avec Hustler ? Et bien disons le franchement : parce qu’au lieu de montrer des poils pubiens cmme les autres, il montrait l’objet du désir masculin, la vulve elle même. Cette « innovation » n’était pas vraiment une révolution dans l’histoire de l’humanité, mais c’était un bouleversement dans l’histoire de la pornographie aux Etats Unis.

    Bon c’est vrai, il arriva aussi à faire parler de lui avec la publication peu glorieuse des images « volées » de Jackie Kennedy nue pendant un bain de soleil.

    A partir de ce moment, il sut développer son empire de divertissement pour adultes et élargir ses activités : Vidéos pornographiques, casinos, autres clubs, etc… Larry Flynt était donc un entrepreneur opportuniste mais preneur de risques et surtout, persévérant. Je me permettrai grivoisement de dire que s’il a alimenté la masturbation, il n’était lui même pas du genre à se tirer sur la nouille : C’était un bosseur.

    Mais la personnalité de Larry Flynt est fascinante bien au delà de sa réussite économique parce qu’il était avant tout un insoumis (au sens original du terme et pas au sens de ceux qui se soumettent à Mélanchon).

    Son histoire est surtout celle d’une résistance héroïque face aux agressions juridiques et pénales des conservateurs obtus, des lobbys religieux obscurantistes, et des bande de féministes rageuses (sachant qu’au pluriel le masculin l’emporte dans la grammaire française, et qu’il y a des hommes féministes, ne devrait on pas plutôt parler de féministes « rageurs »? Les féministes l’accepteront-elles/ils ou lanceront elles/ils une fatwa contre moi pour avoir eu l’outrecuidance de pointer ce paradoxe du doigt ?), entre autres.

    Larry Flynt fut à la censure et aux restrictions commerciales de l’industrie du sexe ce que les Finlandais furent à l’armée de Staline : l’incarnation même de la résistance acharnée, et de la contre attaque jusqu’au-boutiste, quitte à y laisser des plume.

    De procès en procès, de controverse en contournement malin de régulations iniques, Larry Flynt su démontrer les incohérences des hypocrites de la morale arbitraire et de sa retranscription juridique.

    Dans son combat (juridiquement perdu, médiatiquement gagné) contre la jurisprudence « Miller v. California” il sut avec ses avocats remettre en lumière lors de son procès, la flagrante subjectivité, et par là même l’inique arbitraire de la définition de l’obscénité telle que prohibée par ce texte.

    En fait Larry Flynt a perdu presque toutes ses batailles juridiques sur le plan de la censure pornographique. Ca lui a couté des millions en avocats et en amendes et probablement encore plus en manque à gagner. Mais à chaque fois, il a su obtenir une victoire dans l’opinion publique et médiatique.

    Il a en revanche obtenu plusieurs succès pour la liberté de critiquer voire de ridiculiser les personalités publiques. Larry Flynt a été pendant 30 ans, un sanguinaire assassin de l’égo surdimentionné des personnalités qui ne veulent que des éloges flatteurs sans liberté de blâmer.

    Et pourtant il y a des paradoxes pour ne pas dire des contradictions chez Larry Flynt. S’il a déclaré « My position is that you pay a price to live in a free society, and that price is toleration of some things you don’t like » (« Mon avis est qu’il faut payer un prix pour vivre dans une société libre, et ce prix est de tolérer des choses que vous n’aimez pas”), il ne s’y est pas toujours plié lui même.

    En effet, l’acharnement de la défense du premier amendement par Larry Flynt n’est pas à l’image de son opinion sur le second amendement. Si on peut comprendre d’un point de vue humain que quelqu’un qui s’est fait tirer dessus et handicaper à vie, probablement par un fanatique que l’on n’a jamais retrouvé, puisse avoir des réserves sur la liberté d’être armé, il faut bien noter que son opinion assez “main stream” sur une restriction “raisonnable” des armes à feu n’est pas franchement libertariano-compatible.

    En revanche, il faut admettre que cet homme a rarement transigé devant l’oppression de l’Etat. Farouche opposant à la guerre en Irak, il a soutenu publiquement et financièrement les mouvements pacifistes. Il a soutenu l’égalité en droit des LGBT.

    Il a aussi été lanceur d’alerte en publiant une video de menaces dignes de gangs mafieux émanant du FBI lui même à l’encontre du citoyen DeLorean (le créateur de la voiture de Doc et Marty, avant qu’elle ne voyage dans le temps). Cet homme piégé et pressurisé par le FBI pour des charges de trafic de drogues pu s’en sortir indemne grâce notamment à l’aide de Larry Flynt. Le FBI avait tout de même menacé de s’en prendre physiquement à la fille de l’accusé.

    Il a dénoncé des scandales qui ont ruiné les carrières politiques de personnalités républicaines comme démocrates, pris en flagrant délit d’hypocrisie sur leur moeurs.

    C’est un homme complexe et aux multiples facettes qui vient de nous quitter. Un homme fier, un homme intelligent, un homme au franc parler parfois plus choquant que les images qu’il publiait.

    Larry Flynt a toute sa vie refusé les diktats de la religion qui s’insinue dans la justice, des traditions qui veulent imposer leur chappe de plomb, et du status quo de l’oppression étatique tolérée.

    Drogué, mais capable de sobriété, pornographe mais pouvant montrer qu’il n’a jamais sombré dans la pédophilie ou les déviances sexuelles qui impliquent l’oppression (sa fille l’a accusé d’inceste pédophile et il a pu démontrer qu’elle avait inventé cette histoire par appât du gain), avide d’argent mais généreux avec des causes perdues, iconoclaste mais capable sacraliser la constitution (au moins le premier amendement), il était pourtant capable de respecter ses adversaires comme le prouve la relation cordiale qu’il a développé avec feu Jerry Fallwell, le télé-évangéliste qui l’a poursuivi en diffamation.

    Il va me manquer ce flibustier sans vergogne de la liberté individuelle.

    Cher Larry, d’un athée à un autre, nous savons tous les deux que tu n’entendras jamais ces paroles puisque ta conscience est retournée au néant, mais je garde le poétique espoir que tu reposes en paix. Je n’ai pas toujours été d’accord avec toi, mais à l’image que laisses dans la mémoire de l’humanité, je le dis solennellement : quand t’étais là, au moins, on se marrait bien.

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      Xavier Gorce : de la fin de la liberté d’expression au nouveau délit de blasphème

      Adnan Valibhay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 1 February, 2021 - 04:20 · 4 minutes

    blasphème

    Par Adnan Valibhay.

    Le dessinateur Xavier Gorce a récemment été victime de l’un des maux de notre
    époque : la censure . L’outrecuidant a osé dépeindre dans les pages du journal Le Monde une caricature dans laquelle un personnage déclame :

    Si j’ai été abusée par le demi-frère adoptif de la compagne de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste ?

    Grand mal lui en a pris. Très vite, les procès d’intention se sont lancés. Très vite, il a été accusé de minimiser l’inceste . Très vite, il a été accusé de transphobie par diverses associations LGBT. Très vite, le directeur de rédaction du journal s’est empressé de présenter ses excuses. Très vite, Le Monde a cessé d’être Charlie.

    Cela est significatif de la déliquescence à laquelle est confrontée l’une de nos plus belles libertés : la liberté d’expression . On peut la caractériser comme étant le droit reconnu à l’individu de faire connaître le produit de sa propre activité intellectuelle à son entourage.

    L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 énonce :

    La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

    La loi sur la liberté de la presse de 1881 consacre pleinement ce principe en lui prévoyant néanmoins quelques exceptions notables : injure, diffamation, appel à la commission d’un crime ou d’un délit.

    La loi Pleven de 1972 lui a inséré une nouvelle limite en instaurant un nouveau délit : le délit de provocation publique à la haine raciale.

    La loi Gayssot de 1990 poursuit cette tendance en prévoyant des sanctions pénales à l’encontre de ceux dont l’opinion irait à l’encontre de celle émise par le tribunal de Nuremberg .

    La loi Taubira de 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité accentue encore ce mouvement en cloisonnant davantage cette liberté.

    Il est inutile de citer toutes les initiatives législatives restreignant ce droit tant ces dernières sont nombreuses.

    Il est toutefois possible d’établir une autre conséquence concrète de ces divers textes : la généralisation des habilitations conférées aux associations à exercer les droits reconnus à la partie civile à raison de certaines infractions portant atteinte aux intérêts qu’ils défendent. Laquelle entraîne par voie de conséquence une « privatisation » de l’action publique au détriment de la liberté d’expression.

    En effet, n’importe quelle association LGBT peut se porter partie civile avec l’accord de la victime présumée de propos homophobes, à la seule condition qu’elle soit régulièrement constituée depuis au moins cinq ans à la date des faits.

    Fort heureusement, le régime répressif est privilégié concernant les abus du droit
    d’expression, ce qui signifie concrètement que la sanction sera postérieure aux propos outrepassant les limites légales.

    Néanmoins, depuis l’ordonnance Dieudonné de 2014 du Conseil d’État un doute subsiste quant à la pérennité de cette règle de principe. En effet, la Haute assemblée a admis l’interdiction, à titre préventif , d’un spectacle où il existait un doute raisonnable que soient commis des infractions aux lois mémorielles. Jack Lang lui-même, par ailleurs agrégé de droit public, s’est ému de cette jurisprudence en estimant à juste titre qu’elle constituait une profonde régression des libertés fondamentales.

    Ce bref panorama tout à fait non exhaustif de lois et jurisprudences amène à la
    conclusion suivante : la liberté d’expression s’amoindrit considérablement en France . Il est plus inquiétant encore que l’opinion publique suive cette tendance métapolitique et juridique en concrétisant un nouveau délit de blasphème : le blasphème contre la bien-pensance .

    Le cas Xavier Gorce qui a dû démissionner pour préserver sa liberté et son honneur, valide cette hypothèse. Qui aurait pu croire que le pays de Voltaire en viendrait à tolérer de telles atteintes à la satire ? Qui diantre aurait pu croire que l’humour serait si sévèrement sanctionné non pas uniquement juridiquement mais également socialement ?

    Nous revoilà donc au temps de la Ligue pour la vertu avec de nouveaux fanatiques.

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      Pourquoi Facebook doit réafficher un message censuré sur l’hydroxychloroquine

      Julien Lausson · news.movim.eu / Numerama · Friday, 29 January, 2021 - 17:43

    La cour suprême mise en place par Facebook pour encadrer certaines de ses décisions a rendu ses premiers avis. Sur les cinq affaires jugées, quatre ont été renversées par la jeune instance. L'une d'elles concerne la France, et l'épineux sujet de l'hydroxychloroquine. [Lire la suite]

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      Anonymat sur les réseaux sociaux : le faux débat

      Yannick Chatelain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 January, 2021 - 03:50 · 6 minutes

    anonymat

    Par Yannick Chatelain.

    « Pour moi l’anonymat pratiqué sur les réseaux sociaux est une régression » déclarait Emmanuel de Wasqueriel , sur France Inter, précisant « qu’une démocratie, c’est avancer à visage découvert… » et « plutôt que de restreindre la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, il faudrait obliger à la suppression de l’anonymat » ajoutant ainsi sa voix à un faux débat régulièrement relancé : la fin de l’usage du pseudonyme.

    Pour rappel, cette thématique avait resurgi en octobre 2020  portée par des élus de premier plan dont Xavier Bertrand et Valérie Pécresse suite au tragique assassinat du professeur Samuel Paty .

    La fin des pseudos : la porte ouverte à l’autocensure

    Pour que ce genre de faux débat prenne fin, encore faudrait-il que ceux qui s’expriment sur le sujet intègrent une bonne fois pour toutes que l’anonymat sur les réseaux sociaux n’existe pas, à moins de faire partie de l’élite hacker et de disposer de compétence technologique hors norme rendant le traçage de l’émetteur particulièrement complexe, voire quasi-impossible.

    La liberté d’expression a des limites et elle est d’ores et déjà encadrée en France par la loi. Dans la réalité du net, si une plainte est déposée derrière un pseudonyme, les forces de l’ordre disposent de tous les moyens nécessaires pour remonter à la source. Il serait d’ailleurs à ce titre plus juste de parler de P seudo A nonyme que de pseudonyme et de vulgariser cette appellation. Ce faux débat serait alors peut-être définitivement clos.

    Ceux qui militent pour la levée de ce PseudoAnonymat le font peut-être par ignorance technologique. S’ils se pensent de bonne foi, il ne peut dès lors leur en être tenu rigueur. Ils pourront alors éventuellement repenser leur position antérieure. A contrario si tel n’est pas le cas, si ce combat est mené en connaissance, alors il s’agit d’un argument fallacieux utilisé de façon délibérée pour justifier l’interventionnisme de l’État et un encadrement potentiellement outrancier de la liberté d’expression en postulant la méconnaissance technologique d’une partie de la population.

    La fin de ce PseudoAnonymat serait la porte ouverte à l’autocensure. Le mal serait, in fine , bien pire que le bien supposé apporté à notre démocratie. La fin de ce PseudoAnonymat porterait insidieusement un coup fatal à la libre expression de chacun…

    Que dire alors et qu’écrire ? Hormis exprimer des platitudes insipides s’inscrivant dans telle ou telle pensée dominante pour ne surtout pas prendre le risque de tomber dans ce qui peut rapidement se révéler être une effroyable machine à broyer des vies.

    Le PseudoAnonyme est avant tout une protection de l’usager et de sa libre expression

    Comme évoqué précédemment, l’anonymat sur Internet est parfaitement relatif lorsque les autorités compétentes sont mandatées par les autorités judiciaires pour remonter à l’émetteur. Ces dernières disposent des outils et des savoir-faire et elles le trouvent.

    A contrario un usager lambda contrarié par un propos, une idée, et souhaitant en découdre aura beaucoup plus de difficulté à remonter à la source pour régler ses comptes.

    Dès lors que le propos ne tombe pas sous le coup de la loi, l’usage de pseudonymes – contrairement à ce qu’avance l’historien Emmanuel de Wasqueriel et d’autres qui partagent son avis –  c’est avant tout la garantie pour chacun d’exercer son droit à une libre parole sans crainte de représailles disproportionnées, sans avoir à redouter  – si le propos ne convient pas à d’autres usagers – que la machine à détruire ne s’emballe.

    Il faut garder à l’esprit que sans le garde-fou d’un PseudoAnonyma t , pour un propos qui déplait sans contrevenir à la loi, tout usager s’exposerait à devenir la cible des formes de harcèlement les plus courantes recensées par le blog du hacker , à savoir    :

    Remember Justine Sacco

    Le lynchage en ligne peut toucher tout le monde. Nul n’est à l’abri de voir sa vie ruinée pour quelques mots très maladroits comme le révèle le cas de Justine Sacco dont j’avais fait l’analyse .

    En 2013 et cette professionnelle de la communication avait eu la bien mauvaise idée de tweeter à ses 170 abonnées :

    « Going to Africa. Hope I don’t get AIDS. Just kidding. I’m white ! »

    Il y avait deux façons d’interpréter ce tweet ambigu : soit une dénonciation d’une prise en charge du Sida non équitable en Afrique du Sud selon sa couleur de peau,  soit un racisme des plus arrogants. Le réseau aura interprété le tweet de la jeune femme comme un tweet raciste. Il aura alors suffi de onze heures de vol pour que la jeune femme voie sa vie ruinée , la toile étant remplie de justiciers auto-proclamés qui se font ainsi des bourreaux plus cruels que les cibles qu’ils clouent au pilori de l’internet.

    Pensez-vous qu’il en aurait été de même du destin de cette jeune femme si elle avait tweeté sous un pseudonyme ? Ce tweet aurait tout simplement pu être signalé par les utilisateurs en ayant eu une lecture raciste… des plaintes déposées… et la jeune femme aurait alors, éventuellement, eu à en répondre à la justice de son pays qui aurait alors tranché.

    En tout état de cause elle ne serait pas devenue une cible à abattre ni la victime d’un massacre en bande de lâches organisés. Un massacre intégrant des tweets, eux, sans la moindre ambiguïté et passibles de poursuites.

    Pour conclure ce faux débat de l’anonymat

    Au temps de la cancel culture , les réseaux et les hommes étant ce qu’ils sont, parfois moins sophistiqués que les machines qu’ils inventent et utilisent, le PseudoAnonymat est indispensable pour permettre à chacun de pouvoir s’exprimer librement sur la toile sans risquer des représailles qui peuvent se révéler totalement disproportionnées.

    Ce PseudoAnonymat – s’il est nécessaire de le réécrire – n’empêchant nullement la justice, la vraie –  pas celle d’une meute – de faire son travail s’il y a lieu. S’exprimer librement est un droit constitutionnel reconnu à tout citoyen français. Dans son article 10, la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ne précise-t-elle pas :

    « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »

    Dans son article 11, cette même déclaration n’insiste-t-elle pas :

    « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

    L’anonymat sur la toile n’étant majoritairement qu’une Arlésienne, longue vie au PseudoAnonymat et fin de ce faux débat.

    « Parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. » George Orwell

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      Facebook ne veut plus entendre parler de vol d’élection

      Julien Lausson · news.movim.eu / Numerama · Tuesday, 12 January, 2021 - 11:26

    Stop The Steal

    Facebook en a assez de la remise en cause des élections américaines. Plus exactement, le réseau social souhaite en finir avec la mouvance complotiste Stop The Steal. L'expression sera d'ailleurs désormais interdite, annonce le site communautaire. [Lire la suite]

    Voitures, vélos, scooters... : la mobilité de demain se lit sur Vroom ! https://www.numerama.com/vroom/vroom//

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      En 2021 : confiner l’étatisme, déconfiner la liberté d’expression

      Alain Laurent · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 12 January, 2021 - 04:30 · 5 minutes

    étatisme

    Par Alain Laurent.

    À l’agenda de ce qu’un libéral de grande tradition peut souhaiter voir mis en état d’urgence pour 2021 devrait figurer en premier lieu la découverte d’un drastique vaccin intellectuel et politique immunisant contre le… statovirus qui achève de transformer notre nation en Étatistan : le pays où règne de manière absolue l’État de droit divin. Mais il devra également formuler des vœux (non pieux) en faveur d’un renforcement du combat contre les nouvelles menaces proliférantes qui pèsent désormais sur la liberté d’expression, un bien premier de l’esprit sans lequel la vie ne mérite pas d’être vécue.

    Derrière l’Absurdistan, l’Étatistan

    Il y a quelque temps, on s’en souvient, la presse allemande avait ironiquement qualifié la France d’Absurdistan , visant par là l’hyper-réglementation bureaucratique et courtelinesque (les attestations infantilisantes, la définition aberrante des commerces dits essentiels…) y caractérisant la gestion de la crise sanitaire.

    Constat clinique d’autant bien vu qu’il pointait un mal récurrent ainsi que l’a montré le récent nouveau ratage au sujet de la vaccination de masse , comme si la devise gouvernementale était : « Pourquoi faire simple et efficace quand on peut faire compliqué et contre-productif ? »

    Mais au-delà des symptômes, il faut remonter aux causes et poser un diagnostic, lequel n’a au demeurant rien d’original : l’emprise étouffante et stérilisante d’un État obèse et boulimique, à la fois omnipotent, capable de déverser tout à coup un torrent d’argent magique, et impotent, incapable de faire respecter un véritable État de droit ; impotent en raison même de sa prétention à une omnipotence – version ultra-centralisation monarchisante.

    Comment donc confiner l’État après l’avoir fait revenir à sa juste et nécessaire place (son confinement n’ayant d’intérêt que précédé de son refoulement !), et le contraindre à assurer la seule mission légitime qui devrait être la sienne : effectivement garantir la liberté, la propriété et la sûreté des citoyens ?

    Comment parvenir à guérir nos concitoyens de leur statolâtrie , eux qui se disent si majoritairement demandeurs d’une dépense et une fonction publiques en expansion indéfinie ?

    Mais pour continuer à filer la métaphore en forme de boutade d’un vaccin mental, celui-ci ne pourrait certes pas s’administrer aux étatistes invétérés, que l’on n’imagine pas renoncer volontairement  – respect de leur consentement oblige – à  leur projet d’étatisation totale de la société. Il devrait donc concerner tous ceux que commencent à ébranler les fiascos bureaucratiques à répétition, afin qu’ils sortent de leur aveuglement et comprennent d’où proviennent les maux qu’ils dénoncent, et soient gagnés par l’envie et la volonté d’en finir avec l’Étatistan.

    Pour y prédisposer, rien ne vaut sans doute la (re)lecture de L’Absolutisme inefficace (1992) où, il y a une trentaine d’années, Jean-François Revel , qu’on ne saurait soupçonner d’anti-étatisme primaire, avait pratiquement déjà tout dit des causes de ce dont nous souffrons tant actuellement…

    La liberté d’expression ne se négocie pas plus qu’elle ne doit s’autocensurer !

    Une quinzaine d’années avant L’Absolutisme inefficace , Jean-François Revel – toujours lui ! – avait dans La Nouvelle censure (1977) dénoncé l’apparition délétère en France d’une « forme non officielle de censure » . Non plus d’une classique censure d’État, mais d’une « censure élargie » , « idéologique » , visant à interdire de critiquer le communisme et à mettre à l’index ceux qui osaient le faire.

    En fait de  censure idéologique, nous y revoici présentement en plein, et en pire. Au nom d’ une chasse aux sorcières islamophobes et d’un antiracisme dévoyé doublé d’un néoféminisme hystérisé, il s’agit de museler, bâillonner la liberté normale d’expression et de critique : bel et bien d’une nouvelle censure sociétale. Si son inspiration n’est plus soviétique mais américaine (aux USA, la tradition libertarienne du free speech n’est plus qu’un souvenir, que ce soit dans la presse, l’université ou sur les réseaux sociaux) au sens woke et cancel culture , elle demeure d’extrême gauche.

    Et en France désormais, le libertaire « il est interdit d’interdire » tend lui aussi à n’être bientôt plus qu’un souvenir. Cette censure a pour moteur le narcissisme tyrannique de groupes de pression idéologiques dont les membres se disent blessés, offensés par la liberté de parole de qui ose professer une autre opinion ou critiquer leurs croyances.

    Et ça marche ! Soumis à une intimidation musclée, la moitié des enseignants s’autocensurent désormais, et dans les médias mainstream , on euphémise et pratique une pitoyable novlangue de bois – pour ne rien dire de réseaux sociaux totalement fliqués par les nouveaux inquisiteurs.

    Pour autant, la censure d’État n’est pas en reste, et prête éventuellement son concours à l’opération en prenant appui sur une législation mémorielle et bien-pensante qui enjoint aux tribunaux de déclarer recevables d’abusifs dépôts de plaintes ; rien de tel pour clouer au pilori et décourager les mal-pensants de librement s’exprimer.

    Dans ce contexte alarmant et insupportable, on ne peut se contenter de réaffirmer avec John Stuart Mill « la nécessité – pour le bien-être intellectuel de l’humanité (dont dépend son bien-être en général) – de la liberté de pensée et d’expression » ( On Liberty , 1859 ; ch.2). Il faut en effet aller au-delà de son plaidoyer n’intégrant que l’utilité collective du libre échange des idées.

    Car pour un libéral cohérent et fidèle à l’ADN historique de sa famille de pensée, ce qui doit être défendu, c’est une pleine liberté d’expression entendue comme un droit naturel inaliénable de l’individu. Dont les seules limites concevables ne peuvent qu’être de prohiber et sanctionner l’imputation fallacieuse à une personne d’actions répréhensibles qu’elle n’a pas commises (diffamation et dénonciations calomnieuses et, bien sûr, les incitations même implicites à la violence.).

    Il est donc infiniment souhaitable que les libéraux prennent offensivement la tête de ce combat. Sinon, il ne leur restera plus qu’à se mêler à la curée en exigeant qu’on cloue le bec et mette au pilori quiconque les… blesse et les offense en insultant et dénigrant leur religion de la liberté, soit le…libéralisme ! Bon courage, car il y aura fort à faire…

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      La réforme voulue par Trump contre les géants du web tombe à l’eau

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      Google et Apple exigent que le réseau social Parler modère ses contenus sous peine d’exclusion

      Julien Lausson · news.movim.eu / Numerama · Saturday, 9 January, 2021 - 12:34

    Google a temporairement suspendu la disponibilité de l'application mobile Parler sur Google Play. De son côté, Apple réclame un plan de modération sur ce réseau social de la droite dure américaine, sous peine d'être exclu de l'App Store. [Lire la suite]

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