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      À Cuba, les entreprises privées vont pouvoir investir la quasi-totalité de l'économie

      Le HuffPost avec AFP · news.movim.eu / HuffingtonPost · Saturday, 6 February, 2021 - 20:32 · 2 minutes

    À Cuba, où l

    ÉCONOMIE - Cuba a annoncé ce samedi 6 février que l’activité privée serait désormais autorisée dans la majorité des secteurs, une réforme majeure dans ce pays socialiste où l’État et ses entreprises dominent l’activité économique.

    La mesure, qui avait été dévoilée en août dernier par la ministre du Travail, Marta Elena Feito, a été approuvée vendredi lors d’une réunion du Conseil des ministres, selon le quotidien officiel Granma , du Parti communiste au pouvoir.

    Jusqu’à présent, l’activité privée, autorisée à Cuba depuis 2010, mais dont le véritable essor date du réchauffement historique entre Cuba et les États-Unis initié fin 2014 sous Barack Obama , était limitée à une liste de secteurs fixée par l’État. “La liste antérieure des 127 activités (autorisées) est éliminée”, a indiqué la ministre du Travail.

    Moins d’un Cubain sur six travaille actuellement dans le privé

    À l’inverse, désormais une liste fixera les secteurs réservés à l’État, qui ne seront qu’une minorité: “sur les plus de 2.000 activités dans lesquelles est permis l’exercice de travail privé (...), ne seront limitées, de façon partielle ou totale, que 124”, a-t-elle expliqué, sans plus de détails.

    “Que le travail privé continue à se développer, c’est l’objectif de cette réforme de perfectionnement” du secteur, a assuré la ministre, soulignant que cela “va permettre de libérer les forces productives” du privé.

    Actuellement, plus de 600.000 Cubains travaillent dans le privé, soit 14,5% de la population active, dans cette île de 11,2 millions d’habitants. Ils sont employés essentiellement dans la gastronomie, les transports (taxis) et la location de chambres aux touristes.

    Mais ce secteur “a été durement touché par le renforcement de l’embargo” américain sous l’administration de Donald Trump et “aussi par les effets de la pandémie” de coronavirus, qui a poussé nombre d’entre eux à suspendre leur licence. La réforme est “une étape importante pour augmenter l’emploi”, a souligné sur Twitter le ministre de l’Economie Alejandro Gil.

    C’est “une bonne nouvelle” et “véritablement un pas dans la bonne direction”, même si, “malheureusement, cela a pris trop de temps” à être approuvé, a estimé sur Twitter l’économiste Ricardo Torres, de l’université de La Havane.

    À voir également sur le HuffPost : Elle porte une maison en carton sur les épaules pour se protéger du coronavirus à Cuba

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      Le socialiste d’aujourd’hui n’est pas le socialiste d’antan

      Finn Andreen · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 28 January, 2021 - 04:00 · 9 minutes

    le socialiste

    Par Finn Andreen.

    Les libertariens se demandent souvent pourquoi le socialisme continue à être si populaire, alors qu’il s’est avéré être un tel échec en tant qu’idéologie politique et système économique. Bien que l’idéologie de l’éducation publique et des médias traditionnels soient des raisons importantes qui expliquent cela, la persévérance obstinée du socialisme est aussi quelque peu fictive, car le socialisme a évolué : le socialiste d’aujourd’hui n’est pas le socialiste d’antan.

    Cette distinction est importante à garder en tête lors de l’élaboration d’une éducation libertarienne pour contrer cette évolution.

    La différence entre le socialiste traditionnel et le socialiste moderne

    La différence entre le socialiste traditionnel et le socialiste moderne correspond à la distinction que Ludwig von Mises a proposée entre le socialisme et l’intervention de l’État dans le libre marché. Les socialistes traditionnels, d’influence marxiste directe, ont presque disparu, en même temps que les expériences socialistes ont échoué, l’une après l’autre, au cours du XXe siècle. Personne se qualifiant aujourd’hui de socialiste ou de gauche ne pense que la nationalisation des moyens de production est la meilleure façon d’organiser la société. Aucun socialiste moderne ne justifie l’oppression politique et l’étouffement économique typiques de l’État socialiste.

    Cependant, les socialistes modernes ferment toujours les yeux sur les preuves, maintenant irréfutables, montrant que le marché libre est le plus grand créateur de richesse de l’ histoire , même quand il est entravé par l’intervention de l’État. Ils refusent toujours d’accepter que des milliards de personnes ont été sauvées de la pauvreté par le capitalisme – en version dégradée – et que des centaines de millions de personnes aient rejoint la classe moyenne grâce à la libéralisation du commerce international et à l’ouverture de larges pans des économies des pays en développement.

    Le socialiste moderne est donc une créature paradoxale

    Il accepte le libre marché et en même temps le rejette. Croire au libre marché dans certains cas mais pas dans d’autres est une position idéologique pour le moins ambiguë, qui semble intellectuellement intenable et qui devrait au moins être défendue. Mais les socialistes modernes n’ont généralement pas cette incohérence intellectuelle. Ils considèrent plutôt, souvent sans donner de précisions, que le libre marché fonctionne dans une certaine mesure et qu’il doit être limité et contrôlé.

    Ils sont convaincus que l’État doit jouer un rôle fondamental dans la société, pour protéger les travailleurs contre le capitalisme sauvage, qui autrement non seulement continuera à les opprimer, mais détruira la civilisation elle-même.

    Parmi les socialistes modernes on trouve évidemment la gauche radicale et les sociaux-démocrates, ainsi que les élites libérales et la droite, mais aussi tous les conservateurs ayant abandonné le libéralisme classique pour s’adapter au temps. Les socialistes modernes représentent donc une grande et hétérogène majorité, mais ils ont une chose en commun : leur confiance dans l’État.

    Suivant la dichotomie de Mises ci-dessus, les socialistes modernes peuvent donc aussi être appelés étatistes . Comme le nom l’indique, les étatistes estiment que l’État doit intervenir sur le marché pour corriger ses nombreux excès imaginés et fournir un cadre réglementaire sans lequel, ils sont convaincus, il partirait en vrille. De vastes secteurs de l’économie (comme l’éducation ou la santé) doivent être placés sous le contrôle de l’État, s’ils ne le sont pas déjà.

    Les secteurs qui peuvent, selon eux, rester dans le domaine privé, doivent néanmoins être réglementés par l’État et protégés, si nécessaire, par des subventions, des tarifs , et d’autres types de redistribution . Les étatistes aimeraient souvent, même s’ils ne l’admettent pas toujours ouvertement, que les valeurs sociales et culturelles considérées comme inappropriées, comme le consumérisme ou le conservatisme, soient étouffées par l’État.

    La popularité de ces idées a eu de graves conséquences économiques, politiques et sociales au cours des dernières décennies, en France comme ailleurs. La plupart des étatistes ont de bonnes intentions, mais ils ont été éduqués avec une idéologie souvent basée sur des convictions erronées, des malentendus, et franchement, de l’ignorance.

    Le socialiste moderne et le capitalisme

    L’erreur la plus fondamentale que font les étatistes, et qui trahit leur manque de connaissance libertarienne, est peut-être la façon dont ils définissent le capitalisme. Ce qu’ils nomment capitalisme est en fait capitalisme d’État . C’est le capitalisme en tant que corporatisme, avec ses abus de pouvoir, ses monopoles artificiels, ses stratégies industrielles, et sa capture réglementaire.

    Les libertariens ont depuis longtemps dénoncé ces pratiques injustes et précisé qu’elles sont inévitables lorsque l’État s’immisce dans la vie économique de la société. En d’autres termes, ce que beaucoup d’étatistes pensent confusément être du capitalisme débridé, est en fait l’économie de marché bridée par l’État. Ils confondent cause et effet, puisque c’est l’implémentation de leurs propres idées étatiques qui ont créé les conditions politiques et économiques qu’ils critiquent aujourd’hui.

    Autrement dit, ils sont convaincus que l’État doit intervenir dans la société pour corriger les problèmes dont il est lui-même largement responsable.

    La plupart des étatistes ne sont pas conscients de cette contradiction, ni des conséquences néfastes de leurs convictions politiques. Ceci n’est pas surprenant, car ils n’ont pas appris comment fonctionne réellement l’économie de marché et les nombreuses façons dont l’intervention de l’État la déforme. Ils adhèrent simplement aux idées et valeurs étatistes qu’ils ont reçues dès leur très jeune âge par l’éducation publique, les média s, et souvent involontairement, par la famille et les amis.

    L’écrasante majorité de la population n’a malheureusement jamais été initiée au libertarianisme, et ne possède donc pas les outils conceptuels pour comprendre pourquoi cette doctrine étatiste de la société est erronée.

    Un besoin urgent d’éducation libertarienne

    Il y a donc un besoin criant pour un autre type d’éducation – une éducation aux piliers économiques et politiques du libertarianisme ; respectivement, l’ économie autrichienne et le droit naturel . Il peut sembler présomptueux, voire condescendant, de suggérer que les socialistes modernes ont besoin d’être éduqués. Il serait en effet présomptueux de proposer une éducation alternative à celle que reçoit la grande majorité si la société moderne était libre, pacifique, harmonieuse et riche. Mais ceci n’est pas le cas, comme la plupart des étatistes le reconnaissent immédiatement.

    En outre, les libertariens gardent souvent une certaine humilité, car la plupart étaient eux-mêmes étatistes avant de recevoir cette même éducation de la liberté. D’ailleurs, c’est peut-être pour cela que les libertariens comprennent si bien les étatistes, alors que l’inverse n’est presque jamais le cas.

    La distinction entre les socialistes traditionnels et modernes est pertinente pour l’élaboration d’une telle éducation libertarienne. Puisque les socialistes modernes interprètent et expriment le socialisme différemment des socialistes traditionnels, l’éducation nécessaire pour convaincre les étatistes de la folie de leurs idées politiques et économiques ne peut pas être la même que celle utilisée dans le passé.

    Les socialistes traditionnels devaient être sensibilisés avant tout à la définition de la liberté, aux conséquences désastreuses de la planification centralisée, et au rôle essentiel des prix dans la société. C’est pourquoi ils devaient apprendre la critique du marxisme de Böhm-Bawerk, la critique de Mises sur le calcul en économie socialiste, l ’avertissement de Hayek contre le collectivisme, ainsi que sa théorie non moins connue sur l’ utilisation de la connaissance dans la société.

    Cette éducation, bien que toujours fondamentale, n’est plus aussi importante qu’elle ne l’était autrefois, car les socialistes modernes ont déjà implicitement appris ces leçons. Ils se rendent compte que la théorie de la plus-value de Marx est erronée, qu’une économie planifiée et la tentative d’abolir la propriété privée conduisent à l’effondrement de la société. Les étatistes ont plutôt besoin de recevoir une éducation aux causes et conséquences de l’intervention de l’État dans une société libre.

    L’éducation du socialiste moderne devrait donc contenir des concepts clés tels que l’ effet Cantillon, la loi de Say, le sophisme de la vitre cassée de Bastiat, l’ analyse de l’État par Rothbard, et la critique de la taxation par Hoppe.

    Ces lois économiques et ces principes libertariens sont essentiels pour comprendre pourquoi une société basée sur le capitalisme d’État devient insoutenable et instable à long terme. Une telle société ne peut plus s’améliorer et s’engage alors inévitablement dans un déclin économique, social et culturel.

    L’éducation libertarienne est fondamentale pour renverser cette tendance, pour apprendre aux jeunes générations que le socialisme moderne est intrinsèquement décadent, car elle génère une diminution de l’épargne individuelle, un affaiblissement des liens familiaux, une disparition de la responsabilité personnelle, et une crise de confiance dans le système politique. Ce sont des conséquences prévisibles du socialisme moderne.

    La faillite morale et économique du système politique actuel, et avec celle-ci la réalisation que ce système arrive maintenant au bout du rouleau, pourrait rendre de nombreux étatistes plus réceptifs qu’avant aux réponses que le libertarianisme propose. L’éducation du socialiste moderne devrait aussi être plus simple que la conversion d’un socialiste traditionnel au libertarianisme.

    Ce dernier était souvent armé d’une dialectique solide basée sur les textes de Hegel, Marx, Engels et Lénine. Mais la plupart des socialistes modernes n’ont jamais lu ces auteurs et ne connaissent au mieux que vaguement leurs idées, aussi erronées et dangereuses soient-elles. Les étatistes n’ont pas réellement d’idéologie à proprement parler ; leurs convictions politiques sont souvent basées davantage sur des émotions que sur des principes. Un exemple typique est celui où payer ses impôts est fièrement considéré comme un acte de solidarité.

    L’éducation du socialiste moderne doit donc aussi inclure la moralité. Les étatistes ont besoin d’être convaincus que l’adoption des idées libertariennes fera d’eux de meilleures personnes. S’ils s’embarquent dans cette éducation avec un esprit ouvert, s’ils prennent le temps de vraiment comprendre les arguments politiques et économiques du libertarianisme, ils verront que le capitalisme, correctement définie, conduit à la société la plus pacifique, stable et juste.

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      L’État français, à des années-lumière du citoyen

      Jean Kircher · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 28 January, 2021 - 03:45 · 3 minutes

    état français

    Par Jean Kircher

    Pour nos sociétés modernes et démocratiques l’un des objectifs prioritaires devrait être le bien-être et le confort des citoyens afin qu’ils puissent vérifier et utiliser quotidiennement les progrès que nos gouvernements mettent en œuvre.

    En voyageant régulièrement dans toute l’Europe on se rend compte que pour la France et les Français le compte n’y est pas.

    L’État français très éloignés du citoyen, à bien des niveaux

    Ainsi le téléphone et les connections internet dont le réseau est supposé couvrir tout le territoire. Les zones blanches sont innombrables et il est courant que les services en cause répondent que nous sommes en bout de ligne. En dehors des grandes agglomérations c’est le cas partout. Dans le petit Luxembourg le moindre ménage dispose d’une connexion de 80 gigas. Pour avoir la même chose en France il faut passer par les grands opérateurs contre paiement supplémentaire.

    Ainsi les routes. En dehors du réseau autoroutier privé un tiers des autres routes sont en mauvais état . En période de neige les sableuses sont notoirement en sous-effectifs. Le seul service qui fonctionne remarquablement c’est le contrôle des vitesses.

    Sur les 800 000 ronds-points installés en Europe, 600 000 se trouvent en France . C’est la solution économique que notre grand pays a trouvé pour éviter de construire ponts, tunnels et contournements. L’automobiliste, lui, se démène dans des bouchons interminables et polluants.

    Rares sont les villes contournées. En Allemagne, toutes les grandes villes le sont et les villes moyennes sont traversées par des tunnels. La Suisse a voté un budget de 250 milliards sur dix ans pour relier toutes les grandes villes par des tunnels souterrains .

    Sur les autoroutes , les aires dédiées aux camions sont minuscules, les entrées en station deviennent donc de vrais parcours de combattant afin d’éviter que les poids-lourds n’encombrent le passage. Aménager de grands « Lorry-center » à l’allemande n’est pas prévu.

    Ainsi les voies navigables. Le gouvernement Jospin a définitivement enterré le projet Rhin-Rhône qui aurait pu devenir l’axe majeur européen de circulation des marchandises. Tant pis pour la pollution économisée et les routes dégagées.

    N’abordons même pas la monstrueuse désindustrialisation de la France dont nous n’avons pas fini de payer le prix.

    Nos villes deviennent tabou pour les automobilistes mais on ne construit pas pour autant les parkings de dégagement. Il s’agit juste de contenter les écologistes. Contourner définitivement la région parisienne ne fait pas partie des projets de nos penseurs.

    Tout se fait à l’économie car l’État n’a plus les budgets nécessaires pour ce genre d’investissements. Il s’agit prioritairement de payer les six millions de fonctionnaires dirigés par une oligarchie généreusement entretenue et très éloignée des réalités au-delà du périphérique parisien.

    Donc les besoins du peuple, on s’en moque. On embarque la populace dans de grands projets prestigieux qui font la grandeur de la France.

    Ainsi le Centre Pompidou qui fut en son temps un phare de la culture moderne française n’a jamais été entretenu pendant plus de 15 ans. Aujourd’hui il est fermé pour près de quatre années de rénovation . C’est typiquement français : on inaugure en grande pompe mais on ne prévoit plus les budgets d’entretien pour finalement recommencer à zéro. Pour beaucoup plus cher.

    Nous vivons de plus en plus dans une société virtuelle ou l’on confond webinars et télétravail avec efficacité et avenir, santé avec économie en berne, distantiel avec  présentiel pour finir avec un peuple appauvri et  méprisé.

    À force de prioriser le social assisté, les revendications des minorités bruyantes, le bien-être animal, celui des citoyens finit par être méprisé. Avec un niveau de vie en baisse, un chômage en hausse, un déficit désespérément chronique et un endettement sans fin, nous ne sommes pas prêts de voir notre quotidien s’améliorer.

    Mais le coq sur son tas de fumier continue de chanter…

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      Santé.fr ou le nouveau raté de l’État providence français

      Jean-Philippe Feldman · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 19 January, 2021 - 04:00 · 3 minutes

    Santé.fr

    Par Jean-Philippe Feldman.

    Alors que le tourisme français est en berne, notre État providence préféré a eu la bonne idée de promouvoir cette charmante ville d’Auxerre pour s’y faire vacciner.

    La mésaventure est arrivée en fin de semaine dernière à l’un de mes proches, une personne âgée (on ne dit plus « vieux » selon le politiquement correct) de plus de 75 ans. Seul hic, cette personne est parisienne et après de nombreuses tentatives infructueuses pour s’y connecter le site déjà proverbial Sante.fr l’a envoyée se faire vacciner à 169 kilomètres de Paris, soit à peu près plus de deux heures de la capitale par la route ou par le train.

    Le désastre de Sante.fr

    Ce cas n’est manifestement pas isolé puisque le journal télévisé de samedi soir sur une chaîne nationale, dont l’antimacronisme n’est pourtant pas la caractéristique la plus notable, contait la même mésaventure arrivée à moult personnes.

    Rappelons que le site Sante.fr a pour objet de trouver le centre de vaccination le plus proche de chez soi et de prendre rendez-vous en ligne. Paris doit être une modeste ville pour ne disposer d’aucun centre de vaccination… À moins que le vaccin bourguignon soit plus efficace arrosé de chablis ? Je vois déjà les heureux élus trinquer à votre bonne santé.fr !

    L’anecdote incite à l’humour, mais elle est aussi révélatrice de gouvernements qui ne maîtrisent rien depuis l’origine de la pandémie . Initialement, on pouvait encore trouver l’excuse ou l’explication de la sidération ou du fait que la sphère publique n’avait comme de bien entendu rien anticipé.

    Mais, depuis lors, tant la centralisation extrême que la bureaucratie galopante ont provoqué ratage sur ratage. Après les masques, les appareils de réanimation, les super-réfrigérateurs, voici l’épisode des prises de rendez-vous pour se faire vacciner… ce qui suppose qu’il y ait des vaccins et rien n’est moins sûr !

    Le boulet de l’État providence

    On aurait envie de faire preuve d’indulgence car si la critique est aisée, l’art est difficile. Mais ce n’est pas une question de personne pour l’essentiel. Ce sont les caractéristiques mêmes de l’« exception française » qui expliquent les atermoiements et en définitif les échecs des gouvernants.

    Avec un système aussi centralisé et bureaucratique qu’est l’État français, de deux choses l’une. Soit les décisions centrales sont en elles-mêmes « bonnes » à l’origine, peut-être par hasard, mais leur exécution pâtit de ce centralisme exacerbé. Soit les décisions centrales sont mauvaises car elles ne prennent pas en compte la « complexité » du monde contemporain.

    Dans les deux cas, la bureaucratie, le fonctionnarisme, les lourds prélèvements obligatoires, l’écrasement de la société civile font de l’État providence français non pas un modèle, mais un repoussoir.

    Si la pandémie a une vertu, c’est au moins que les discours sur le « système social que le monde entier nous envie » ont presque disparu. Il reste malheureusement celui selon lequel « il faut lui donner des fonds supplémentaires car il a été victime de la rigueur budgétaire ». Faut-il rappeler que le socialisme ne se réforme pas, il se supprime ?

    Jean-Philippe Feldman vient de publier Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron , Odile Jacob, 2020.

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      1830 : Les trois glorieuses ou la révolution volée

      Xavier Vest · news.movim.eu / LeVentSeLeve · Monday, 9 November, 2020 - 18:57 · 25 minutes

    À la mi-mai 2020 de nombreux aides-soignants ou infirmiers ont eu l’occasion de recevoir une « médaille de l’engagement ». Cette médaille se voulait pour le gouvernement une marque de reconnaissance de la nation envers le dur travail du monde soignant durant le confinement. Pourtant, de nombreux soignants ont moqué cette mesure cosmétique en jetant leurs médailles en réaction à ce qu’ils voient comme un simple substitut à une véritable réforme du mode de gestion néolibéral des hôpitaux publics. Outre le monde médical, Macron avait aussi salué avec emphase les travailleurs de « première ligne » durant le confinement qui faisaient tenir l’économie en annonçant que plus rien ne serait comme avant. Pourtant les prévisions orageuses à venir sur le marché du travail avec les multiples plans de licenciement ne semblent pas faire varier la politique du gouvernement. Cette atmosphère actuelle pourrait bien nous ramener plus loin dans l’Histoire de France. À l’été 1830, 15 ans après la Restauration monarchique des Bourbons, le peuple de Paris à l’initiative d’étudiants républicains et d’ouvriers se soulève contre Charles X.


    Cette Révolution victorieuse qu’on appelle aujourd’hui les trois glorieuses fait suite à une crise institutionnelle et politique qui accroit la défiance des Parisiens sur un retour au monde d’avant 1789. Bien que cette révolution soit victorieuse, en coulisses, les députés de l’opposition libérale parviennent à maintenir un régime monarchique avec une nouvelle dynastie qui se veut plus libérale que celle des Bourbons avec la venue du Duc d’Orléans sur le trône qui devient Louis Philippe 1er, Roi des français.

    Bien que devant sa couronne au peuple qu’il qualifie d’héroïque, Louis-Philippe et sa majorité bourgeoise se préservent de trop bouger les institutions politiques et sociales. Ils écartent alors rapidement les idées républicaines et se refusent à céder aux revendications sociales des ouvriers. Louis-Philippe tient pourtant à féliciter les combattants des barricades en leur distribuant à chacun une « médaille de juillet ». Cette médaille est alors moquée ironiquement voire refusée par certains combattants à l’image de militants républicains conscients de la dupe qui s’opère. Car durant les trois glorieuses, les républicains et les ouvriers se sont bel et bien fait dupés par les bourgeois libéraux qui parviennent à imposer leur ordre.

    La chute de l’Empire et le retour du Roi

    Adolphe Thiers © Eugène Disrédi

    En 1821, Adolphe Thiers jeune avocat, âgé de 24 ans, originaire du sud de la France, qui inspirera à l’écrivain Honoré Balzac le célèbre personnage de Rastignac, arrive à Paris dans le but d’assouvir ses ambitions de gloire littéraire, de fortune et d’ascension politique. Si il est un grand admirateur de Napoléon pour son oeuvre politique et militaire, il a bien compris que dans ces temps de paix, pour acquérir de la célébrité, la plume a remplacé le sabre.

    Il écrit alors Une Histoire de la Révolution Française de 1823 à 1827 qui paraît progressivement en 10 volumes. Ce livre connaît un grand succès et plusieurs rééditions avec des ventes atteignant des dizaines de milliers d’exemplaires. Dans son livre, le jeune Thiers salue l’esprit de 1789 en s’opposant aux Aristocrates, représentants de l’ancien monde religieux et ses privilèges. Il critique aussi fortement la République jacobine et Robespierre qu’il qualifie comme un des « êtres les plus odieux qui ait jamais gouverné des hommes ». En plus de cette activité d’historien qui lui permet  de faire fortune, le jeune Thiers se lie rapidement à l’opposition libérale en rejoignant le journal Le Constitutionnel. Ce grand titre de presse dont le siège est à Paris a décidé de prendre le parti des libéraux contre les Ultras au cours des joutes politiques qui animent la Restauration.

    Car si en 1815, après la défaite définitive de Napoléon 1er à Waterloo, les Bourbons sont rétablis, les évolutions politiques et sociales de la Révolution française et de l’Empire ne peuvent être occultées par le nouveau régime. Une Charte est alors promulguée à l’initiative de l’Angleterre, et du frère de Louis XVI, le nouveau Roi de France, Louis XVIII dans le but d’établir un compromis institutionnel, politique et social entre l’aristocratie et la grande bourgeoisie. Cela aboutit dans les faits à un semblant de monarchie constitutionnelle proche du modèle anglais avec une chambre des pairs (noblesse héréditaire nommée par le Roi) et une chambre des députés élue au suffrage censitaire par les électeurs les plus fortunés. Pour un pays d’environ 30 millions d’habitants durant la Restauration, seulement 100 000 français peuvent voter et 15 000 être éligibles.

    Malgré des débuts houleux, ce système politique fonctionne plutôt bien durant les premières années du règne de Louis XVIII  (1814-1815 ; 1815-1824). Bien que non obligé par la Charte, le Roi se prête au jeu du parlementarisme en nommant des ministères issus de la majorité parlementaire. Les ministères Richelieu (1815-1818) et Decazes (1819-1920) soutenus par des royalistes modérés et des libéraux doctrinaires comme François Guizot, futur homme fort de la Monarchie de Juillet symbolisent la réussite d’une Monarchie tempérée qui parvient à maintenir une concorde sociale en obtenant le soutien de la bourgeoisie.

    Louis XVIII en costume de sacreLouis XVIII en costume de sacre

    Libéraux vs Ultras : l’opposition systémique des années 1820

    Pourtant différents évènements vont venir mettre fin à ce consensus. Le Duc de Berry, neveu du Roi et fils du Comte d’Artois (futur Charles X) est assassiné en février 1820 par un ouvrier bonapartiste. Cet évènement au retentissement politique énorme clôt l’épisode de la Monarchie modérée avec l’avènement durant la décennie 1820 de l’opposition entre les Libéraux et les Ultras. Ces derniers parviennent à travers le Comte d’Artois, futur Charles X à influencer Louis XVIII dans sa politique intérieure notamment en restreignant la liberté de la presse pour museler l’opposition libérale.

    Le terme d’Ultras ou d’Ultras-royalistes désigne cette frange d’anciens nobles émigrés constituée d’aristocrates parisiens occupant les beaux hôtels particuliers du Faubourg Saint-Germain à Paris ou de ces hobereaux de province nostalgiques de la société dAncien-Régime d’avant 1789 fondée sur la terre et sur la religion catholique. Ils sont en outre influencés par des auteurs contre-révolutionnaires à l’image de Joseph de Maistre, pour qui le pouvoir résulte dans la « providence divine » et non dans la souveraineté du peuple. Louis de Bonald, grand pourfendeur du Contrat social de Rousseau qui prône un retour à une société traditionnelle basée sur les ordres inspire aussi grandement le parti Ultra. Ce parti méprise de fait la monarchie modérée de Louis XVIII et soutient le Comte d’Artois, chef du parti des Ultras qui accède au trône en 1824 sous le nom de Charles X.

    Face aux Ultras, s’opposent les libéraux. Ils résultent à la chambre des députés d’une opposition plurielle entre Républicains ayant pour modèle la République américaine de George Washington comme ne général Lafayette ou le député Jacques Manuel, d’anciens bonapartistes comme le Général Foy, et enfin des partisans d’une véritable monarchie libérale qui pourrait être placée sous l’égide de la branche cadette des Bourbons, les Orléans, plus sensible à la Révolution française et au libéralisme politique à l’image du Duc d’Orléans. Le Duc d’Orléans, quand à lui, dispose depuis la Restauration d’une grande fortune. Il est propriétaire de plusieurs grands domaines, en particulier du Palais-Royal à Paris, bâtiment dont les galeries marchandes ponctuées de cafés et de librairies sont des hauts lieux de sociabilités politiques de l’opposition sous la Restauration. Si le Duc d’Orléans se fait discret sur ses ambitions politiques, il manigance en secret des réseaux de soutien et reçoit chez lui de nombreux opposants à Charles X. Il déclare dès 1815 “ Je ne ferai rien pour m emparer de la couronne, mais si elle tombe, je la ramasserai .” (Bertrand JC, 2015, p.385). Pour les partisans d’une véritable monarchie constitutionnelle comme François Guizot ou le banquier Jacques Laffitte, ce régime permettrait d’en finir avec le spectre de l’ancien régime toujours agité par la menace des Bourbons surtout à partir de Charles X mais aussi de se protéger contre les excès de la République jacobine de 1793 avec son cortège de lois sociales que les libéraux abhorrent.

    Jacques LaffitteJacques Laffitte

    De fait si les libéraux condamnent la Révolution égalitariste sans-culotte, ils restent néanmoins attachés aux principes de 1789 et au Code Civil de Napoléon. Ils se font partisans d’un libéralisme politique (liberté religieuse, liberté de presse, monarchie constitutionnelle) mais aussi d’un libéralisme économique. Ils affichent aussi un grand anticléricalisme voltairien. On retrouve parmi les grands noms de cette opposition bourgeoise des notables qui ont bénéficié des formes modernes d’enrichissement : négoce, industrie ou banque. À titre d’exemple on peut noter le nom de grands banquiers comme Casimir Perier aussi actionnaire de la Compagnie des Mines d’Anzin ou Jacques Laffitte, fils d’un modeste charpentier du sud, qui possède dans les années 1820, une grande fortune d’environ 20-25 millions de francs.

    Outre leur opposition à la chambre des députés, cette « aristocratie de comptoir » comme le nommera plus tard le journaliste Armand Carrel, fait un véritable travail de militantisme politique à travers des journaux d’opposition dont elle est actionnaire. Le Journal du Commerce ou Le Courrier Français sont ainsi tenus par des membres de l’opposition. D’autres journaux d’oppositions systémiques comme Le Journal des débats et Le Constitutionnel, dans lequel Adolphe Thiers se fait remarquer dans les années 1820, connaîtront de grands tirages à une époque où un exemplaire, du fait d’un coût trop élevé, peut être lu à voix haute dans un café ou échangé entre plusieurs dizaines d’individus.

    Et le peuple dans tout ça ?

    Pour l’opposition bourgeoise, la participation politique reste avant tout conditionnée par la richesse économique. Un des rares points d’achoppement entre les Libéraux et les Ultras, comme le fait remarquer l’historien Jean Bruhat, est la mise à l’écart des masses populaires qui ont connu un éveil politique durant la Révolution française à la campagne comme à la ville. Ces masses  populaires n’ont plus réellement voix au chapitre en France depuis les dernières insurrections sans-culottes à Paris lors du printemps 1795 contre la convention thermidorienne et la vie chère. Elles n’ont ensuite pu s’exprimer sous l’Empire qui a substitué l’engagement politique à l’engagement militaire (Noiriel, 2018) dans un contexte de guerre européenne. Enfin, Napoléon Bonaparte dans un contexte de régulation et de centralisation du pouvoir impose un contrôle strict de surveillance sociale avec la création du livret ouvrier (1803) qui vise à « domestiquer le nomadisme des ouvriers » (Woronoff, 1994). Outre ce contrôle social, les ouvriers ont interdiction de se regrouper en coalition depuis la Loi Le Chapelier (1791) qui n’a jamais été remise en cause par les régimes successifs.

    Si la France de la Restauration diffère d’un Royaume-Uni déjà fortement industrialisé, en étant avant tout un pays rural fondé sur la petite propriété paysanne, le pays compte tout de même un certain nombre d’ouvriers partagés entre des activités traditionnelles et des activités industrielles nouvelles dans quelques foyers urbains comme Lyon, Lille, Rouen mais surtout Paris.

    Une enquête préfectorale de 1823 établit ainsi à 244 000 (sur 730 000 à 750 000 habitants) le nombre d’ouvriers parisiens. Ce grand nombre d’ouvriers provient tout d’abord du secteur du bâtiment qui embauche chaque jour place de grève (Place de l’Hôtel de ville). On compte aussi des métiers artisanaux à l’image d’ateliers de chaudronnerie, d’orfèvrerie, d’ébénisterie, de chapellerie ou encore des métiers liés à industrie du luxe qui alimente ce qu’on appelle les « articles de Paris ». La ville de Paris voit aussi durant la Restauration l’apparition de fabriques issues de l’industrie nouvelle (produits chimiques, fonderie de métaux) au sud et à l’est du quartier de la Cité pouvant employer des centaines d’ouvriers.

    Si des opérations de spéculation ont déjà pu avoir lieu durant la Restauration à l’image de celle du quartier de l’Europe, L’Haussmannisation qui a pour objectif de faire de Paris une ville segmentée socialement en renvoyant les prolétaires hors du centre urbain n’a pas encore débutée. De fait de nombreux immeubles de la capitale peuvent accueillir à la fois des ouvriers, des employés ou des bourgeois tandis que les quartiers du Centre-Ville comme l’île de la Cité ou celui de l’Hôtel de Ville sont surpeuplés. Cette visibilité des ouvriers dans le centre de Paris peut effrayer la bourgeoisie dont la peur est par ailleurs accentuée par la presse, productrice de l’opinion publique, à l’image du journal La gazette des tribunaux qui paraît  en 1825. Ce journal vendu à 12 000 exemplaires narre de nombreux faits quotidiens d’insécurité à Paris. Le crime semble désormais « émaner de la totalité des masses populaires » et les classes laborieuses deviennent irrémédiablement associées à des « classes dangereuses » (Chevalier, 1966). Adolphe Thiers, figure montante de l’opposition libérale dans les années 1820 se désole ainsi que l’autorité patronale « perd de jour en jour de sa force morale et de son influence sur le peuple » et que la classe ouvrière soit « travaillée et excitée au désordre ».

    Si la classe laborieuse en France n’a pas encore une véritable conscience de soi comme cela sera progressivement le cas dans les décennies qui vont suivre, on peut déjà en observer plusieurs prodromes. À Paris, il existe en 1825, 180 sociétés de secours mutuel rassemblant 17 000 adhérents soit 10 % de la population ouvrière masculine (Guicheteau, 2014). Enfin des expériences de grèves ont déjà eu lieu en France sous la Restauration comme dans la ville de Houlme en août 1825 lorsque 800 ouvriers d’une filature cessent le travail pour s’opposer à leur patron sur un allongement du temps de travail tout en désirant une augmentation de salaire avant de faire face à la répression.

    En ce qui concerne la politisation des ouvriers, le socialisme utopique n’en est encore qu’à ces débuts à l’image d’un Charles Fourier qui rédige ses oeuvres dans les années 1820 et qui rencontrent très peu d’échos dans les catégories populaires. Les écrits de Saint-Simon sont quant à eux plus lus par la bourgeoisie qui rêve d’une aristocratie industrielle travaillant main dans la main avec les ouvriers.

    Louis Robin MorhéryLouis Robin Morhéry

    Néanmoins comme l’a montré l’historienne Jeanne Gilmore dans son livre la République clandestine 1818-1848 certains ouvriers sont souvent liés à des étudiants de sensibilité républicaine et égalitariste. Ces deux groupes se rencontrent dans les quartiers étudiants comme le quartier latin ou dans des cafés. Par ailleurs des étudiants en médecine comme les jeunes républicains François Raspail ou Robin Morhéry pratiquent des soins gratuits dans les quartiers pauvres des Faubourgs, ce qui leur permet de rencontrer de nombreux ouvriers.

    Ces étudiants et ouvriers bien qu’ayant des divergences politiques et sociales, affichent une sympathie pour l’opposition libérale à cause de son combat anticlérical et sa lutte en faveur de la liberté de la presse. Ainsi lors d’enterrements de personnalités d’oppositions ( Ex : Général Foy, Jacques Manuel) on retrouve dans les cortèges des notables libéraux mais aussi de nombreux étudiants et des ouvriers (Fureix, 2002). Enfin la police a parfois eu à faire à des manifestations violentes d’étudiants et d’ouvriers en réaction aux évènements qui touchent la chambre des députés. En 1820 lors des débats sur le scrutin (loi du double vote), un étudiant est tué par un soldat devant les Tuileries. En 1827 au quartier latin après la victoire des libéraux aux élections, des barricades sont érigées. Les affrontements voient 21 morts du côté insurgé dont une majorité issue du monde ouvrier. Ce type de manifestations peut de fait apparaître comme une répétition de ce qui va se passer lors des 3 glorieuses.

    Du sacre de Reims aux trois glorieuses : la menace contre-révolutionnaire

    Louis XVIII meurt en septembre 1824. Sa mort donne naturellement lieu au règne de Charles X, chef du parti des Ultra. Son règne matérialise alors la crainte pour de nombreux libéraux d’un renoncement à la Charte et d’une pratique anti-constitutionnelle du pouvoir. Ces soupçons sont corroborés par plusieurs mesures politiques. Tout d’abord, la loi punissant le sacrilège de mort en 1825 et le retour des congrégations jésuites stimulent le sentiment anticlérical en France. De plus, la tentative de rétablir le droit d’aînesse en 1826, la loi du milliard qui indemnise les émigrés ayant perdus leurs bien durant la Révolution française et la suppression de la garde nationale font perdre définitivement au régime le soutien de la bourgeoisie. Face à cette politique réactionnaire, l’opposition libérale se renforce aux élections législatives de 1827. Après avoir tenté d’apaiser la situation en 1828, en jouant le jeu du parlementarisme, Charles X décide de rompre avec cette pratique parlementaire qu’il voit comme un prélude à une nouvelle révolution. Ainsi durant l’été 1829, il nomme comme président du conseil son ami Jules de Polignac, émigré de la première heure en 1789 et fils de l’amie intime de Marie-Antoinette ce qui provoque une vive émotion chez le peuple de Paris. Polignac est en effet considéré par l’opinion public comme le symbole de l’ancien monde bigot.

    Charles XCharles X © Horace Vernet

    Charles X veut s’en tenir à une lecture stricte de la Charte de 1814 dans laquelle il peut renvoyer et nommer lui même ses ministres sans responsabilité face aux députés. Cela aboutit à une querelle institutionnelle et politique  entre la chambre libérale et le Roi durant le printemps 1830. Charles X décide de dissoudre la Chambre en espérant obtenir une majorité parlementaire mais le bloc libéral est vainqueur. Il décide alors avec ses ministres de faire un coup de force en publiant plusieurs ordonnances le 25 juillet : suspension de la liberté de la presse, nouvelle dissolution de la chambre. Enfin, le Roi supprime la patente du calcul du cens électoral ce qui est en défaveur de la bourgeoisie industrielle et commerçante d’opinion libérale et il réduit la chambre de 453 députés à 258.

    Les trois glorieuses (27, 28 et 29 juillet)

    Ces ordonnances du 25 juillet donnent de fait lieu à une confrontation entre la Couronne des Bourbons et ses opposants qui sont eux aussi préparés à résister à l’épreuve de force depuis des mois. Le banquier Lafitte, partisan de la solution orléaniste patronne avec Talleyrand à partir de janvier 1830 un quotidien Le National dirigé entre autres par Adolphe Thiers et qui s’oppose avec virulence à la politique ultra de Charles X. Au même moment, face à la crainte d’un coup de force de Charles X, se crée l’Association de janvier qui réunit des étudiants républicains comme Robin Morhéry et des ouvriers. Cette association s’organise militairement dans Paris avec une municipalité clandestine dans chaque arrondissement prête à passer à l’acte en cas de coup de force du Roi.

    Combat devant lCombat devant l’Hôtel de Ville de Paris © Jean Victor Schnetz

    Ainsi lorsque le 26 juillet, Le Moniteur, journal officiel du pouvoir publie les ordonnances, l’opposition libérale à la chambre est prise de court. Seulement 50 députés dont Laffitte et Périer sont encore à Paris du fait que la réunion des chambres est seulement prévue pour le 3 août. Différents journaux d’opposition se réunissent  et décident de publier une protestation pour le lendemain, ce qui provoquera la saisie des presses par le Préfet de Police. Pendant que les députés libéraux improvisent des réunions interminables sur la stratégie à entreprendre, espérant un retrait des ordonnances, l’Association de janvier lance une action révolutionnaire avec l’aide des ouvriers parisiens. Le 27 juillet, différentes barricades dans Paris sont construites tandis que des échauffourées ont lieu entre les ouvriers typographes mis au chômage par la censure et la garde royale devant le Palais-Royal. Le 28 juillet la situation dégénère. Paris est mis en état de siège. Le Maréchal Marmont envoyé la veille par Charles X cloitré à Saint-Cloud, pour rétablir l’ordre dans la capitale est dépassé par les évènements. Avec des troupes mal organisées et en manque de moyen matériel, les heurts deviennent de plus en plus incontrôlables tandis que les révolutionnaires gagnent le concours d’ancien officiers bonapartistes. L’Hôtel de Ville est alors pris par les insurgés qui hissent le drapeau tricolore symbole de la Révolution de 1789. Enfin le 29 juillet, le Maréchal Marmont abandonne la ville et le Louvre et les Tuileries, emblème du pouvoir royal sont pris par les insurgés.

    LienLa liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix

    L’hésitation de 1830

    « Voici donc la bourgeoisie à l’œuvre et commençant, le jour même du triomphe populaire, son travail de réaction » écrit le romancier Alexandre Dumas, pour désigner l’atmosphère qui suit les trois glorieuses dont il est lui même participant. Tout d’abord, dans la ville de Paris, comme le montre l’historienne Mathilde Larrère, les notables bourgeois prennent le relais des combattants insurgés en recréant de façon autonome des légions de garde nationale dans chaque arrondissement. Ces actions ont pour but de rétablir l’ordre bourgeois et régulariser la victoire d’un peuple armé qui bien que vainqueur des Bourbons inquiète par sa force (Larrère, 2016). Le gouvernement provisoire place ensuite la garde nationale sous l’égide du Général La Fayette qui bien que se déclarant républicain est plus sceptique dans l’instant et prêt à se rallier à la solution orléaniste.

    Duc dArrivée du Duc d’Orleans à Paris le 29 juillet 1830

    Ensuite, sur le plan politique, la victoire des étudiants républicains et des ouvriers dans les rues de Paris fait craindre le retour de la République jacobine et de la Terreur pour les bourgeois libéraux qui sont restés souvent attentistes durant la révolution. Mais une fois que l’insurrection a vraiment triomphé et que Charles X est en position d’infériorité, l’opposition libérale s’organise. Elle est réunie à Paris dans l’Hôtel particulier du banquier Jacques Laffitte et désire désormais voir triompher la solution orléaniste pour éviter la République. Les députés désignent ainsi une commission municipale qui s’apparente à un gouvernement provisoire. Cette commission qui siège à l’Hôtel de Ville dès le 29 juillet et dont sont membres les libéraux Guizot et Périer a pour but de prendre d’avance les Républicains. Ensuite après des contacts établis par l’intermédiaire de Thiers et de Talleyrand avec le Duc d’Orléans, qui se montre avenant, les députés libéraux le nomme Lieutenant général du Royaume. Cette décision est appuyée par l’affiche de Thiers collée partout dans les rues de Paris :  « Charles X ne peut plus rentrer dans Paris : il a fait couler le sang du peuple. La République nous exposerait à d’affreuses divisions : elle nous brouillerait avec l’Europe. Le duc d’Orléans est un prince dévoué à la cause de la Révolution Le duc d’Orléans ne s’est jamais battu contre nous. »

    Le 31 juillet, La Fayette, commandant de la garde nationale trahit son discours républicain, en accueillant à l’Hôtel de ville le Duc d’Orléans. Il donne devant la foule réunie une accolade amicale qui légitime le Duc d’Orléans dans son pouvoir auprès du peuple parisien.

    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Louis-Philippe,_roi_des_Français.jpgLouis-Philippe, Roi des Français © François Gérard

    Après le départ définitif de Charles X pour l’Angleterre, le terrain est enfin libre pour la chambre des députés qui révise la Charte malgré une opposition républicaine qui par une adresse à la chambre se lamente de ne pas voir la création d’une nouvelle assemblée constituante. Le 9 août le Duc d’Orléans prête serment devant la chambre des députés et la chambre des Pairs.  Il devient Louis-Philippe 1er, Roi des Français tandis que le drapeau tricolore remplace le drapeau blanc. Le 11 août, Louis-Philippe forme enfin son premier cabinet avec comme Président du conseil, le banquier Laffitte…

    La Réaction orléaniste : la célébration puis la répression

    Dans le journal l Organisateur le Saint-Simonien Prosper Enfantin écrit le 15 août 1830 : « Qui a vaincu lors de ces trois journées de juillet ? Les prolétaires, c est-à-dire le peuple. » tout en déplorant que  « La révolte sainte qui vient de s opérer ne mérite pas le nom de révolution ; rien de fondamental n est changé dans l organisation sociale actuelle ; quelques noms, des couleurs, le blason national, des titres ; quelques modifications législatives […] telles sont les conquêtes de ces jours de deuil et de gloire. »

    Outre plusieurs milliers de blessés, 1900 manifestants perdirent la vie durant les trois glorieuses dont la plupart étaient issus du monde ouvrier et artisanal (Noiriel, 2018). Ainsi en août la presse et le parti orléaniste célèbrent le peuple héroïque de Paris. Le National écrit « Le peuple a été puissant et sublime, c est lui qui a vaincu » tandis qu’un ministre de Louis-Philippe Charles Dupin écrit « Lorsqu il arrive comme aujourd hui qu une dynastie est fondée par suite de l héroïsme des ouvriers, la dynastie doit fonder quelque chose pour la prospérité de ces ouvriers héroïques ». Les ouvriers parisiens attendent avec espoir dans les semaines qui suivent les trois glorieuses des mesures d’amélioration de leurs conditions de vie, qui plus est dans un contexte de crise économique. De nombreux groupements d’ouvriers et cortèges manifestent à l’image de 4000 serruriers parisiens qui viennent en août demander à la préfecture une réduction du temps de travail. On constate aussi des manifestations contre le machinisme. Enfin avec le retour de la liberté de la presse, plusieurs journaux ouvriers naissent dans la capitale dès septembre 1830 à l’image des journaux Le Peuple ou L artisan , ce qui traduit la volonté de la classe ouvrière d’exprimer une parole et la revendication de droits sociaux dans le nouveau paysage politique.

    Pourtant face à ce mouvement ouvrier qui suit les trois glorieuses, le pouvoir se contente de simples mesures cosmétiques en distribuant aux combattants des trois glorieuses les « médailles de juillet ». Sur le plan économique, il ne s’agit en aucun cas de dévier du libéralisme. Le nouveau préfet de la police de Paris, Girod de l’Ain, déclare le 25 août « Aucune demande à nous adressée pour que nous intervenions entre le maître et l ouvrier au sujet de la fixation du salaire ou de la durée du travail journalier ou du choix des ouvriers ne sera admise comme étant formée en opposition aux lois qui ont consacré le principe de la liberté et de l industrie. ». Le nouveau pouvoir après un discours d’ouverture tient ensuite à écarter les ouvriers de la vie publique en les excluant de la garde nationale dès mars 1831 qui devient une milice bourgeoise. Enfin le suffrage censitaire est toujours maintenu, fondé cette fois sur l’impôt non de 300 mais de 200 francs, ce qui augmente le nombre d’électeurs de seulement 90 000 citoyens.

    Casimir PerierCasimir Perier

    En mars 1831, le banquier Casimir Perier devient président du conseil et fait régner l’ordre bourgeois en France. Il fait réprimer à Lyon l’insurrection des Canuts au nom de la liberté du commerce et des négociants. La répression fait 200 morts. Néanmoins Casimir Périer meurt quelques mois plus tard durant l’épidémie de Choléra qui frappe la France en 1832. L’épidémie qui fait environ 20 000 victimes rien qu’à Paris, dévoile la fracture sociale entre la bourgeoisie libérale et les ouvriers. Si les plus aisés ont quitté la capitale pour se réfugier à la campagne, les quartiers populaires comme l’île de la Cité insalubres avec de nombreuses rues étroites subissent une véritable hécatombe.

    Après la mort de Casimir Périer, Adolphe Thiers qui dans les années 1820 s’était fait en tant que journaliste, le chantre des libertés publiques devient ministre de l’intérieur. Il mène alors une véritable politique de répression contre les journaux Républicains en intentant plus de 300 procès contre la presse et les sociétés républicaines (Gilmore, 1997). Stendhal, dans son roman Lucien Leuwen d ont le se focalise sur les années 1830, écrit ce qui pourrait symboliser les premières années du règne de Louis-Philippe : « Depuis la révolution de juillet, la banque est à la tête de l’État – et la banque est la noblesse de la classe bourgeoise  (…) car le roi n’aime que l’argent ; il a besoin de beaucoup de soldats pour contenir les ouvriers et les républicains. »

    Références :
    CLÉMENT Jean Paul. Charles X. Le dernier Bourbon . Éditions  Perrin. 2015
    GILMORE Jeanne. La République clandestine, 1818-1848 . Éditions Aubier. 1997
    GUICHETEAUX Samuel. Les ouvriers en France. 1700-1835 . Éditions Armand Colin. 2014
    LARRÈRE Mathilde. L’urne et le fusil : la Garde nationale de Paris de 1830 à 1848 . PUF. 2016
    NOIRIEL Gérard. Une histoire populaire de la France . Agone. 2018
    WILLARD CLAUDE. La France ouvrière – Tome 1 – Des origines à 1920 . Éditions de l’atelier. 1994

    Pour aller plus loin :
    PINKNEY David. La Révolution de 1830. PUF. 1988
    BORY Jean-Louis. La Révolution de Juillet. Gallimard. 1972

    L’article 1830 : Les trois glorieuses ou la révolution volée est apparu en premier sur Le Vent Se Lève .