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      Google, Facebook, Twitter : la tentation du « safe space »

      Frédéric Mas • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 12 January, 2021 • 5 minutes

    Google Facebook Twitter

    Par Frédéric Mas.

    Ron Paul , ancien député et ancien candidat à la présidentielle, figure de proue du mouvement libertarien aux États-Unis, a signalé avoir été bloqué par Facebook. La publication d’un article critique à l’endroit de la décision de bannir Donald Trump de Twitter pourrait être à l’origine de ce blâme virtuel, ce qui inquiète à juste titre les amis de la liberté.

    Pour les géants du net, défendre la liberté d’expression ne semble plus de saison face à une extrême droite qui a fait le lit du trumpisme et fait trembler la démocratie américaine sur ses bases.

    Peu importe si les contours de cette menace sont assez flous, elle est suffisamment réelle à leurs yeux pour avoir la main lourde en matière de modération. Le risque politique mais aussi commercial d’une modération précipitée est de transformer les réseaux sociaux en safe space , c’est-à-dire en lieux virtuels préservés de toute confrontation d’idées différentes que celles professées par leurs éditeurs. Cela risque fort d’affadir l’offre proposée par les réseaux sociaux dominants.

    La responsabilité des géants du Net

    Après les événements violents de Washington de la semaine dernière, il se pourrait que les GAFAM aient pris conscience de leurs responsabilités. L’élection de Donald Trump leur est imputable en partie, la polarisation du débat public n’existerait pas sans eux, et la circulation des fake news en vogue dans une partie de l’opinion publique est boostée par leur présence.

    L’éviction numérique de Donald Trump ne serait finalement que le point final d’une longue et coupable histoire d’hésitation de la part des réseaux, tiraillés entre le besoin de satisfaire leurs clients et la nécessité de protéger la démocratie de ses ennemis.

    Il est assez probable que la menace de régulation par les États soit à l’origine de cette prise de conscience. Jusqu’à présent, ceux-ci se contentaient de faire pression sur les réseaux pour qu’ils modèrent eux-mêmes leurs contenus. La censure était en quelque sorte externalisée .

    Avec la déconvenue spectaculaire de Trump et le climat insurrectionnel qu’elle charrie, la pression sur les GAFAM est au maximum : accusée à gauche d’avoir fait élire Trump, elles sont aussi accusées à droite de l’avoir censuré injustement. Dans les deux cas, la demande pour briser l’oligopole par des lois anti-trust ou des mesures d’encadrement contre les fake news réapparait, et oblige les réseaux à donner des gages au pouvoir politique en serrant la vis.

    Une stratégie commerciale risquée

    Seulement, la chasse au trumpisme, qu’elle soit volontaire ou forcée, n’est pas une stratégie commerciale très prudente. Si les GAFAM entendent redorer leur réputation par le bannissement des comptes et des sites jugés indignes d’apparaître sur leurs plateformes, ses clients droitiers pourraient ne pas apprécier d’être catalogués parmi les ennemis du genre humain.

    D’ailleurs, Twitter et Facebook dévissent en bourse depuis le bannissement de Donald Trump.

    Les marchés anticipent la grogne des conservateurs contre les nouveaux médias, et la disparition de Parler ou de Gab ne va pas améliorer les choses.

    Chasser le trumpisme des médias sociaux se fait au nom de la lutte contre les discours porteurs de violence. Certains critiquent déjà le deux poids deux mesures entre la parole de Trump et celle des dirigeants de l’Iran ou de la Turquie. D’autres font remarquer qu’au nom de la protection des utilisateurs des différents médias, on élimine au fur et à mesure les discours déviants.

    Aujourd’hui on élimine l’alt-right et les trumpistes, demain ce sera les libéraux et les conservateurs classiques, qui deviendront la nouvelle extrême droite dangereuse à proscrire. Ou les trop gauchistes ou trop populistes aux yeux des dominants. C’est déjà ce qui arrive dans l’édition ou les médias plus traditionnels ; qu’on pense aux procès en sorcellerie adressés à Jordan Peterson ou à Bari Weiss .

    Si demain, sous la pression politique ou idéologique des nouveaux maîtres de Washington, les réseaux sociaux en venaient à se transformer en pure vitrine pour vendre l’idéologie all inclusive et woke poussée par une gauche culturelle radicalisée, il y a fort à parier qu’ils perdraient beaucoup de leur attrait auprès d’une grande partie de leurs utilisateurs.

    La liberté d’expression n’est pas seulement une nécessité pour faire vivre la démocratie et un principe libéral fondamental. Elle reste aussi le meilleur argument de vente pour des entreprises qui, historiquement, n’existeraient pas sans elle.

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      En 2021 : confiner l’étatisme, déconfiner la liberté d’expression

      Alain Laurent • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 12 January, 2021 • 5 minutes

    étatisme

    Par Alain Laurent.

    À l’agenda de ce qu’un libéral de grande tradition peut souhaiter voir mis en état d’urgence pour 2021 devrait figurer en premier lieu la découverte d’un drastique vaccin intellectuel et politique immunisant contre le… statovirus qui achève de transformer notre nation en Étatistan : le pays où règne de manière absolue l’État de droit divin. Mais il devra également formuler des vœux (non pieux) en faveur d’un renforcement du combat contre les nouvelles menaces proliférantes qui pèsent désormais sur la liberté d’expression, un bien premier de l’esprit sans lequel la vie ne mérite pas d’être vécue.

    Derrière l’Absurdistan, l’Étatistan

    Il y a quelque temps, on s’en souvient, la presse allemande avait ironiquement qualifié la France d’Absurdistan , visant par là l’hyper-réglementation bureaucratique et courtelinesque (les attestations infantilisantes, la définition aberrante des commerces dits essentiels…) y caractérisant la gestion de la crise sanitaire.

    Constat clinique d’autant bien vu qu’il pointait un mal récurrent ainsi que l’a montré le récent nouveau ratage au sujet de la vaccination de masse , comme si la devise gouvernementale était : « Pourquoi faire simple et efficace quand on peut faire compliqué et contre-productif ? »

    Mais au-delà des symptômes, il faut remonter aux causes et poser un diagnostic, lequel n’a au demeurant rien d’original : l’emprise étouffante et stérilisante d’un État obèse et boulimique, à la fois omnipotent, capable de déverser tout à coup un torrent d’argent magique, et impotent, incapable de faire respecter un véritable État de droit ; impotent en raison même de sa prétention à une omnipotence – version ultra-centralisation monarchisante.

    Comment donc confiner l’État après l’avoir fait revenir à sa juste et nécessaire place (son confinement n’ayant d’intérêt que précédé de son refoulement !), et le contraindre à assurer la seule mission légitime qui devrait être la sienne : effectivement garantir la liberté, la propriété et la sûreté des citoyens ?

    Comment parvenir à guérir nos concitoyens de leur statolâtrie , eux qui se disent si majoritairement demandeurs d’une dépense et une fonction publiques en expansion indéfinie ?

    Mais pour continuer à filer la métaphore en forme de boutade d’un vaccin mental, celui-ci ne pourrait certes pas s’administrer aux étatistes invétérés, que l’on n’imagine pas renoncer volontairement  – respect de leur consentement oblige – à  leur projet d’étatisation totale de la société. Il devrait donc concerner tous ceux que commencent à ébranler les fiascos bureaucratiques à répétition, afin qu’ils sortent de leur aveuglement et comprennent d’où proviennent les maux qu’ils dénoncent, et soient gagnés par l’envie et la volonté d’en finir avec l’Étatistan.

    Pour y prédisposer, rien ne vaut sans doute la (re)lecture de L’Absolutisme inefficace (1992) où, il y a une trentaine d’années, Jean-François Revel , qu’on ne saurait soupçonner d’anti-étatisme primaire, avait pratiquement déjà tout dit des causes de ce dont nous souffrons tant actuellement…

    La liberté d’expression ne se négocie pas plus qu’elle ne doit s’autocensurer !

    Une quinzaine d’années avant L’Absolutisme inefficace , Jean-François Revel – toujours lui ! – avait dans La Nouvelle censure (1977) dénoncé l’apparition délétère en France d’une « forme non officielle de censure » . Non plus d’une classique censure d’État, mais d’une « censure élargie » , « idéologique » , visant à interdire de critiquer le communisme et à mettre à l’index ceux qui osaient le faire.

    En fait de  censure idéologique, nous y revoici présentement en plein, et en pire. Au nom d’ une chasse aux sorcières islamophobes et d’un antiracisme dévoyé doublé d’un néoféminisme hystérisé, il s’agit de museler, bâillonner la liberté normale d’expression et de critique : bel et bien d’une nouvelle censure sociétale. Si son inspiration n’est plus soviétique mais américaine (aux USA, la tradition libertarienne du free speech n’est plus qu’un souvenir, que ce soit dans la presse, l’université ou sur les réseaux sociaux) au sens woke et cancel culture , elle demeure d’extrême gauche.

    Et en France désormais, le libertaire « il est interdit d’interdire » tend lui aussi à n’être bientôt plus qu’un souvenir. Cette censure a pour moteur le narcissisme tyrannique de groupes de pression idéologiques dont les membres se disent blessés, offensés par la liberté de parole de qui ose professer une autre opinion ou critiquer leurs croyances.

    Et ça marche ! Soumis à une intimidation musclée, la moitié des enseignants s’autocensurent désormais, et dans les médias mainstream , on euphémise et pratique une pitoyable novlangue de bois – pour ne rien dire de réseaux sociaux totalement fliqués par les nouveaux inquisiteurs.

    Pour autant, la censure d’État n’est pas en reste, et prête éventuellement son concours à l’opération en prenant appui sur une législation mémorielle et bien-pensante qui enjoint aux tribunaux de déclarer recevables d’abusifs dépôts de plaintes ; rien de tel pour clouer au pilori et décourager les mal-pensants de librement s’exprimer.

    Dans ce contexte alarmant et insupportable, on ne peut se contenter de réaffirmer avec John Stuart Mill « la nécessité – pour le bien-être intellectuel de l’humanité (dont dépend son bien-être en général) – de la liberté de pensée et d’expression » ( On Liberty , 1859 ; ch.2). Il faut en effet aller au-delà de son plaidoyer n’intégrant que l’utilité collective du libre échange des idées.

    Car pour un libéral cohérent et fidèle à l’ADN historique de sa famille de pensée, ce qui doit être défendu, c’est une pleine liberté d’expression entendue comme un droit naturel inaliénable de l’individu. Dont les seules limites concevables ne peuvent qu’être de prohiber et sanctionner l’imputation fallacieuse à une personne d’actions répréhensibles qu’elle n’a pas commises (diffamation et dénonciations calomnieuses et, bien sûr, les incitations même implicites à la violence.).

    Il est donc infiniment souhaitable que les libéraux prennent offensivement la tête de ce combat. Sinon, il ne leur restera plus qu’à se mêler à la curée en exigeant qu’on cloue le bec et mette au pilori quiconque les… blesse et les offense en insultant et dénigrant leur religion de la liberté, soit le…libéralisme ! Bon courage, car il y aura fort à faire…

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      Julian Assange : le refus de l’extrader ne le sauvera pas

      Pierre Farge • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 12 January, 2021 • 3 minutes

    Julian Assange

    Par Pierre Farge.

    Saisie par les autorités américaines, la justice britannique a refusé la demande d’extradition de Julian Assange, le lanceur d’alerte des Wikileaks. Si ce refus semble heureux à l’opinion, il ne permet pas pour autant sa libération. Pierre Farge, avocat de lanceurs d’alerte, témoigne ici comment, en réalité, la situation s’aggrave.

    Début janvier 2021, onze ans après les premières révélations dites Wikileaks , un énième chapitre s’écrit pour Julian Assange, le lanceur d’alerte détenu dans une prison londonienne depuis deux ans et encourant 175 ans d’emprisonnement s’il est extradé.

    Ce n’est qu’à la faveur de fragilités psychiatriques que le refus d’extradition lui a été accordé ; le magistrat appréciant un risque de suicide élevé, plutôt qu’assumant la liberté d’expression ou encore le droit à l’information.

    Il est en effet malheureux que le refus d’extradition d’ un lanceur d’alerte ayant permis de révéler des pratiques gouvernementales nuisant à l’intérêt général, voire diplomatiquement scandaleuses, se fonde essentiellement sur un état mental fragilisé, plutôt que les droits à l’origine de ces troubles. C’est parce que Julian Assange s’est battu pour la liberté d’expression et le droit à l’information dans le cadre de son alerte (la cause) qu’il est aujourd’hui fragilisé physiquement et moralement (la conséquence), et pas l’inverse.

    Il est également malheureux que le magistrat ne se soit pas inspiré des travaux effectués pour la transposition de la directive relative à la protection des lanceurs d’alerte en droit interne, qui aurait dû être transposée au plus tard le 17 décembre prochain, s’il n’y avait pas eu le Brexit. Ce postulat va aux antipodes de pays comme le Danemark ayant annoncé ces jours-ci que cette transposition chez eux interviendrait largement pour s’appliquer à davantage de délits que ceux prévus par le texte européen.

    Cet état de fait pose donc quelques questions au regard de la protection des lanceurs d’alerte, leur laissant certes une possibilité théorique d’alerte, mais d’encourir toujours de lourdes peines ou un harcèlement procédural sur des décennies.

    Dès lors, comparaison n’est pas raison. Toutefois, le cas de Snowden mérite d’être rappelé pour témoigner de la différence de traitement avec Julian Assange. L’un et l’autre font l’objet de poursuites des autorités américaines pour avoir divulgué des informations confidentielles. L’un et l’autre se sont réfugiés dans un État différent de celui dont ils sont originaires. L’un et l’autre font l’objet d’une demande d’extradition des États-Unis.

    Pourtant, la Russie, accueillant Snowden, a refusé de l’extrader, sans jamais le placer en détention ; il a même successivement obtenu l’asile temporaire, un permis de séjour, un droit d’asile, et peut aujourd’hui librement se déplacer sur ce territoire.

    Julian Assange, quant à lui, limite ses déplacements depuis bientôt deux ans à 9 m2. Quand bien même son extradition a été refusée, cet atlantisme britannique fait donc honte à l’État de droit, et une protection mondialisée du droit d’alerte.

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      États-Unis : après Trump, faut-il réformer la démocratie américaine ?

      Philippe Lacoude • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 12 January, 2021 • 15 minutes

    Trump

    Philippe Lacoude , un des contributeurs de Contrepoints , réside aux États-Unis. Il a travaillé plusieurs années pour le Center for Data Analysis de la Heritage Foundation, un think tank libéral et conservateur de Washington DC, dont il a souvent présenté les travaux aux membres du Congrès et leurs collaborateurs. Soucieuse de la défense des institutions laissées par les Pères fondateurs, la Heritage Foundation accorde un budget substantiel aux questions constitutionnelles et électorales, dont la fraude.

    Contrepoints : y-a-t-il eu de la fraude électorale ?

    Il existe de nombreux cas de fraude électorale avérée aux États-Unis. Mes anciens collègues de la Heritage Foundation ont fait une recherche exhaustive de tous les cas qu’ils ont pu trouver et leur base de données publique dénombre 1302 cas qui s’étalent de 1979 à 2020.

    Certains de ces cas ont pu changer les résultats d’élections locales lorsque le nombre d’électeurs était faible.

    Mais à part dans la tête de marginaux mal ajustés, il n’existe aucun cas reconnu de fraude ayant entraîné un basculement d’un candidat à un autre dans une élection fédérale ou générale au niveau d’un État, comme celle des gouverneurs, sénateurs, auditeurs, procureurs généraux, etc.

    Dans toute l’histoire des vingt dernières années, le nombre de cas est minime et, en proportion, minuscule par rapport au total énorme des voix exprimées.

    Il manque 38 votes au président Trump dans le collège électoral pour être réélu. Les quatre États où les scores étaient les plus serrés – les États de l’Arizona, de Géorgie, du Nevada et du Wisconsin – représentent 43 voix dans le collège électoral.

    Mais, dans ces États, il manquait 76 508 votes au président Trump pour y faire basculer l’élection en sa faveur. C’est un chiffre bien plus élevé que toutes les fraudes avérées de 1979 à 2020 de la base de données de la Heritage Foundation. Et encore eut-il fallu que ces 76 508 votes se répartissent dans des proportions exactes au vote près.

    Je fais remarquer au passage qu’en 2016, 70 000 voix séparaient le président Trump et la secrétaire d’État Clinton, et que le résultat final a été de 306-232 dans le collège électoral.

    Est-il facile de frauder ?

    On vote en même temps pour le président, le ou les sénateurs, le représentant fédéral, le gouverneur, le lieutenant-gouverneur, le procureur général, le sénateur d’État, le représentant d’État, le commissaire aux comptes, les juges d’État, le conseiller général, le shérif, le commissaire aux comptes, le médecin légiste, le représentant de la compagnie des eaux, le représentant au conseil d’administration des écoles, les juges, les procureurs (comté), le maire, le procureur (ville) et aussi tous les référendums. J’en oublie…

    Les bulletins font parfois deux pages. On remplit les cases. Ou plutôt, on les peinturlure. Retour au cours élémentaire. On s’applique. Faut pas dépasser !

    Après Bush-Gore, les États-Unis ont investi des milliards de dollars dans des machines électroniques. Elles lisent les bulletins par procédé optique. Elles sont calibrées à l’avance pour chaque type de bulletin, différents dans tous les comtés à cause des référendums. La machine lit le bulletin et il tombe dans « l’urne », une immense poubelle dont le couvercle est la machine.

    Pour frauder, il faut donc ajouter un chiffre dans le software de la machine – qui, contrairement aux âneries que j’ai lues, n’est pas reliée à internet [au moment du vote] – et un bulletin dans la poubelle. Il faut donc être un hacker et avoir un accès physique aux bulletins.

    Les bulletins physiques sont sous clef. La « poubelle » est cadenassée. Les bulletins sont pris de la « poubelle » à la fin de la journée de vote. On les sécurise sous contrôle des assesseurs et des observateurs des deux partis qui sont choisis des mois à l’avance par les partis.

    On lit le chiffre sur la machine. C’est le compte officiel pour le bureau de vote. En pratique, ce sont les chiffres, du fait que les bulletins portent sur une douzaine de questions.

    Si on doit recompter, on sort les bulletins papier et on s’y met à la main.

    Vient la question du vote par correspondance. Là, c’est tout aussi simple. Pour voter par correspondance, on demande un bulletin. Il vient dans une enveloppe spéciale prépayée qui identifie le votant. Son nom et sa signature sont vérifiés dans les listes électorales dont le votant est temporairement radié pour le vote en personne.

    Vote par courrier, vote en personne, il faut choisir.

    Le votant remplit son bulletin et le met dans l’enveloppe qu’il doit signer. Quand l’enveloppe arrive au bureau des élections du comté, elle est vérifiée contre les listes une deuxième fois. La signature est également vérifiée. Et le votant est déclaré comme ayant voté.

    Certains États se mettent en quatre pour autoriser les gens à changer d’avis et tiennent une comptabilité intermédiaire des bulletins au cas où le votant décide de se montrer en personne le jour du vote. Mais ceci est plutôt l’exception que la règle.

    On enlève les décédés de la liste des votants avant le jour du vote. Dans certains États, mais pas tous, la liste des décès récents est comparée à celle des votes par correspondance.

    Le jour de l’élection, ces bulletins par correspondance sont dépouillés par les machines. Même processus qu’en personne. On prend le nom de chaque votant sur l’enveloppe extérieure et on le marque comme ayant voté. Et on met le bulletin physique dans la machine qui le lit et le jette au fond de la « poubelle ».

    Contrairement à ce que disent les génies Facebook et les francophones monolingues YouTube, on ne vote par définition qu’au plus une fois par personne inscrite sur les listes électorales, qui sont dans le domaine public, soit dit en passant.

    Ainsi, toute personne qui évoque des taux de participation supérieurs à 100 % est par définition incompétente en matière de vote aux États-Unis puisqu’il ne peut pas y avoir plus de votes que d’inscrits.

    La seule chance de frauder est de s’inscrire sur les listes électorales frauduleusement ou d’usurper l’identité de quelqu’un qui s’y trouve et qui ne vote pas !

    Personne (ou presque) ne vote deux fois mais des millions de gens votent zéro fois.

    Quelle est la légitimité du président élu ?

    S’il y avait une légitimité dérivée du vote, elle tiendrait compte non seulement des fraudes potentielles mais aussi de ce que les Américains appellent la « suppression des électeurs », c’est-à-dire les bâtons mis dans les roues de ceux qui veulent voter.

    Les règles qui entourent la liberté de voter sont sujettes à d’interminables débats.

    En général, les États font des efforts incroyables pour laisser voter tout le monde.

    Un exemple, bizarre pour un immigrant fraîchement arrivé, est l’existence des « bulletins provisoires ». Si je me pointe au bureau de vote sans pièce d’identité, ou dans le mauvais bureau de vote, ou si je ne suis pas sur les listes, je suis autorisé à voter dans certains de ces cas (en fonction de la loi de l’État).

    Mon vote n’est pas ajouté dans la machine. Je le mets dans une enveloppe qui est mise de côté. J’ai alors le droit d’aller régulariser ma situation dans les jours qui suivent s’il me manquait ma pièce d’identité ou si je n’étais pas sur les listes !

    Si j’étais dans le mauvais bureau de vote, je n’ai rien à faire : le bureau des élections vérifie que je n’ai pas voté dans mon bureau de vote et ajoute mon « bulletin provisoire » aux votes par correspondance.

    L a légitimité du président élu n’est-elle pas liée au système électoral américain lui-même ?

    Non, pas vraiment car ils devraient être incarcérés tous les deux.

    Si un citoyen lambda avait fait la moitié de ce qu’ils ont fait, il le serait.

    La perte de légitimité vient des accusations de molestations de jeunes femmes, de l’utilisation de l’État à des fins d’enrichissement personnel, des problèmes fiscaux qui confinent à la fraude, du népotisme, etc.

    Le système électoral américain est-il archaïque ?

    Dès que l’on dépasse 100 millions de votants, c’est compliqué à gérer.

    La Constitution fédérale américaine donne expressément à chaque État le devoir de faire ses propres lois électorales sous contrainte de certains grands principes constitutionnels fédéraux.

    Si on y pense, cela fonctionne pareillement en Europe à l’échelle du continent, non ?

    Est-ce qu’il n’y a pas un problème de démocratie représentative avec un tel système ?

    Non dans le sens où les États-Unis ne sont pas une démocratie mais une république.

    Le dernier jour de la Convention constitutionnelle de 1787, lorsque notre Constitution a été adoptée, des habitants de Philadelphie rassemblés sur les marches de l’Independence Hall pour attendre les nouvelles auraient demandé à Benjamin Franklin quelle forme de gouvernement les pères fondateurs avaient élaboré : « Qu’avons-nous, une république ou une monarchie ? » Franklin aurait répondu : « Une république, si vous pouvez la conserver » (« A Republic if you can keep it »).

    Les Pères fondateurs ne cherchaient pas du tout à créer une démocratie représentative. Ils cherchaient au contraire à construire une séparation des pouvoirs de telle sorte que la majorité soit constamment freinée dans ses ardeurs.

    De ceci découle la profonde séparation des pouvoirs exécutifs, judiciaires et législatifs mais aussi la séparation des pouvoirs entre le niveau fédéral et les États. La Constitution limite expressément les prérogatives de l’État fédéral à quelques sujets seulement dans la section 8 de l’article I. La Constitution limite également les pouvoirs législatifs et exécutifs sur les questions de libertés individuelles limitant sévèrement – au moins dans les textes sinon dans les faits – les diktats de la majorité en matière de liberté d’expression, de port d’arme, de religion, ou de rassemblement.

    Une autre division fondamentale s’exprime dans la composition du Congrès fédéral. Il y a deux assemblées, une chambre dont les membres représentent le peuple, et un Sénat qui représente les États.

    Contrairement à ce que pensent beaucoup d’Américains, leurs Sénateurs ne sont pas là pour les représenter. Ils sont à Washington pour représenter leur gouverneur et sa législature.

    Le collège électoral – qui élit le président des États-Unis – est donc simplement la somme des deux assemblées – la chambre du peuple et celle des États – et c’est pourquoi il y a un vote par membre de chaque entité. C’est parfaitement logique.

    Le président n’est pas le président du peuple américain. Il représente à la fois les électeurs et les 50 États. On l’appelle d’ailleurs président des États Unis d’Amérique en anglais, sans le tiret. Il n’est pas le président des Américains.

    N’y-a-t-il pas un problème d’échelle avec plus de 300 millions d’habitants ?

    Oui et c’est le problème de l’Europe, aussi.

    Les Pères fondateurs faisaient face à de plus petites populations.

    Cependant, le collège électoral n’est pas né d’un souci de géographie. Les Pères fondateurs ne se sont pas dit qu’il vaudrait mieux organiser des élections locales et agréger les résultats plus tard.

    Le collège électoral répond à une angoisse d’alors toujours bien présente aujourd’hui qui est le risque de voir le pouvoir central fédéral usurper le pouvoir local des 50 États.

    Ceci est clair lorsqu’on lit la procédure d’élection présidentielle : si le collège électoral échoue à dégager une majorité de grands électeurs, l’élection est renvoyée à la Chambre des représentants selon les termes du douzième amendement.

    Dans ce cas, la Chambre des représentants se limite à choisir parmi les trois candidats ayant obtenu le plus de voix à la présidence dans le collège électoral.

    Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, la Chambre du peuple ne représente pas vraiment le peuple : bien qu’il y ait 435 représentants, chaque État n’y reçoit une seule voix et le District de Columbia, c’est-à-dire la ville de Washington, n’a pas le droit de voter.

    Chaque délégation d’État vote en bloc – chaque délégation ayant donc une seule voix – et un candidat doit recevoir la majorité absolue des voix des délégations des États, actuellement, un minimum de 25+1 voix, puisqu’il y a 50 États, pour que ce candidat devienne le président-élu.

    En outre, les délégations d’au moins deux tiers de tous les États doivent être présentes pour que le vote ait lieu. La Chambre continue de voter jusqu’à ce qu’elle élise un président.

    La Chambre des représentants n’a choisi le président que deux fois : en 1801, selon les termes originaux de l’article II, section 1 de la Constitution fédérale et en 1825, selon les termes du douzième amendement.

    Le système de l’élection présidentielle est-il à rénover ?

    Non !

    En fait, l’élection des Sénateurs au suffrage universel direct par le peuple est une rénovation idiote du dix-septième amendement. C’est un dévoiement de l’idée que le Sénat représentait les États. Originalement, les Sénateurs étaient sélectionnés par les chambres et les gouverneurs des États et donc moins soumis aux pressions bassement politiques.

    Une intention centrale de la Constitution américaine était de ralentir le flot législatif grâce au Sénat qui est la pièce maîtresse de la Constitution.

    Les Pères fondateurs étaient complètement immergés dans la culture classique. Pour comprendre la Constitution américaine, il faut lire Cicéron, Tite-Live et, surtout, Polybe, qui a au moins autant inspiré les Pères fondateurs que Montesquieu.

    Le modèle était donc le Senatus Populusque Romanus (SPQR) de la Rome antique. Le Sénat et le peuple.

    Une anecdote raconte que Thomas Jefferson – l’auteur de la déclaration d’indépendance et troisième président – avait prêté les œuvres de Polybe à James Madison – l’auteur de la Constitution et quatrième président – pour qu’il s’inspire de ses idées sur la séparation des pouvoirs.

    C’est la raison de la complexe séparation des pouvoirs et, aussi de l’existence de droits qui sont presque immodifiables par la majorité, ce qui est profondément anti-démocratique, mais à dessein.

    À l’origine, le pouvoir présidentiel était très limité. Il l’est toujours dans les textes même s’il ne l’est plus dans les faits et son pouvoir n’a grossi que par dévoiement de l’esprit des lois.

    S’il y a quelque chose à faire, ce serait de remettre l’exécutif dans les clous. Il a complètement métastasé, bien avant Trump d’ailleurs, pour des raisons législatives.

    Pour des raisons de facilité politique, les deux chambres ont délégué à l’exécutif le détail de l’écriture des lois sous forme des décrets d’application. Ceci donne la possibilité à l’exécutif de quasiment inverser dans les décrets ce qui est écrit dans les lois.

    Depuis les années 1960, les tribunaux cèdent ou soumettent leurs jugements à celui de l’exécutif au nom d’un anti-concept juridique appelé déférence judiciaire. L’idée est que les décrets écrits par les hauts fonctionnaires priment sur les lois des législateurs, sauf dans les cas les plus patents de violation de la loi.

    Cette idée saugrenue qui érige la fainéantise législative et l’usurpation administrative en principes moraux fait partie de la jurisprudence de la Cour suprême décidée à une époque où elle était plus étatiste.

    En pratique, une série de décisions judiciaires qui culminent dans l’ignominie avec la décision connue sous le nom de « déférence Chevron » considèrent que si un individu ou une entreprise est en conflit avec l’administration fédérale sur une question de réglementation, cette dernière a raison sur les points qui ne sont pas explicitement adressés par la loi.

    D’à peine plus de 10 000 pages par an a la fin des années 1960, le journal officiel américain est passé à presque 100 000 pages dans la dernière année de la présidence Obama. Les administrations pondent des textes, de nature législative dans les faits, avec fébrilité.

    L’amour immodéré des cours de justice pour la stare decisis , y compris dans les cas absurdes, empêche de mettre une fin à cet affront constitutionnel.

    Le constitutionnaliste libertarien Randy E. Barnett a proposé une série d’amendements à la Constitution pour remettre la présidence dans les clous. Passer au suffrage universel direct n’en fait pas partie et me paraît la plus mauvaise façon de diminuer le pouvoir exécutif.

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      Covid-19 : Macronus à Versailles, le retour de Molière

      Gérard-Michel Thermeau • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 12 January, 2021 • 6 minutes

    macronus

    Par Gérard-Michel Thermeau.

    La scène se passe à Versailles dans la salle du Bon Plaisir. Le roi Macronus est entouré à sa droite de Castanus, son Contrôleur général des Bourdes publiques et, à sa gauche, de Veranus, son secrétaire d’État aux Petites Maisons. Divers médecins sont installés de part et d’autre de la table.

    MACRONUS : Nous voilà assemblés en Conseil de guerre, cette guerre que nous menons depuis si longtemps contre un ennemi aussi impitoyable qu’invisible. Nous connaissons notre ennemi, l’abominable Coronavirus pandemicus . Il est de votre devoir de bons sujets de nous apporter les lumières de vos avis éclairés puisés à la source de la science la plus pure et de l’entendement le plus aiguisé. Savants docteurs, professeurs de médecine, chirurgiens et apothicaires, vous êtes les meilleurs, tirés au sort parmi tous les innombrables disciples d’Hippocrate. Voyons, quel est votre avis monsieur Théophraste ?

    THEOPHRASTE : Hippocrate nous enseigne que l’expérience est périlleuse et le jugement difficile. Parfois le mal est plus fort que l’art docte. Aussi…

    MACRONUS : Aussi nous en resterons là, merci de cette intervention. (Tout bas à Castanus) La peste soit de cet animal. Encore une de vos bourdes, Castanus. (Tout haut) Eh bien, votre avis, monsieur Bahys ?

    BAHYS : La pandémie résulte d’un excès d’activité économique. La saignée me paraît tout indiquée. Il faut saigner l’économie.

    MACRONUS : N’est-ce pas là une mesure un peu extrême ?

    BAHYS : Extrême, point du tout. Qu’est-ce qu’une pandémie ? Aristote nous dit qu’il s’agit d’une épidémie qui touche tout le monde. Et pourquoi je vous prie ? Par la circulation, les vapeurs malignes se propagent en toute liberté. Or qu’est-ce que l’économie ? Une circulation continue des biens, des services, des idées. Seule l’immobilité la plus absolue peut donc nous garantir de ce terrible fléau.

    L’idéal serait de ne plus respirer du tout. Certes, tout le monde mourrait mais du moins en bonne santé. La perfection n’étant pas de ce monde, je préconise pour le moins de suspendre tout mouvement économique. Une bonne médecine corroborative vaut mieux qu’une économie florissante. Devons-nous privilégier les profits de messieurs les financiers, gens d’affaires et autres négociants ? La santé n’est-elle pas le bien le plus précieux ?

    CASTANUS : (à part) Ce que c’est tout de même que la robe et le bonnet. L’on n’a qu’à parler avec ces attributs et toute sottise devient raison.

    DIAFOIRUS : Une saignée sera inutile. Les symptômes du mal qui nous frappe sont indicatifs d’une vapeur limpide et mordicante. M’est avis qu’une bonne purge conviendrait davantage. Purgeons, purgeons encore, purgeons toujours, il en restera bien quelque chose. Purgeons et pour cela masquons. Cette vapeur nous l’appelons en grec atmos , ce qui souligne combien elle flotte dans l’atmosphère. Aussi convient-il d’obliger vos sujets à porter un masque en toute circonstance, et plus particulièrement en extérieur.

    BAHYS : Une mascarade, cher confrère, est-ce bien sérieux ? Purgez et le mal prospérera.

    DIAFOIRUS : Saignez et la pandémie triomphera.

    MACRONUS : Qu’en pensez-vous, Veranus ?

    VERANUS : Saigner l’économie ne peut faire de mal. Purger serait un bien supplémentaire. J’ajouterais cependant un couvre-feu.

    MACRONUS : Un couvre-feu et pourquoi ?

    VERANUS : Aristote a démontré que les corps lourds retombent vers le sol et les corps légers s’élèvent vers le ciel. Comme chacun sait, le froid de la nuit favorise l’évaporation. Or qu’est-ce qu’une vapeur, sinon un corps léger. Les vapeurs malignes sont donc particulièrement dangereuses la nuit.

    MACRONUS : Voilà qui est fort bien raisonné. Mais quelle heure vous semble la plus propice ?

    BAHYS : La sixième heure assure Hippocrate.

    DIAFOIRUS : La huitième heure affirme Gallien.

    MACRONUS : Eh bien, nous fixerons en même temps le couvre-feu à la sixième heure pour les uns et à la huitième pour les autres.

    MACRONUS : Et vous, monsieur Sganarelle, opinez-vous à l’opinion de vos confrères ?

    SGANARELLE : Sire, aux grands rois, les grands remèdes.

    MACRONUS : (tout bas) Voilà un homme selon mon cœur.

    SGANARELLE : Sire, saignée et purgation ont leurs vertus reconnues mais ne sont rien sans le remède suprême, la raison ultime des rois, le confinement.

    MACRONUS : Le confinement ?

    SGANARELLE : Confinez, sire, confinez. La santé ne dépend ni des remèdes, ni du savoir des médecins. Elle relève du Prince. Qu’est-ce que la pandémie ? La manifestation du mal-être dans le corps social. Or le médecin du corps social est le Prince. Confiner est faire acte de majesté. C’est dire au mal : tu ne passeras pas. C’est manifester votre puissance. Sire, vos sujets se sont trop longtemps crus des hommes libres. Ils doivent comprendre qu’ils sont soumis à votre volonté bienfaisante, souveraine et solidaire.

    MACRONUS : Voilà la médecine comme je la comprends.

    SGANARELLE : Le confinement offre un autre avantage. Il rend les hommes tristes et moroses. Vous le remarquerez, la mélancolie est ennemie de la joie et la bile qui se répand dans le corps est le meilleur vaccin contre le mal qui nous frappe. Un homme de bonne humeur nous paraît bien-portant. Or que sont les gens bien-portants ?

    MACRONUS : Des malades qui s’ignorent ?

    SGANARELLE : Votre Majesté est trop savante.

    MACRONUS : Cela m’est venu tout seul, sans y penser.

    BAHYS : Votre Majesté serait digne de porter le bonnet et la robe.

    SGANARELLE : La bonne humeur est contagieuse. Or la bonne humeur est une humeur. Si nous laissons les humeurs s’accumuler, elles deviendront putrides, tenaces et malignes. Ne permettons pas à la bonne humeur de se répandre. Hippocrate dit, et Gallien par vives raisons persuade, qu’une personne qui se porte trop bien est malade. Or, quelles sont les foyers infectieux par essence ? Les lieux propices à la bonne humeur, tavernes, auberges et cabarets où la joie se communique trop aisément. Tout rassemblement festif doit ainsi être absolument prohibé. L’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. Vos sujets pourront ainsi méditer leurs malheurs.

    MACRONUS : Et votre conclusion, Doctissimae Facultatis ?

    Les médecins se concertent.

    SGANARELLE  : Après avoir bien consulté…

    BAHYS : Primo Saignare.

    DIAFOIRUS : Postea Purgare.

    SGANARELLE : Ensuitta Confinerare.

    MACRONUS : Et si le mal persiste, s’opiniâtre et ne veut point se laisser faire ?

    SGANARELLE : Re-Saignare, Re-Purgare, Re-confinerare !

    MACRONUS : Que voilà de savants médecins. Ce qui me plait surtout est de pouvoir faire tout cela en même temps .

    VERANUS : Et mon couvre-feu, Sire ?

    MACRONUS : Nous y songerons entre deux confinements.

    BALLET FINAL

    CHŒUR DES JOURNALISTES :

    Publions en tous lieux

    Du plus grand des héros la valeur triomphante.

    Que la terre et les Cieux

    Retentissent du bruit de sa gloire éclatante.

    EMMANUEL, par ses faits inouïs, exauce nos vœux

    Du récit de ses exploits assurons nos ventes.

    La comédie se termine par le ballet des Trivelins, Scaramouches, valets et autres journalistes.

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      Pour 2021, il faut réduire de 30 % le nombre de fonctionnaires

      Claude Goudron • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 12 January, 2021 • 4 minutes

    fonctionnaires

    Par Claude Goudron.

    En ces temps bouleversés de l’économie, principalement en France, nos dirigeants ne doivent pas se tromper dans les mesures à prendre pour relever notre économie en 2021.

    Au préalable, il est indispensable de faire un état des lieux sans concession de notre situation, principalement de notre industrie. Je connais bien ce domaine pour en avoir subi les délires fiscaux et administratifs en créant en 1972, ULTRALU, une entreprise maintenant référente dans la fabrication de matériel d’accès en hauteur en aluminium.

    Le plus crédible est de nous comparer, sur une période suffisamment longue, à des pays qui ont réussi, en l’occurrence l’Allemagne et les États-Unis.

    Un constat évident

    En premier lieu, faisons la comparaison, souvent occultée, de l’évolution des valeurs boursières sur le long terme, disons de 2000 à 2020 avec la valeur du CAC 40 qui représente les quarante premières entreprises françaises.

    En 2000 nous étions à environ 7000 points (j’arrondis volontairement à la centaine), le DAX pour l’Allemagne à 8100 points et le Dow Jones aux États-Unis avec 12 000 points.

    Nous constatons que proportionnellement à notre positionnement mondial nous étions dans les clous.

    En 2016, à 4400 points nous avons perdu, par rapport à 2000, -37 % alors que le DAX augmentait de +21 % à 9800 points (les réformes Schroeder étant passées par là), et le Dow Jones de +34 % à 16 000 points : donc un delta de 58 % avec l’Allemagne et 71 % avec les États-Unis !

    Nous pouvions déjà constater un décrochage inquiétant.

    En 2020, avec 5500 points, nous avons repris un peu de couleur en réduisant la perte, toujours par rapport à 2000, à -21 %.

    Mais là où le décrochage devient catastrophique, c’est en continuant la comparaison du delta. En effet nous passons à 86 % d’écart avec le DAX (13 300 points) et 170 % avec le Dow Jones (29800 points).

    La raison de cette Bérézina est évidente : faute de compétitivité la part de l’industrie dans le PIB a été divisée par plus de deux, passant de 22 % à 10 %.

    Un résultat prévisible

    Autre comparaison, financière cette fois-ci, celle de la valeur du PIB par habitant ; elle est là aussi sans concession :

    France 40 494 dollars, Allemagne 48 196 dollars (+19 %), États-Unis 62 641 dollars (+55 %)

    À qualification égale, cela nous amène à avoir un salarié allemand qui gagne 25 % de plus qu’en France dans un pays où le coût de la vie est de 15 à 20 % moins élevé !

    Une analyse assurée

    Ces deux comparaisons nous prouvent que nous n’avons pas fait le bon choix économique. Vouloir privilégier l’embauche de fonctionnaires à la mise en place d’un environnement pro entreprise, c’est a minima une méconnaissance de l’économie, voire de la lâcheté.

    Cela aboutit à ce que malheureusement l’on constate aujourd’hui, une pléthore d’administratifs d’une inefficacité indéniable et, hélas, pas uniquement dans les services de santé.

    En privilégiant le nombre de fonctionnaires, dont on peut affirmer aujourd’hui qu’il est plutôt signe de désorganisation, à un investissement dans les moyens mis à leur service (moins coûteux, plus efficaces et limité dans le temps), nous sommes arrivés à en créer six millions, soit un sureffectif de deux millions qui, pour se protéger et se rendre indispensables, s’inventent de nouvelles fonctions. Déjà Georges Pompidou, avec alors seulement trois millions de fonctionnaires, disait devant la prolifération des créations administratives : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! »

    Un gaspillage monstrueux

    Il est reconnu que de son embauche à sa mort, un fonctionnaire coûte 3,5 millions d’euros. Avec deux millions de fonctionnaires en trop sur les  cinquante dernières  années, nous avons donc gaspillé 7000 milliards d’euros, un pactole que nous aimerions bien avoir aujourd’hui pour soutenir notre économie durant la crise du Covid-19 et réduire de moitié les charges sur les entreprises pour retrouver notre compétitivité et damer le pion à nos amis allemands en retrouvant le rang qui devrait être le nôtre.

    Cette somme peut paraître colossale mais elle est en dessous de la réalité car selon l’adage reconnu, « un fonctionnaire en plus, c’est la perte de deux emplois privés » . Inverser la tendance ferait baisser de deux millions le nombre des chômeurs et donnerait du travail pour le reclassement des deux millions fonctionnaires remerciés.

    Nous comptabiliserions alors moins de 5 % de chômeurs, c’est-à-dire un gain annuel sur les indemnisations de 25 milliards d’euros, et pratiquement 10 % de rentrées de cotisations sociales supplémentaires soit… une centaine de milliards par an.

    Ces chiffres pourront vous sembler ahurissants, mais c’est la stricte réalité. Ceci démontre bien l’absence totale de culture économique de nos dirigeants, à moins que ce ne soit la concrétisation de notre dernière place européenne en mathématiques dénoncée dans la dernière enquête TIMSS !

    Une décision plus qu’urgente

    Pour 2021 l’alternative est claire : réduire rapidement de 30 % le nombre de fonctionnaires afin de se donner les moyens de baisser charges et contraintes sur nos entreprises, ou continuer notre inexorable descente aux enfers.

    L’entreprise industrielle française est capable d’exploits… mais pas de miracles !

    Sources : Indices boursiers officiels 2000, 2016 et 2020 et inpots.gouv.fr

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      L’électricité en passe de devenir un bien rare

      Philippe Charlez • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 12 January, 2021 • 4 minutes

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    Par Philippe Charlez.

    Ce qui est rare est précieux et attise souvent toutes les convoitises. Un collectionneur recherche toujours les timbres ou les pièces de monnaie les plus rares. Une question d’ego chez l’être humain : si je détiens quelque chose de rare, il est peu probable que mon voisin possède le même objet. Détenir la rareté est donc socialement discriminant et pour beaucoup symbole de réussite et de pouvoir.

    Derrière la rareté, se cache aussi une logique économique . Plus un bien est rare plus l’offre est réduite par rapport à la demande et plus son prix augmente. L’origine de la rareté peut être purement naturelle. Ainsi, le prix des métaux contenus dans l’écorce terrestre dépend de leur rareté : alors que la teneur en cuivre est mille fois inférieure à celle du fer, ce chiffre monte à 750 000 pour l’argent et 14 millions pour l’or.

    La rareté conjoncturelle de l’électricité

    La rareté est aussi conjoncturelle : les aléas de la météo ou des périodes de guerre influencent le volume des récoltes, rendant les céréales plus rares et plus chères. Elle est géographique dans la mesure où ce qui est abondant à un endroit peut s’avérer rare à un autre. Enfin, la rareté peut être organisée artificiellement pour faire monter artificiellement les prix, une pratique récurrente au cours de l’Histoire.

    Parallèlement à la rareté, certaines commodités associées à notre société de croissance sont devenues des biens de consommation ordinaire. Tellement ordinaire qu’on ne peut dans notre inconscient en envisager la rareté. Ainsi en est-il de l’électricité. Invisible mais tellement commode, elle nous est délivrée aujourd’hui sans parcimonie.

    Pourtant sa rareté n’est pas si lointaine en Europe. À la fin du XIXe siècle, alors que les villes commencent à s’éclairer, les villages restent pour plusieurs décennies dans l’obscurité. Il faut attendre la fin des années 1930 pour que l’électrification rurale s’accomplisse avec 96 % de la population française raccordée au réseau. L’électricité reste aujourd’hui une rareté quotidienne pour beaucoup de Terriens : en 2020, seulement la moitié des Africains y avaient accès.

    Si la rareté des masques et des tests a accompagné la France durant la pandémie du Covid-19, en revanche l’Hexagone a pu compter sur l’abondance de son électricité nucléaire. Une électricité totalement décarbonée pourtant remise en question par les chantres de la « transition idéologique » préférant à l’abondance du nucléaire la rareté des renouvelables intermittents fournissant de l’électricité entre… 10 % et 20 % du temps. La fermeture purement politique des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en fut la déplorable expression le 29 juin 2020.

    Ce choix délibéré de la rareté se concrétise aujourd’hui dans les chiffres. Il a été anticipé par de nombreux spécialistes. Le 20 novembre 2020 Michel Negynas titrait dans Contrepoints : « Électricité : faut-il s’inquiéter d’un possible black-out ? » L’auteur y pointe que malgré une puissance théorique de 134 GW, on pourra durant l’hiver compter au mieux sur 90 GW, l’éolien et le solaire étant aux « abonnés absents » durant la majorité de la période hivernale : très peu de soleil avec des journées réduites à 8 heures et presque pas de vent durant les épisodes anticycloniques hivernaux.

    Sans en détailler les raisons, une campagne de communication des autorités a débuté début janvier incitant les Français à consommer moins d’électricité pour éviter un black-out potentiel. Et il y a effectivement de quoi s’inquiéter puisque depuis quelques jours, la consommation flirte régulièrement avec les 90 GW. Ainsi le 7 janvier deux pics à plus de 85 GW ont été observés à 8 heures 15 et à 19 heures.

    Le solaire aux abonnés absents

    Lors de ces pics le solaire photovoltaïque et l’éolien étaient comme prévu aux abonnés absents contribuant pour seulement 1,5 % de la production électrique. Bien décevant quand on compare aux 150 milliards d’euros investis par l’État dans les ENR.

    En choisissant pour des raisons purement démagogiques de réduire le nucléaire au profit des renouvelables intermittents, le gouvernement fait implicitement le choix de la rareté électrique. Une rareté qui comme toute commodité rare s’accompagnera inévitablement d’une flambée des prix du kWh.

    Ce choix est d’autant plus critiquable que l’ objectif de neutralité carbone en 2050 reposera sur une croissance très significative de la demande d’électricité. Pour être socialement acceptable cette électricité devra certes être propre mais aussi disponible et abordable. Seul le nucléaire pourra fournir cette abondance décarbonée.

    Arrêtons pendant qu’il est encore temps cette fuite en avant vers la rareté et relançons la filière nucléaire française en confirmant le plan de carénage des réacteurs existant ainsi que la construction des centrales EPR prévues au plan.

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      Les géants du Net contre Trump : la guerre culturelle devient partition

      Frédéric Mas • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 11 January, 2021 • 8 minutes

    Par Frédéric Mas.

    Durant la première décennie après l’établissement de la République romaine en 509 avant Jésus-Christ, le petit peuple opprimé et méprisé par une aristocratie patricienne majoritaire au Sénat décide de déserter Rome et de se retirer sur le Mont Sacré.

    Là, il célèbre ses propres Dieux et finit par créer ses propres institutions, les tribuns, que les patriciens seront bien obligés d’accepter pour éviter la disparition définitive de la République. Pour Machiavel , de cette tension entre patriciens et plébéiens est née la liberté politique 1 .

    En 2021, à l’ère de l’économie de l’information et des médias numériques, une partie des électeurs et sympathisants de Donald Trump , mais aussi des conservateurs plus classiques ou des libéraux, menacent de quitter les réseaux sociaux dominants pour se réfugier sur d’autres réseaux alternatifs.

    Pour eux, il s’agit de trouver un nouvel espace plus propice à une liberté d’expression qu’ils jugent menacée par des GAFAM plus soucieuses d’éliminer des fake news qu’elles trouvent toujours du même côté. Toujours selon eux, les géants de la tech ne font plus mystère de leur agenda politique progressiste agressif.

    Les nouveaux plébéiens

    Comme les plébéiens, ils se sentent opprimés et méprisés par les nouveaux patriciens que sont les élites progressistes, qui cumulent capital économique, politique et culturel. Celles-ci sont aux commandes à Washington, dans les médias et dans la Silicon Valley, elles sortent des meilleures universités et se sentent investies de la mission sacrée d’éclairer un peuple américain ignorant, idiot et voué à disparaître de toute façon.

    Comme les plébéiens, la réponse conservatrice à ce sentiment de mépris se traduit par la volonté d’investir dans des institutions parallèles, plus libres, moins attentatoires à la vie privée et surtout à la liberté de s’exprimer sous toutes ses formes. Parler, Mewe ou Gab sont en quelque sorte leur Mont Sacré, où ils peuvent s’adonner à leurs Dieux et célébrer leurs propres héros.

    C’est que la suppression du compte Twitter du président Donald Trump a donné le ton de la nouvelle ère numérique qui s’ouvrait devant nous. Certains se sont scandalisés de cette atteinte à la liberté d’expression, ou encore du double standard observé entre le compte du président des États-Unis et d’autres chefs d’État de régimes dictatoriaux qui n’ont jamais été inquiétés pour leurs positions violentes et liberticides.

    D’autres ont applaudi à l’initiative morale de Twitter.

    Entreprise privée modérant sa propre plateforme en fonction de sa propre charte éthique, Twitter a fait sauter le compte de l’une des plus grandes menaces existantes pour la démocratie américaine, comme l’a démontré le pitoyable assaut des ultras du président la semaine dernière à Washington.

    On imagine que le geste éthique des entreprises du net est aussi motivé par le souci de ne pas trop vexer les nouveaux maîtres de Washington. Le régulateur aurait tôt fait de pondre une nouvelle taxe ou des lois anti-trust pour domestiquer les récalcitrants.

    Dans tous les cas, la place des GAFAM comme la nouvelle forme de capitalisme qu’elles représentent dans le fonctionnement de la démocratie américaine pose question. Assisterions-nous à la décorrélation définitive entre une nouvelle forme de capitalisme de surveillance et les vieilles institutions démocratiques et libérales ? La question reste pour le moment ouverte.

    Punition des déplorables et rejet des élites progressistes

    L’affaire ne s’arrête pas là : la gauche veut punir la droite, et la droite s’enferme dans sa colère et le rejet des élites. La montée aux extrêmes est en train de réduire toute position intermédiaire ou nuancée en miettes.

    Parler , le réseau social favori de la droite américaine, devenue le refuge non seulement des trumpistes, mais aussi de tous ceux fatigués de la modération jugée biaisée des Twitter ou Facebook, a été banni par Google, Apple et Amazon. Ce matin, il était hors ligne. Les géants de la tech s’engagent contre Donald Trump, mais aussi pour faire disparaître le trumpisme. Ou tout ce qui peut lui ressembler de près ou de loin.

    Forbes , le célèbre magazine économique new-yorkais, a mis en garde solennellement les entreprises qui chercheraient à embaucher les anciens collaborateurs de Trump. En novembre dernier, un cacique du parti démocrate s’interrogeait déjà gravement : comment va-t-on faire pour « déprogrammer » des dizaines de millions d’Américains qui ont choisi Donald Trump ? À ses yeux la situation était similaire à la dénazification de l’Allemagne d’après-guerre ou de démocratisation du Japon à la même période. Rien que ça.

    Les défections au sein du Parti républicain se multiplient depuis que le président a totalement perdu sa crédibilité après les événements de Capitol Hill. L’ancien gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, a même brandi son épée de Conan le Barbare devant les caméras pour condamner les excès du trumpisme insurrectionnel. À la parodie lugubre de coup d’État répondent les fanfaronnades d’un vieil acteur fatigué.

    Les trumpistes ne doivent pas seulement être ostracisés sur la toile, mais aussi dans leurs carrières professionnelles. La cancel culture doit battre son plein pour faire disparaître les vestiges d’une présidence vécue comme un affront pour l’ensemble de l’ establishment progressiste qui domine le pays.

    Le débat public n’est plus une conversation entre citoyens, mais un club privé entre gens bien éduqués et conscients des vrais enjeux qui mènent le monde : l’écologie, la justice sociale, la défense des minorités, et éventuellement la guerre contre ceux qui ne sont pas d’accord.

    Le sentiment d’injustice s’intensifie

    À droite, le sentiment d’écœurement et d’injustice n’a fait que s’intensifier. Les derniers événements visant à invisibiliser en masse tout ce qui peut s’apparenter au clan du Président sortant ne fait qu’apporter de l’eau au moulin complotiste, nihiliste et quasi-insurrectionnel d’une partie d’entre eux.

    Pourquoi les médias et les élites condamnent des méthodes qu’ils approuvaient ou excusaient pendant tout le mandat de Trump ? Les manifestations violentes, qu’elles soient antifas ou inspirées par Black Lives Matter, la campagne contre des statues considérées comme des symboles d’oppression , qui s’est fini en procès en règle contre toute l’histoire des États-Unis, tout cela n’apparaît jamais dans les propos des nouvelles élites progressistes. Qui se souvient de la campagne de dénigrement de Brett Kavanaugh ? Des menaces d’invasion faites contre le Capitole s’il était investi à la Cour suprême ?

    Tout ceci les fait relativiser l’intrusion du dernier carré trumpiste au sein du Capitole. Ils ont oublié que le monde entier les regardait, et qu’en affaiblissant le symbole, ils avaient affaibli la démocratie américaine elle-même, et cela au plus grand bénéfice d’ennemis qu’ils s’étaient jurés de combattre.

    La lutte pour la reconnaissance

    Comme au moment de la sécession de la plèbe, ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la lutte pour la reconnaissance entre deux factions identitaires qui ne se reconnaissent aucune légitimité morale. L’existence même du trumpisme est vécue par une partie de la population américaine, celle des minorités, comme une oppression systémique et la preuve vivante de la perpétuation d’un système qui en font des citoyens de seconde zone.

    L’existence même du progressisme anti-Trump diffus qui innerve médias, universités et états-majors politiques, est vécue par une partie de la droite toutes tendances confondues comme une guerre ouverte contre ce qu’elle est et ses valeurs.
    Tous s’accusent d’avoir perdu la raison.

    Choix moral et liberté politique

    Dans un cas comme dans l’autre, c’est l’individu porteur de choix moral qui est nié et dont on demande l’exclusion de la communauté, réelle ou virtuelle. L’anti-trumpiste ne reconnait plus le trumpiste comme faisant partie de la même communauté de citoyens raisonnables, et vice-versa. C’est pourtant cette reconnaissance mutuelle entre citoyens qui est au cœur de la société libérale.

    Pour Francis Fukuyama, qui se place dans le sillage de Hegel plutôt que de celui de Hobbes ou Locke , le libéralisme est interprété comme « la poursuite de la reconnaissance rationnelle, c’est-à-dire la reconnaissance sur une base universelle selon laquelle la dignité de chaque personne comme être humain libre et autonome est reconnue par tous 2 . » Là où la société se morcelle en clans et en factions, l’irrationalité réapparaît et le libéralisme s’évapore. Le risque est aujourd’hui plus grand que jamais en Occident, et pas seulement sur le net.

    Comme le disait Machiavel, c’est de la tension permanente entre patriciens et plébéiens que sont nées les institutions libres de la République romaine.

    Il ajoutait cependant que les aspirations des peuples libres pouvaient se révéler fausses : « Si ces idées sont fausses, il y a le recours aux assemblées, où peut apparaître un homme de bien qui, par son discours, leur fait sentir leur erreur. Comme le dit Cicéron, les peuples, quoique ignorants, sont capables d’apprécier la vérité et ils s’y rendent aisément quand elle leur est présentée par un homme qu’ils estiment digne de foi. »

    Qui aujourd’hui, au sein de la République américaine, sera suffisamment digne de foi pour convaincre les frères ennemis de protéger la liberté contre leurs propres passions destructrices ?

    1. Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live , IV.
    2. Francis Fukuyama, La fin de l’Histoire et le dernier homme , Flammarion, 1992, p234.
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      Donald Trump n’est pas victime de censure

      Pierre-Guy Veer • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 11 January, 2021 • 3 minutes

    Par Pierre-Guy Veer.

    Depuis environ 2016 aux États-Unis, on s’époumone à qui mieux-mieux à crier à la censure. Les nombreuses restrictions/épreuves des faits sur les publications de Donald Trump – et maintenant son ban complet – sur les médias sociaux font enrager les conservateurs. Bien que l’on puisse se questionner sur leurs standards, qui laissent Nicolas Maduro et le dirigeant de l’Iran sévir sans vergogne, leurs actions ne relèvent pas de la censure.

    En effet, même le Larousse définit la censure comme un « examen préalable fait par l’autorité compétente sur les publications […] qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle. »

    Chez les Anglo-Saxons, le Merriam-Webster présente une idée similaire.

    Ayn Rand a abondamment écrit sur le sujet de la censure . Ses idées rejoignent les définitions dites officielles. Elle affirme qu’un acte de censure ne peut provenir que d’une autorité gouvernementale qui empêche la libre expression d’un individu.

    C’est de là que découle la liberté d’expression : la liberté d’exprimer une idée sous toute forme sans que le gouvernement ne puisse la taire. À moins que ladite idée soit une menace directe et crédible à la vie/la propriété d’autrui, aucune autorité qui se prétend démocratique n’a le droit de la censurer.

    Car une fois qu’un gouvernement s’arroge ce droit, la pente devient très vite glissante. Pensons seulement à la criminalisation du négationnisme, pour laquelle la France gaspille ses ressources judiciaires à poursuivre et emprisonner ceux qui affirment que l’Holocauste n’a pas existé ou dont l’ampleur a été grandement exagérée.

    Si l’État doit gérer la justice, ne devrait-il pas se concentrer sur les vrais crimes ?

    Pas de droit inhérent à Twitter ou Facebook

    Ainsi, ce dont Donald Trump aurait été victime sur les médias sociaux n’est pas de la censure. Facebook, Twitter, Instagram, etc., sont des plateformes privées avec des règles de publications. Oui, leurs standards semblent à deux vitesses quand vient le temps de corriger des personnes de gauche.

    Mais c’est sans importance. Il existe d’autres plateformes où il est possible de s’exprimer : Parler , Gab , Steem , etc. Ces plateformes aussi ont leurs standards de publications – Gab interdit toute forme de nudité, que les créateurs ne considèrent pas comme de la libre expression – et peuvent ainsi expulser quiconque ne respecte pas ces règles.

    Forcer les plateformes privées de médias à publier tout et rien est en soi une forme de collectivisme, tant dénoncé par Ayn Rand . En effet, pourquoi devrait-on forcer des individus privés à diffuser ou sponsoriser des idées qu’ils trouvent répugnantes ? Comme elle l’a si bien dit : « La liberté d’expression des individus inclut la liberté d’être en désaccord, de ne pas écouter et de ne pas financer ses antagonistes. »

    À ce sujet, et n’en déplaise au sénateur Josh Hawley du Missouri, un éditeur privé refusant de publier un livre n’exerce non plus de la censure. Il en va de même pour des annonceurs refusant de s’exposer lorsqu’un animateur tient des propos controversés à leurs yeux.

    Bref, à moins que les médias sociaux ne soient nationalisés, l’expulsion de Donald Trump n’est pas un acte de censure. Ce sont des plateformes privées, et elles ont le droit de faire ce qu’elles veulent avec le contenu généré sur leurs plateformes – du moment que la vie ou la propriété d’autrui n’est pas en danger. La liberté d’expression est une protection contre la censure du gouvernement ; elle ne donne pas droit à une quelconque plateforme.

    Et ce n’est pas en abolissant la section 230 de la Loi sur les télécommunications que la censure va cesser. En fait, annuler cette protection contre les plateformes Internet l’augmenterait puisque les médias sociaux feraient face à exponentiellement davantage de poursuites.