• chevron_right

      Affaire du siècle : la baudruche écolo se dégonfle

      Philippe Charlez · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 January, 2021 - 03:40 · 7 minutes

    affaire du siècle

    Par Philippe Charlez.

    Historique et revendications

    Le 17 décembre 2018, en pleine crise des Gilets jaunes , quatre ONG environnementalistes (Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France) envoient une missive au gouvernement. Elles y accusent l’État d’être défaillant en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

    Pour appuyer leur démarche, les quatre ONG lancent une pétition en ligne le 18 décembre 2018. En 36 heures le nombre de signataires atteint le million puis deux millions en un peu plus de trois semaines.

    Bien que la comptabilisation des signataires organisée par Greenpeace ait pu faire l’objet d’interrogations, cette action qui prend le nom d’ Affaire du siècle est alors portée devant le tribunal administratif de Paris.

    Le recours demande aux autorités judiciaires de condamner l’État pour ses « manquements en matière de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre et de lutte contre le changement climatique » . La première audience de ce procès emblématique a eu lieu devant le tribunal administratif de Paris ce jeudi 14 janvier 2021. Une mise en accusation vague et générale qu’il convient d’abord de détailler et d’analyser.

    Selon l’Affaire du Siècle, « la France ne respecte pas ses objectifs de court terme que ce soit en matière de réduction de gaz en effet de serre, de développement des énergies renouvelables et de l’amélioration de l’efficacité énergétique » .

    Reprenant les conclusions du dernier rapport du GIEC, ces « non-respects » auraient des conséquences significatives sur le réchauffement planétaire : changement de la composition de l’atmosphère, acidification des océans, fonte des glaces, hausse du niveau des mers, perte de biodiversité, dégradation de la qualité de l’air, exposition de la population à des phénomènes météorologiques extrêmes (vagues de chaleur, précipitations extrêmes, ouragans). Plus la liste est longue plus l’émotion est forte !

    Au titre de la Constitution française ( protection des citoyens vis-à-vis des risques environnementaux ), mais aussi de ses participations et engagements dans des instances internationales (convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, convention-cadre des Nations Unies, Accords de Paris) la France serait donc pénalement responsable des conséquences de ses non-respects.

    Situation de la France aujourd’hui en termes de GES

    Selon l’Affaire du Siècle, depuis le premier Grenelle de l’environnement et au fil des plans pluriannuels sur l’énergie et des lois sur la transition énergétique, la France s’est ainsi engagée à :

    • réduire ses émissions globales par rapport à 2005 de 14 % à horizon 2020 et de 37 % à horizon 2030,
    • porter la part des énergies renouvelables à 23 % de sa consommation d’énergie finale en 2020
    • réduire sa consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030

    Depuis 2005, les émissions de la France se sont réduites de 24 % passant de 390 MtC02 à 299 MtC02 en 2019. L’Hexagone a donc largement dépassé les objectifs qu’elle s’était fixés.

    Par contre, l’objectif renouvelable est loin d’être atteint puisqu’en 2019, sa part (incluant l’hydroélectricité) dans l’énergie finale n’était que de 11 %. Impossible dans ces conditions d’atteindre les 23 % annoncés pour 2020. Enfin, en ce qui concerne l’énergie finale, elle a été réduite de 7 % entre 2012 et 2019.

    L’analyse de l’Affaire du siècle est contestable. L’accroissement largement insuffisant de la part des renouvelables et la réduction insuffisante de la consommation n’interviennent que comme « outil de réduction » ; ils ne sont en rien des critères pertinents pour juger si la France respecte ou pas ses engagements climatiques.

    Seule la réduction des émissions de GES représente le « juge de paix » du réchauffement climatique. Et sur ce point la France a largement rempli ses engagements. Quant aux objectifs post-2020 même si certains ne seront à coup sûr pas atteints, un tribunal ne peut pas préjuger l’Etat sur ses visions prospectives.

    Nous critiquons quand même au passage la naïveté des agendas inversés systématiques des gouvernements se donnant des objectifs irréalistes à long terme sans se poser de questions sur les moyens techniques et économiques pour y arriver, ni sur les conséquences sociétales que ces agendas pourraient engendrer.

    Ainsi, peut-on démontrer facilement qu’une réduction de la consommation finale de 50 % à l’horizon 2050 deviendrait incompatible avec une croissance économique même faible.

    L’Affaire du Siècle se garde bien de signaler dans sa missive que grâce à sa génération électrique nucléaire , la France est parmi les meilleurs élèves du monde en termes d’intensité énergétique (1 kWh/euros) et champion d’Europe toutes catégories en termes d’émissions par habitant (4,5 tCO2/hab). Et que finalement ses émissions sont inférieures à 1 % des émissions mondiales. Rendre la France responsable de tous les maux climatiques est aussi injuste que stupide.

    La mémoire courte

    Avant d’attaquer le gouvernement, certains leaders de l’Affaire du Siècle auraient dû commencer par s’autoflageller. Nous pensons à Nicolas Hulot dont la fondation est l’un des quatre signataires.

    Quatre mois avent le déclenchement de l’Affaire, l’ancien journaliste vedette était toujours ministre de la Transition écologique et solidaire. Il avait démissionné sans préavis le 28 août 2018 invoquant « l’accumulation de frustrations, de défaites, d’arbitrages qui se sont faits systématiquement au profit des lobbies du vieux monde au détriment de l’environnement et de la santé ».

    Une démission sonnant comme un électrochoc environnemental, un message subliminal à la planète verte et à l’écologie militante. La réalité était évidemment toute autre.

    Bien au-delà des « lobbies fantômes » la démission de Nicolas Hulot n’est que le résultat de l’impitoyable réalité des chiffres que les politiciens détestent dans la mesure où ils leur donnent rarement raison.

    Son rétropédalage sur le nucléaire de novembre 2017 fut pour le ministre en herbe le début d’un long chemin de croix au cours duquel la réalité des faits l’a chaque jour emporté sur ses convictions, irréalistes au moins dans leur timing.

    Et que dire de Cécile Duflot , aujourd’hui présidente d’ Oxfam France et signataire d’un document attaquant l’État pour sa carence en termes de rénovations énergétiques de l’habitat. Elle a probablement oublié qu’elle fût ministre de l’Égalité des territoires et du logement dans les gouvernements Ayrault I et II de mai 2012 à mars 2014.

    On perçoit donc derrière l’Affaire beaucoup de frustrations et de ressentiments politiques, des frustrations qui ne feront malheureusement pas… baisser nos émissions de gaz à effet de serre.

    Un climat instrumentalisé

    Derrière l’Affaire se cache surtout une stratégie qui vise à démanteler notre société de croissance et son démon capitaliste que les écologistes détestent au plus haut point.

    Cette nouvelle forme de lutte des classes qui s’appelle le marxisme écologique mélange de façon sournoise requêtes énergétiques, pétitions sociétales et tentations décroissantistes.

    Ainsi, les « demandes politiques » de l’Affaire partent du constat que « notre modèle économique actuel n’est pas viable et génère pollutions, maladies, inégalités et injustices » .

    Elle mélange les genres en réclamant à la fois « le développement massif des énergies renouvelables » considérant que « le nucléaire reste le principal frein aux économies d’énergie et au développement des énergies renouvelables » mais aussi « une fiscalité socialement juste au service de la lutte contre le changement climatique » et « la fin des cadeaux aux grandes entreprises » .

    Le réchauffement climatique ne serait que le fait de quelques riches privilégiés et de quelques lobbies industriels égoïstes qu’il suffirait de détruire pour résoudre le problème. Pour arriver à cette conclusion naïve, les ONG ont aussi la fâcheuse tendance d’interpréter les chiffres à leur avantage.

    Ainsi OXFAM France affirme que les 10 % les plus riches de la planète sont responsables d’environ la moitié des émissions mondiales de CO₂ alors que dans la réalité, les pays de l’OCDE en émettent 35 % contre 65 % pour les pays émergents.

    • chevron_right

      Ismaël Saidi déconstruit les manipulations de l’antiracisme

      Nathalie MP Meyer · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 January, 2021 - 03:30 · 7 minutes

    Ismaël Saidi

    Par Nathalie MP Meyer.

    Intéressante controverse, il y a quelques jours, sur Twitter.

    Premier acte : l’ancien policier et dramaturge belge Ismaël Saidi , musulman d’origine marocaine, estime sur France Inter au micro d’une Léa Salamé totalement estomaquée que la discrimination à l’embauche à raison de l’origine maghrébine ou subsaharienne des candidats existe en France, mais comme exception, en aucun cas comme norme :

    « Vous voulez que je vous les montre, moi, les légions de Mohamed, Rachid, Fatima qui ont des boulots de dingue, qui ont des boulots qui sont exceptionnels et qui ont fait leur vie ? Mais vous savez, la majorité, on ne l’entend pas. Et le problème, c’est qu’il faut tendre l’oreille pour entendre le murmure de la majorité, sinon on n’entend que les cris de la minorité. »

    Houla. Typiquement le genre de discours à éviter si l’on ne veut pas passer pour un collabo de la « colonialité du pouvoir » aux yeux de nos intellos indigénistes décoloniaux. Cela fait longtemps que ces derniers ont « établi », ou plutôt nous assènent sans accepter la moindre réplique, que la France est l’épicentre d’un racisme d’origine coloniale (et patriarcale – convergence des luttes oblige) :

    qui « s’est reconfiguré et continue d’agir, notamment à travers l’ensemble des stratégies capitalistes extractivistes, qui conduisent à la surexploitation des humains, des ressources et au changement climatique. » (Propos tenus par une sociologue pas plus tard que samedi dans l’hebdomadaire Le Point )

    D’où le second acte : pour Aurélien Taché , député non inscrit venant de l’UNEF puis du PS puis de LREM qu’il vient de quitter pour retourner plus à gauche, les propos d’Ismaël Saidi font de lui un « idiot utile » de l’ordre établi, ordre dont toutes les études montrent depuis 30 ans qu’il est foncièrement raciste et discriminatoire.

    À vrai dire, ni Saidi ni Taché ne nous donnent d’éléments statistiques pour apprécier la validité de leurs déclarations respectives. Si ce n’est que le premier a le bénéfice de l’expérience réelle tandis que Taché parle du haut de son idéologie socialiste et, d’une certaine façon, de son fonds de commerce antiraciste qui s’effondrerait s’il lui fallait reconnaître que la France n’est pas l’univers impitoyablement discriminatoire qu’il décrit.

    Mais il se trouve que sur ce sujet précis de la discrimination à l’embauche, on dispose d’une étude demandée tout spécialement par le gouvernement d’Emmanuel Macron afin d’orienter sa politique de testings et de name and shame , c’est-à-dire la dénonciation publique des entreprises qui discriminent afin de les livrer à l’opprobre de l’opinion publique. C’était même le job de Marlène Schiappa avant qu’elle ne suive Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur dans le gouvernement Castex.

    Entre octobre 2018 et janvier 2019, des chercheurs des universités Paris-Est Marne-La-Vallée et Paris-Est Créteil ont donc envoyé plus de 17 000 lettres de candidature ou de demande de renseignements fictives à 103 entreprises classées parmi les 250 premières capitalisations boursières. La première moitié des lettres émanait de candidats dotés d’un prénom et d’un nom d’origine française et l’autre moitié de candidats dotés d’un profil identique mais avec nom et prénom d’origine maghrébine.

    Pour la plupart des commentateurs, les résultats de l’enquête révèlent une situation évidemment catastrophique : les discriminations à l’embauche seraient « significatives » au sens où « les candidats nord-africains ont près de 20 % de réponses en moins que les candidats français ».

    Mais à examiner les éléments chiffrés de plus près, il y a largement de quoi douter du caractère concluant de l’étude. Car finalement, sur les 103 grandes entreprises françaises testées fictivement, seules 5 à 15 (selon le critère évalué) ont été identifiées dans l’étude comme discriminantes.

    Ismaël Saidi

    Autrement dit, 88 à 98 grandes entreprises françaises sur 103 ressortent du test sans donner lieu à la moindre critique du point de vue de la discrimination à l’embauche. Un résultat qui écarte toute idée de racisme systémique dans le monde de l’entreprise française et qui tend à faire nettement pencher la balance en faveur d’Ismaël Saidi.

    Ce dernier était l’invité de la matinale de France Inter du 14 janvier dernier pour présenter son livre Comme un musulman en France qui sort actuellement en librairie ( vidéo complète – à voir, 09′ 45″).

    Fruit de ses rencontres avec des jeunes de toutes origines et de tous lieux de résidence en France, en Belgique et en Suisse à la suite de la représentation de sa pièce satirique Djihad (2014) dans des lycées et collèges, le livre cherche à restaurer conversation et écoute dans une France où tout le monde regarde tout le monde en « chien de faïence » et il pointe l’effet profondément destructeur du discours victimaire servi et ressassé jusqu’à plus soif ainsi que la culpabilisation, en face, qui lui fait écho et l’entretient :

    « Si vous vous mettez en posture de coupable dès le départ, vous m’aidez, moi, à me mettre en posture de victime. » (Ismaël Saidi, tweet ci-dessous)

    Et voilà. À force de dénoncer des discriminations partout, tout le temps et à tout bout de champ, y compris où il n’y en a pas ou peu, à force d’en faire en quelque sorte un business politique, Aurélien Taché et toutes les associations qui occupent le créneau très valorisant de la lutte pour l’égalité et l’antiracisme précipitent l’émergence d’un sentiment de culpabilité dans la population d’accueil qui précipite lui-même un sentiment de victimisation chez les accueillis, lequel anéantit toute possibilité que les personnes ainsi assignées à leur statut de victimes cherchent à prendre leurs responsabilités et à agir personnellement sur leur vie.

    On repense alors à ce que disait Emma , cette dessinatrice de BD proche de l’extrême gauche dont je vous ai déjà parlé :

    « J’ai rencontré des ami·e·s politisé·e·s qui m’ont aidée à analyser la situation et à réaliser que si je rencontrais autant de difficultés, c’est d’abord parce que j’étais une femme. »

    On débarque là dans le champ des discriminations envers les femmes, mais les ressorts sont les mêmes : si les femmes, les Français d’origine étrangère, etc. ne réussissent pas, cela n’a rien à voir avec eux-mêmes, leurs compétences, leurs efforts, leurs mérites, ou pas, mais tout avec le fait qu’ils vivent dans une société raciste et patriarcale. D’où la revendication de la discrimination positive qui, avec ses quotas imposés, élimine talent et responsabilité personnelle du tableau pour ne retenir que des critères d’appartenance à telle ou telle communauté, telle ou telle minorité.

    En réalité, l’encouragement permanent à la victimisation des uns sur fond de culpabilisation judéo-chrétienne des autres tient plus du mépris envers les personnes « issues de la diversité » que de la reconnaissance de leur capacité à agir sur leur vie comme tout un chacun. Comme le disait Zohra Bitan , femme politique issue de l’immigration et ex-membre du Parti socialiste :

    « Si moi, tous les matins, devant ma glace, je m’étais arrêtée à ma tête d’arabe, je n’aurais pas avancé, je ne me serais pas intégrée et je n’aurais pas aimé ce pays. Il y a des xénophobes, il y a des racistes, il y a des antisémites dans ce pays, mais ce n’est pas le lot de toute la France. » (vidéo LCI , 2015)

    Et, ajoutait-elle, « y’en a ras-le-bol que le PS, à chaque fois, se cache comme des indignés de salon derrière le racisme ».

    Zohra Bitan cite le PS qu’elle connaît bien et qui venait de s’illustrer une nouvelle fois en taxant de raciste ou de xénophobe la moindre critique émise contre la ministre de l’Éducation nationale de l’époque Najat Vallaud Belkacem. Mais l’on peut constater avec Ismaël Saidi que la remarque s’applique encore aujourd’hui et concerne tous les professionnels de l’antiracisme qui ont fait du racisme et des banlieues un « commerce électoral » à leur profit.

    Sur le web

    • chevron_right

      Youpi, du bon gros régalien, juste là où il faut !

      h16 · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 08:30 · 6 minutes

    par h16

    En France, malgré les crises économiques, sanitaires ou politiques, on sait conserver le sens des priorités. Récemment, c’est dans le département de l’Isère que ce sang-froid républicain s’est le mieux illustré, avec une intervention aussi pertinente qu’indispensable des forces de l’ordre pour garantir une société apaisée et une morale sauvegardée.

    Il était temps : de dangereux retraités menaçaient d’utiliser leur droit d’expression et d’association pour réfléchir à des questions existentielles et apporter des réponses que la société réprouve.

    C’est ainsi qu’un retraité, ancien professeur de philosophie à l’Université, s’est vu placé en garde à vue avec une dizaine d’autres personnes pour soupçon de trafic de drogues. Non, il ne s’agit pas d’une resucée de Breaking Bad puisque la drogue dont il s’agit ici n’est pas de la métamphétamine mais plutôt du pentobarbital, un barbiturique interdit en France depuis 1996 dont un juge, saisi d’une enquête, soupçonne qu’il ait été fait usage pour aider certaines personnes à se suicider.

    Pour le moment, les recherches de stupéfiants n’ont rien donné, l’association – dont le professeur était un ancien responsable – ne faisant que réfléchir et militer pour le droit à l’euthanasie.

    Mais gageons qu’en mobilisant un nombre considérable d’heures de gendarmes, d’avocats, de juges et de fins enquêteurs, on parviendra à enquiquiner durablement ceux qui tentent de mettre fin à leurs jours avec des barbituriques, et qu’on les poussera plutôt à choisir des moyens d’en finir moins réprouvés par la société comme la pendaison, se jeter sous un train, se faire péter le caisson au calibre de chasse ou inhaler une bonne goulée de butane avant de faire partir en fumée le pâté de maisons environnant.

    Il faut dire qu’on n’a que ça à faire, dans le pays et dans la région : tout est très calme .

    Tenez, toujours en Isère, prenez Grenoble, tout à côté : c’est une ville fort calme, si calme, si paisible et si policée que cela permet aux forces de l’ordre de s’occuper de toutes ces petites affaires qui paraîtraient bien futiles pour les villes où délinquance, criminalité, trafics de stupéfiants et insécurité sont monnaie courante et qui, en conséquence, mobilisent la police en permanence.

    C’est une bourgade à ce point calme que j’en parle assez régulièrement dans ces colonnes : grâce aux actions décisives d’Éric Piolle, son kmaire vert en charge de saboter la ville et sa communauté, on a déjà pu voir une nette amélioration du niveau de vie des trafiquants d’armes et de drogues (et pas que du pentobarbital, hein !), une vitalité renouvelée du marché des stupéfiants régionaux, une vigueur retrouvée des guerres de gangs locaux, en parallèle d’une redéfinition complète de ce que peut être un centre-ville permettant à toute l’équipe municipale de propulser le chef-lieu de l’Isère vers le royaume envié des villes à effet donut .

    Encore une fois, les naïfs et les occasionnels de passage ici pourraient croire que j’exagère, mais la réalité a ce petit côté facétieux qui placent plutôt mes observations dans l’euphémisme. Ainsi, on découvre les palpitantes aventures de la crèche de l’Arlequin qui est fermée depuis le 5 janvier.

    Il apparaît en effet que de sympathiques commerçants en substances euphorisantes mais malencontreusement illicites occupaient aussi régulièrement qu’illégalement le bâtiment de la crèche de l’Arlequin et que, suite sans doute à un petit différend commercial ou organisationnel, nos frétillants vendeurs en étaient arrivés à menacer le personnel de la crèche qui, le lendemain, avait alors exercé son droit de retrait.

    La crèche fermée depuis lors, sa cinquantaine d’enfants et son personnel ont été habilement éparpillés par l’équipe municipale dans les crèches alentours, cette même équipe jugeant nécessaire que la tension retombe pour que tout rentre dans l’ordre.

    Pour le moment, l’idée ne semble pas avoir germé au niveau municipal que ce genre de tensions puisse être résolu par l’usage de la force légale et qu’elle mène à un petit nettoyage des environs de la crèche, pour faire bonne mesure. Un peu de procrastination, une bonne couche de bisounourserie, quelques bougies parfumées accompagnées de solides prières pour un retour au calme permettront, on s’en doute, de régler le problème avec le brio qui caractérise Piolle et son équipe .

    On a donc d’un côté les autorités légales qui s’amollissent progressivement au point de n’offrir plus aucune résistance à la pire racaille alentours, et de l’autre côté, les gangs qui usent de plus en plus d’arrogance et de violence, ces dernières se révélant largement rentables.

    De fil en aiguille, Grenoble et sa région, à force de choix vraiment fûtés dans l’emploi du régalien, vont parvenir à gentiment remonter le classement des villes les plus violentes du monde (sachant que Grenoble est déjà bien positionnée dans le classement européen ).

    Pas de doute, à la lecture de ces éléments, on ne peut que s’exclamer, goguenard, « Sacré Grenoble ! Sacré Piolle ! » et les plus optimistes d’entre nous pourrons feindre de croire que ce qui se passe à Grenoble reste à Grenoble.

    Malheureusement, il faut comprendre que cette ville est devenue, en quelques années de gouvernance écolo-boboïde gluante, un des phares nationaux indiquant la direction prise par toutes les autres villes à sa suite : Paris, Marseille, Nantes, Rennes, Lille et tant d’autres ont largement suivi la même pente de déliquescence choisie, depuis le choix de l’environnement contre les habitants notamment automobilistes , jusqu’à l’endettement plutôt qu’une gestion saine, sans oublier l’impasse sur l’insécurité, par pur calcul politique et idéologique foireux.

    Ces villes voient s’accumuler les problèmes graves (sociaux, criminels, environnementaux ou simplement d’hygiène), mais une partie de leur population, la seule à continuer coûte que coûte à s’exprimer dans les urnes après avoir écœuré et ostracisé toutes les autres, insiste pour conserver la voie choisie, dans laquelle le simple fait de réclamer des rues propres et normalement sûres revient à passer pour un extrémiste de droite.

    Ce qu’on observe en Isère est très malheureusement une parfaite illustration de la tendance générale : le régalien et la force légale ne sont plus utilisés qu’envers des citoyens sans défense et qui n’offrent aucune résistance. C’est catastrophique pour un pays de droit, ce sera en revanche parfait pour une dictature qui ne dit pas son nom.

    Le pire n’est pas certain, mais il se met en place, fait divers après fait divers.

    Français, tenez-vous prêts.


    —-
    Sur le web

    • chevron_right

      Économie française : la grande glaciation

      Pierre Robert · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 04:30 · 9 minutes

    Par Pierre Robert.

    Il n’y a pas que les doses de vaccin que l’on stocke dans des congélateurs. On y a aussi mis notre économie qui s’y engourdit dangereusement et, en France plus qu’ailleurs, risque d’avoir bien du mal à en sortir.

    Le 14 janvier 2021, les annonces de Jean Castex ont encore fait descendre la température de quelques degrés.

    Il n’y a pas que les personnes en surpoids qui sont affectées par la Covid. Elle frappe aussi nos administrations obèses en révélant une fois de plus leur prodigieuse inefficience. La crise a agi comme un scanner montrant que des pans entiers de l’action publique sont défaillants, minés par un excès de bureaucratie, « ce mécanisme par lequel une personne est confortablement coupée des conséquences de ces actes » selon la définition de Nassim Nicholas Taieb ( Jouer sa peau , éd. Les Belles Lettres, 2017).

    Ce qui est désormais en jeu, c’est la survie même de notre économie qu’un empilement de décisions administratives prises sur la base d’une erreur initiale d’appréciation a plongé dans un état de plus en plus préoccupant.

    Un étrange mimétisme

    À la fin de l’hiver dernier, une époque qui parait déjà si lointaine, le surgissement de l’épidémie a fait entrer le monde dans une période de radicale incertitude. L’avenir proche est devenu subitement illisible pour ceux qui doivent prendre des décisions. La théorie économique montre que dans ce cas le plus sûr est d’observer ce que font les autres et de les copier.

    Conformément à ce schéma la plupart des gouvernements ont adopté une stratégie de confinement, poussés par les conclusions alarmistes d’une étude menée au sein de l’Imperial College de Londres par l’équipe du professeur Neil Ferguson estimant que le virus pourrait infecter 80 % de la population et tuer entre 2 et 3 % des personnes contaminées

    À cela s’ajoute le fait qu’en France plus encore qu’ailleurs sévit le principe de précaution dont les retombées judiciaires poussent les décideurs à privilégier le scénario le plus pessimiste. C’est ce que s’est empressé de faire le Conseil scientifique mis en place par notre gouvernement pour éclairer ses décisions. Il craignait que le virus ne provoque une hécatombe hexagonale faisant en quelques mois de 300 000 à 500 000 morts.

    Une stratégie mortifère

    Toute la stratégie adoptée découle de cette analyse initiale. Elle n’est dictée que par un seul objectif, éviter l’engorgement de notre fragile système de soins, elle ne se réfère en dernier ressort qu’à un seul indicateur, le nombre de décès directement dus au virus.

    Tout a donc été subordonné aux impératifs sanitaires sans prendre en compte les dommages collatéraux engendrés. Or ceux-ci sont énormes, en France plus qu’ailleurs pour des raisons spécifiques à notre pays et tenant à l’inefficience de ses administrations et à la spécialisation de son économie dans des secteurs très vulnérables à la propagation du virus (tourisme, automobile, aéronautique).

    Ce qui rend la situation plus tragique encore est qu’on a réagi à l’excès sur la base de données erronées et qu’en dépit des dégâts provoqués par cette stratégie, la logique que suit le gouvernement le conduit à ne pas la remettre en question.

    Le maître du désastre

    C’est ainsi que certains de ses collègues épidémiologistes ont surnommé le professeur Neil Ferguson.

    En 2002, son modèle annonçait qu’au Royaume- Uni 150 000 personnes pourraient mourir de la maladie de la vache folle ; il y en a eu 177.

    En 2005, il prévoyait que la grippe aviaire pourrait faire jusqu’à 150 millions de morts dans le monde ; il y en a eu 282.

    Selon les spécialistes le modèle dont sont issues ses prévisions de 2020 est basé sur un code non divulgué de sorte que d’autres scientifiques n’ont pu à l’époque en vérifier les résultats.

    Pour la Suède il envisageait qu’en juin 2020 100 000 personnes seraient mortes du SARS-CoV-2 ; à ce jour on y a enregistré 9834 décès.

    Les limites manifestes de cette modélisation sont qu’elle se fonde sur des hypothèses exagérément alarmantes. Avant d’atteindre l’immunité collective qui limitera la transmission, ce sont entre 20 et 40 % de la population, et non 80 %, qui devraient être contaminés avec un taux moyen de mortalité par infection d’environ 0,25 %, dix fois inférieur à ce qui était annoncé.

    Dans une atmosphère de panique générale , cette étude n’en a pas moins eu un impact considérable sur les décisions prises. De fait, elle était en phase avec les angoisses et les peurs du moment et par effet de rétroaction les a puissamment catalysées. Au printemps dernier, c’est le scénario le plus pessimiste qui a paru le plus crédible et qui l’a emporté en provoquant d’énormes dommages collatéraux.

    Des dommages collatéraux très importants

    Par décisions administratives, nous ne pouvons plus depuis des mois aller ni au restaurant, ni au café, ni au cinéma, ni au théâtre, ni au concert, ni au musée, ni dans les salles de sports ; les voyages prévus ont dû être annulés, les mariages ont dû être reportés, les enterrements se font à la sauvette.

    Les fontaines à gel hydro alcoolique sont partout, les files d’attente s’allongent devant les magasins quand ils sont ouverts et nous ne croisons plus dans l’espace public que des personnes masquées. Dans cet environnement anxiogène on ne peut plus faire de projets, ce qui est un handicap majeur pour les chefs d’entreprise quand ils peuvent encore exercer leur activité.

    Outre le coût social très lourd qu’elle engendre la situation a un impact de plus en plus violent sur notre économie. Privée d’oxygène, elle fonctionne au ralenti avec des performances encore plus mauvaises en France qu’ailleurs.

    En 2020 le PIB est en recul de 4,2 % dans le monde, de 7,5 % dans la zone euro mais de plus de 9% en France selon l’OCDE. En 2021 des emplois y seront détruits en grand nombre, l’avenir des secteurs les plus touchés par les mesures de confinement et de couvre-feu paraitra de plus en plus incertain et les nuages s’accumuleront sur les étudiants en formation dont l’employabilité ne peut que se dégrader s’ils restent trop longtemps éloignés du marché du travail.

    En revanche, la victoire de l’économie de plateforme (celle que régissent Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft ou encore Zoom et autres Netflix,) est écrasante alors que les acteurs européens et singulièrement français en sont dramatiquement absents. De cette économie digitale dont les maîtres deviennent plus influents que les États nous ne détenons pas les clés.

    Nous devrons donc en subir la domination, faute d’avoir investi à temps dans les secteurs d’avenir. Reste seulement à espérer ne pas rater la prochaine révolution technologique, celle qui avec la 5G et les objets connectés devrait s’ordonner autour de la santé, de l’éducation, de la culture et de l’environnement. Mais pour y parvenir notre pays cumule des handicaps aggravés par la crise sanitaire.

    Quand on en verra la fin, son économie en sortira écrasée par la dette publique , une dette qui depuis 40 ans finance non des investissements porteurs d’avenir mais les dépenses courantes. En 2020 elle a servi à compenser les pertes de revenus des agents empêchés d’exercer par décision administrative. Elle a donc financé la chute du niveau de vie et l’appauvrissement du pays. Une fois l’épidémie jugulée, pour le malade le risque est désormais de mourir guéri.

    Réévaluer le dispositif

    Ce qui se passe depuis le printemps dernier est entièrement subordonné à des mécanismes politiques. La viabilité des firmes est directement conditionnée par des mesures administratives les autorisant ou non à fonctionner normalement. Leur multiplication a plongé notre économie dans une sorte de coma.

    Il est urgent de rectifier le tir en faisant quelque chose que nos administrations détestent faire par-dessus tout : évaluer l’efficacité des dispositifs qu’elles ont imposés à tous. Le bon sens voudrait pourtant que soit dressé le plus vite possible un bilan de leurs coûts et de leurs avantages. D’ores et déjà on peut en prédire la seule conclusion raisonnable : les dégâts de toute nature provoqués par cette stratégie de verrouillage sont infiniment supérieurs à ses avantages.

    Il ne s’agit pas pour autant de ne rien faire mais de cibler les mesures de protection, qui par définition ont un aspect coercitif, sur les 10 à 12 millions de personnes vulnérables face au virus en raison de leur âge, de leur poids ou de certaines pathologies. Cela permettrait de délivrer les 55 millions d’autres du carcan qui les étouffe sans pour autant les exposer à un risque significatif.

    Quant à la couverture vaccinale , il faut l’établir de la manière la plus large et la plus rapide que possible, ce que la France a les moyens de faire si on parvient à neutraliser les excès de sa bureaucratie.

    Remonter la pente ?

    Selon Robert Boyer se référant aux enseignements de l’histoire il faut beaucoup de temps pour effacer les traces d’une grande pandémie ( Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie , Ed. La Découverte, 2020). Mais ce délai varie selon les pays en fonction du degré plus ou moins élevé de réactivité de leur appareil industriel. À cet égard on retrouve le vieux clivage entre le nord et le sud de l’Europe. En passant du sixième au 26ème rang pour ce qui est du revenu par habitant, notre pays a depuis 40 ans dangereusement tendance à basculer du mauvais côté.

    La crise sanitaire peut être l’occasion de corriger le tir en rectifiant ce qui ne fonctionne pas ou mal.

    Cela veut dire réduire les dépenses publiques qui financent des administrations qui ont fait une fois de plus la preuve de leur inefficience. La France consacre à ses dépenses publiques l’équivalent de 56 % de son PIB, douze points de plus que l’Allemagne dont la population est pourtant plutôt mieux administrée, mieux soignée et mieux éduquée. Rien ne justifie un tel écart .

    Cela veut dire aussi stimuler l’investissement productif privé par des mesures fiscales d’allègement et non en les subordonnant aux oukases d’une superposition de comités Théodule qui tels le canard sans tête n’ont ni boussole ni direction.

    Le mieux que puisse faire aujourd’hui l’État c’est de favoriser et d’accélérer le plus tôt possible le retour du marché. Le danger fatal serait qu’il prétende réparer lui-même ce qu’il a détruit. Ce sont au contraire les forces du marché qu’il faut réactiver après qu’elles ont été trop longtemps étouffées.

    Pierre Robert est l’auteur de Fâché comme un Français avec l’économie , ed. Larousse, 2019.

    • chevron_right

      Carrefour/Couche-Tard : Bruno Le Maire s’empêtre dans ses contradictions

      Michel Albouy · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 04:15 · 5 minutes

    l

    Par Michel Albouy.

    Suite à l’annonce le 13 janvier 2021 du groupe canadien Couche-Tard de son intérêt pour prendre le contrôle de Carrefour , le microcosme politico-économique français s’est enflammé. Notre ministre de l’Économie s’est même étranglé d’horreur et a vaillamment déclaré, comme un vrai résistant courageux face à l’envahisseur, lors de l’émission C à Vous : « A priori, je ne suis pas favorable à cette opération ».

    Pour lui, Carrefour est un « chaînon essentiel dans la sécurité alimentaire des Français, dans la souveraineté alimentaire ». « Le jour où vous allez chez Carrefour et qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz, plus de biens essentiels, vous faites comment ? », a-t-il expliqué dans une belle envolée lyrique.

    Le jeudi matin suivant, l’action Carrefour, qui avait fortement progressé avec l’annonce de l’offre, refluait de plus de 5 % à l’ouverture de la Bourse. Chacun pourra apprécier la rigueur économique de notre ministre de l’Économie dont la formation littéraire ne l’a jamais préparé à de tels évènements.

    Carrefour : une entreprise encore française ?

    Qu’est-ce qu’une entreprise française ? La question hante les débats académiques en sciences de gestion. Mais deux indicateurs semblent s’imposer : le lieu de l’activité (chiffre d’affaires) et la composition du capital de la société.

    Selon les statistiques connues, Carrefour réalise moins de 50 % de son chiffre d’affaires en France (46,9 %) comme le tableau ci-dessous le montre. Au passage on note la forte présence du groupe au Brésil et en Espagne, deux pays qui n’ont jamais eu à se plaindre de la distribution de pâtes et de riz par Carrefour.

    La répartition très dispersée du capital de la société Carrefour ne témoigne pas également d’une prépondérance française. Certes, la famille Moulin 1 possède 9,74 % du capital de la société et associée aux familles Diniz et Arnault elles ne totalisent que 22,64 % du capital. Le reste est dispersé chez des investisseurs institutionnels étrangers et ou privés. Bref, pas de quoi considérer Carrefour comme un champion national.

    Clairement, au vu de ces chiffres (origine du chiffre d’affaires et répartition du capital), on peut légitimement s’interroger sur la nationalité du groupe Carrefour et sur la légitimité du ministre de l’Économie français Bruno Le Maire à s’opposer à la démarche du groupe canadien Couche-tard.

    Carrefour : un chaînon essentiel de la souveraineté nationale ?

    La question porterait à la dérision si ce n’était l’avis d’un ministre de la République française. On sait depuis longtemps qu’en France le patriotisme économique et la souveraineté économique sont des concepts à géométrie variable, sans véritable assise scientifique autre que celle du protectionnisme économique.

    D’une façon générale, nos dirigeants applaudissent lorsque nos entreprises prennent le contrôle d’entreprises étrangères mais sont farouchement opposés aux opérations inverses. C’est le « libéralisme » à sens unique. Une version édulcorée de celle de Lénine : « ce qui est à vous et à moi et ce qui est à moi est à moi » . Or, tous ceux qui connaissent le monde des affaires savent qu’il n’est pas possible de faire longtemps des affaires à sens unique.

    À supposer que Couche-Tard prenne le contrôle de Carrefour, qui peut raisonnablement penser (sauf Bruno Le Maire) que ses dirigeants voudraient priver les Français et les autres pays de pâtes, de riz et de yaourts ? Leur objectif sera sûrement, bien au contraire, de développer le chiffre d’affaires et peut-être d’améliorer la gestion de ce groupe de distribution.

    En réalité, Bruno Le Maire se trompe encore une fois de combat, comme dans le cas des dividendes. En prenant connaissances de ces déclarations, on ne peut que lui recommander de prendre un bon cours de gestion financière d’entreprise. En fait, le problème n’est pas le contrôle capitalistique d’un groupe de distribution, mais bel et bien la question des filières de production agricoles françaises. Mieux vaudrait s’intéresser, de façon intelligente, aux conditions de survie de nos producteurs agricoles, pour le coup bien français, eux.

    Carrefour : une entreprise responsable ?

    La mode est à la responsabilité sociale des entreprises . Dans le contexte exceptionnel de pandémie et dans une démarche d’entreprise responsable, Alexandre Bompard, le PDG, a fait part au Conseil d’administration de sa décision de renoncer à 25 % de sa rémunération fixe pour une période de deux mois (vous avez bien lu : deux mois sur douze que compte une année !).

    Et dans un souci de responsabilité sociale et sociétale, le Conseil d’administration a également décidé de réduire de 50 % le dividende proposé au titre de l’exercice 2019, qui s’élève ainsi à 0,23 euro par action. Chacun appréciera ce green washing à sa juste mesure qui est dans l’air du temps et qui devrait sanctuariser nos dirigeants bien-aimés, mais dont fâcheusement Couche-Tard, qui poursuit ses objectifs de croissance, avait l’air d’en avoir rien à faire de cette responsabilité sociale chère à Bruno Le Maire.

    Carrefour : épilogue trois jours après

    Est-ce la pression de nos autorités bien aimées, mais le 16 janvier 2021 Carrefour et le groupe canadien Alimentation Couche-Tard ont annoncé avoir interrompu leurs discussions préliminaires en vue d’un rapprochement entre les deux groupes. Dans un communiqué conjoint, Carrefour et Couche-Tard disent en revanche prolonger leurs discussions pour « examiner des opportunités de partenariats opérationnels ». Quand on connait le chevauchement géographique pratiquement inexistant entre les deux groupes, on devine ce qu’une telle déclaration signifie.

    Les dirigeants de la France, qui chaque année, accueillent à grands frais, à Versailles, de grands groupes internationaux pour les inciter à miser sur notre territoire et qui cherchent à attirer les investisseurs étrangers, ont un double discours.

    Dans la pratique, en repoussant les avances préliminaires d’un groupe québécois prêt à investir dans une entreprise française (sur le papier), Bruno Le Maire rappelle au reste de la planète que la France est un pays qui pratique le capitalisme à sens unique. Or, une telle pratique est incompatible avec les règles du jeu de l’économie de marché. Mais est-ce que Bruno Le Maire le sait ?

    1. Ginette Moulin est l’actionnaire majoritaire du groupe Galeries Lafayette. La fortune de la famille Moulin est estimée en 2018 à 3,9 milliard d’euros selon Wikipédia.
    • chevron_right

      Persécution des Ouïghours : le régime chinois est bien communiste

      Lionel Chanel · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 04:00 · 4 minutes

    Par Lionel Chanel.

    Les Ouïghours , cette population turcophone et musulmane de la province chinoise du Xinjiang, sont assujettis au pouvoir communiste de Pékin depuis 1950. Les camps de rééducation, lieux d’enfermement et de tortures physique et psychologique, représentent l’aspect le plus répugnant du totalitarisme à l’œuvre en Chine contre cette minorité.

    Des témoignages, comme celui de Gulbahar Haitiwaji , une rescapée de ces camps qui vient de sortir un livre sur son expérience de détenue , permettent de se faire une idée de l’enfer que subissent les Ouïghours.

    En plus des camps, les attaques contre la religion musulmane, contre le patrimoine architectural et l’isolement forcé auquel sont forcés les Ouïgours représentent d’autres méthodes de ce qui peut s’apparenter à un nettoyage ethnique. Le système de surveillance repose sur un « quadrillage » ( wange en langue chinoise) qui permet de récolter des informations sur la population par plusieurs canaux : écoutes téléphoniques, interceptions électroniques, perquisitions… Mais également, dans les régions où se manifeste une forte contestation du pouvoir communiste, ce dernier impose le rationnement de l’eau et des taxes supplémentaires.

    Le but de Pékin est de réduire à presque rien, sinon d’éliminer totalement, la culture ouïghoure. D’ailleurs le nom même de Xinjiang, « nouvelle frontière » traduit cette volonté de transformer cette région en une province parfaitement chinoise où elle envoie, parfois par wagons entiers, depuis des décennies, des colons chinois pour y faire grossir la population han.

    L’Autre, ennemi du régime

    La répression de populations pour des motifs ethniques n’est pas une nouveauté dans l’histoire du communisme. De la « décosaquisation » initiée par Lénine en 1919 aux persécutions, par les Khmers rouges, de la minorité musulmane cambodgienne des Chams, en passant, en URSS, par l’extermination des Ukrainiens par la faim (Holodomor) dans les années trente et la déportation des « peuples collaborateurs » durant la Seconde Guerre mondiale, nombreux furent les victimes des bouchers communistes assassinées en raison de leur appartenance à une nation ou une ethnie différente.

    Comment une doctrine fondée sur la « lutte des classes » et la « guerre contre la bourgeoisie » a-t-elle pu guider ses répressions et ses meurtres de masse par des impératifs ethniques ? C’est Thierry Wolton qui nous donne la réponse, dans le troisième volume de son Histoire du communisme .

    Les pouvoirs communistes, explique-t-il, dans leur désir de bâtir la cité idéale, devaient faire table rase du passé et détruire tout ce qui rattachait les hommes à l’ancien monde.

    La culture et la religion, évidemment, faisant partie de ces obstacles à éliminer, il n’est pas étonnant que l’utopie communiste se soit muée en « national-communisme » : la diversité des peuples formait un barrage sur la route menant à l’avenir radieux, il fallait donc l’éliminer. Il écrit :

    « Le national-communisme , […] est la seule voie possible que peut emprunter l’idéologie si elle veut trouver une concordance a minima avec la réalité 1 ».

    Ce décalage constant entre utopie et réalité trouvait, aux yeux des communistes au pouvoir, un élément d’explication chez l’Autre, considéré comme un ennemi du régime. Ce dernier étant totalitaire, il devait fatalement trouver des boucs-émissaires chez des peuples « étrangers ».

    Thierry Wolton écrit :

    « Le nationalisme est devenu prépondérant dans les régimes communistes dès que ceux-ci ont été en butte à des difficultés. Tous ont fini par s’y adonner car tous ont connu l’épreuve de vérité, l’inadéquation entre théorie et pratique, quand l’idéologie s’est brisée sur les écueils de la réalité. Le repliement sur soi des régimes totalitaires, qui est une obligation pour s’assurer une totale emprise sur la population, a provoqué un complexe obsidional qui a alimenté cette fuite en avant nationaliste 2 . »

    La véritable nature du communisme

    L’obsession ethnique, voire raciale, est-elle étrangère aux fondateurs du marxisme ? À lire certains de leurs écrits, non.

    La correspondance de Marx et Engels nous fournit des perles que la revue Histoire et Liberté , en 2006, avait mis en lumière 3 .

    Marx, ainsi, parlait des Espagnols : « Les Espagnols sont déjà des êtres dégénérés. Mais un Espagnol dégénéré, un Mexicain, voilà l’idéal. »

    Commentant un livre de l’anthropologue Pierre Trémaux, Marx dit à Engels que la preuve est faite « que le type nègre n’est qu’un type bien supérieur dégénéré » .

    À propos de la nation polonaise, Engels explique à Marx que « tout ce que les Polonais aient jamais fait dans l’histoire, ce sont des sottises » , et la qualifie même de « fainéante » . Il la compare à la Russie qu’il juge supérieure, malgré « toute sa vulgarité et sa malpropreté slave » .

    Le traitement inhumain infligé aux Ouïghours reflète la nature véritable du communisme.

    1. Thierry Wolton, Une histoire mondiale du communisme, tome 3, Les victimes, Paris, Grasset, 2015, p. 192.
    2. Ibid., p. 223.
    3. Histoire et liberté , printemps-été 2006. Toutes les citations qui suivent en sont extraites.
    • chevron_right

      « Nous Français, avons la meilleure administration du monde »

      Pierre-Joseph d’Haraucourt · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 03:40 · 5 minutes

    Par Pierre-Joseph d’Haraucourt.

    En 1980, le secrétaire d’État à la fonction publique, Jacques Dominati , estimait que nous possédions, nous Français, la meilleure administration du monde. La preuve : des délégations étrangères défilent sans cesse dans notre pays pour prendre modèle.

    Quarante années plus tard, son lointain successeur ne pourrait tenir les mêmes propos sans déclencher l’hilarité générale, les nombreux exemples récents étant suffisamment éloquents.

    Que s’est-il donc passé ?

    Comme dans toute organisation, il faut s’intéresser à ce qui se passe en haut de la pyramide.

    Jusque dans les années 1970, les jeunes gens ambitieux avaient comme modèles ces grands fonctionnaires qui avaient reconstruit la France après la Seconde Guerre mondiale puis qui l’avaient modernisée.

    Pour ne citer que quelques exemples : Louis Armand pour le transport ferroviaire, Pierre Guillaumat pour le pétrole et l’énergie atomique, Pierre Massé pour l’électricité, Paul Delouvrier pour les infrastructures et les villes nouvelles, Maurice Lauré pour la banque, plus tard Gérard Théry pour les télécommunications. Tous étaient de véritables bâtisseurs. Ils alliaient expertise technique et même scientifique, créativité et compétence managériale. On pouvait les qualifier au risque de l’oxymore, d’entrepreneurs publics.

    On cherche en vain aujourd’hui chez les hauts fonctionnaires ce type de profils emblématiques. Récemment, l’un d’entre eux, un des plus capés, Jean-Pierre Jouyet, qui a occupé tous les postes prestigieux de la République, vient de publier ses mémoires, L’envers du décor .

    On s’attendait à ce qu’un acteur et témoin privilégié de ce calibre remette en perspective tous les événements qu’il a vécus, les missions qu’il a ou aurait menées à bien, et en livre les clés pour mieux les comprendre. Hélas, il ne s’agit que de chroniques de Cour.

    Les étudiants des années 2010 qui ont encore le sens de service public n’ont plus de modèles à qui ils pourraient s’identifier.

    Les raisons connues de cette baisse de niveau

    Les privatisations, les délégations de service public, les conséquences de la RGPD de 2007 – excellente initiative sous-estimée, les résultats ne pouvant s’apprécier que sur le long terme- sont souvent mises en avant. Elles sont parcellaires.

    D’abord, en 40 ans, les différences de rémunérations entre les secteurs publics et privés se sont considérablement accrues. La mondialisation des grandes entreprises aidant, les salaires et autres avantages financiers des PDG se rapprochant des standards mondiaux, il a bien fallu faire de même pour leurs collaborateurs et de proche en proche, pour l’ensemble de l’encadrement supérieur.

    Par ailleurs, l’État, et c’est une bonne chose, s’est progressivement mué de maître d’œuvre à maître d’ouvrage. L’exemple de la Délégation Générale de l’Armement, administration de qualité qui a permis le renouveau de la production d’armement français sous les Quatrième et Cinquième Républiques est éclairant. De producteur et concepteur d’armes avec ses usines, laboratoires et centre d’essais, elle est devenue maitre d’ouvrage, c’est-à-dire spécificateur d’armes et de systèmes d’armes.

    À noter d’ailleurs que ce désengagement bienvenu de l’État ne s’est pas accompagné d’une baisse des effectifs de la fonction publique mais c’est un autre sujet, abondamment traité par les contributeurs de Contrepoints.

    Imaginons donc le cas d’un jeune ingénieur de l’armement.

    Il a le choix entre rester à la DGA, pour définir, spécifier, suivre les délais et les coûts des systèmes dont il est en charge, bref rester au balcon, ou se faire embaucher dans le privé pour contribuer à les réaliser dans les bureaux d’étude et les usines, et cela pour un salaire très supérieur à son traitement et avec une satisfaction intellectuelle supérieure. Si, de plus, il a le sens du service public, il pourra à juste titre considérer qu’il y sert mieux la collectivité nationale.

    À partir de 35 ans, les meilleurs fonctionnaires sont dans le privé

    Tous les DRH le savent. À plus de 35 ans, les meilleurs des fonctionnaires sont dans le privé. Bien sûr, cette appétence pour le privé ne concerne pas ceux en charge du régalien : militaires, diplomates, préfets, policiers, magistrats, professeurs, etc. Mais dans ces cas, il s’agit souvent de vocations, de métiers parfois prestigieux avec de vrais pouvoirs.

    Ce constat ne concerne pas non plus les fonctionnaires passés dans le privé et qui reviennent plus tard pour occuper de très hautes fonctions dans le cœur du réacteur nucléaire de l’exécutif.

    Face à cela, certains libéraux s’en félicitent. Cela ne peut que contribuer à l’affaiblissement de la sphère étatique. Mais c’est oublier que si ces fonctionnaires en place n’ont plus la capacité à avoir un rôle de locomotives, ils conservent néanmoins le pouvoir d’empêcher ou de ralentir.

    Il y a peu de solutions évidentes. Augmenter les rémunérations serait illusoire et aurait un effet boule de neige sur l’ensemble de la grille salariale de la fonction publique. Pas vraiment opportun !

    Discrimination positive et quotas ne règleront en rien la baisse constatée du niveau de notre administration

    Einstein disait qu’un problème sans solution est un problème mal posé. C’est vrai dans le domaine des sciences dures ; dans celui des organisations humaines, beaucoup moins. En tout cas, il est plus important d’essayer de trouver des solutions à celui-ci que de vouloir à tout prix revenir sur les principes de l’article 6 la Déclaration de Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 postulant que « tous les citoyens sont également admissibles à tous emplois publics et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

    Discrimination positive et quotas ne règleront en rien la baisse constatée du niveau de notre administration, sentiment maintenant partagé par la majorité de nos concitoyens.

    • chevron_right

      18 janvier 1871 : la proclamation de l’Empire allemand

      Gérard-Michel Thermeau · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 03:35 · 8 minutes

    Par Gérard-Michel Thermeau.

    La Proclamation de l’Empire allemand est une peinture d’Anton von Werner. Vous connaissez certainement cette œuvre. C’est la plus représentée dans les livres d’histoire après La liberté guidant le peuple de Delacroix. Elle célèbre la principale conséquence de la guerre victorieuse contre la France et le couronnement de l’œuvre de Bismarck. Il y a 150 ans, dans la galerie des Glaces de Versailles, les princes et généraux allemands proclamaient Guillaume Ier empereur allemand.

    Anton Von Werner, Proclamation de l’Empire allemand, 1885 (Wikimedia Commons)

    Cette image a tellement été reproduite qu’elle ne nous étonne plus.

    Et pourtant.

    Quelle curieuse scène.

    Ce rituel, féodal par sa mise en scène, dans un décor de l’âge baroque, ne s’inscrit-il pas dans le siècle de l’industrie ?

    La proclamation de l’Empire allemand

    Au centre de la composition, mis en valeur par son uniforme blanc qui le détache du reste du groupe, Bismarck. C’est lui qui attire le regard et non celui qui est officiellement à l’honneur, l’empereur Guillaume. De même l’accent est mis sur les généraux, Moltke au premier plan, à la gauche de Bismarck et Roon, à sa droite, au pied de l’estrade. Derrière eux les autres généraux brandissent casques à pointe, épées et sabres.

    La posture de Bismarck est étrange. Ne parait-il pas porter un coussin sur lequel on s’attendrait à trouver une couronne. Pourtant point de coussin ni de couronne mais une sorte de tablette qu’il tient entre les mains.

    Sur une estrade, à gauche, Guillaume Ier, entouré de son gendre le grand-duc Frédéric de Bade et de son fils le Prince royal Frédéric, et des principaux princes allemands, paraît couronné par les drapeaux qui lui tiennent lieu de dais. Tous sont en uniforme, on chercherait en vain le moindre habit civil. Le grand-duc lance l’acclamation impériale à laquelle répondent les assistants.

    L’arrière-plan est aisément identifiable même si l’on ne voit que trois des miroirs de la galerie des Glaces.

    L’image d’une Allemagne militarisée

    Guillaume Ier n’a donc été ni sacré ni couronné. Il a été proclamé empereur par la noblesse allemande et de quelle martiale façon. Né de la guerre et de la victoire militaire, le deuxième Reich était-il donc voué à disparaître par la guerre et dans la défaite militaire ?

    La proclamation de l’Empire allemand , plus fameuse œuvre d’Anton von Werner, voulait transmettre pour la postérité la splendeur d’un nouveau Reich et d’une nouvelle ère. Pourtant, loin de l’image triomphale voulue par les commanditaires et l’artiste, cette scène a été réinterprétée, à la lumière des deux guerres mondiales, comme la représentation d’une Allemagne agressive et militarisée.

    Werner a réalisé non pas une fois mais cinq fois la proclamation de l’Empire allemand

    Anton von Werner a peint en fait quatre fois l’événement. La première toile, réalisée en 1877, est perdue : elle a disparu victime de la Seconde Guerre mondiale. La seconde en 1882 était une peinture marouflée ornant un mur de l’Arsenal (Zeughaus), sur l’avenue Unter den Linden, transformé en « temple de la gloire ». Elle formait un diptyque avec une autre œuvre représentant le couronnement de Frédéric III en 1701. Là aussi, l’effondrement du IIIe Reich a contribué à l’effacement de la proclamation du IIe Reich.

    C’est donc une troisième version, copie modifiée de la précédente, qui est reproduite dans tous les livres d’histoire. Elle a été réalisée en 1885 à l’occasion du 70e anniversaire de Bismarck.

    Napoléon avait imposé à David de placer sa mère absente, Letizia Bonaparte, sur la représentation du sacre. De même Guillaume fit rajouter Roon, ministre de la Guerre et ami de Bismarck, qui n’était pas là, sur cette troisième reconstitution de la proclamation.

    Citons, enfin, pour mémoire une dernière et tardive version en 1913 pour un lycée de Francfort également disparue après la Seconde Guerre mondiale.

    Il faudrait aussi ajouter une gravure sur bois, qui n’est donc pas une peinture, datée de 1880. Cette vision frontale met au centre l’empereur avec un Bismarck respectueusement en contrebas, sur la droite de la composition.

    La proclamation de l’empire allemand porte bien son âge

    Même si toutes ces peintures ont été réalisées par un témoin oculaire, elles ne représentent en rien des « photographies » de l’événement. En 1882, comme en 1885, les personnages ont l’âge de la représentation et non de l’événement. Bismarck et les autres protagonistes sont ainsi peints plus âgés qu’ils ne devraient être.

    Werner immortalise le « chancelier de fer » de l’Empire et non le ministre-président de Prusse. L’uniforme blanc et la décoration de l’ordre du Mérite, attribuée en 1884, sont ainsi « anachroniques » .

    L’empereur Guillaume devait justifier la liberté prise par l’artiste : « Vous avez eu raison, il n’avait pas une tenue appropriée ».

    Les différences sont significatives avec la première représentation de 1877. L’empereur et le chancelier étaient perdus dans la masse des participants avec une vue en perspective de la galerie. Ici les deux principaux protagonistes sont nettement mis en valeur. Les simples soldats, nombreux dans la première peinture, ont disparu à l’exception d’un seul cuirassier figé au garde-à-vous. Les 140 et quelques portraits individualisés de 1877 se réduisent à moins d’une trentaine de figures visibles en 1882 et 1885.

    Les symboliques d’une proclamation

    Dans la première peinture de Werner, l’endroit choisi pour la proclamation de l’Empire se dégageait plus clairement. Une fresque à la gloire du Roi-Soleil y décrivait le « Passage du Rhin en présence des ennemis, 1672 ». Dans l’esprit des vainqueurs de 1871, il s’agissait bien d’une revanche sur Louis XIV, le conquérant de Strasbourg, dont les troupes avaient ravagé le Palatinat.

    La date choisie est toute aussi symbolique. Le 18 janvier 1701 le premier roi de Prusse avait été couronné à Königsberg. Le nouvel empire s’affirme ainsi prussien par sa date de naissance.

    Mais quel titre donner à Guillaume ? Le vieux roi de Prusse aurait souhaité être « empereur d’Allemagne ». Son fils le Kronprinz Frédéric, et ses amis libéraux, penchait pour « empereur des Allemands ». Mais Bismarck impose une formule quelque peu étrange, « empereur allemand ». Le ministre-président a le souci de ménager l’amour-propre des princes allemands. Aucun des trois autres rois, Saxe, Bavière et Wurtemberg, n’est d’ailleurs présent à Versailles. Il ne s’agit donc pas de faire voler en éclats l’édifice en les subordonnant de façon trop visible au Hohenzollern. L’empire doit être une fédération d’États monarchiques.

    Quand au titre « empereur des Allemands », il ne saurait en être question. Frédéric-Guillaume IV avait rejetté la couronne impériale offerte par le parlement de Francfort en 1849 ne voulant pas d’une couronne ramassée dans le ruisseau. Sur ce point, son frère Guillaume, le « prince-mitraille » qui avait liquidé les révolutionnaires et républicains en 1849, n’avait pas varié d’un pouce.

    La proclamation dans une atmosphère tendue

    Le monarque, qui se veut roi de Prusse avant tout, ne s’imagine pourtant guère en nouveau Charlemagne ni même en Frédéric Barberousse. Les relations avec son Premier ministre sont donc loin d’être au beau fixe. Ce 18 janvier, la cérémonie se déroule dans une ambiance tendue.

    L’aumônier de la Cour, Bernhard Rogge, beau-frère du ministre Roon, prononce un étonnant sermon : « Bénis Seigneur, le Reich allemand, tous ses princes et tous ses peuples . »

    Le nouveau Reich y est assimilé au royaume de Dieu. Puis tous chantent le choral Maintenant remercions tous Dieu !

    Enfin l’assistance se déplace vers l’estrade où les princes allemands entourent Guillaume. Bismarck qui porte l’uniforme bleu des cuirassiers de Magdebourg, et non un uniforme blanc, se tient aussi droit que lui permet la goutte qui le fait souffrir. De sa voix haut perchée qui jure avec son physique, il lit la proclamation Au peuple allemand . La musique joue Salut à toi, couronné de lauriers . Le grand-duc de Bade lance le triple vivat : « Vive l’empereur ». Voilà, c’est terminé.

    Guillaume descend de l’estrade et passe devant Bismarck en l’ignorant totalement. Il reste et demeure roi de Prusse.

    La politique du fer du sang

    En 1882-1885, toutes ces questions de susceptibilité étaient bien oubliées. Guillaume a toujours eu l’intelligence de céder à son Premier ministre : « Bismarck est plus important que moi . » Le tableau de Werner porte ainsi un témoignage éclatant de la place centrale que tient dès lors le chancelier de fer.

    À côté des centaines d’officiers en uniforme rutilant présents à Versailles, seuls quelques députés du Reichstag représentent l’élément civil. Ils ont été mis à l’écart et ne figurent pas sur le tableau. Le peuple n’a décidément rien à voir dans cette affaire.

    « C’est la politique du fer et du sang qui célèbre à Versailles sa grand-messe » note Joseph Rovan dans son Histoire de l’Allemagne .

    Le lendemain de cette cérémonie, le 19 janvier, Trochu s’est résigné à tenter la « sortie torrentielle ». Elle était réclamée par Gambetta et l’extrême gauche qui dénonce depuis des semaines les « généraux capitulards ». Pour Gambetta à Bordeaux c’est simple : « Il faut sortir, sortir tout de suite, sortir à tout prix, sortir aussi nombreux que possible, sortir sans espoir de retour . »

    Le général Trochu a pris lui-même la tête des 60 000 hommes qui se dirigent sur Buzenval et Montretout. L’officier prussien Verdy note avec satisfaction dans son journal : « Le nouvel empire allemand a reçu aujourd’hui son baptême du sang… » Les Français perdent 4000 hommes sans pouvoir entamer les retranchements prussiens.

    Cet échec sanglant signe la fin de tout espoir pour Paris. Dix jours plus tard, l’armistice est signé entre le gouvernement provisoire et Bismarck. La guerre est virtuellement terminée.

    • chevron_right

      Éolien : le vent n’est pas et ne sera jamais rentable

      Michel Negynas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 18 January, 2021 - 03:30 · 5 minutes

    renouvelables

    Par Michel Negynas.

    Au départ, il y a plus de vingt ans, est née une fausse bonne idée : le vent est gratuit, et l’exploiter est le moyen le plus vertueux de produire de l’énergie.

    Cela fait partie des rêves écologistes, sympathiques au départ, avec un brin de poésie… mais qui tournent au vinaigre en face des réalités. C’est une situation assez courante, et la réponse de l’ écologisme politique est en général de se perdre dans la dissonance cognitive, c’est-à-dire de compenser par une fuite en avant idéologique ce que lui révèlent les données factuelles.

    Les subventions et les avantages initiaux donnés à la filière ne sont pas, en eux-mêmes, choquants. En effet, pour atteindre des coûts et des performances pérennes, toute activité a besoin d’expérience et d’effet d’échelle… Mais jusqu’à un certain point.

    Ainsi, en France, mais c’est vrai pour les autres pays occidentaux, dans un marché qu’on voudrait libéralisé, l’éolien bénéficie encore des avantages suivants :

    L’obligation d’achat

    C’est l’avantage le plus décisif et le plus étranger à un marché qui se voudrait libéral. Quel que soit le besoin, dès que les éoliennes produisent, le réseau doit acheter cette électricité. Cela oblige les autres producteurs à freiner leurs livraisons, et donc augmente leurs coûts au kWh, puisque leurs frais fixes sont moins couverts. Ceci est particulièrement défavorable au nucléaire, dont les frais fixes sont prépondérants par rapport aux coûts variables du combustible.

    Pire, dans certains contrats, si on oblige les opérateurs à arrêter leurs éoliennes (par exemple si, en été, le vent donne plus que les besoins), les opérateurs reçoivent une contrepartie égale à ce qu’ils produiraient à puissance maximale au prix qui leur est garanti. Ces opérateurs gagnent ainsi plus d’argent à ne pas produire qu’à produire.

    Les surcoûts

    Engendrés par l’intermittence et les caractéristiques technologiques ils sont supportés par le réseau. Comme montré dans un précédent article, ces coûts sont énormes. Par exemple, pour l’ offshore , le raccordement peut représenter 25 % de l’investissement total .

    Les prix d’achat

    Ils ont été longtemps fixés indépendamment de toute référence de marché. Ils sont maintenant soumis au marché, mais avec une compensation entre un prix garanti et le prix spot. Cela aurait pu paraître plus raisonnable, sauf que plus les prix spots sont bas, plus cela coûte à la collectivité. Et on verra que les prix spots seront de plus en plus souvent très bas.

    Les régulateurs

    Sous la pression des opérateurs, ils relâchent les règles sanitaires, sociales et environnementales d’autorisation des installations. Il est en théorie plus simple d’ériger cinq éoliennes de 250 m de haut que de construire un hangar de stockage d’électroménager. Seules les actions juridiques des opposants freinent l’hystérie des autorités et les actions marketing des opérateurs, lesquels sont souvent à la limite de l’éthiquement correct.

    La réalité crève les yeux

    Mais une activité qui a encore besoin d’être soutenue artificiellement après plus de vingt ans, et alors que les coûts sont arrivés à maturité, cela pose évidemment des questions embarassantes. D’autant plus que l’Allemagne nous fournit gracieusement une expérience en vraie grandeur de ce que nous prévoyons, nous aussi, de réaliser. Elle a construit 72 GW d’éolien. Voilà ce que cela donne sur la semaine du 11 au 17 janvier. Tout est en ligne sur le site Energy charts de Fraunhofer :

    L’apport du vent a varié en quelques jours de 40 GW à 4 GW ! Et où est le stockage, maintes fois promis, pour compenser l’intermittence ? Il n’existe pas, et ne sera jamais, et de loin, à hauteur des enjeux .

    Alors, qu’est ce que ça donne sur les prix de marchés (en bourse, pas les prix subventionnés). Eh bien le site de Fraunhofer publie une courbe pour l’année 2020 absolument parlante qu’il convient d’analyser.

    Sur cette courbe, on constate plusieurs éléments factuels :

    • Le réseau de points est bien plus dense entre 0 et 20GW, cela reflète bien que même quand elles tournent, les éoliennes sont généralement loin de leur puissance nominale.
    • Des écarts énormes de prix, de plus 200 euros à moins de 75 euros. Même si ces évènements sont rares, ils dénotent quand même un marché qui dysfonctionne.
    • Une remarquable anticorrélation linéaire entre prix de marché et puissance délivrée par l’éolien ; sans vent on est à 40 euros, un prix probablement très influencé par les prix de cession (imposés) du nucléaire. À environ 60 GW de vent, on est à zéro.

    Cette courbe reflète un raisonnement tellement bête que nos gouvernements successifs ne semblent pas l’avoir compris ; l’ENA prépare à de puissantes circonvolutions sémantiques, pas à des constatations factuelles.

    En effet, à partir d’une certaine pénétration de l’éolien dans le mix, soit il n’y a pas de vent, le prix de marché est élevé car la denrée produite est rare. Mais les éoliennes n’ont rien à vendre. Soit il y a pléthore, et la valeur du produit chute drastiquement car tous veulent vendre. Cela est du à une caractéristique essentielle et constamment occultée de l’électricité : à chaque seconde, la production doit égaler la consommation en tous points du réseau. Or, contrairement au discours des opérateurs d’ENR, généralement, la situation venteuse est la même sur une grande partie de l’Europe, y compris en mer. Il y a très souvent pénurie, ou, a contrario , surproduction. Et plus d’interconnexion ne changera rien.

    Conclusion

    Par nature l’éolien ne peut être rentable dans un marché vraiment libéralisé. Il ne le sera jamais. Il ne produit que lorsque les prix sont inférieurs à ses seuils de rentabilité. Et cela ira de pire en pire : actuellement, l’Allemagne a encore la possibilité d’exporter ses surplus sur ses voisins. Qu’en sera-t-il lorsque ceux-ci en seront au même point qu’elle ?