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      Après Donald Trump, le conservatisme américain en miettes

      Frédéric Mas · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 6 February, 2021 - 04:25 · 12 minutes

    Par Frédéric Mas.

    2016. Donald Trump prend la parole au Freedom Fest , l’un des rendez-vous politiques les plus en vues de la droite américaine. C’est l’occasion pour l’homme d’affaires devenu candidat aux primaires du parti républicain de se présenter aux diverses sensibilités, traditionaliste, libertarienne et néoconservatrice, qui constituent le mouvement conservateur américain .

    Il suffit de quelques minutes pour refroidir l’ambiance : le discours du futur président est incohérent et témoigne de sa méconnaissance complète des principes du conservatisme américain et d’un illettrisme économique qui font se dresser les cheveux sur la tête des libéraux les mieux disposés.

    La réaction de l’ establishment conservateur, cette nébuleuse de think tanks, revues, organisations politiques et commentateurs ne se fait pas attendre. Le 21 janvier 2016, ses principaux barons organisent un colloque anti-Trump , qui deviendra le fer de lance de l’opposition conservatrice à Trump pendant son mandat. S’y succèdent à la tribune le libertarien David Boaz du Cato Institute, le néoconservateur Bill Kristol, le populiste Glenn Beck, Thomas Sowell ou l’ex attorney general de Reagan Edwin Meese III.

    Tous expliquent que Donald Trump est un corps étranger au mouvement qu’ils ont façonné depuis des décennies, qu’il ne remplit pas les critères de base, et qu’il est même dangereux.

    Seulement, les électeurs américains ne les écoutent pas. Ils ne les écoutent sans doute plus depuis des années, et préfèrent voter pour cet outsider au style clinquant et au verbe haut, qui s’est construit sa réputation people grâce aux médias et à sa réussite en tant qu’entrepreneur.

    Une claque sans précédent

    C’est une claque sans précédent pour le mouvement conservateur américain. Depuis les années 1950, la nébuleuse idéologique s’était instituée d’abord en courant intellectuel respectable, puis en force politique suffisamment puissante et organisée pour peser sur l’appareil politique républicain.

    La naissance du conservatisme américain se fait d’abord autour de quelques intellectuels brillants et quelques revues à diffusion modestes, essentiellement cimentés par l’anticommunisme et le rejet de l’héritage socialisant de Roosevelt. S’y retrouvent des intellectuels traditionalistes, des néo-agrariens, des libéraux classiques et des libéraux de guerre froide (qui deviendront plus tard des « néoconservateurs ») 1 .

    Politiquement, il leur faudra une décennie pour prendre d’assaut le parti républicain, à l’époque centriste, et pousser leur propre candidat, Barry Goldwater . Mais l’Amérique n’est pas prête, et Goldwater est défait en 1964 face à Lyndon Johnson.

    Les Russell Kirk, Bill Buckley, Richard Weaver ou Harry Jaffa firent des pieds et des mains pour notabiliser le conservatisme, c’est-à-dire le sortir de la marginalité où ses ennemis voulaient le voir confiné. Rendre respectable le mouvement conservateur passait aussi par purger ses éléments jugés trop radicaux ou trop fantaisistes. Parmi eux, les libertariens jugés incontrôlables et pas assez hostiles à l’URSS, et l’extrême droite radicale, celle de la John Birch Society et du Ku Klux Klan, trop racistes et complotistes. « ‘Ike’ n’est pas un communiste, c’est un golfeur » , réplique le paléolibertarien Russell Kirk quand Robert Welch, le président de la John Birch Society, accuse Eisenhower d’être un communiste.

    L’institutionnalisation du conservatisme

    Les années 1970 et surtout l’arrivée de Reagan au pouvoir en 1981 seront l’occasion pour le conservatisme de s’institutionnaliser et de s’agréger à de nouveaux courants, en particulier la droite religieuse et populiste.

    Le conservatisme des débuts laisse la place à une galaxie de think tanks, d’experts politiques, d’organisations militantes, mais aussi de journaux, d’éditorialistes et d’influenceurs qui participent pleinement au débat public et au fonctionnement des institutions politiques américaines.

    L’arrivée en scène de Donald Trump a tout chamboulé. Pour beaucoup, ce sont des années de travail de notabilisation qui partent en fumée, une stratégie d’influence du parti républicain qui s’effondre et surtout les postes et l’argent afférents qui disparaissent. Tous les ingrédients sont là pour alimenter la guerre culturelle, y compris au sein de la droite américaine.

    La droite incarnée par Donald Trump surgit comme un violent anti-intellectualisme. Prenant ses racines dans la colère populaire du Tea Party contre les élites, qu’elles soient politiques ou financières, elle méprise les arguties des intellectuels et des journalistes pour se concentrer sur des problèmes qu’elle juge pratico-pratiques.

    Le style populiste de Trump séduit les classes populaires, l’Amérique ouvrière blanche sur le déclin, les régions sinistrées de la Rust Belt et les catégories sociales fragilisées par la mondialisation économique et que l’immigration mexicaine effraie. C’est l’Amérique malade et oubliée qui se retrouve dans le discours de Trump.

    Le trumpisme est d’abord une manière de communiquer plus qu’un catalogue de propositions cohérentes, un pragmatisme stratégique comme en témoigne son livre The art of Deal plus qu’une politique informée par des principes moraux ou philosophiques. Ses partisans ne s’y trompent pas : leur loyauté est d’abord émotionnelle, parfois jusqu’à l’aveuglement.

    Les digues sont rompues

    Avec Trump, la digue entre droite convenable et droite radicale est rompue, avec le concours de Trump lui-même dans le rôle de boutefeu. La campagne de Trump est vécue comme un espoir pour les franges les plus radicales et les plus loufoques de la droite américaine, rassemblées par les médias sous l’étiquette générique alt-right .

    On fait en général crédit à Hillary Clinton d’avoir ouvert la boîte de Pandore en invoquant cette nouvelle extrême droite devant les caméras pour stigmatiser son adversaire républicain, lui donnant ainsi une publicité extraordinaire.

    L’ alt-right désigne à l’origine un agrégat hétéroclite surtout présent sur les forums et les réseaux sociaux, de déçus du « conservatisme convenable » ou du libertarianisme radical, de trolls anti-gauchistes ou anti-politiquement corrects et des néo-nazis plus ou moins assumés.

    L’ère numérique permet à ces nouvelles radicalités de dépasser leur audience groupusculaire et de toucher de nouveaux publics plus jeunes.

    Très rapidement cependant, la baudruche de l’ alt-right se dégonfle, en partie après la parade raciste et folklorique de Charlottesville en 2017 . L’ alt-righ t IRL est beaucoup moins subversive et beaucoup plus inquiétante, y compris sur l’état psychologique d’une partie de la jeunesse radicalisée.

    Trump, en politicien pragmatique et ignorant des usages qui se pratiquent dans le petit monde de la droite américaine, se fiche des étiquettes et s’appuie sur l’expertise de Steve Bannon, qui lui-même ne cache pas ses sympathies avec certaines franges de la droite radicale.

    Les réticences de Trump à condamner les rapprochements et les confusions qui se font à la base sur fond de panique identitaire achèvent la stratégie de notabilisation de la droite américaine. Elles ne font qu’ajouter à l’hystérie anti-Trump qui secoue le monde médiatique et toute la gauche américaine remontée à bloc.

    La crise du conservatisme

    Si Trump se passe de l’avis de la galaxie conservatrice, qui s’efface devant le brouillard médiatique de l’ alt-right , c’est qu’elle ne représente plus rien. Depuis des décennies, sa base sociologique vieillit et se rétrécit . Son discours « fusioniste 2 » apparaît en décalage avec les transformations profondes qui traversent le pays.

    Incapable de séduire les nouvelles générations plus libertariennes, devenu inaudible pour des classes moyennes sous tension avec l’approfondissement de la mondialisation, snobé par les classes montantes issues des Big Tech, le conservatisme s’est ossifié. Avec Trump, il est carrément mis sur la touche. Pour éviter la mort et le dépérissement, plusieurs initiatives vont voir le jour.

    Dans un premier temps, une partie de la droite pensante se dit qu’il vaut mieux, à la veille du scrutin, faire partie du camp vainqueur pour continuer à influencer le GOP que de rester en dehors et de se retrouver à nouveau en position marginale. Des libertariens autour de Walter Block laissent tomber le candidat du Parti libertarien jugé trop mou et trop proche des élites de Washington.

    Les néoconservateurs du Claremont Institute vont théoriser l’investissement idéologique du trumpisme pour mieux le changer de l’intérieur. « 2016 est l’élection du Vol 93 : chargez le cockpit ou vous mourrez » déclare l’auteur de l’essai remarqué qu’ils publieront à la veille de l’élection de Trump, faisant référence à la révolte des passagers du Boeing qui ont empêché les terroristes de se crasher sur le Capitole. Un embryon de trumpisme idéologique voit le jour, avec ses revues, ses penseurs et ses nouvelles marques idéologiques, incarné un temps par la revue néo-hamiltonienne American Affairs .

    Une nouvelle droite nationaliste

    Face au déclassement d’une partie de sa base électorale et à la peur du déclin de l’Amérique dans le monde, une partie du conservatisme américain s’est en quelque sorte européanisée, puisant dans les idées des courants réactionnaires pour tenter de faire revivre un mouvement politique épuisé. Pour la première fois de son histoire, elle s’invente une identité en dehors de la tradition libérale qui est celle de l’histoire de la république américaine.

    Cette droite qui se réinvente une fois Donald Trump élu s’inspire des expériences illibérales européennes à la Viktor Orban ou Matteo Salvini. Tout en reconnaissant les limites du personnage Trump, elle s’est découverte nationaliste , populiste et anti-libérale, et instruit le procès du consensus « fusioniste » du conservatisme américain traditionnel.

    On trouve parmi ses nouvelles références le journaliste Yoram Hazony, qui dans  le livre The Virtue of Nationalism (2018) réhabilite le nationalisme, ce droit collectif des peuples à se gouverner eux-mêmes, contre l’impérialisme et ses formes modernes que sont les organisations politiques supranationales de type ONU ou Union européenne.

    Les essais de David Goodhart et de Charles Murray alimentent la réflexion commune sur les nouvelles fractures sociales entre le peuple et ses élites. Par leur lecture sociologique et géographique, ils dessineront les nouveaux clivages entre des classes populaires reléguées aux périphéries des villes et aux attentes conservatrices en termes d’identité et d’immigration, et les classes supérieures à la mentalité plus cosmopolite et progressiste.

    Pour Christopher Caldwell, la victoire de Donald Trump se construit sur l’échec du parti républicain à tenir ses promesses, devenues intenables depuis la révolution des droits civiques des années 1960. Dans The Age of Entitlement : America Since the Sixties (2020) il rend compte de l’incapacité des gouvernements républicains successifs à endiguer la progression d’un « Big Governement » qui désormais légitime sa dynamique de croissance sur l’exigence d’égalité raciale et multiculturelle.

    Plus fondamentalement, certains acteurs de cette « nouvelle droite » comme le constitutionnaliste Adrian Vermeule, les journalistes Sohrab Ahmari ou Tucker Carlson ou le politologue Patrick Deneen vont instruire le procès du libéralisme classique , accusé d’avoir érodé les fondements sociologiques d’Amérique traditionnelle laminée par le laxisme culturel et le libre-échange.

    Le vol 93 s’est finalement écrasé

    Le vol 93 qui servait de métaphore aux néoconservateurs acquis au trumpisme s’est finalement écrasé, comme l’avion de 2001. La présidence de Donald Trump s’est achevée dans la douleur. Le spectacle lamentable de la prise d’assaut du Capitole par quelques agités déguisés en révolutionnaires a effacé en quelques images le bilan contrasté du magnat de l’immobilier.

    Avec l’ élection de Joe Biden , le retour au pouvoir des démocrates s’est fait avec un esprit de revanche intact depuis la défaite cuisante de 2016. Pour beaucoup de militants progressistes, il faut désormais condamner Trump , effacer d’un trait de plume rageur le trumpisme de l’histoire des États-Unis, et éliminer du débat public tout ce qui peut s’apparenter à cet héritage politique et culturel maudit. La chasse aux sorcières a commencé, et la liberté d’expression sur les réseaux sociaux en est la première victime collatérale.

    Le parti républicain est à la fois divisé et déconsidéré, et la décomposition du conservatisme américain traditionnel s’est accélérée. Les libertariens, les traditionalistes et les néoconservateurs espèrent retrouver leur ancien magistère sur la droite, mais le monde a changé, leur public s’est dispersé, fractionné par la guerre culturelle qui déchire le pays. Leur autorité n’est plus la même.

    La version nationale-populiste du conservatisme américain, qui reste minoritaire, survivra-t-elle à la déconvenue politique de Trump lui-même ? Mystère. Seul l’avenir nous le dira. Donald Trump n’a pas dit son dernier mot, mais sa fanbase n’est pas nécessairement prête à écouter son nouveau clergé intellectuel informel.

    Si le mouvement conservateur américain veut rebondir, il doit tout reconstruire, depuis ses fondements intellectuels jusqu’à sa base sociologique. Après le choc du trumpisme et le retour d’un parti démocrate acquis aux pires délires liberticides de l’idéologie diversitaire, il n’a pas le choix, il doit se refonder. Seul un retour aux origines libérales de l’Amérique peut en raviver l’esprit.

    1. George H. Nash, The Conservative Intellectual Movement in America Since 1945 , 1976.
    2. Le fusionisme est le mélange de traditionalisme moral, de libéralisme économique et d’autoritarisme en politique étrangère qui constitue les éléments de base de l’idéologie droitière américaine la plus commune. Il s’agit d’une idée inspirée par les écrits du conservateur libertarien Frank Meyer.
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      9 informations à connaître sur l’Asie

      Yves Montenay · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Saturday, 6 February, 2021 - 04:20 · 18 minutes

    Un entretien dirigé par François Vuillerme pour le blog Les sherpas .

    Les villes chinoises, preuve du spectaculaire rattrapage du pays

    Bonjour monsieur Montenay, j’aimerais commencer cette interview en abordant le cas de la Chine qui est aujourd’hui le premier challenger des États-Unis. Comment s’explique l’exceptionnel développement qu’a connu le pays depuis plusieurs décennies ?

    Yves Montenay : La réponse la plus simple est qu’il s’agit d’un rattrapage comme expliqué dans un de mes articles . Je résume : l’Occident a mis au point non seulement des techniques, mais aussi des modes d’organisation et de formation qui expliquent son développement. Il suffit d’y puiser pour se développer très rapidement.

    D’abord, pour nourrir la population, Deng Xiaoping a permis aux paysans de vendre leur récolte au lieu de l’apporter aux kolkhozes. J’étais au Vietnam quand le gouvernement communiste vietnamien a fait de même : le temps d’une récolte on est passé de la famine à l’abondance. Il y avait tellement de riz qu’on ne savait plus où le stocker et des montagnes de riz envahissaient les routes.

    Concernant l’industrie, on a autorisé l’arrivée d’entreprises étrangères, ce qui entraîne une foule de progrès, par exemple :

    • Permettre à un jeune agriculteur chinois à productivité marginale nulle (car une personne de moins dans l’exploitation familiale ne change pas sa production) de devenir ouvrier chez un sous-traitant d’Apple génère une augmentation considérable de la productivité.
    • Obtenir des devises, et pouvoir ainsi importer du matériel moderne, donc parallèlement libéraliser juridiquement le commerce international. Pour montrer à quel point l’impact est massif, rappelons que pour environ 1000 dollars on a aujourd’hui un ordinateur dont la mise au point historique depuis environ 60 ans (j’ai été directeur d’un service informatique en 1968 et les années suivantes) a nécessité des sommes fantastiques. Autrement dit, on achète 60 ans de développement pour pratiquement rien !

    On n’imagine pas aujourd’hui à quel point le communisme est bloquant , il faut des autorisations pour tout. Dans le meilleur des cas c’est lent, et en général c’est refusé car contraire à l’idéologie et vous classe politiquement du mauvais côté. On finit rapidement par ne plus rien proposer.

    Ce n’est pas du tout minimiser les mérites de la Chine que de parler de rattrapage, car très peu de pays dans le monde l’ont réussi aussi rapidement pour des raisons principalement de mauvaise gouvernance. Mais il faut insister sur les conditions nécessaires à ce rattrapage. En particulier l’entreprenariat local et étranger a besoin d’une alphabétisation générale et du respect de l’ordre public. Deux conditions qui n’existent pas dans de nombreux pays.

    Le développement des NPIA et du Japon

    Ce développement n’est pas spécifiquement propre à la Chine : avant il y avait le Japon et les NPIA (Hong Kong, Taïwan, Singapour, Corée du Sud). Comment expliquer l’essor de ces différents pays grâce à la mondialisation ? Quelles sont leurs forces ?

    Yves Montenay : Pour les mêmes raisons qu’en Chine, donc je court-circuite là aussi largement la politique et la macro-économie.

    Il est historiquement intéressant de voir les décalages dans le temps. Dans tous ces pays, l’irruption souvent militaire de l’Occident a été traumatisante, et il en est résulté des violences entre traditionalistes fiers de leur passé historique et modernistes décidant de copier l’Occident.

    C’est au Japon que les modernistes ont gagné les premiers (en 1868), ce qui explique son avance sur les autres pays. Et il est frappant de voir que son développement s’est considérablement ralenti depuis qu’il a rejoint en gros le niveau occidental, ce qui est une preuve indirecte du rattrapage.

    Pour les autres ça s’est fait progressivement à partir de 1950, ce qui explique leur avance sur la Chine, qui, elle n’a commencé qu’après la mort de Mao. Voir également un de mes articles sur ce sujet.

    Leurs forces d’aujourd’hui que vous signalez dans votre question sont tout à fait réelles, mais ne sont que des conséquences de ce qui précède. Je renvoie leur examen aux cours de géopolitique détaillés.

    Démographie et développement en Asie

    Quand on observe la réalité démographique de ces pays, on se rend rapidement compte qu’il y a un frein inéluctable à leur croissance. Le vieillissement au Japon et bientôt en Chine laisse des interrogations importantes sur la pérennité du développement de ces nations. En tant que spécialiste, qu’en pensez-vous ? Pensez-vous aussi que la Chine « sera vieille avant d’être riche » ? Quel sera la réalité de ce Japon qui refuse l’immigration ?

    Yves Montenay : Avant d’être le frein dont nous allons parler, la démographie les a au contraire aidés. C’est ce qu’on appelle « le dividende démographique ». Lorsque la fécondité baisse il y a une période de 20 à 30 ans pendant laquelle il y a peu d’enfants, beaucoup d’actifs et pas encore beaucoup de vieux. La croissance économique est donc favorisée pendant cette période, ce qui a été le cas dans tous ces pays.

    Mais le même mécanisme engendre plus tard le vieillissement : la diminution des naissances entraîne la diminution de la population active au moment où le nombre de vieux augmente rapidement. Le niveau de vie baisse alors à productivité constante. Comme la productivité continue d’augmenter, cette baisse du niveau de vie ne se manifeste pas pour l’instant, mais une partie des progrès sont « mangés » par le vieillissement. Et le seront de plus en plus.

    Le Japon est effectivement l’exemple le plus avancé de cette évolution. Le gouvernement en est conscient et pousse à l’immigration, mais se heurte aux électeurs qui y sont opposés. Voir mon article .

    L’Inde, une future super-puissance ?

    Au contraire, l’Inde est un peuple plus jeune qui connaîtra sa fenêtre d’opportunité en 2030. Cependant ses défauts structurels sont encore inquiétants. L’Inde sera-t-elle un jour en mesure de prendre la place de cette Chine qui paraît aujourd’hui si puissante ?

    Yves Montenay : Effectivement, l’Inde aborde le temps du « dividende démographique ».

    Mais elle a encore des handicaps profonds. D’abord son retard dans l’éducation (probablement le handicap plus important), retard dans les infrastructures, profondes fractures religieuses, linguistiques et sociales (mais, pour ces dernières, la Chine aussi même si elles ne peuvent pas s’exprimer).

    En particulier, il y a une fracture profonde entre la majorité hindoue et les minorités musulmanes et chrétiennes. Longtemps le pouvoir a été aux mains du Parti du congrès laïque, mais il est maintenant tenu par des activistes hindous qui estiment être les seuls Indiens légitimes.

    En particulier les musulmans, environ 200 millions, sont particulièrement brimés. Surtout au Cachemire où ils sont majoritaires et qui est revendiqué par le Pakistan. À côté du problème politique, il y a des retombées économiques : la vache est sacrée pour les Hindous , donc les bouchers et les exportateurs de viande sont en général musulmans, et le gouvernement actuel a pratiquement tué cette filière.

    Quant aux chrétiens, ils se trouvent soit dans des tribus ultra minoritaires de l’extrême, soit au contraire au Kerala, cet État du sud de l’Inde particulièrement développé « parce que nous avons été très tôt en contact avec des étrangers, et en premier les Arabes et les Portugais ». Jusqu’à tout récemment, Vasco de Gama y était enterré.

    Les infrastructures et l’éducation s’amélioreront petit à petit, les autres fractures c’est moins certain.

    En sens inverse, l’élite indienne est de bon niveau, comme en témoigne sa réussite aux États-Unis en particulier dans les technologies modernes. Comme en témoignent également le développement de la région de Bangalore, l’apparition d’un vaccin indien etc.

    D’un point de vue militaire, les nouvelles venant de Chine sont impressionnantes et on n’imagine pas que l’Inde soit au même niveau. Mais elle peut évoluer rapidement avec l’appui occidental. Elle vient notamment d’acheter des Rafales. C’est un point géopolitique important à suivre de près

    Reste la question de la démocratie. Le contraste avec la Chine pousse beaucoup d’observateurs à penser que c’est un handicap, et que le prix à payer pour rester un pays libre est économiquement très élevé. Mais à mon avis, c’est un a priori non mesurable et pas forcément justifié à long terme.

    Le débat démocratique peut éviter des erreurs stratégiques. On dit qu’il favorise l’action de lobbys économiquement conservateurs, ce qui est exact mais existe probablement également en Chine, quoique plus discrètement. Je pense par exemple au poids des entreprises publiques dans ce dernier pays.

    La démocratie permet aussi le libre débat des idées, pas seulement politiques mais également en sciences. La Chine a bénéficié d’une grande ouverture des États-Unis à ses étudiants, mais cette époque est probablement terminée parce que les étudiants chinois sont suspectés d’être des espions potentiels. Soit par conviction idéologique ou orgueil national, soit contraints et forcés par les pressions exercées par les services chinois sur l’intéressé ou sa famille. L’Inde bénéficie au contraire de ses relations avec les États-Unis, et chacun remarque que la mère de la vice-présidente actuelle, Kamala Harris, est indienne. Pour plus de détail sur cette question indienne, vous pouvez consulter mon article à ce sujet.

    Les limites de la Chine

    Il serait aussi intéressant de se questionner sur les limites de ce développement chinois ? Quels sont les principaux défauts que rencontre le pays qui risquent de lui faire du tort et de potentiellement l’empêcher d’atteindre son rêve, c’est-à-dire être la nation la plus puissante d’ici 2049 ?

    Yves Montenay : La première contrainte sera celle de la démographie, citée plus haut. Il est très difficile au gouvernement de pousser la fécondité à la hausse, alors que la politique de l’enfant unique , beaucoup trop longtemps pratiquée, était possible dans un régime autoritaire.

    On peut imaginer que le pouvoir sera de plus en plus sensible à cette question et va multiplier les mesures, la plus prévisible étant celle du recul de l’âge de la retraite, actuellement 60 ans, à 65 ans voire davantage. Elle aurait un effet massif et immédiat, mais serait probablement mal vue politiquement.

    Par contre les encouragements à la fécondité, prévisibles eux aussi, butent sur le prix des logements, le coût des études, le désir des femmes de travailler… et dans une moindre mesure sur la pénurie de femmes, puisqu’à l’époque de l’obligation de l’enfant unique les filles ont été victimes d’avortements sélectifs, et souvent d’infanticides.

    Et de toute façon, une éventuelle hausse de la fécondité mettrait plus de 20 ans avoir un début d’effet sur le nombre d’actifs, et 65 ans pour remodeler la pyramide des âges !

    Mais c’est une question pour les spécialistes, la majorité des commentateurs s’intéressant plutôt à la question du régime politique. La Chine a réussi à convaincre beaucoup d’observateurs que son régime était plus efficace dans tous les domaines et en particulier celui du développement.

    Personnellement je pense que les progrès récents et actuels doivent beaucoup à la mondialisation, pas seulement des capitaux et des marchandises, mais aussi celle des idées, notamment concernant les contacts avec l’étranger. Or la fermeture internationale d’Internet , la quasi interdiction de séjour des journalistes américains, l’inquiétude des investisseurs étrangers vont refermer intellectuellement la Chine. Cette inquiétude vient de la multiplication des règles imposées par le PCC aux entreprises et de la réaffirmation de l’autorité des cellules d’entreprise de ce dernier.

    Cette incertitude va s’ajouter au fait que les salaires chinois ne sont plus  extrêmement bas et que de plus en plus de pays sont devenus compétitifs dans ce domaine. Si de plus l’ordre public y est satisfaisant, pourquoi ne pas les choisir de préférence à la Chine ?

    C’est justement le cas de plusieurs pays asiatiques.

    Le développement des autres pays d’Asie

    La Chine, le Japon et l’Inde sont les trois principaux colosses de ce monde asiatique. Que pouvez-vous dire sur le développement des pays suiveurs de la région ? Par là je parle bien entendu des pays comme la Thaïlande, le Vietnam, l’Indonésie.

    Yves Montenay : Comme nous venons de le voir, ces pays bénéficient des faiblesses actuelles de la Chine.

    Le Vietnam ressemble beaucoup à la Chine d’il y a 10 ou 20 ans, avec son retour au pragmatisme en 1989 (j’y étais) après une catastrophe communiste. Les investisseurs étrangers s’y sentent en terrain connu, qu’ils soient Occidentaux ou Chinois de Chine, de Taïwan, de Singapour…

    Géopolitiquement, c’est un pays extrêmement opposé à la Chine qui l’a colonisé pendant des siècles. La culture locale est bouddhiste avec une minorité catholique notable. La culture française l’avait profondément pénétré mais elle a été éradiquée au début du communisme, notamment avec l’élimination ou l’émigration de son élite. Et lors du retour au pragmatisme, c’est la culture américaine qui s’est imposée.

    La Thaïlande , pays bouddhiste, est un des rares pays à n’avoir jamais été colonisé, grâce à un jeu d’équilibre entre les Occidentaux. J’y ai même vu une tombe de soldats envoyés par François Ier ! Il a évité les catastrophes communistes, et ses quelques coups d’État n’ont jamais mis en place jusqu’à présent une dictature aussi dure qu’en Chine ou même qu’au Vietnam. L’économie est assez diversifiée et en bonne partie entre les mains de Thaïlandais d’origine chinoise. La pandémie a porté un coup très rude au tourisme et au secteur automobile, mais le pays conserve une agriculture dynamique et des secteurs industriels et de services importants.

    L’Indonésie est le pays le plus peuplé de la région après la Chine, avec 270 millions d’habitants. La grande majorité de la population est musulmane avec des minorités chrétiennes, bouddhistes et hindoues (surtout à Bali pour ces dernières). L’islam n’est pas religion d’État et des partis islamistes sont minoritaires. Des trois pays dont nous parlons ici c’est le seul à être une véritable démocratie, même si elle est très imparfaite. Comme les deux autres c’est une puissance agricole, de plus en plus complétée par un secteur moderne industriel et de services

    Le pivot asiatique

    Depuis Obama, les États-Unis se tournent vers le Pacifique pour des raisons économiques et stratégiques (c’est le fameux pivot asiatique mentionné par Hillary Clinton). Quels sont les opportunités et les risques d’une telle augmentation de la présence américaine en mer de Chine ?

    Yves Montenay : La réponse dépend en partie des forces militaires en présence, ce qui n’est pas dans mon domaine de compétence. Je me bornerai à signaler l’énorme effort de modernisation de l’armée chinoise et le renforcement de sa marine de guerre. Nous ne sommes plus en 1979 où l’armée chinoise s’est faite battre par le Vietnam lorsqu’elle a essayé d’y faire une excursion militaire.

    Je reviens à mon domaine de compétence.

    Avec cette question, on sort les considérations logiques et factuelles comme la démographie et les données économiques pour entrer dans le domaine beaucoup plus flou des effets d’annonce, des perceptions réciproques, des orgueils nationaux etc.

    Dans le cas des démocraties, et pour commencer celui des États-Unis, il peut y avoir une pression de l’opinion publique, elle-même irrationnelle. On se souvient de la défaite militaire du Viêt-cong à Hue en 1968, et son erreur quant à l’état d’esprit de la population civile du Vietnam sud qui ne s’est pas soulevée en sa faveur, et qu’il a massacré dans cette ville y commettant un gigantesque crime de guerre. Or en quelques semaines la perception américaine a été celle d’une défaite et d’une guerre injuste à arrêter. Ce fut donc finalement une victoire médiatique pour le Vietnam du Nord et le monde communiste notamment grâce à ses relais dans la société américaine. La guerre des images est donc très importante

    Pour la Chine c’est évidemment une illustration de la fragilité de l’engagement américain. D’autant plus que, récemment, le président Trump a laissé tomber des alliés compagnons d’armes : les Kurdes de Syrie et l’armée du gouvernement afghan. Il sera donc tentant pour la Chine d’utiliser ces arguments dans les pays qui l’entourent pour contrer les initiatives américaines.

    Recomposition des alliances et développement régional

    Toujours au niveau stratégique, l’essor de la puissance chinoise a poussé de nouvelles recompositions d’alliances. Le pays se retrouve en étau  entre les États-Unis, l’Inde et le Japon. Quel est le bénéfice positif (et l’impact négatif) d’une telle recomposition sur le développement régional ? Cela impactera-t-il les structures comme l’ASEAN ?

    Yves Montenay : Sur le plan économique je ne vois pas de grandes conséquences, la région étant déjà structurée par une série d’accords économiques, le dernier ayant été lancé par la Chine. Et cela d’autant plus que l’action chinoise ne respecte pas forcément ses propres engagements, puisque concomitamment à la signature de ce dernier traité elle punissait l’Australie qui avait critiqué son non-respect des droits de l’Homme en arrêtant les importations massives de charbon en provenance de ce pays. Ce qui a d’ailleurs entraîné des coupures d’électricité en Chine, où sa production est massivement à base de charbon malgré un accent depuis quelques années sur les énergies renouvelables.

    Sur le plan des rapports internationaux, cela rappelle que la Chine est le principal pollueur mondial, et surtout celui dont la pollution continue à augmenter alors que celle des pays riches diminue. La Chine a contre-attaqué en prévoyant sa neutralité carbone en 2060. Il est trop tôt pour savoir si c’est un simple effet d’annonce destiné à saper des critiques actuelles.

    Développement économique mais retour en arrière au niveau humain ?

    Nous avons, dans notre précédent article, expliqué que la majorité des musulmans se trouvaient en Asie. Pourtant leur présence est vue comme une menace par de nombreux pays : les Ouïghours en Chine, les Rohingyas en Birmanie, la politique antimusulmane de Narendra Modi en Inde… l’Asie semble vouloir progresser au niveau économique et technologique tout en gardant des permanences archaïques au niveau social. Comment s’explique cette politique et ces difficultés qui persistent aujourd’hui ?

    Yves Montenay : Cette question est tout à fait pertinente.
    Il faut d’abord rappeler les principales données de géographie humaine : les trois pays musulmans de la région sont la Malaisie, l’Indonésie et le Bangladesh. Plus à l’ouest on retombe dans le monde musulman avec le Pakistan, l’Afghanistan, le Moyen-Orient, le Maghreb et le Sahel, mais c’est un monde très différent.

    En effet nos trois pays musulmans de la région sont des démocraties, certes critiquables d’un point de vue européen, mais, toujours d’un point de vue européen, bien supérieures aux autres régimes musulmans (je passe sur les rares exceptions : Tunisie, Sénégal…). De plus, les partis islamistes n’y ont pas de succès électoraux, même si sont capables de monter des manifestations de masse.

    Il n’y a donc rien dans ces pays qui explique les mouvements anti-musulmans des autres, auxquels il faut ajouter la Chine qui mène actuellement chez les Han, le peuple chinois majoritaire, si une offensive anti religieuse visant aussi les chrétiens, offensive s’ajoute aux actions violentes contre les Ouïghours.

    Ces mouvements anti-musulmans ont donc à mon avis des raisons de politique intérieure de chaque État. Nous l’avons vu pour l’Inde. Pour la Chine il s’agit de détruire tout ce qui peut résister au parti. Pour la Birmanie c’est à mon avis une conséquence du nationalisme bouddhiste birman, qui est depuis des décennies en guerre civile contre d’autres minorités notamment chrétiennes.

    Au-delà des mouvements anti musulmans, il faut se souvenir que tous ces pays ont une histoire ancienne s’appuyant sur les textes largement enseignés dans les écoles.

    Pour eux l’islam est une intrusion moderne qui va à l’encontre de traditions profondément ancrées. En effet l’islam est apparu dans cette région à peine avant les Portugais qui, eux, ont apporté le christianisme. L’islam est donc parfois assimilé à l’étranger. Les gouvernements tiennent compte de cet état d’esprit.

    Historiquement, cet archaïsme n’est pas vraiment un retour en arrière mais plutôt la fin d’une parenthèse occidentale, souvent de nature coloniale. L’empreinte occidentale reste profonde mais est limitée à une fraction de la bourgeoisie.

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      7 milliards $ : les procès en diffamation les plus chers de l’histoire

      Alexis Vintray · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 18:18 · 7 minutes

    Par Alexis Vintray.

    Une post-présidentielle tumultueuse

    L’élection présidentielle américaine a vu la victoire relativement large de Joe Biden, avec 306 grands électeurs contre 232 pour Donald Trump. Joe Biden a eu 7 millions de voix d’avance sur le président sortant.

    Ces résultats clairs, homologués par les autorités au niveau des états et au niveau fédéral, n’ont pas empêché une partie du camp Républicain de crier à la fraude électorale massive pour expliquer sa défaite .

    Comme nous l’avions analysé dans différents articles sur Contrepoints, sous la plume de Philippe Lacoude ou la mienne , aucune fraude significative n’a pu être prouvée, même un tant soit peu, et la justice américaine a donné tort plus d’une soixantaine de fois aux avocats de la campagne Trump et à ses partisans, confirmant l’intégrité du processus électoral.

    Mais face aux accusations sans fondement du camp Trump, la phase judiciaire prend un nouveau tournant avec les procès en diffamation les plus chers de l’histoire mondiale, intentés par deux fabricants de machines de vote, Dominion et Smartmatic. Pour un total de 6.7 milliards de dollars à ce stade. Explications.

    Les procès en diffamation les plus chers de l’histoire

    Dominion et Smartmatic ont lancé des démarches en justice pour, demander respectivement, des compensations de 1,3 milliards de dollars (fois 3 procès) et 2,7 milliards de dollars (un procès). Dans les deux cas les personnalités visées pour diffamation sont quasi les mêmes : pour Dominion, Sidney Powell dans un premier procès, et Rudy Giuliani dans un second procès. Powell a été l’avocate de la campagne Trump avant d’en être expulsée tardivement, tandis que Giuliani est l’avocat personnel de Donald Trump. Smartmatic poursuit les mêmes et y ajoute Fox News et trois de ses présentateurs vedettes (Jeanine Pirro de Fox News, Maria Bartiromo et Lou Dobbs de Fox Business).

    Dans les deux cas, les personnalités visées ont été les plus virulentes à diffuser de fausses accusations sur les sociétés en question, arguant qu’elles avaient truqué l’élection présidentielle américaine, en collaboration avec l’Iran, la Chine, le Venezuela ou encore les Antifas .

    Beaucoup d’accusations farfelues mais qui ont en commun deux aspects : n’avoir aucune preuve d’une part, avoir détruit les entreprises en question d’autre part. Ce dernier point est au moins la justification avancée par les avocats (distincts) de Dominion et Smartmatic pour justifier du montant massif des dommages et intérêts réclamés.

    Dans les deux cas, les sociétés arrivent à ces montants astronomiques en additionnant les revenus qu’elles estiment avoir perdus à cause des dommages causés à leur réputation par cette diffamation, cumulés avec une demande de dommages et intérêts.

    Des sociétés qui semblent très sures de leurs chances

    Dominion comme Smartmatic ont recruté des ténors du barreau pour les défendre dans ces procès qui pourraient durer de 2 à 5 ans. Mais qui dit ténors ne dit pas absence d’ironie : la plainte de Smartmatic débute ainsi par les mots suivants :

    La Terre est ronde. 2 et 2 font 4. Joe Biden & Kamala Harriss ont remporté la présidentielle américaine de 2020. L’élection n’a pas été volée, trafiquée ou manipulée. Ce sont des faits. Ils sont démontrables et irréfutables.

    Le lecteur curieux pourra parcourir la plainte de Smartmatic (ci-dessous), ou celles de Dominion (disponibles publiquement en ligne).

    Face aux accusations de Smartmatic et de Dominion, Fox News a réagi en déclarant « Nous sommes fiers de notre couverture de l’élection 2020 et nous allons nous défendre avec force au tribunal face à cette action sans fondement ». D’autres accusés se sont « réjoui » des procès, qui leur donnent selon eux l’opportunité de prouver leurs accusations.

    A qui a profité le crime ?

    Les fausses accusations de fraude électorale ont profité largement à Donald Trump, qui en a profité pour lever plusieurs centaines de millions de dollars , prétextant qu’il en avait besoin pour se défendre face à ces fraudes. De même Sidney Powell ne s’est pas privée pour collecter des dons, cherchant à lever « des millions » . Rudy Giuliani quant à lui aurait facturé 20 000$ par jour ses services à la campagne Trump . Ce tarif horaire est 10 fois le tarif normal de Rudy Giuliani . Un différentiel tellement énorme qu’il laisse planer le doute sur ce que tarif exorbitant venait rémunérer (le risque de procès pour diffamation ?).

    Quant aux médias, ils ont bénéficié d’audience record, comme sur le podcast de Rudy Giuliani.

    Le cas de Fox News est plus compliqué. Fox News, aux abois face à d’autres chaines plus radicales comme OAN ou Newsmax, aurait selon Smartmatic, utilisé ces accusations infondées de fraude pour défendre son audience face à ses rivaux (malgré une audience qui s’est quand même effrité). Selon la plainte de Smartmatic, « leur histoire était un mensonge. Toute l’histoire. Et ils le savaient. Mais elle faisait vendre. »

    Quelles suites ?

    Un nom manque singulièrement à l’appel dans les personnalités visées, Donald Trump. En particulier via son compte Twitter, l’ancien président américain aux 88 millions de followers a diffusé et offert une caisse résonance massive à ces accusations fausses. Il n’est pourtant à ce stade poursuivi par aucune des deux sociétés visées par ces accusations soupçonnées d’être diffamatoires. Pourquoi ?

    Aucune des sociétés n’a écarté l’hypothèse de poursuivre l’ancien président pour diffamation, c’est donc une possibilité toujours ouverte. La question reste ouverte, en épée de Damoclès au-dessus de la tête de l’ancien président.

    Ne sont aussi pas listés à ce stade d’autres médias bien plus conservateurs que Fox News : OAN et Newsmax. Ces deux médias ont été bien plus virulents que Fox mais ne sont pas encore visés par un procès. La probabilité qu’un procès soit à leur porte est néanmoins élevée, au point de nourrir une certaine panique, chez Newsmax en particulier.

    Dans une interview de Mike Lindell, une des figures de proue des conspirationnistes de la fraude électorale, Newsmax a ainsi commencé à le couper brutalement quand ce dernier est parti dans des accusations infondées de fraude. Avant que le journaliste lise un brief préparé d’avance pour réaffirmer que la chaîne n’avait aucune preuve de fraude, et d’abandonner le plateau dans un moment surréaliste :

    Un paysage médiatique et politique remanié ?

    Ces procès, si la justice donne raison aux fabricants de machines de vote (probable) et leur accorde leurs demandes massives (moins probable), sont de nature à reconfigurer significativement le paysage médiatique conservateur américain. Il est trop tôt pour voir les premiers effets bien sur, mais entre une désaffection certaine pour Fox News, et des chaînes radicales rattrapées par les conséquences de leurs excès, il ne sera pas aisé de deviner qui va sortir gagnant.

    L’insistance de Donald Trump à prétendre de manière mensongère que de la fraude lui a coûté la victoire a déjà fait perdre la majorité au Sénat aux Républicains , et à l’ancien président son équipe d’avocats dans le cadre de l’ impeachment actuellement en cours . Les procès en cours seront peut-être aussi l’occasion pour le Parti Républicain de renoncer à ses outrances actuelles et de revenir à ses racines de parti de la modération, bien plus proche des idées libérales qu’aujourd’hui…

    Le parti Républicain saura-

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      Gestion de la pandémie : ce rapport que le gouvernement voudrait faire oublier

      h16 · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 08:30 · 6 minutes

    par h16

    Que n’a-t-on écrit sur cette pandémie et surtout sur sa gestion par la fine équipe de responsables politiques aux commandes de l’État français ! À en croire les opinions acerbes et de fort durs jugements chez de méchants chroniqueurs, de vilains critiqueurs et de vils polémistes, de nombreuses erreurs furent commises par un gouvernement qui n’a pas été suffisamment à la hauteur.

    Cependant, il est parfois nécessaire de rétablir un peu de mesure : tout ne peut pas avoir été raté avec obstination, que diable ! Il y a forcément de nombreux aspects que notre élite au pouvoir a su réussir avec un brio digne de l’ENA ou du nuage opaque d’administrations en charge de trucs et de machins dans ce pays. Forcément.

    Et pour établir ces faits indéniables, pour relater correctement les éléments à charge et à décharge dans cette crise, une mission d’information du Parlement sur la crise du Covid-19 a été assez rapidement mandatée pour enquêter sur cette gestion de crise et en tirer les enseignements indispensables pour faire avancer le pays vers une plus grande sérénité future, dans la joie, la bonne humeur et les écouvillons normes NF.

    Presqu’un an après le début de ses travaux, cette mission était donc sur le point de rendre les premiers résultats quand, de façon totalement fortuite, elle a été discrètement dissoute entre deux cafés ce qui n’a pas manqué de déclencher un tollé dans l’Hémicycle et, facilement, deux entrefilets dans l’un ou l’autre journal de la presse subventionnée dont la hardiesse à reporter les lacérations démocratiques n’a d’égale que son budget pour les enquêtes de fond sur (au hasard) l’évaporation du régalien ou les détournements de fonds d’associations lucratives sans but à revendications sociétales louches.

    La majorité parlementaire a, évidemment, beau jeu de rappeler que cette mission était temporaire, qu’ayant rendu un rapport, elle pouvait donc s’évanouir dans l’inconscient collectif, et que non, que nenni, pas du tout mais enfin que croyez-vous là, non et non cette mission n’a pas été dissoute parce que le seul rapport produit ( un beau bébé de plus de 400 pages tout de même) est, essentiellement, une critique à l’acide sulfurique de la gestion véritablement calamiteuse de la crise par notre brochette de bras cassés gouvernementaux fine équipe de responsables politiques affûtés.

    Sans forcément éplucher les centaines de pages (pourtant édifiantes) du rapport, la simple lecture des titres de chapitres et de paragraphe en table des matières fait remonter les souvenirs de tous ces mois de printemps 2020 où les responsables politiques se succédaient aux tribunes médiatiques pour expliquer à quel point tout était contrôlé, maîtrisé, planifié et comment la France, éternelle et merveilleuse, allait s’en sortir guillerette, en deux coups de test PCR finement calibré : « préparation inadaptée » , « fort tropisme hospitalier » , « défaut de vigilance à l’égard des plus vulnérables » , les titres se suivent et offrent un joli panorama d’une accumulation difficilement croyable de tous les dysfonctionnement de l’ensemble administratif français.

    Le rapport est roboratif. On trouve de joyeuses pépites, comme « la DGS a fait le choix de ne conserver qu’une très faible quantité de masques en stock et a modifié un rapport scientifique a posteriori pour justifier sa décision » (on tripoterait presque le mauvais côté de la légalité, là), « le choix de la réquisition : une méthode contre-productive » (oh, non, sans blague ?!), « des stratégies de soins sans coordination » (c’est ballot vu le nombre d’organismes dont ce serait, a priori, la raison d’être), « embûches administratives » (allons !) et autres « pesanteurs organisationnelles » (vraiment ?!) voire des aveux truculents comme « Santé publique France : une agence contestée et débordée » , …

    Au passage, la façon dont Agnès Buzyn, alors en poste au tout début de la crise, a débuté sa gestion, est finalement bien moins sévère que ce à quoi on pourrait s’attendre. En page 30 et suivantes, on comprend assez vite que le haut de la pyramide du pouvoir était au courant assez tôt et avait compris, malgré tout, l’importance d’agir…

    Malheureusement, l’énorme patapouf étatique, même aiguillonné par la ministre, n’a pas jugé bon de s’inquiéter et lorsqu’il s’est agi de bouger un coup, son inertie naturelle de mammifère obèse l’en a durablement empêché : les petites agitations de Buzyn n’ont aboutit à peu près à rien.

    Devant ce chapelet de constats abrasifs, la majorité présidentielle n’a pas eu beaucoup de mal à faire passer le rapport pour un brûlot polémique, biaisé et partisan.

    Cependant, ce qui est décrit dans ce rapport est corroboré à la fois par les éléments de presse de l’époque (certes, c’était il y a si longtemps, facilement 10 mois, mais il devrait cependant être possible de trouver des traces historiques, des archives, n’est-ce pas !), la mémoire collective et les expériences personnelles de tout un chacun. Un fait, aussi cuisant soit-il, ne peut être qualifié de partisan.

    Mais voilà, pour le gouvernement et les députés godillots LREM sagement le doigt sur la couture, la réalité est salement partisane : elle démontre sans le moindre doute possible que les équipes au pouvoir ont été mortellement nulles, le terme « mortellement » étant adapté tant leur incompétence a coûté du temps et donc des vies par l’absence de certaines mesures simples, la protection de nos aînés dans les maisons de retraite étant ce qui saute aux yeux dans le rapport. La dissolution de la mission d’enquête et la placardisation rapide du rapport est donc logique.

    Autrement dit, en passant tout cette prose pourtant significative à l’as, LREM veut surtout faire oublier sa gestion calamiteuse en qualifiant les critiques de simple polémique politicienne, ce que le rapport n’est pas.

    Pire encore, en voulant étouffer cette commission et ce rapport, LREM évite l’indispensable prise de conscience qui devrait frapper nos dirigeants devant les lourds problèmes du pays que cette crise aura simplement mis en exergue : on peut, on devrait même, s’étendre sur les constats de suradministration, de lourdeurs bureaucratiques multiples, de décisions idiotes, arbitraires et antagonistes des myriades d’agences et autres pustules du monstre étatique qui parasitent et gangrènent la vie normale et productive du pays.

    En réalité, ces éléments ne dépendent pas de la politique du gouvernement de clowns à roulettes actuels, et pourraient à eux seuls pousser à de puissantes réformes nécessaires si ces ministres savait s’élever au-dessus de leur condition de branquignoles improvisateurs. Mais il n’en sera rien : comme une partie du rapport cuit les parties charnues de nos gouvernants, ils jetteront le bébé avec l’eau du bain, bien plus sûrement qu’en tirer profit pour tracer, enfin, une voie de sortie de l’ornière dans laquelle le pays est plongé.

    En définitive, la disparition de cette commission et de son rapport dans les limbes du non-débat garantit efficacement que les graves problèmes français, ceux qui se situent bien au-delà de ses gouvernants incompétents, à savoir sa gangrène fulgurante du formulaire Cerfa en triplicatas tamponnés, sa bousculade d’administrations inutiles se marchant les unes sur les autres, cette métastase là ne sera surtout pas ni attaquée, ni guérie.

    Ce pays est foutu.


    —-
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      Nord Stream 2, l’Allemagne face à ses contradictions

      François Jolain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 04:45 · 1 minute

    Par François Jolain.

    Contradictions sur les partenaires commerciaux

    En pleine crise de Crimée, l’Allemagne faisait pression sur la France pour annuler la livraison de deux porte-hélicoptères Mistral à la Russie. Aujourd’hui, les rôles s’inversent. Suite à l’affaire Navalny, la France demande officiellement à l’Allemagne d’arrêter Nord Stream 2 , son projet de gazoduc russe.

    Or, le gouvernement d’Angela Merkel, si prompt à pointer du doigt les partenaires français peu fréquentables comme la Russie ou l’Arabie Saoudite , semble se contredire sur son propre partenariat russe.

    Il faut dire que là où la France pouvait se permettre de ne pas livrer les bâtiments militaires, l’Allemagne se retrouve coincée dans une dépendance énergétique au gaz russe.

    Contradiction sur son mix énergétique

    Tout a commencé par l’arrêt du nucléaire en 2011, puis par un investissement massif des énergies renouvelables. Or, le renouvelable n’a pas remplacé les anciennes centrales à charbon , elles restent toujours disponibles pour pallier la volatilité des productions éoliennes ou solaires.

    C’est ainsi que la capacité de production d’énergie verte est arrivée au même niveau que la capacité de productions d’énergies fossiles ou nucléaires, sans la remplacer. Si l’on installe 1 GW d’éolien, il faut aussi 1 GW de gaz pour sécuriser la production lors de vent calme. Ainsi, les deux infrastructures marchent de concert par intermittence. À la fin il y a même davantage de production par énergie fossile que par énergie renouvelable.

    Avec l’abandon des centrales au charbon trop polluantes pour des centrales au gaz, le mix énergétique allemand dépend plus que jamais du gaz russe. Les mêmes qui protestaient contre le nucléaire puis le charbon, se retrouvent à protester impuissants contre Nord Stream 2.

    L’Allemagne s’enfonce dans une dépendance au gaz russe. Un partenariat bien plus nocif que la vente de deux Mistrals…

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      Les propriétaires étouffés par les réglementations

      IREF Europe · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 04:40 · 5 minutes

    réglementations

    Par Adrien Boros.
    Un article de l’Iref-Europe

    Une histoire banale. Elle se situe dans un immeuble modeste d’une ville moyenne. Il s’agit d’un petit logement avec un petit loyer. Ayant été occupé pendant des années, il est aujourd’hui en mauvais état. Au départ du dernier locataire, le propriétaire décide d’entreprendre des travaux lourds de rénovation, dont notamment le remplacement de tous les châssis vitrés par des doubles vitrages, l’isolation des murs, la mise aux normes de l’électricité, etc.

    Cette démarche était contraire à l’avis des agents immobiliers ayant visité l’appartement, ils ont souligné que cet investissement ne pourrait être amorti avant 20 ou 30 ans. Peu importe. Notre propriétaire n’est pas un professionnel de l’immobilier, il est peu argenté mais scrupuleux, et tenait à remettre sur le marché un logement mieux que simplement « digne » comme on dit actuellement. Il le souhaitait vraiment agréable à vivre pour ses futurs locataires.

    Même après des travaux, on ne décide pas d’une augmentation de loyer !

    À la fin des travaux, dont le coût s’éleva finalement à environ 15 % de la valeur du logement (!), le propriétaire passe en revue les diagnostics obligatoires (65 pages d’informations), choisit un des nombreux modèles de « bail de location » existants (22 pages), annexe à celui-ci un extrait du règlement de la copropriété (15 pages), prépare le formulaire d’état des lieux et, enfin, publie une annonce pour la location.

    Cependant, vu l’investissement réalisé, il augmente le loyer de ce qu’il considérait comme raisonnable : 5 %.

    À ce moment, des amis bien informés attirent l’attention de notre propriétaire un peu aventureux sur le fait qu’on ne décide pas ainsi, comme on veut, d’une augmentation de loyer.

    A-t-il vérifié par exemple, les loyers pratiqués dans les environs pour des biens équivalents ? Et le rapport entre le montant des travaux et le montant annuel des loyers, est-il d’au moins 15 % ? Et puis il y a les zones où les loyers sont plafonnés ou bien encadrés…

    Enfin, manque de chance, notre propriétaire découvre angoissé que son logement se trouve en « zone tendue », zones dans lesquelles aucune augmentation de loyer n’est autorisée (sont concernées actuellement 1149 communes dans 28 agglomérations).

    Il se dit qu’il aurait mieux fait de s’abstenir de vouloir trop bien faire… Mais il découvre aussi qu’il existe de nombreuses clauses permettant de déroger à cette interdiction absolue, et l’une d’elles justement lui convient parfaitement : « Si le montant des travaux réalisés est au moins égal à la dernière année de loyer, celui-ci pourra être fixé librement ».

    Ouf ! Ses travaux représentent près de trois années de loyer !… Hélas, soulagement de courte durée. Cette règle était applicable jusqu’au 1er janvier 2021.

    Depuis, aux règles précédentes s’en ajoute une autre : les travaux réalisés doivent aussi permettre un abaissement de la consommation d’énergie en dessous de 331 kwh/m2/an. Nouvel ouf victorieux : les travaux d’isolation entrepris et la mise en place de doubles vitrages permettront de prouver la baisse de consommation et donc justifier l’augmentation du loyer… J’espère que vous suivez…

    Normes, réglementations, absurdités administratives : tout est conçu pour décourager le propriétaire

    Juste un petit problème… sans clause dérogatoire cette fois ! Le calcul ci-dessus doit être réalisé par une personne agréée, disons un diagnostiqueur. Notre propriétaire confiant, croyant que cette ultime démarche lui permettra enfin de boucler son dossier, s’adresse à celui qui était intervenu dans ce logement et avait indiqué sur son document « DPE vierge ». Pourquoi vierge ?

    Il explique donc au technicien en question qu’il a besoin d’un certificat indiquant la classe D ou E (correspondant à une consommation inférieure à 331 kwh/m2/an) et s’entend dire que dans les immeubles d’avant 1949 on ne calcule pas les consommations et les déperditions thermiques en fonction des isolations réalisées et des matériaux utilisés, mais… des consommations effectives des années précédentes ! Et c’est pour cela d’ailleurs que le diagnostic est « vierge » car le diagnostiqueur n’avait pas accès aux factures du dernier locataire.

    « Mais justement, je ne veux pas constater le passé (qui forcément est mauvais, et qui a conduit à la réalisation des travaux !) , je veux prouver que les travaux réalisés remplissent les conditions requises pour atteindre la consommation demandée réglementairement ! » s’énerve notre bailleur. Comment faire alors pour apporter le justificatif du respect du nouveau plafond de consommation ? « Attendez un an » fut la réponse…

    Donc, vous faites effectuer des travaux pour économiser l’énergie, vous louez pendant un an avec l’ancien loyer, vous faites faire un nouveau diagnostic (entre 200 et 250 euros et en espérant que le locataire n’a pas volontairement ou frileusement augmenté le chauffage au maximum pour ainsi fausser l’analyse) et, fort du bon constat cette fois, vous proposez au locataire déjà en place de bien vouloir accepter une augmentation de loyer… qu’il pourra contester avec beaucoup d’arguments !

    À l’heure qu’il est, plutôt que de louer dans ces conditions, notre propriétaire désespéré a préféré mettre son logement en vente. La morale de l’histoire est que, si on veut décourager les propriétaires bailleurs de faire des travaux d’isolation , il existe maintes possibilités pratiques (pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt, voir par exemple la complexité du calcul en fonction des matériaux isolants thermiques utilisés, leur épaisseur et leur mise en œuvre). Pour les encourager, il n’existe que beaucoup de beaux discours…

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      Communiquer sur le nombre de décès de la Covid-19 est-il pertinent ?

      The Conversation · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 04:35 · 6 minutes

    covid nombre de décès

    Par Thomas Eisinger 1 .
    Un article de The Conversation

    Faire en sorte que les chiffres qui circulent soient de bonne tenue : tel semble être devenu l’alpha et l’oméga des arbitrages rendus par les décideurs du monde entier en ces temps de pandémie.

    Mais l’information disponible aujourd’hui doit-elle nécessairement éclipser, dans la prise de décision, des informations plus pertinentes à rechercher demain ?

    Plus qu’un débat sociétal sur la justice générationnelle ou sur notre relation à la mort , il est ici question d’une dérive bien connue des contrôleurs de gestion dans le secteur public.

    Le nombre de décès lié à la Covid ne doit pas être un tabou, faut-il pour autant l’ériger en totem ? Communiquer précisément et quotidiennement sur ce chiffre, comme le fait Santé publique France dans son tableau de bord répond certes à des exigences d’information et de transparence. Mais en mettant en avant cette morbide comptabilité, nos gouvernants ne se contraignent-ils pas à prendre de mauvaises décisions ?

    Les contrôleurs de gestion connaissent bien la loi de Goodhart, du nom de l’ économiste britannique . On peut la résumer ainsi : lorsque la mesure devient la cible, elle cesse d’être une bonne mesure.

    Bien sûr, apprécier la qualité de la réponse gouvernementale à la pandémie sur la base de l’évolution des décès qui y sont immédiatement imputables a du sens : la donnée est disponible grâce à des circuits de remontée d’informations éprouvés, elle est a priori objective et peu contestable. Mais ce choix présente deux écueils majeurs.

    Ne pas privilégier les seuls indicateurs immédiatement disponibles

    Le premier écueil, c’est de privilégier l’information disponible aux dépens de l’information pertinente.

    Prenons un exemple. Le succès d’une politique publique de formation professionnelle s’apprécie-t-il au nombre d’heures de cours dispensés (l’ output de la politique publique, pour reprendre la terminologie anglo-saxonne, ce qui est produit à court terme) ou bien au nombre de personnes formées ayant trouvé un travail dans les trois mois qui suivent la formation (son outcome , les résultats obtenus à moyen-long terme) ?

    La seconde information est certes plus longue et difficile à obtenir (nécessité d’un suivi dans le temps des personnes formées), et elle est surtout en (plus ou moins) grande partie déconnectée de la qualité du travail fourni par la seule institution.

    Il n’en reste pas moins qu’elle doit, a minima , être intégrée dans l’appréciation de ce qui a été fait. Pour paraphraser Maitre Yoda, incontestablement expert du temps long , la donnée disponible est certes plus facile, plus rapide, plus séduisante, mais au final elle nous éloigne parfois de la lumière.

    Ainsi, pour le sujet qui est le nôtre, il faut naturellement prendre en compte les décès attribués au jour le jour à la pandémie, mais pas seulement.

    À moyen terme, il convient de prendre en compte les périodes de sous-mortalité dite compensatrice ( harvesting effect en anglais, pour une image plus agricole), qu’elles soient concomitantes ou postérieures : elles nous invitent à réexaminer les chiffres bruts des décès liés au virus, qui dans certains cas n’aura fait que précipiter de quelques jours ou semaines des décès médicalement inéluctables.

    À long terme, il faut aussi prendre en compte les pertes d’espérance de vie liées, en partie, aux mesures prises pour lutter à court terme contre ladite pandémie : des outils existent pour cela, comme les bilans démographiques de l’Insee . L’espérance de vie à la naissance l’an dernier a ainsi diminué de 0,5 an pour les hommes et de 0,4 an pour les femmes. Et cette chute trouve son origine dans la crise sanitaire bien sûr mais aussi dans la crise économique résultant des confinements successifs.

    Ne nous méprenons pas : il est évident que nos gouvernants intègrent dans leur processus de décision ces informations pertinentes dans le temps long mais parfois indisponibles ou partiellement disponibles dans le temps court. Mais communiquent-ils suffisamment sur ces données ?

    Ne pas privilégier un seul indicateur

    Car le second écueil lié à l’identification d’une cible quasi exclusive, c’est d’aboutir à des décisions que les acteurs eux-mêmes savent parfois, au fond d’eux-mêmes, peu opportunes.

    Lorsqu’on se pense, à tort ou à raison, être jugé sur une donnée, alors elle peut devenir l’unique moteur de votre action. C’est pourquoi l’utilisation du chiffre comme base de l’évaluation dans les organisations publiques doit toujours être instaurée d’une main tremblante.

    Données concernant la pandémie de Covid-19 en France du 1/2/2021. Santé publique France

    L’ouvrage collectif Statactivisme publié en 2014 nous alertait déjà sur les dérives constatées en la matière. Décréter que vous appréciez le travail d’un policier sur le nombre d’infractions qu’il aura constatées et vous verrez rapidement se multiplier les situations multi-infractionnelles (un acte, plusieurs infractions).

    Ériger la réduction des délais de traitement d’une tâche administrative en priorité absolue et vous verrez d’une part d’autres missions moins surveillées s’effondrer dans le silence et d’autre part ces délais s’améliorer sans que parfois les services ne soient dans la réalité plus réactifs. Car au final aucune mesure ne peut parfaitement et totalement incarner l’action d’une personne, et encore moins d’une institution. Vouloir le faire reste le meilleur moyen d’améliorer la mesure… et de dégrader l’action.

    La critique est facile mais l’art est difficile, nous le savons tous. Nous pouvons néanmoins nous accorder sur un point : que plusieurs données éclairent la décision est une bonne chose, qu’une seule donnée dicte la décision n’en est pas une.

    L’inversion de la courbe (saison 2)

    Après avoir vu son prédécesseur lutter pendant des années contre une seule promesse chiffrée ( l’inversion de la courbe du chômage ) dont la quête mobilisa parfois actions court-termistes et, selon certains de ses contempteurs, artifices statistiques , il est étonnant de voir le président de la République s’astreindre à un tel exercice.

    De façon informelle certes, car il n’est nulle part dit que le seul objectif est de limiter le nombre de décès. Remarquons cependant que la communication est bien moindre sur les autres indicateurs qui alimentent pourtant la prise de décision.

    Est-il pertinent d’appliquer le « quoi qu’il en coûte » à la seule maîtrise du nombre de décès ? La bonne tenue de cet indicateur n’est pas gage de qualité de l’action gouvernementale.

    D’autres pays ont fait le choix de protéger par le vaccin des publics moins susceptibles de décéder à court terme, s’exposant ainsi à une mauvaise note en la matière. Sont-ils nécessairement dans le faux ?

    Finalement, ce n’est pas chez son prédécesseur mais chez un autre ancien président de la République que l’actuel locataire de l’Élysée aurait pu chercher l’inspiration en ces temps troubles. Jacques Chirac, en bon japonophile, lui aurait certainement glissé ce proverbe zen : celui qui atteint sa cible rate tout le reste.

    Sur le web The Conversation

    1. Professeur associé en droit, gestion financière et management des collectivités, Aix-Marseille Université (AMU).
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      Concessions autoroutières : l’ART lève les incompréhensions

      Thierry Raynaud · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 04:25 · 8 minutes

    concessions autoroutières

    Par Thierry Raynaud.

    Depuis que l’État a confié la gestion des autoroutes à des sociétés concessionnaires d’autoroutes, ce mode de fonctionnement alimente de nombreux fantasmes et il n’est pas rare de voir circuler de fausses allégations dans les médias . Parmi les reproches souvent formulés, les détracteurs des SCA déplorent un manque de contrôle sur leurs activités. C’est oublier un peu vite travail de l’Autorité de Régulation des Transports.

    S’il n’est pas rare que les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) soient les cibles d’attaques et de vives critiques, souvent fondées sur des préjugés ou une méconnaissance de leur fonctionnement , jusqu’à présent, jamais l’Autorité de régulation des transports (ART) n’avait été directement mise en cause.

    Cette autorité indépendante, créée en 2009 pour accompagner l’ouverture à la concurrence du marché de transport ferroviaire, a vu ses missions étendues en octobre 2015 au transport interurbain par autocar puis, en février 2016, aux autoroutes sous concession.

    Sur ce dernier point, la mission de l’ART est double :  vérifier que les concessionnaires d’autoroutes respectent les procédures de mise en concurrence pour l’attribution de leur marché et assurer le suivi des performances économiques et financières des SCA.

    C’est dans le cadre de cette activité que l’ART a publié en juillet dernier son premier rapport sur l’économie des concessions autoroutières . Et visiblement, ce document n’a pas eu l’heur de plaire à Jean-Baptiste Vila, maître de conférences en droit public à l’université de Bordeaux, et à Yann Wels, chargé d’enseignement à Aix-Marseille Université, qui ont tous deux violemment attaqué le travail de l’ART dans des articles publiés dans La Semaine Juridique parue le 30 novembre 2020.

    Une remise en cause qui a incité Bernard Roman, le président de l’ART, à sortir de sa réserve habituelle afin de répondre à ses deux détracteurs dans une lettre datée du 14 janvier 2021.

    Un premier article auquel d’autres ont déjà répondu

    D’emblée, le président de l’ART déplore que ces deux universitaires aient cédé à la tentation du « buzz médiatique » au détriment d’affirmations basées sur une argumentation solide, le tout sur un ton qu’il juge condescendant, « voire diffamant » vis-à-vis de l’ART.

    Il faut dire que le premier des deux articles, qui remet en cause la légalité de certaines pratiques, notamment fiscales et comptables, observées dans le secteur des concessions autoroutières, portent de graves accusations qui justifieraient, selon leur auteur, que l’État puisse mettre fin aux conventions de délégation de manière anticipée sans débourser un centime.

    Pourtant, le président de l’ART ne répond pas à ces allégations, sans doute parce que d’autres, avant lui, l’ont déjà fait, comme par exemple Noël Chahid-Nouraï, Jean-Luc Champy et Mikaël Ouaniche dans un article intitulé « Les concessions d’autoroutes : mythes et réalité » paru lui aussi dans La Semaine Juridique le 21 décembre 2020.

    Une réponse argumentée point par point

    Une fois le premier article écarté, Bernard Roman s’est donc concentré sur le second qui porte essentiellement sur deux aspects du rapport publié par l’ART : la rentabilité des concessions d’autoroutes et la définition du « bon état » applicable aux infrastructures restituées en fin de concession.

    Bien décidé « à ne pas laisser sans réponse les graves erreurs d’analyse » que comporte cet article, le président de l’ART développe son argumentation en sept points, en commençant par expliquer la méthode utilisée par l’Autorité indépendante pour établir son rapport.

    Il explique que « l’Autorité a construit son rapport selon une approche ouverte et méthodique, fondée sur une expertise reconnue et une robustesse des analyses » , prenant soin d’exposer « une présentation factuelle, précise et objective du secteur » .

    Bernard Roman rappelle les valeurs d’indépendance, d’expertise, de transparence et de dialogue chères à l’Autorité et combien elles sont importantes pour traiter ce sujet où « tous les éléments sont réunis pour alimenter de potentielles controverses » .

    À propos de controverses, justement, Yann Wels semble s’étonner que l’ART ait choisi le taux de rentabilité interne (TRI) pour analyser la rentabilité des concessions car cet indicateur serait, selon lui, source d’erreurs économiques.

    Or, le TRI prend en compte tous les flux financiers entrants et sortants sur l’intégralité de la durée du contrat et est utilisé lorsque la rentabilité d’une activité économique ne peut pas être mesurée à un instant donné, mais qu’elle doit s’apprécier sur l’ensemble de sa durée de vie, ce qui est le cas des concessions autoroutières.

    À l’assertion de l’universitaire, Bernard Roman répond que l’ART n’a nullement fait ce choix seule, mais qu’elle s’est conformée à l’article L 122-9 de la voirie routière qui lui demande d’assurer « un suivi annuel des taux de rentabilité interne de chaque concession » . Le président explique que l’ART a pris le temps nécessaire pour collecter des données pertinentes, pour les expertiser et pour organiser des échanges contradictoires avec les parties prenantes afin de fiabiliser les mesures dans le but d’apporter une expertise fine et d’effectuer le calcul de la rentabilité à travers le TRI avec une grande rigueur.

    « Ce travail de l’Autorité a été salué par nombre de juristes et d’économistes de renom » , écrit Bernard Roman, en réponse à l’universitaire pour qui « cinq ans d’attente pour une démarche déjà utilisée, pas seulement dans le secteur de l’autoroute, laisse pantois l’économiste et dubitatif le juriste » .

    Des indicateurs chiffrés justifiés et approuvés

    Outre le choix du TRI, l’universitaire marseillais remet en cause l’utilisation de la méthode du TRI « tronqué » employée par l’ART pour analyser la rentabilité des SCA. Cette critique est sans fondement selon le président de l’ART car, d’après lui, « la méthode du TRI « tronqué » permet, au contraire, malgré l’indisponibilité ou l’hétérogénéité de certaines données historiques, de tenir compte de toute la durée du contrat » .

    Bernard Roman explique que la « troncature » reflète simplement « la nécessité de modéliser les flux financiers antérieurs à une certaine date » et précise par ailleurs que cette « méthode du TRI « tronqué » n’est pas un concept théorique, mais seulement l’une des solutions les plus abouties de praticiens qui rencontrent des difficultés concrètes pour rassembler des données correspondant à la profondeur temporelle de leurs analyses » .

    Bernard Roman répond aussi à l’auteur de l’article paru dans La Semaine Juridique qui doute de la qualité des données utilisées par l’ART, tant en ce qui concerne le passé que le futur. S’agissant des chiffres antérieurs au rapport, le président de l’Autorité précise que les experts ont utilisé les comptes des SCA tels qu’ils ont été approuvés par les commissaires aux comptes.

    Des données qui ne souffrent donc aucune contestation. Quant aux prévisions, il explique qu’elles sont, par nature, incertaines, mais que l’ART s’est attachée « à expertiser les données venant des sociétés concessionnaires » mais aussi à présenter aussi ses propres prévisions.

    Désaccords et mises au point

    Décidément très critique à l’égard de l’ART, Yann Wels regrette qu’elle n’ait pas reconnu « un profil de risque surévalué ». Selon lui, ce risque supporté par les SCA serait même inexistant ou parfaitement couvert.

    Une idée reçue très répandue, mais que Bernard Roman ne partage pas. Outre le fait que c’est factuellement faux, car un contrat de concession entraîne un transfert total du risque à la société concessionnaire, le président de l’ART relève que l’auteur de l’article propose de mettre « de côté les événements imprévus et exceptionnels » , ce qui est pour le moins surprenant puisque ces aléas constituent une part importante du risque comme l’ont démontré les épisodes de 2008-2009 et de 2020.

    Enfin, le chargé d’enseignement phocéen semble estimer que définir ce que doit être le « bon état » des infrastructures autoroutières au terme des concessions n’est pas un sujet digne d’intérêt. Selon lui, le « bon état » de restitution serait l’ « état normal de fonctionnement » .

    Là-encore, Bernard Roman ne partage pas du tout son avis et estime que c’est méconnaître le sujet car ce n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. Selon lui, « il ne fait aucun doute que cette approche n’est pas pertinente » , car elle ne prend pas en compte des équipements comme les bassins d’assainissement, qui représentent des enjeux financiers importants, ou encore la pérennité des chaussées d’autoroute.

    « Pour l’Autorité, l’absence de précision des contrats en cours signifie que le « bon état » doit être entendu de façon absolue, c’est-à-dire en définissant un référentiel technique couvrant l’ensemble des aspects de l’infrastructure à restituer. Retenir une autre définition du « bon état » reviendrait en effet à renoncer à exiger que les concessionnaires réalisent les investissements de remise en bon état prévus par leurs contrats, alors que la trajectoire d’évolution des péages a très certainement été établie pour compenser les coûts correspondants » , écrit-il dans sa longue réponse aux deux universitaires.

    Dans son rapport, l’ART préconise d’ailleurs que soit établie une définition exigeante du terme « bon état » afin de défendre au mieux les intérêts de l’État . Une analyse qui montre l’expertise dont fait preuve l’ART sur les spécificités du secteur des autoroutes concédées et, qu’aujourd’hui comme demain, elle compte bien jouer pleinement son rôle d’autorité de contrôle en toute indépendance et en toute transparence.

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      Congo : moderniser la fonction publique pour lutter contre la corruption

      Isidore Kwandja Ngembo · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 5 February, 2021 - 04:20 · 4 minutes

    Tshisekedi

    Par Isidore Kwandja Ngembo.

    En acceptant la démission du Premier ministre Ilunga Ilunkamba et de son gouvernement, le président Félix Tshisekedi devra assurément procéder rapidement à la nomination d’un nouveau gouvernement devant mettre en œuvre son programme de réformes politique, économique, sociale et sécuritaire, durant les trois prochaines années qui restent, pour relever les multiples défis auxquels le pays fait face.

    Parmi les priorités qui s’imposent et les défis qui attendent le prochain gouvernement, figurent notamment le rétablissement de la paix, la sécurité et la protection des citoyens dans l’ensemble du pays ; la stimulation du développement socio-économique et la création d’emplois ; la lutte contre la corruption ; la réforme électorale, y compris les réformes du système judiciaire et de l’administration publique, pour assurer la stabilité des institutions qui doivent garantir et renforcer la démocratie et l’État de droit en République Démocratique du Congo.

    L’importance de l’administration publique

    Le prochain gouvernement qui, nous l’espérons cette fois-ci, va accompagner le président Tshisekedi dans la mise en œuvre de son projet de société, devra savoir que l’administration publique est la troisième et plus importante composante du pouvoir exécutif et un instrument indispensable à la mise en œuvre des politiques publiques et des programmes gouvernementaux.

    Si le président Tshisekedi veut réellement imprimer un nouvel élan à la seconde moitié de son mandat, il devra instruire le prochain gouvernement de changer complètement de cap, en initiant et mettant en œuvre un vaste plan d’action global de réforme et de modernisation de l’administration publique congolaise, pour une plus grande transparence, une meilleure gestion de la fonction publique et une orthodoxie dans les dépenses publiques.

    Point n’est besoin de rappeler ici que l’administration publique constitue un élément fondamental du système de gouvernance d’un État moderne et, sans nul doute, elle joue un rôle déterminant d’éclaireuse dans la prise de décisions politiques, dans la matérialisation de l’exercice des pouvoirs publics, dans la mise en œuvre des orientations gouvernementales et dans la saine gestion des services publics.

    Mais selon les derniers résultats préliminaires des enquêtes de la police judiciaire des parquets sur la paie des agents et fonctionnaires de l’État, l’administration publique congolaise héberge des réseaux mafieux de fraudes organisées et de détournement des deniers publics qui profitent à une catégorie de personnes.

    Pour preuve, ce rapport indique que entre 2011 et 2019, une somme de plus 259 millions de dollars aurait été détournée avec plus de 133 000 agents fictifs et plus de 43 000 doublons qui bénéficiaient indûment de la paie des fonctionnaires et agents de l’État officiellement reconnus.

    Tout dernièrement encore, un autre scandale de détournement de fonds publics présumé éclabousse le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et technique. Le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) qui a abouti à l’arrestation du directeur national du Service du contrôle et de la paie des enseignants (SECOPE) et de l’Inspecteur général de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, indique qu’un million et demi de dollars seraient détournés chaque mois dans ce ministère.

    Pour  mettre fin à ce fléau de la rémunération des fonctionnaires fictifs qui coûte énormément au Trésor public congolais, la réforme dans le système de l’administration publique congolaise doit figurer parmi les priorités clés du gouvernement et faire l’objet d’une attention toute particulière.

    Cette réforme devra non seulement veiller à mettre en place un système de vérification minutieuse des effectifs réels de la fonction publique, en procédant systématiquement au recensement rigoureux des fonctionnaires civils, de ceux relevant de la police nationale et des forces armées congolaises, mais elle devra également démanteler les emplois fictifs payés par des fonds publics. La mise en place d’un tel système de vérification aiderait à améliorer la capacité administrative des ministères et autres institutions publiques à mener à bien leurs missions.

    Une telle réforme est possible, mais doit être un effort continu qui va de l’avant avec l’adoption des nouveaux cadres législatifs et réglementaires rigoureux et réellement applicables, en vue d’améliorer l’efficacité de l’action publique, de raffermir la transparence, de garantir le respect des principes de responsabilité et de reddition de comptes, pour combattre efficacement la corruption, la mauvaise gestion des ressources publiques et assurer la gestion plus rigoureuse des institutions publiques.

    La réalisation de telles réformes majeures, qui vont s’échelonner dans le temps, pourrait se révéler plus difficile et complexe, si elles ne sont pas pilotées par des mains expertes.

    Ce pourquoi il nous semble évident que le choix du prochain ministre responsable de l’administration publique soit porté sur une personne qui possède une excellente connaissance théorique et pratique des enjeux essentiels et cruciaux liés à l’administration publique. Un tel choix  judicieux permettrait de relever les défis majeurs récurrents auxquels est confrontée l’administration publique congolaise.