phone

    • chevron_right

      Commissariat au Plan : les conseils de Bayrou aux entreprises

      Michel Albouy • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 27 December, 2020 • 7 minutes

    plan bayrou

    Par Michel Albouy, professeur émérite des universités.

    François Bayrou a été nommé le 3 septembre 2020 Haut-Commissaire au Plan par le Président Macron. Avec cette nomination, le Président de la République jouait coup double : il occupait l’emploi du temps de l’ombrageux Béarnais et en même temps il relançait la nostalgie de la planification à la française.

    Selon Wikipédia, François Bayrou après son baccalauréat en lettres classiques a poursuivi des études dans une classe préparatoire littéraire à Bordeaux puis à l’université Bordeaux-III. Il obtient l’agrégation de lettres classiques en 1974. Voilà pour la formation qui n’a rien à voir avec les entreprises ou l’économie.

    Depuis l’âge de 30 ans (il en a bientôt 70) il n’a fait que de la politique, enchaînant tous les postes que la République pouvait offrir (ministre, député européen, président de Conseil général, maire, président de parti politique, etc.) à l’exception de celui de la présidence de la République. Il a quand même réussi à être nommé ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice, mais il n’y est resté qu’un mois et 4 jours (17 mai-21 juin 2017), grâce à son ralliement à celui qui allait devenir président de la République, Emmanuel Macron.

    Ce petit rappel est juste là pour montrer que notre nouveau Commissaire au Plan n’a vraiment rien à voir avec son illustre prédécesseur : Pierre Massé. En effet, Pierre Massé appartient à cette génération de grands serviteurs de l’État qui a conduit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale la reconstruction de la France et favorisé l’expansion des Trente glorieuses.

    La foi dans le progrès et dans la science, une rigueur au service de l’État ou des grandes entreprises publiques, constituent les fils directeurs de son existence. Nommé Commissaire Général du Plan par le Général de Gaulle en 1959 il a marqué durablement de son empreinte la planification à la française. Président d’Électricité de France de 1965 à 1969 il a contribué à moderniser le management de cette grande entreprise publique.

    Mais Pierre Massé, ingénieur de l’École polytechnique et scientifique, n’était pas qu’un homme d’action au service de l’État et de ses grandes entreprises mais également un intellectuel et un chercheur ayant exercé une influence considérable dans la gestion publique.

    Il a du reste publié des ouvrages scientifiques d’économie. Bref, rien à voir avec monsieur Bayrou qui n’a publié que des ouvrages historiques dont son best-seller Henry IV, le roi libre .

    Retour sur la planification à la française

    Le premier Plan de modernisation et d’équipement, élaboré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fut un plan de renaissance économique. Il s’agissait de remettre en marche l’appareil productif du pays et de combler les retards techniques de la France.

    Au lieu d’opter pour un développement modéré (saupoudrage) de l’ensemble des branches économiques il a été décidé d’investir massivement dans six activités de base : charbon, électricité, acier, ciment, machinisme agricole, et transports.

    Avec le deuxième Plan, de 1954 à 1957 inclus s’est étendu cette fois à l’ensemble des activités économiques de façon à favoriser une croissance harmonisée et à produire mieux en augmentant la qualité. Les objectifs du deuxième plan ont été dans l’ensemble dépassés.

    Le troisième Plan (1958-1961) visait essentiellement à réaliser la stabilité monétaire et l’équilibre des paiements extérieurs. Il visait également à préparer l’économie française à s’ouvrir dans le cadre du marché commun. C’est au cours de ce plan qu’une dévaluation du franc a été opérée de façon à rendre plus compétitive notre économie.

    Avec le quatrième Plan (1962-1965) l’accent est mis davantage sur les conditions de vie liées notamment à l’éducation, à la santé, à la culture et à l’urbanisation. Il apparaît à cette époque que la poursuite des réalisations sociales serait facilitée par la mise en œuvre progressive d’une politique des revenus dont l’étude sera accélérée avec l’amplification de la redistribution.

    Les choix effectués ont permis, à l’époque, de faire en sorte que la France participe largement à la seconde révolution industrielle symbolisée par la conquête de l’atome, l’essor de l’électronique, la construction de grands barrages et d’aciéries modernes, la fabrication d’un avion à réaction innovant comme La Caravelle, la réalisation d’ouvrages d’arts remarquables comme le pont de Tancarville, etc.

    C’est cette période heureuse qui reste dans les mémoires des Français et dont beaucoup ont la nostalgie en ce début de XXIe siècle.

    Mais la France de 2020 n’est pas celle de 1950 et le Commissariat général au plan non plus

    Ce qu’il était possible et nécessaire de faire dans les années 1950, n’est plus de mise en 2020. Tout a changé. La France, ses entreprises et ses industries, sont insérées dans la concurrence internationale et il ne s’agit plus de reconstruire des routes et des ponts sur notre territoire, une tâche qui ne dépendait que de nous.

    La tâche aujourd’hui est beaucoup plus complexe, sauf à vouloir isoler notre pays et son économie de la mondialisation ; bref à se replier sur lui-même. Aujourd’hui, les vrais acteurs de l’économie ne sont plus les États, sauf dans les pays communistes comme la Chine, mais les entreprises privées cotées sur les marchés financiers et soumises à la concurrence internationale.

    Dans ces conditions, que peut faire notre Haut-Commissaire au Plan ? Passons sur le fait que ses collaborateurs sont bien moins nombreux que ceux des entreprises de conseil stratégique et qu’il n’a aucun levier opérationnel, sauf sa force de persuasion, pour influencer les politiques publiques.

    Alors, que lui reste-t-il ? Le verbe. Ça tombe bien car c’est sa formation académique.

    C’est ainsi qu’il entonne, à sa sauce, les poncifs du genre : « Il faudra mettre fin au court-termisme des gouvernements depuis plusieurs décennies ».

    Ah le court-termisme, s’il n’existait pas il faudrait l’inventer. C’est commode le court-termisme, il permet de critiquer avec un soupçon d’intellectualisme économique les pratiques des autres décideurs.

    Car lui, monsieur Bayrou, n’a jamais fait de court-termisme… Il a toujours eu une vision à long terme (on la cherche encore à l’Éducation nationale avec les résultats de nos élèves) et il va dire maintenant aux entreprises ce qu’il faut faire pour échapper à la tyrannie des marchés financiers (un monde qu’il ne connait pas) et pour se projeter à long terme.

    Ce faisant, l’élu du Béarn assume un discours bien loin de l’esprit « start-up nation » de la campagne du candidat Macron 2017, appelant au retour déjà plusieurs fois annoncé, mais jamais réalisé, de « l’État stratège ».

    Pour Bayrou , « les responsables d’entreprises pensent seulement à leur entreprise, et c’est normal. On a abandonné l’idée de les regrouper autour d’un projet national, collectif, de reconquête industrielle » .

    Eh oui, penser à son entreprise ce n’est pas suffisant, il faut que l’État aide à les regrouper pour reconquérir nos marchés perdus et réfléchir à 30 ans. Quand on sait que l’État est lui-même incapable de gérer des stocks de masques à un an, on ne peut que se pincer en entendant de telles déclaration tonitruantes.

    À défaut de penser le futur, notre Haut-Commissaire a promis avec des accents dignes de l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, de nouvelles études sur la stratégie de reconquête de l’appareil productif français dans le monde de l’après-Covid.

    Il faut donc « qu’ un organisme d’État identifie les domaines de reconquête et fédère les acteurs autour des efforts partagés nécessaires ».

    Attendons de voir ce qui sortira du laboratoire d’idées de François Bayrou, mais on peut raisonnablement douter d’une nouveauté. Pour être vraiment moderne il faudrait qu’il ose faire un vrai bilan des freins et des charges qui plombent nos entreprises, et puis surtout qu’il propose et que le gouvernement mette en œuvre des mesures qui seront difficiles à prendre car impopulaires pour véritablement redresser notre industrie.

    Ce n’est pas d’aides nouvelles ou de conseils à 30 ans dont ont besoin nos entreprises mais de plus de libertés.

    • chevron_right

      L’État français de plus en plus brutal et autoritaire

      Claude Robert • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 27 December, 2020 • 5 minutes

    macron

    Par Claude Robert.

    Il est assez consternant qu’Emmanuel Macron déplore « la contestation de toute forme d’autorité, y compris de l’autorité académique et scientifique » ( L’Opinion , 22/12/20). La récente flambée protestataire est parfaitement concomitante des démonstrations d’autoritarisme de son gouvernement.

    Fidèle à ses tours de passe-passe rhétoriques, le président tente un parallèle avec la contestation de l’autorité académique et scientifique. Mais cette contestation semble dépendre de causes qui n’ont pas grand-chose à voir. Il s’agit bien sûr, pour le Président, de faire diversion de ses propres fautes.

    La présidence d’un quasi despote même pas éclairé

    La présidence de Macron est une longue et douloureuse succession d’atteintes aux libertés individuelles . Tout a commencé dès sa prise de pouvoir par la tentative de choisir les journalistes autorisés à suivre ses déplacements et son actualité présidentielle. Faut-il une solide inculture humaniste pour oser pareil coup, sans même s’en cacher ?

    La réaction des médias ne s’est pas fait attendre, avec une pétition intitulée « Monsieur le Président, il n’appartient pas à l’Elysée de choisir les journalistes » . Pétition à laquelle, fidèle à ses acrobaties dialectiques, le président a répondu qu’il s’agissait au contraire d’une « démarche d’ouverture » de sa part ( Femmes Actuelles 19/05/17).

    L’anachronique limitation à 80 km/h fournit le second exemple patent du dirigisme compulsif de son gouvernement. Cette mesure a été le principal déclencheur d’un mouvement de révolte de très grande ampleur, les Gilets jaunes, contre lequel Macron déploiera sans la moindre honte un dispositif d’une violence inconsidérée .

    Ce qui amènera, excusez du peu, Amnesty International et le Conseil de l’Europe à émettre un avertissement, respectivement pour « usage de la violence » et « utilisation abusive des LBD » !

    Rien d’étonnant à ce que le mouvement se soit durci et ne poursuive qu’un seul objectif : obtenir la tête du président. N’est-ce pas une réaction naturelle après les cent-quarante blessés graves parmi lesquels quatorze qui ont perdu un œil ? L’arrêt du mouvement n’est bien évidemment que temporaire, simplement dû aux contraintes imposées par la pandémie de coronavirus.

    La première vague de cette pandémie fournit également une autre preuve de la violence du gouvernement, celui-ci décrétant le plus brutal des confinements du monde libre, tout simplement pour enrayer les conséquences de son inaction . L’obligation d’un formulaire de sortie, à remplir comme pendant les heures sombres de l’occupation, est révélatrice de cet autoritarisme centralisateur d’un autre âge.

    Tout aussi malodorante est l’incroyable directive émanant du ministère de l’Intérieur qui en mars 2020 interdisait aux gendarmes le port du masque , tout simplement parce qu’aucune commande n’avait été passée suffisamment tôt. Cette mesure liberticide et dangereuse a tout naturellement déclenché l’ire de plusieurs syndicats de policiers, ceux-ci menaçant le gouvernement de leur « droit de retrait ».

    À côté de ces violences gratuites et injustifiées vis-à-vis des Gilets jaunes et des policiers, la clémence dont ont bénéficié les manifestants de Notre-Dame-des- Landes , les Blackblocs ou encore les grévistes de la SNCF (qui ont pourtant pris en otage la population dans son ensemble) s’additionne au malaise général.

    Tout comme les multiples tentatives pour réglementer les échanges sur Internet et les réseaux sociaux. Elles procèdent de cette même pulsion dirigiste et centralisatrice de nature à soulever l’esprit de rébellion parmi les citoyens. Car le gouvernement n’apparait plus comme le garant de l’État de droit, capable de protéger les libertés individuelles, mais au contraire comme une espèce de Léviathan aussi partial que despotique !

    La science et la culture face à l’inculture et aux affects

    Dans l’essai Conditions de l’éducation , M. Gaucher, M.C. Blais et D. Ottavi abordent entre autres sujets le recul de l’autorité académique et scientifique. Celui-ci est analysé comme multi-causal. À la baisse lente et progressive du prestige de l’enseignant, induite par l’ affaissement des deux piliers : impératif du savoir et légitimité de l’institution , s’ajoutent aux excès d’autoritarisme scolaire d’antan des difficultés plus récentes liées à l’émergence des moyens numériques de connaissance, à la chute du niveau d’instruction ainsi qu’à un retour du religieux.

    Toutes ces raisons se cumulent. Il en résulte une société qui semble se détourner de l’esprit scientifique, des raisonnements logiques, en un mot, de l’esprit des Lumières. Une évolution que l’on pourrait qualifier de régressive, la secondarité d’une société nourrie d’objectivité scientifique et de culture humaniste cédant progressivement le pas à la primarité , c’est-à-dire aux instincts, aux impressions purement subjectives et émotionnelles, tout ce qui hélas la rapproche des sociétés dites primitives.

    Or, de ces tendances constatées dans de nombreuses régions du monde, seule la chute du prestige des institutions scolaires et universitaires semble commune à la contestation du pouvoir politique que dénonce Macron. Le reste apparaît bien spécifique à la France, et particulièrement lié à la tournure de démocrature violente qu’a subitement imprimé sur notre pays l’actuel président socialiste !

    Le plus triste dans cette histoire est qu’il déplore lui-même les conséquences de ses propres dérapages. Tel un pompier pyromane, il s’étonne ou feint de s’étonner de l’incendie. Et comme s’il s’adressait à un peuple de demeurés, il fait miroiter un « monde d’après » tout en imposant au pays une régression autoritariste digne d’une autre époque.

    Tout cela en dit long sur ses penchants totalitaires, et sur les révoltes qu’il est en train d’alimenter malgré lui contre l’État et ses institutions les plus représentatives. Institutions parmi lesquelles l’ENA, la matrice infernale capable d’enfanter des diplômés dénués du respect démocratique, la matrice à l’origine de la démocrature qu’est devenu notre pays.

    Sur le web

    • chevron_right

      Métropoles : inutiles et onéreuses

      IREF Europe • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 27 December, 2020 • 4 minutes

    métropoles

    Par Aymeric Belaud.
    Un article de l’Iref-Europe

    Le 15 décembre dernier, la Cour des comptes a présenté son rapport annuel sur les finances publiques locales . Dans le fascicule numéro 3 , consacré à l’examen de la mise en place des métropoles, elle rend un verdict qui n’est hélas guère étonnant.

    Selon la loi de modernisation de l’action publique territorialeet d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, la création de métropoles devait permettre une gouvernance plus efficiente, une meilleure coordination des fonctions sociales, économiques, urbanistiques et environnementales, la mutualisation et la mise en commun de services et d’équipements.

    Tout cela entraînant, en principe, de substantielles économies soulageant tant les budgets et finances des communes de ces métropoles, que le porte-monnaie des contribuables locaux.

    Or, à l’arrivée : rien. La Cour des comptes juge que « la mise en place des métropoles n’a pas eu les effets bénéfiques attendus et qu’aucun des objectifs ayant motivé leur création n’a été pleinement atteint. » Un échec, encore…

    Des métropoles inutiles

    Une métropole, c’est une intercommunalité (une association de communes) qui concerne des territoires fortement urbanisés. Sa création fait suite à la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 (RCT), dont le statut a été remanié par la loi MAPTAM de 2014 et la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) de 2015.

    On dénombre 22 métropoles en France dont 19 de droit commun, deux à statut particulier (Grand Paris et Aix-Marseille) et Lyon, qui est une collectivité territoriale à statut particulier et non une intercommunalité.

    Dès 2017, la Cour des comptes alertait sur le fait que les métropoles se multipliaient sans jouer pleinement le rôle qui devait être le leur. Le rapport 2020, premier bilan d’étape, confirme cette crainte : les métropoles actuelles ne répondent pas aux objectifs qui devaient être les leurs. On peut donc affirmer qu’elles sont inutiles.

    Preuve de cette faiblesse, la Cour affirme que le périmètre d’intervention des métropoles est flou et qu’elles n’arrivent pas à définir clairement ce qui relève de l’intérêt « métropolitain ».

    De même, leurs compétences et le système de gouvernance interne sont inadaptés par rapport aux ambitions ayant motivé leur création. Ces nouveaux établissements publics devaient renforcer la « compétitivité » et la cohésion sociale, en mettant fin aux divergences des intérêts entre communes d’un même territoire urbain. Cet objectif est passé à la trappe.

    La Cour des comptes dénonce également un système électif qui, hormis pour la métropole de Lyon, rend les élus métropolitains moins légitimes que les conseillers municipaux élus au suffrage universel direct.

    Des métropoles à tout-va

    Les sages financiers notent que la France est le pays européen qui a le nombre le plus élevé de métropoles, et que ce statut a été attribué trop facilement à des collectivités qui en ont fait un label de promotion du territoire plus que l’outil efficient d’une meilleure gestion.

    La loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain rend possible la création de métropole à toutes les intercommunalités de plus de 400 000 habitants, à celles qui sont des centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants, et à celles de plus de 250 000 habitants ou comprenant dans leur périmètre le chef-lieu de région, centres d’une zone d’emplois de plus de 500 000 habitants.

    Ces critères, sans cesse revus à la baisse au fil du temps, posent question. En effet, est-ce que des villes comme Brest, Clermont, Metz, Nancy, Orléans, Dijon et Tours, avec une population de moins de 300 000 habitants, peuvent être considérées comme des métropoles ? De même, quel est l’intérêt que Saint-Étienne soit une métropole alors que Lyon, ville d’envergure européenne, est à 60 km ?

    Et cela coûte cher…

    La Cour des comptes exprime donc à demi-mot ses réticences. En revanche, elle note la bonne santé financière de ces nouvelles intercommunalités… mais qui se fait au détriment des finances du contribuable urbain.

    Les recettes de fonctionnement ne font qu’augmenter, + 18,2 % entre 2015 et 2019 pour l’ensemble des métropoles françaises ; soit annuellement, 4,3 %. L’argent du contribuable coule à flot pour financer ce qui s’apparente à un gadget inutile.

    Avec la revalorisation des bases des impôts locaux, sur la période 2015-2019 les métropoles ont bénéficié d’une augmentationde 4,9 % du produit de la taxe d’habitation, des taxes foncières, ainsi que de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Pour sa part, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) a progressé de 8,8 % entre 2014 et 2018.

    Des compétences floues mais bien financées…

    Comme pour la fusion des régions , les résultats et les objectifs visés ne sont pas au rendez-vous. Une fois de plus, une réforme territoriale crée des mastodontes peu efficaces mais onéreux et financés par des hausses d’impôts.

    Il serait temps que la France propose une réforme territoriale ambitieuse, qui supprime divers échelons de compétences. Communes, intercommunalités, départements, régions, tant de divisions qui ne font que multiplier le nombre d’élus et d’impôts. C’est l’ensemble de ce modèle qu’il convient de revoir.

    Sources :

    https://www.ccomptes.fr/system/file …
    https://www.courrierdesmaires.fr/92 …
    https://www.vie-publique.fr/fiches/ …

    Sur le web

    • chevron_right

      Charles Babbage et Ada Lovelace, précurseurs de l’informatique – Les Héros du progrès (49)

      Alexander Hammond • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 27 December, 2020 • 10 minutes

    Charles Babbage

    Par Alexander C. R. Hammond.
    Un article de HumanProgress

    Voici le quarante-neuvième épisode d’une série d’articles intitulée « Les Héros du progrès ». Cette rubrique est une courte présentation des héros qui ont apporté une contribution extraordinaire au bien-être de l’humanité.

    Nos héros de la semaine sont Charles Babbage et Ada Lovelace, deux mathématiciens anglais du XIXe siècle à l’origine de l’informatique.

    On qualifie souvent Babbage de « père de l’informatique » pour avoir conçu le premier calculateur numérique automatique.

    S’appuyant sur son œuvre, Ada Lovelace a été la première à envisager que les calculateurs puissent avoir des applications pratiques, au-delà des seuls calculs. Elle a été gratifiée du titre de « premier programmeur » de par sa création du premier algorithme pour la machine de Babbage.

    Leurs travaux ont jeté les bases des ordinateurs contemporains. Il est probable que sans leurs contributions une grande part de la technologie dont nous disposons actuellement n’existerait pas.

    Charles Babbage est né le 26 décembre 1791 à Londres. Son père est un banquier prospère et il grandit dans l’opulence. Enfant, il fréquente plusieurs des meilleures écoles privées d’Angleterre. Son père s’assure qu’il dispose de nombreux tuteurs pour l’assister dans son éducation.

    Adolescent, il rejoint la Holmwood Academy dans le Middlesex dont la vaste bibliothèque l’aide à développer une passion pour les mathématiques. En 1810, il en commence l’étude à l’université de Cambridge.

    Avant son arrivée à Cambridge, il a déjà appris beaucoup des mathématiques contemporaines et est très déçu du niveau de leur enseignement à l’université.

    En 1812, il crée avec un groupe d’amis la « Société Analytique » destinée à présenter en Angleterre des nouveaux développements en mathématiques apparus ailleurs en Europe. Sa réputation de génie des maths s’étend rapidement.

    Vers 1815, il quitte Cambridge et donne des cours d’astronomie à la Royal Institution .

    L’année suivante, il est élu membre de la Royal Society . Malgré plusieurs conférences appréciées à la Royal Institution , il a du mal à trouver un emploi à temps plein dans une université. De ce fait, au début de sa vie d’adulte, il doit compter sur le soutien financier de son père.

    En 1820, il participe à la création de la Royal Astronomical Society , dont l’objet est de standardiser les calculs astronomiques.

    Au début du XIXe siècle, les tables mathématiques (les résultats de calculs sous la forme de listes de nombres) sont cruciales pour l’ingénierie, l’astronomie, la navigation et la science. Cependant, à cette époque, tous les calculs de ces tables sont effectués par des humains et les erreurs sont courantes.

    Considérant ce problème, Charles Babbage se demande s’il ne pourrait pas créer une machine servant à mécaniser le calcul.

    En 1822, dans un document adressé à la Royal Astronomical Society , il précise son idée de création d’une machine à même de calculer automatiquement les valeurs des tables astronomiques et mathématiques.

    L’année suivante, il parvient à obtenir une subvention de l’État pour construire une machine qui calculerait automatiquement une série de valeurs jusqu’à vingt décimales, surnommée la « machine à différences ».

    En 1828, il devient professeur lucasien de mathématiques à l’université de Cambridge. Il est très désinvolte quant à ses tâches d’enseignement et passe le plus clair de son temps à écrire des articles et à travailler sur sa machine.

    En 1832, avec son ingénieur Joseph Clement, ils en produisent une maquette fonctionnelle.

    L’année suivante, les plans pour construire une machine plus grande, à l’échelle, sont mis au panier lorsqu’il commence à s’intéresser à un autre projet. Au milieu des années 1830, il attaque le développement des plans de ce qu’il nomme la « machine analytique » et qui allait devenir le précurseur de nos ordinateurs modernes.

    Là où la machine à différences est conçue pour de l’arithmétique mécanique (essentiellement un calculateur primitif seulement capable de faire des additions), la machine analytique doit pouvoir exécuter n’importe quelle opération en lui soumettant des instructions via des cartes perforées, un bout de papier cartonné pouvant contenir des données selon la présence ou l’absence de trous à des endroits prédéterminés. Les cartes perforées pourraient aussi bien fournir des instructions au calculateur mécanique que recueillir les résultats des calculs effectués par la machine.

    Tout comme pour les ordinateurs d’aujourd’hui, dans son principe, la machine analytique sépare les programmes des données.

    L’unité de contrôle peut faire des sauts conditionnels, séparer entrées et sorties et son fonctionnement général est basé sur un jeu d’instructions.

    Au départ, Charles Babbage ne voit la machine analytique que comme un instrument dédié au calcul et rien d’autre. Il en sera bientôt autrement grâce aux travaux d’Ada Lovelace.

    Augusta Ada King, Comtesse de Lovelace, nait Byron le 10 décembre 1815 à Londres.

    Elle est le seul enfant légitime du poète et député Lord Byron et de la mathématicienne Anne Isabella Byron. Mais à peine un mois après sa naissance, Byron se sépare de sa mère et quitte l’Angleterre.

    Huit ans plus tard, une maladie l’emporte alors qu’il se bat aux côtés des Grecs dans leur guerre d’indépendance.

    Au début de sa vie, Ada Lovelace est élevée par sa mère selon un régime strict de sciences, logique et mathématiques. Bien que fréquemment malade et alitée pendant presque une année quand elle a 14 ans, elle est fascinée par les machines.

    Enfant, elle conçoit souvent bateaux et engins volants imaginaires. À l’adolescence, elle affute ses capacités en mathématiques et fait rapidement la connaissance de nombreux intellectuels en vue.

    En 1833, sa tutrice Mary Somerville la présente à Charles Babbage. Ils deviennent vite amis.

    Ada est fascinée par les plans de la machine analytique et Charles Babbage si impressionné par ses possibilités en mathématiques qu’il la décrit comme « l’enchanteresse des nombres ».

    En 1840, il se rend à l’université de Turin pour y animer un colloque sur sa machine analytique. Y assiste également Luigi Menabrea, un ingénieur italien et futur Premier ministre du pays, qui le traduit en français. Ada Lovelace passera neuf mois de l’année 1842 à traduire en anglais l’article de Menabrea.

    Elle y ajoute ses propres notes détaillées et se retrouve avec un texte trois fois plus long que l’original.

    Il est publié en 1843 et décrit les différences entre la machine analytique et les précédentes machines à calculer, principalement sa capacité à être programmée pour résoudre n’importe quel problème mathématique.

    Ses notes comprennent aussi un nouvel algorithme pour calculer une séquence de nombres de Bernoulli (une suite de nombres rationnels couramment rencontrés en théorie des nombres).

    Comme son algorithme est le premier créé pour être spécifiquement utilisé sur un calculateur, elle devient le premier programmeur informatique au monde.

    Alors que Charles Babbage a conçu la machine analytique dans une optique purement mathématicienne, Ada Lovelace est la première personne à percevoir le potentiel des ordinateurs, bien au-delà des simples calculs.

    Elle réalise qu’on peut utiliser les nombres contenus dans la machine pour représenter d’autres entités comme des lettres ou des notes de musique.

    Elle a donc aussi entrevu beaucoup des concepts associés aujourd’hui aux ordinateurs, notamment les logiciels et les sous-programmes.

    La machine analytique n’a jamais été réellement construite de leur vivant. Cependant, l’absence de fabrication relève davantage de problèmes de financement et de conflits de personnalité entre Babbage et des donateurs potentiels que de défauts de conception.

    Pendant le restant de sa vie, Babbage touche un peu à tout. Il tente plusieurs fois de se faire élire député. Il écrit plusieurs livres dont un sur l’économie politique dans lequel il étudie les avantages commerciaux de la division du travail.

    Il joue un rôle essentiel dans la mise en place du système postal anglais.

    Il a aussi inventé un des premiers types d’indicateurs de vitesse et les pare-buffles des locomotives (la grille métallique fixée à l’avant des trains pour dégager la voie des obstacles).

    Le 18 octobre 1871, il meurt à son domicile londonien à l’âge de 79 ans.

    Après sa traduction de la conférence de Babbage, Ada Lovelace se lance sur divers projets dont la création d’un modèle mathématique sur la façon dont le cerveau crée des pensées et sur le système nerveux, projet qui n’aboutira pas.

    Le 27 novembre 1852, elle meurt d’un cancer de l’utérus à 36 ans à peine.

    Au cours de sa vie, Charles Babbage a refusé les titres de chevalier et de baronnet. En 1824, il reçoit la médaille d’or de la Royal Astronomical Society « pour son invention d’un mécanisme de calcul des tables mathématiques et astronomiques ».

    Depuis la mort de Charles Babbage et Ada Lovelace, de nombreux bâtiments, écoles, départements universitaires et récompenses ont été baptisés en leur honneur.

    Grâce à leurs travaux le domaine du calcul a été changé à jamais. Sans l’œuvre de Charles Babbage, le premier ordinateur n’aurait pas été conçu. De même, beaucoup des principaux éléments de nos ordinateurs n’auraient probablement été développés que bien plus tard.

    Sans Ada Lovelace, il aurait pu falloir beaucoup plus de temps à l’humanité pour réaliser que les ordinateurs peuvent effectuer bien plus de tâches que simplement des calculs mathématiques.

    Ensemble, Charles Babbage et Ada Lovelace ont jeté les bases de l’informatique moderne, utilisée par des milliards d’individus partout dans le monde et étayant une grande partie du progrès d’aujourd’hui.

    Pour ces raisons, Charles Babbage et Ada Lovelace sont nos quarante-neuvième héros du progrès.

    Sur le web -Traduction par Joel Sagnes pour Contrepoints .

    Les Héros du progrès, c’est aussi :

    • chevron_right

      Laissez-faire français : Dupont de Nemours sous la Révolution (15)

      Benoit Malbranque • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 27 December, 2020

    • chevron_right

      La Chine et l’Occident : des relations en danger

      Yves Montenay • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 26 December, 2020 • 12 minutes

    chine

    Par Yves Montenay.

    En quelques années les perceptions réciproques de la Chine et de l’Occident se sont transformées.

    Il y a encore peu, les deux se voyaient complémentaires. La Chine absorbait à toute vitesse l’argent, les hommes, les méthodes et les techniques occidentales pour se développer, et ce développement donnait aux entreprises occidentales l’accès à un eldorado. C’était à la fois l’usine du monde, ce qui a largement profité à Apple, et un marché fantastique, actuellement le plus important de la planète.

    La perception actuelle est presque opposée : son développement a fait de la Chine la deuxième puissance mondiale et bientôt la première. Cette puissance est de plus en plus orgueilleuse et hostile, les entreprises étrangères y sont bridées et pillées de mille façons, tandis que les coûts salariaux sont de moins en moins compétitifs.

    Et par-dessus tout la Chine prend plaisir à attaquer les démocraties dans leur essence même, en promouvant un système politique bien agréable pour les dirigeants notamment africains, mais pas forcément pour les populations, et encore moins pour celles de l’Occident habituées à la démocratie.

    C’est le divorce.

    Un divorce politique, qui n’est certes pas nouveau, mais qui s’accentue alors qu’on imaginait qu’il disparaîtrait avec le développement. Mais aussi un divorce économique avec une remise en cause du capitalisme qui avait pourtant tant apporté à ce pays.

    Ce divorce est difficile parce que tant la Chine que l’Occident continuent à avoir de mille façons besoin de cette complémentarité qui a maintenant plus de 30 ans.

    Bref, on avait oublié le divorce politique, le divorce économique pointe, mais pour l’instant chacun garde deux fers au feu.

    Fin de l’espoir de la démocratisation par le développement

    Souvenez-vous des discours du genre :

    « Quand on est pauvre, on ne pense qu’à la nourriture. En cultivant si on est paysan, sinon en gagnant quatre sous pour en acheter. Et il faut sans cesse veiller à ne pas se faire violenter ou tuer par ceux qui veulent vous prendre le peu que vous avez. L’autorité, même rude, est bienvenue.

    Quand on commence à être à l’aise et assuré de pouvoir se payer ses repas, on commence à penser à autre chose. On constate que l’autorité peut être prédatrice et de toute façon gêne notre liberté. On devient démocrate . »

    Ainsi George W. Bush déclarait, en 1999, que « la liberté économique crée des habitudes de liberté. Et les habitudes de liberté créent des désirs de démocratie… ».

    Et en 2000, on faisait entrer la Chine à l’OMC au nom des libertés économiques, pensant promouvoir à cette occasion les libertés politiques.

    Le raisonnement était même parfois géopolitique : « les guerres, c’est bon pour les pauvres, les pays civilisés commercent et constatent que c’est bénéfique aux deux parties. »

    Bien entendu, ceux qui tenaient ces discours oubliaient les guerres entre pays riches pourtant très nombreuses en Europe occidentale. Ils oubliaient aussi les dictatures acceptées par « les classes moyennes inférieures » qui réprimaient les élites politiquement libérales et les classes « dangereuses » pauvres.

    C’est le cas du fascisme, du nazisme et des innombrables populismes, mais ils sont souvent présentés soit comme des exceptions à la règle générale de démocratisation par le développement, soit comme une réaction à un événement exceptionnel, comme l’hyperinflation allemande des années 1921-1923 qui expliquerait la montée du nazisme. Rappelons que pour une base de 1 en 1914, l’indice des prix était à 10 après la guerre et à 1000 milliards en novembre 1923.

    Cette théorie sympathique de la démocratisation spontanée oubliait que la prise de pouvoir autoritaire ou dictatoriale venait souvent de l’action d’un petit groupe, tels les bolcheviques dans la Russie de 1917. Certes, ils exploitaient une situation nationale difficile, la Première Guerre mondiale en l’occurrence, mais qui avait bien d’autres solutions possibles comme en ont témoigné les autres pays européens et aujourd’hui les pays asiatiques…

    Bref, une fois de plus, les optimistes furent désavoués.

    La « désillusion Xi » et l’évolution vers la dictature en Chine

    Nous avons vu dans mes articles précédents la dérive dictatoriale de Xi, avec le durcissement du contrôle social : généralisation de la reconnaissance faciale pour les actes courants, contrôle des réseaux sociaux, contrôle politique, dont celui de Hong Kong, et celui de la pensée et du travail des Ouighours…

    La plus récente des innombrables victimes a été Ren Zhiqiang. Ce dernier, membre du PCC et magnat de l’immobilier chinois, fut accusé en 2016 de « salir l’image du Parti et de la Chine » , officiellement pour des faits de corruption, mais en fait pour avoir critiqué la censure croissante que le Président Xi Jinping faisait subir aux médias chinois. Il a ajouté à ses premiers torts celui de critiquer la gestion du Covid-19. Il fut condamné en septembre à 18 ans de prison.

    Nous avons vu également que si le développement économique de la Chine n’avait rien de miraculeux , car tous les pays sérieux font de même (hélas, ils ne sont pas nombreux). Il est néanmoins impressionnant de voir un pays de 1,4 milliard d’habitants prendre sa place normale, c’est-à-dire 20 % de la planète à tous les points de vue, militaire compris… et même davantage car la moyenne planétaire est tirée par le bas, justement par les pays qui ne sont pas sérieux.

    C’est ce développement impressionnant qui a nourri l’orgueil de Xi, et probablement celui d’une majorité de Chinois. Cet orgueil semble l’avoir convaincu que son système était le meilleur, ou du moins qu’il pouvait s’appuyer sur ses résultats pour consolider son pouvoir ; et ce d’’autant plus qu’il aurait ressenti un mécontentement et des menaces.

    Cette répression rappelle la méthode maoïste de jauger chacun à partir de son adhésion à « la pensée de Xi », maintenant enseignée partout. Il s’y ajoute le retour des cellules du Parti communiste au sein des entreprises privées , et le président a insisté pour que l’avis de ces cellules soit pris en compte par la direction de l’entreprise.

    Ce qui signifie que l’on change de système économique

    On a remarqué également des actions plus directes comme l’arme du crédit et l’exigence d’adapter l’activité de l’entreprise aux objectifs du pouvoir. Bref, « les entreprises privées sont placées sous la direction du parti ».

    Et le parti va les juger en permanence par le Corporate credit system : l’entreprise sera dégradée si le système repère un manquement à l’un des 300 critères parmi lesquels l’impôt, la qualité et le respect des réglementations, non seulement par elle-même mais aussi par ses partenaires commerciaux

    Xi Jinping a fini par intervenir lui-même pour empêcher l’introduction en Bourse d’ Ant Group , une opération à 34 milliards de dollars. Son patron, X, aurait alors eu une puissance financière lui permettant de remplacer des banques d’État , ce qui était son objectif affiché que l’on peut résumer par : « il est temps de remplacer ce système bancaire bureaucratique et inefficace ». Bref le politique semble préférer le pouvoir par le système bancaire en place à l’efficacité économique.

    Le président Xi semble donc se rapprocher de son aile gauche maoïste, alors que cette période a été une catastrophe pour la Chine et que c’est en devenant capitaliste qu’elle a pu s’en sortir !

    Dans cette hypothèse, adieu l’innovation, l’esprit de compétition et l’énergie frénétique qui ont sauvé le pays. Alors que la Chine était fière de ses entreprises privées devenues parmi les premières mondiales comme Alibaba, Tencent ou Huawei.

    Comment se fermer tout en continuant à bénéficier de l’Occident ?

    Mais le divorce total est difficile. La Chine a bien remarqué l’apport des entreprises occidentales et cherche à s’isoler de possibles représailles tout en continuant à en bénéficier.

    L’accord commercial que vient de signer la Chine avec ses voisins de l’Est et du Sud a fait grand bruit et peut être sommairement résumé par le remplacement des États-Unis par la Chine. Il semble toutefois que ce soit d’abord un succès diplomatique ayant peu de conséquences économiques. Remarquons que cet accord englobe l’Australie, alors qu’elle est en froid avec la Chine.

    C’est peut-être l’occasion de sortir du blocage actuel : l’Australie ayant critiqué la politique de Pékin s’est fait interdire l’accès à son principal marché, tant pour le vin que pour le charbon. Résultat : les centrales thermiques chinoises manquent de combustible et il y a des coupures de courant. Divorcer n’est pas si simple !

    D’où des efforts diplomatiques pour éviter des fâcheries. Nous avons vu les efforts de séduction de la Chine en Afrique . Ils viennent d’être complétés par « la diplomatie du vaccin » : la Chine se dépêche de proposer ses vaccins à prix modique dans les pays émergents sans attendre d’avoir opéré les essais cliniques, afin d’y prendre pied et favoriser ses autres actions.

    Mais le principal allié de la Chine pour continuer à bénéficier de l’apport occidental, ce sont les industriels occidentaux eux-mêmes.

    Et pour l’Occident, comment contenir la Chine tout en profitant de son marché ?

    En effet, les industriels occidentaux ne sont pas prêts à faire une croix sur le marché intérieur chinois.

    Une illustration en est le projet de traité sur la protection réciproque des investissements. Les Européens, qui estiment être plus ouverts aux investissements chinois que l’inverse, veulent sécuriser leur propriété intellectuelle et éviter un dumping interne de la part des sociétés d’État.

    L’Allemagne, qui préside l’Union européenne jusqu’au 31 décembre, a donc poussé à un accord avec la Chine. Celle-ci voulait également traiter rapidement, avant le départ d’Angéla Merkel, mais seulement après avoir eu la certitude du départ de Trump. On n’en est qu’au stade du projet et il faudra intégrer l’avis des États et du Parlement. Finalement la Chine aurait cédé sur l’accès des étrangers à certains marchés mais pas sur la sécurité de leurs investissements.

    Donc les affaires d’abord, pour vraiment contenir, on verra plus tard !

    Une autre illustration, la proclamation de la Chine d’être neutre en carbone en 2060 sert d’abord à soigner son image, mais les mesures qui seront prises dans cet esprit ouvriront des marchés à EDF, Suez, Veolia… Il est urgent de ne pas se fâcher !

    Le secteur français de la culture espère lui aussi profiter du marché chinois pour ses films, mais la censure des contenus est de plus en plus forte et la distribution donne priorité aux films chinois. En 2019 il y a eu 541 films chinois, 43 américains, 21 d’autres pays d’Asie et 11 français. En recettes, cela a fait 0,1 % du marché.

    Mais l’Union européenne fronce quand même les sourcils : le 15 juin 2020 elle a obtenu que l’OMC ne reconnaisse plus la Chine comme une économie de marché, ce qui permettra de lui retirer certains privilèges commerciaux et de surtaxer ses importations.

    En résumé, le divorce est difficile. Mais un acteur longtemps sous-évalué est en train de s’imposer : la démographie.

    Le reflux démographique va imposer des gains de productivité

    On oublie souvent que le succès chinois vient en partie du dividende démographique. Quand la population d’un pays pauvre voit sa fécondité baisser alors qu’il y a peu de personnes âgées (du fait de la pauvreté, voire de la misère et de la désorganisation sanitaire jusque dans les années 1980, dans le cas de la Chine), la proportion de personnes actives est forte pendant quelques décennies, la hausse des salaires est répartie entre moins de personnes et les charges de retraite sont faibles… d’autant qu’une partie de la population ne perçoit pas de pension.

    Mais c’est une période transitoire qui se termine en Chine. Les enfants uniques sont maintenant adultes. Comme dans bien d’autres pays, dont l’Allemagne, la pyramide des âges est de plus en plus gonflée dans les grands âges et se creuse à la base. L’effectif des générations tombe brusquement à partir de 27 ans en 2020, tombera à partir de 28 ans en 2021 etc. Et le phénomène va s’accentuer avec la diminution du nombre de parents.

    Mathématiquement il ne peut pas y avoir de salut par l’immigration, aucun pays au monde n’ayant de quoi boucher les trous de la pyramide des âges d’un pays de 1,4 milliard d’habitants. Sauf, théoriquement, l’Inde, mais c’est impensable des deux côtés pour l’instant. Très accessoirement je signale une importation clandestine de femmes, genre qui manque en Chine, puisqu’à l’époque de l’enfant unique, il fallait un fils et donc on s’arrangeait pour ne pas avoir de fille.

    Pour compenser cette baisse de la population active, il faudra compter sur la productivité pour maintenir le niveau de vie, alors qu’on était habitué à des hausses rapides. Et on s’accorde à dire que c’est cette hausse du niveau de vie qui permet au régime de durer. Or dans quelle mesure un secteur public encore majoritaire et un secteur privé de plus en plus bridé pourront-ils faire face ?

    Le capitalisme pourrait se révéler incontournable.

    • chevron_right

      Un projet de loi liberticide vient d’être déposé par le Premier ministre

      Gérard Maudrux • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 26 December, 2020 • 5 minutes

    projet de loi

    Par Gérard Maudrux.

    Un projet de loi liberticide vient d’être déposé par le Premier ministre, dans le cadre d’une procédure accélérée et en pleines fêtes de Noël . Depuis des décennies, les pires textes pour les citoyens sortent toujours en période de vacances, été et Noël.

    Celui-ci ne fait pas exception, ayant pour but d’échapper au contrôle du Parlement en cas de crise sanitaire, donnant tous pouvoirs au ministre de la Santé et au Premier ministre ; pouvoirs très étendus, administratifs, de police et de choix des traitements.

    Un projet de loi qui différencie état de crise sanitaire et état d’urgence

    Ce texte fait d’abord une distinction entre « état de crise sanitaire », et « état d’urgence sanitaire », pouvant « être déclarés sur tout ou partie du territoire ». Qui définit cette notion ? Le ministre de la Santé, qui va être juge et partie.

    En cas de « crise sanitaire », le ministre aura tous pouvoirs pendant deux mois, renouvable deux mois. Au-delà cela doit être prolongé par décret en conseil des ministres, après avis du Haut conseil de la Santé publique. Au-delà de 6 mois, le gouvernement doit aller devant le Parlement pour expliquer les raisons du maintien. Il n’a pas à lui demander son accord ni avant, ni après, l’article L.3131-2 ne prévoit qu’une « présentation ».

    Le Premier ministre, « sur avis du ministre de la Santé », peut :

    • pratiquer un contrôle des prix de certains produits (il n’est pas précisé médicaux ou non) ;
    • réquisitionner toute personne, tout bien, tout service.

    Le ministre de la Santé peut :

    • ordonner placement, isolement ou mise en quarantaine ;
    • prendre toute mesure permettant la mise à disposition de produits de santé.

    C’est le ministre qui prescrit ! Il va définir ce qui est autorisé ou non, commercialisé ou pas.

    En cas d’« urgence sanitaire », déclarée par le Conseil des ministres, sur rapport du ministre de la Santé, il est créé un « comité scientifique » (modalités Art. L.3131-6) qui rend périodiquement des avis et propositions. Les dispositions de l’état d’urgence sont valables un mois, prolongeable par une loi.

    Le Premier ministre peut (Art.L.3131-9) :

    • règlementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules ;
    • interdire la sortie du domicile ;
    • fermer toutes sortes d’établissements ;
    • limiter ou interdire les rassemblements ;
    • prendre toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre ;
    • subordonner les déplacements, les accès et l’exercice de certaines activités « à la présentation d’un test de dépistage, au suivi d’un traitement préventif, y compris un vaccin ».

    Quand on voit toutes ces prérogatives accordées au ministre de la Santé, et quand on voit de quoi il est capable, avec sa gestion des masques (gestion des commandes, discours de girouette sur l’utilité), les commandes de respirateurs (10 000, passés où ?), la multiplications des lits de réanimation (12 000, où ?), le mépris du secteur libéral en première ligne, le fait qu’avec ses Hauts Conseils il ne semble pas lire et interpréter les publications médicales (cf Mehra, Remdesivir, Plaquénil dangereux…), des vaccins commandés sur communiqués de presse sans articles scientifiques… il y a de quoi être très, très inquiets pour notre santé et nos libertés lors des prochaines crises.

    Les dispositions qui suivent dans « Section dispositions communes » ne sont pas plus réjouissantes. La rédaction évoque davantage une mise en détention qu’une quarantaine, « prononcée par le représentant de l’État dans le département (préfet) » , avec « voies et délais de recours ainsi que modalités de saisine du juge des libertés et de la détention », ce « juge des libertés et de détention pouvant être saisi par le procureur de la république » (Art.L.3131-12).

    La « section 3, système d’information », écorne un peu la protection des données : « Les caisses d’assurance maladie peuvent, par dérogation et pour la durée strictement nécessaire à leur réalisation, mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel concernant la santé des personnes , le cas échéant sans leur consentement » et autorise le directeur de la caisse nationale à rémunérer les professionnels de santé pour obtenir ces données (Art. L. 33124).

    Certains crieront au scandale, mais je ne suis personnellement pas choqué compte tenu du contexte, si cela relève de l’intérêt général et que le traitement des données personnelles respecte l’anonymat et le secret médical.

    Véran reporte le débat

    Coup de théâtre il y a 48 heures : monsieur Véran annonce à des journalistes que le débat sur ce texte est clos sans avoir commencé, et qu’il n’aurait pas lieu avant des mois. Il faudrait que ces messieurs accordent leurs violons, ce texte étant déposé en urgence, dans le cadre d’une procédure accélérée, comme écrit en première ligne du texte ! Eux qui prétendent gérer l’urgence avec carte blanche ? Grave. Belle démonstration de leur capacité à gérer l’urgence !

    J’ai quand même ma petite idée concernant ce revirement, connaissant les rouages de nos institutions. Il y a un peu plus d’un an, un haut fonctionnaire à qui on disait à propos de la réforme des retraites : « Êtes-vous sûr que les députés voteront cela ? » , réponse : « Les députés voteront ce qu’on leur dira de voter » (sous-entendu, s’ils veulent conserver leur poste). Il semble que cette fois quelques députés LaREM ont fait savoir qu’ils ne le voteraient pas. À suivre…

    • chevron_right

      Quand le père Noël se fait piéger par la réglementation française

      Valentin Petkantchin • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 26 December, 2020 • 3 minutes

    Père Noël

    Par Valentin Petkantchin (2007), publié en collaboration avec l’Institut Economique Molinari.

    La fête de Noël est passée et le père Noël a dû distribuer les jouets aux enfants sages. Mais en dépit de sa bonne volonté, il risque d’avoir de plus en plus de mal à exaucer les vœux des Français à cause des réglementations en place.

    En France, c’est l’État qui décide – à la place des propriétaires de magasins – non seulement l’ouverture le dimanche ou le début et la fin de la période des soldes. Il réglemente aussi très strictement les relations entre fabricants et distributeurs.

    Et c’est là que le cauchemar du père Noël a commencé. Que ses prix soient différents ou les mêmes d’un magasin à un autre, le père Noël est toujours coupable !

    Tout d’abord, si ses prix sont différents, il peut être poursuivi pour non respect de la loi Galland qui interdit la revente en dessous d’un niveau bureaucratiquement établi. Cette loi interdit aussi la soi-disant « discrimination tarifaire » : des conditions de vente différentes peuvent donc faire l’objet de poursuites. Logiquement, les fabricants de jouets ont tendance à pratiquer les mêmes prix plancher, les mêmes rabais et les mêmes conditions de vente.

    Comment le législateur français peut-il en effet espérer – à moins de croire réellement au père Noël – que les fabricants de jouets concéderaient des avantages et des prix plus bas à un distributeur, si les autres distributeurs peuvent exiger par la loi les mêmes conditions favorables ? De même, comment peut-il croire que les distributeurs négocieraient de meilleurs deals pour leurs clients, si n’importe lequel de leurs concurrents peut obtenir les mêmes conditions favorables en invoquant une « discrimination tarifaire » ?

    Bien que ces dispositions entravent la concurrence entre distributeurs et les empêchent de faire profiter les consommateurs de prix plus bas et de meilleures offres, celle-là n’a pas complètement disparu.

    Ne pouvant pas se concurrencer sur les prix, les enseignes offrent à la place des programmes de fidélité, incluant bons de réduction ou remises pour les clients. À l’image de Carrefour qui offre 25 % de réduction sur une centaine de jouets aux détenteurs de sa carte de fidélité.

    Mais en respectant la loi Galland par des prix identiques dans les rayons, le père Noël n’est malheureusement pas à l’abri des problèmes. Il devient alors la cible facile des associations de consommateurs et des bureaucrates anti-trust. Ces derniers ont ainsi, le 20 décembre 2007, infligé des amendes de 37 millions d’euros à différents fabricants et distributeurs de jouets en France.

    Quelle en était la raison ? Le père Noël a été puni pour s’être entendu sur les mêmes prix à travers la France, ce qui a été jugé anticoncurrentiel !

    Mais pouvoir imposer des prix identiques pour le même produit n’est pas contraire à la libre concurrence : n’est-ce pas précisément le cas, pourrait objecter avec raison le père Noël, de tout fabricant verticalement intégré qui vend directement au consommateur ?

    Ce sont in fine les consommateurs qui devront subir les conséquences de cet enfer réglementaire un jour ou l’autre, en termes de moindre choix ou des prix plus élevés.

    La réglementation française fait de son mieux pour mettre en échec la mission magique du père Noël. Quand comprendra-t-on qu’il n’a pas besoin de toute cette réglementation, mais d’une réelle déréglementation, si on veut qu’il offre des jouets de meilleure qualité et moins chers à nos bambins ?

    Article initialement publié en décembre 2011.

    Sur le web

    • chevron_right

      La SNCF « sort du glyphosate » pour le pire

      André Heitz • ancapism.marevalo.net / Contrepoints • 26 December, 2020 • 10 minutes

    SNCF

    Par André Heitz.

    On peut la faire laïque : « Tadam ! » . Ou de saison : « Jouez hautbois, résonnez musettes ! »

    La SNCF a trouvé la « solution » pour se passer de glyphosate pour le désherbage des voies et de leurs abords, lequel désherbage répond à d’importants impératifs d’intérêt général : assurer la sécurité des personnels et des voyageurs, préserver les infrastructures ainsi qu’éviter les départs d’incendies.

    Au début, un diktat macronien

    La « solution » pour répondre à une ambition délirante du Président Emmanuel Macron proclamée le 27 novembre 2017 par dépit ou calcul politicien.

    Par dépit car, contre toute attente, les États membres de l’Union européenne avaient trouvé une majorité introuvable pour renouveler l’autorisation du glyphosate pour cinq ans (en cas d’échec, il serait revenu à la Commission européenne de prendre cette décision) ; par calcul pour, notamment, donner des gages à son ombrageux ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Nicolas Hulot.

    Notez bien : cela ne l’a pas empêché de faire le fier…

    La SNCF n’était pas obligée !

    Si nous avons bien compris le travail d’évaluation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), la SNCF pouvait bénéficier de la position de repli jupitérienne – qui prenait acte des situations d’impasse.

    L’ANSES écrivait en effet, le 9 octobre 2020, dans « Glyphosate : l’Anses publie les résultats de son évaluation comparative avec les alternatives non chimiques disponibles » :

    « Usages non agricoles

    Les différents usages du glyphosate en zones non agricoles (sites industriels, militaires, voies ferrées, autoroutes, aéroports, réseau électrique, conservation des monuments historiques…) ne peuvent être totalement substitués par des alternatives non chimiques sans avoir des conséquences importantes, notamment pour la sécurité des opérateurs et des utilisateurs de ces services. La réduction de l’usage du glyphosate dans ces différentes situations ne peut donc relever d’une restriction fixée dans les autorisations de mise sur le marché, mais doit s’envisager dans le cadre d’une évolution des pratiques de désherbage. »

    Le glyphosate remplacé par… deux matières actives

    Quelle mouche a donc piqué les dirigeants de la SNCF ?

    L’information nous a été livrée en premier lieu, semble-t-il, par Le Parisien dans « La SNCF sur la voie pour bannir le glyphosate ». Il écrit benoîtement en chapô :

    « SNCF Réseau qui s’est engagé à ne plus utiliser le glyphosate en 2021 doit désherber près de 30 000 km sur ses lignes. Un nouveau produit va être utilisé même si sa toxicité n’est pas nulle. »

    En fait, il s’agit de deux produits : l’acide pélargonique et une sulfonylurée, le flazasulfuron dont une formulation s’appelle fort opportunément Railtrax .

    Parlons argent…

    Le Parisien écrit :

    On estime notre surcoût de maintenance lié à la sortie du glyphosate et à la loi Egalim à environ 110 millions par an , ajoute Jean-Pierre Pujols [responsable de la maîtrise de la végétation chez SNCF Réseau] . Bien moins que les 300 à 500 millions d’euros un temps avancés en l’absence de ce nouveau produit.

    Le demi-milliard d’euros, c’était l’ estimation de la Fondation Concorde dans un rapport de juillet 2017 qui avait fait quelque bruit.

    Notre petit doigt nous dit que l’estimation de la SNCF est bien optimiste, tout comme est curieuse l’estimation de 150 millions actuellement dépensés pour la maîtrise de la végétation (pour la Fondation Concorde, c’était 30 millions)… Enfumage ?

    Le contribuable paiera, pas la SNCF !

    Mais ce n’est pas un problème pour la SNCF, au moins temporairement (on sait toutefois que le temporaire a la vie dure…).

    Pour les investissements en matériel nouveau et les frais courants elle pourra ponctionner dans les 4,7 milliards d’euros du plan de relance du gouvernement et/ou les 1,5 milliard d’euros débloqués ou à débloquer « pour sécuriser et rendre plus durables les activités du groupe SNCF », ce qui comprend la sortie du glyphosate, mais aussi l’entretien de ponts.

    Nous devons concéder qu’avec toutes ces annonces, nous ne savons plus très bien où nous en sommes. Mais une chose est sûre : le contribuable paiera pour un caprice présidentiel et ce qui semble être une manifestation de cynisme entrepreneurial et d’à plat-ventrisme devant le gouvernement et l’opinion dite publique.

    L’acide pélargonique… produit dit de biocontrôle loin d’être anodin

    Les 35 à 38 tonnes de glyphosate utilisées annuellement pour désherber 30 000 km de voies d’abords et 95 000 hectares seront donc remplacés par un produit que l’on qualifie de biocontrôle.

    C’est que l’acide pélargonique (ou nonanoïque) se trouve naturellement sous forme d’esters dans l’huile de Pelargonium . Mais sa production se fait principalement par des procédés chimiques à partir d’acide oléique – la nature et le génie humain résistent au binarisme cher aux idéologues antipesticides (de synthèse)…

    Sur le plan toxicologique et écotoxicologique, l’acide pélargonique est loin d’être anodin.

    Le Parisien a d’ailleurs largement repris dans ses colonnes un avertissement – « Les nouveaux désherbants « Bio » un miroir aux alouettes » – lancé en juin 2015 par… le groupe EELV des Deux-Sèvres. En bref – et comme le montrent aussi les fiches du site e-phy de l’ANSES – il est bien pire.

    Mais il est prétendument « bio » et « naturel » ; il n’a pas été marqué du sceau de l’infamie, « cancérogène probable » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) par une décision qui relève de l’ escroquerie et qui a été invalidée par le monde de l’évaluation et de la réglementation ; il n’a pas été frappé d’une interdiction de séjour par le président de la République ; et comme il n’a pas été voué aux gémonies par la vox publica militante, les recherches sur ses véritables effets sur la santé – autres que les irritations et corrosions cutanées et les atteintes oculaires graves – sont très lacunaires .

    À ce profil – qui serait sans doute qualifié au minimum d’inquiétant si le produit sortait d’une compagnie dont le nom commençait par un M et maintenant par un B  – s’ajoutent :

    • une efficacité faible (il assèche les feuilles par corrosion de la cuticule, sans atteindre les racines) ;
    • un effet de durée limitée (les racines n’ayant pas été détruites, certaines plantes repoussent illico ), et par conséquent la nécessité de passages multiples ;
    • un prix élevé et la nécessité de très fortes doses à l’hectare (pour une comparaison appliquée aux produits pour le grand public, voir ici )…
    • et l’effet corrosif d’un acide ! Or, dans les zones à traiter, il y a des rails, des éclisses, des boulons, des câbles…

    Sans entrer dans des calculs sophistiqués, un produit bien connu à base d’acide pélargonique à 680 g/litre est autorisé pour deux applications maximum à la dose maximum d’emploi de 16 litres/ha en cultures fruitières. Pour certains usages résiduels du glyphosate, il y a lieu de ne pas dépasser une dose annuelle de 2160 g/ha.

    Le flazasulfuron… un pesticide de synthèse

    On complétera donc avec du flazasulfuron qui pose aussi une série de problèmes.

    Premièrement, il est autorisé pour le désherbage des voies ferrées à la dose de 0,2 kg/ha (50 grammes de matière active/hectare), mais uniquement pour une application par an en pré-émergence à début de post-émergence et au plus tard lorsque les feuilles mesurent 10 cm de hauteur. La fenêtre d’application est donc limitée.

    Deuxièmement, les sulfonylurées sont connues pour être sujettes à l’apparition de résistances. Les agriculteurs peuvent y remédier en alternant les matières actives… la SNCF sera en principe coincée.

    Troisièmement, la molécule est classée « très toxique pour les organismes aquatiques ».

    Quatrièmement, une source comme Pestweb Canada le donne comme cancérogène de catégorie 1A, mais elle semble isolée. La dose journalière admissible du flazasulfuron est de 0,013 mg/kg poids corporel/jour – contre 0,5 mg/kg p.c./jour pour le glyphosate. Il ne s’agit nullement de peindre ici le diable sur la muraille – il ne faut pas confondre le danger et le risque et tenir compte notamment de l’exposition. Mais si l’on s’en tient aux gesticulations des antipesticides, c’est tomber de Charybde (fille de Gaïa…) en Scylla.

    Rêves et délires

    C’est vraiment par hasard que nous avons trouvé que la SNCF élaborait une charte de bonnes pratiques – ou d’engagements en application de l’article 83 de la loi Égalim (les fameuses « zones non traitées »)… et consultait le public d’une manière qui semble bien confidentielle.

    Elle vient notamment d’écrire :

    « Les alternatives au glyphosate et aux produits phytosanitaires conventionnels

    SNCF a engagé un programme de recherche d’alternatives à l’usage des produits phytosanitaires de synthèse qui a permis d’aboutir à une sélection de projets faisant l’objet d’études de faisabilité ou de tests opérationnels (selon le niveau d’avancement des recherches).
    De telles solutions ne présentent pas, toutefois, le niveau de maturité attendu et nécessitent plusieurs années pour conduire les phases de confirmation de leur efficacité, de prototypage, de test, d’homologation et d’industrialisation . »

    Moyennant quoi SNCF Réseau ambitionne de ne plus utiliser de glyphosate dès fin 2021 – c’est même un engagement –, de pérenniser les solutions sans glyphosate à partir de 2022 et « de se rapprocher du Zéro Phyto conventionnel (incluant possiblement une solution phytosanitaire à 100 % en biocontrôle) ». Rêves et délires…

    Et ailleurs il est dit :

    « À partir de 2022, le désherbage des voies et pistes emploiera une proportion d’au moins 95 % de produits de biocontrôle, ces derniers étant sans rémanence dans l’environnement. »

    Compte tenu des volumes d’acide pélargonique nécessaires, le compte de 95 % est probablement bon. Mais « sans rémanence … » ne signifie pas sans effets…

    La SNCF se paye une bonne conduite ?

    En définitive, on peut s’interroger sur les finalités réelles des démarches.

    Certainement faire plaisir à un gouvernement, l’actionnaire majoritaire qui tient les cordons de la bourse, et répondre à ses lubies sans égards pour les réalités techniques et économiques ; sans doute aussi faire (et se faire) plaisir en surfant sur la vague du rejet des pesticides… « de synthèse » ou « conventionnels ».

    À quel prix en termes de sécurité des personnes et des biens ? On peut ne pas être optimiste.

    Renoncer au glyphosate et gesticuler sur les pesticides « de synthèse ou « conventionnels » vaut bien quelques sacrifices… Il n’y a pas que chez les particuliers et les collectivités locales que pour désherber il faut être fou pour dépenser moins… à la SNCF aussi.